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à jour / updated :
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contact montage
lepeps qui remercie le Gal Pierre CAUBEL de lui
avoir permis de reporter ses documents authentiques.
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Oublier?
Jamais !!!
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![]() EA 58 |
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Général (2ème
S.) Pierre CAUBEL ==> Cher camarade, C'est ainsi qu'avec
beaucoup de
tristesse je constate que "La Guerre d'Indochine" s'efface aujourd'hui
de la mémoire collective de notre pays. Mes propres
petits-enfants ont davantage entendu parler de la Guerre du Vietnam, si
solidement ancrée dans l'âme de nos amis
américains. Et si parfois on évoque devant eux
l'Indochine, c'est le plus souvent pour stigmatiser une présence
coloniale en effaçant, bien sûr, tous les apports de cette
présence : routes, voies ferrées, ports ou Institut
Pasteur, etc. Mais là où
ma
tristesse se transforme en colère, c'est lorsque je constate que
cet effacement se produit même au sein de l'armée de
l'air! Ainsi, en décembre 2009, à l'occasion des 75 ans de l'armée de l'air, j'étais convoqué par le CEMA, avec une cinquantaine de vieux barbons comme moi, pour écouter un "historien officiel de l'armée de l'air" nous exposer ces 75 ans d' "histoire". La guerre d'Indochine (avec ses 40 000 morts du CEEO1) n'a qu'à peine été citée, Dien-Bien Phu oublié. Elle a dû abandonner ses pages de gloire au profit de cette "Guerre zéro-mort" (sic) dont se félicitait le CEMA de l'époque, oubliant pour sa part les dizaines ou centaines de milliers de victimes civiles et toute une économie régionale de l'Europe détruite pour transformer le Kosovo en pays musulman ! Le lendemain je n'ai pu
m'empêcher d'écrire à cet "historien officiel" une
lettre pourtant sans agressivité… Il n'a pas daigné me
répondre. Vous pouvez alors imaginer
quels
ont été mes sentiments en découvrant les quelques
lignes nécrologiques consacrées dans le dernier
numéro du "Piège" à la mémoire du
Général Rhenter. L'Indochine y est comme par hasard
passée sous silence ! C'est oublier qu'avant d'être chef
d'état-major de ceci ou de cela, le Général
Rhenter a d'abord été un pilote, un combattant et un chef
exemplaire comme Chef d'Opérations du GB 1/91 Gascogne, sur B
26. Contrairement à ce que semble faire l'armée de l'air
aujourd'hui, c'est cette image que je garde de lui, bien plus que celle
du général à cinq étoiles ! Pour moi, le général Rhenter, c'est d'abord cette phrase si souvent entendue sur la VHF, dans le ciel d'Indochine, en début de "run" de bombardement : "Ici, Cinzano Noir, je passe sur inter !"*** Nous ne
devons plus être que trois ou quatre dizaines à garder
encore ce souvenir dans nos mémoires. J'aurai aimé
écrire ici "cordialement" avant de signer cette lettre.
Veuillez, mon Général, m'en excuser. J'ai le cœur trop
lourd pour le faire. *** La procédure, pour les bombardements en formation à plusieurs avions, demandait au "leader" de quitter l'écoute de la VHF en début de visée, afin de ne pas être gêné dans son dialogue avec le bombardier sur l'interphone de l'avion. Il prévenait ses équipiers en annonçant sur la VHF : "Je passe sur "inter"…(phone)… D'où le calembour devenu classique lorsque le Capitaine Rhenter prononçait cette phrase de procédure |
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![]() ![]() Le Sgt Goguet
à gauche, Caubel à droite.
Goguet en équipage avec le Lt Béglia (?), quelques jours après l'aventure de Caubel, touché au-dessus de Dien-Bien-Phu, Béglia a essayé de rejoindre Vientiane mais a finalement été contraint de se crascher sur le Mékong. Goguet s'est noyé en évacuant l'avion. ![]() Un atterrissage malheureux
au retour de DBPhu, le 10 avril 1954, la roulette de nez s'est mise en
travers !!!
![]() B26 en route vers Tan Hoa ![]() B26 "0" en route vers l'objectif ![]() Une bombe reste accrochée, en travers, fusée armée. Gros stress, danger imminent. Finalement larguée en mer. ![]() 3 navigateurs attendent l'ordre de décollage. A gauche, Lt Baujard. Celui du milieu, le Lt Tharaud, sera aussi abattu au dessus de Dien Bien Phu le 26 avril 1954 et ne réussira pas à évacuer le B 26 en feu . RESPECTONS SA MEMOIRE. ![]() Préparatifs avant mission sur B26. ![]() B26 au crépuscule |
![]() L'auteur, à l'époque lieutenant pilote de B26 au Groupe 1/25 "Tunisie", a été descendu par la DCA viet le 26 avril 1954 au-dessus de la cuvette de Dien-Bien-Phu. Fait prisonnier, il a fait la longue "marche" jusqu'au camp numéro 1. Il nous fait ici un récit très original sur la logistique viet dont il a pu mesurer l'ampleur tout au long de ses 30 jours de marche vers la captivité. Le général Caubel a terminé sa carrière en mars 1980 au poste de commandant adjoint des Forces Aériennes Stratégiques. L'on a beaucoup écrit sur les erreurs de jugement d'un Haut Commandement peu créatif, embourbé depuis des années avec des moyens insuffisants face à une guerre révolutionnaire. L'une de ces erreurs de jugement, reconnue de tous, a été l'excès de confiance que lui a donné la supériorité aérienne totale dont il disposait à l'époque. L'aspect le plus préjudiciable de cet excès de confiance a consisté en un total manque d'imagination et la certitude absolue de l'évidente capacité pour le Viet-minh d'acheminer sur le site de Dien-Bien-Phu un corps de bataille complet avec ses matériels lourds et tout la logistique correspondants. La seule vois d'accès empruntait en effet la RP 41, l'ancienne "Route Provinciale No 41", l'équivalent d'un chemin vicinal de nos campagnes françaises sur plus de 400 kilomètres! Cette route traversait le Haut Tonkin , au milieu de puissants massifs montagneux entrecoupés par des profondes vallées du Fleuve Rouge, de la Rivière Noire et de la Song-Ma. Il était en effet évident aux yeux de ce Haut commandement que le moindre déplacement sur ce chemin vicinal serait immédiatement, décelé par nos avions, "traité" comme il se devait par nos B26 Invaders et autres "Privateers". Les chasseurs "Bearcats" ou "Hellcat", venus du Delta ou déjà déployés sur le site, ne feraient ensuite qu'une bouchée des morceaux restants. De toute façon on s'assurerait du traitement préalable systématique de tous les "points sensibles" de la route, ces zones de virage en lacets abrupts, s'enchaînant sur des kilomètres au-dessus d'à-pics impressionnants. La moindre attaque sur l'un de ces points ne manquerait pas interdire la route pour des semaines, sinon des mois. Et pourtant c'est effectivement un corps de bataille de 50000 combattants que les Viets ont réussi å acheminer. On cite aussi le chiffre de 50000 hommes supplémentaires pour assurer leur logistique directe et enfin celui de 100 000 coolies, hommes, femmes et enfants, qui constituaient la fourmilière grouillante chargée des transports de base et des réparations de la route. Le matériel convoyé sur ce mince cordon ombilical: des canons de 105, des mortiers. des armes anti-aériennes jusqu'au 37 mm. et toutes les munitions en abondance... Enfin. pour nourrir ce petit monde, quelques 20 tonnes par jour de riz! Paradoxalement cet aspect de la bataille n'a que peu intéressé les auteurs si nombreux à écrire sur Dien-Bien-Phu: cet exploit inimaginable (ou plutôt «inimaginé») des Viets. Les circonstances m'ont permis de et comprendre comment ceux-ci avaient réussi cette performance, acheminer tout un corps de bataille, son matériel lourd, faire vivre quelques trois cent mille personnes dans la jungle de la «haute région» pendant plus de trois mois au nez et à la barbe du Corps Expéditionnaire français. Ces circonstances?... Un obus de trente-sept dans le moteur droit du B 26 que je pilotais au-dessus de la cuvette, à la tombée de la nuit du 26 avril, pour justement attaquer le site supposé d'une batterie de DCA. Mon avion a été touché juste après le largage de mes bombes... je peux donc espérer que celles-ci ont atteint les canonniers qui m'ont descendu. Il faut savoir se contenter d'un peu d'espoir. Après avoir réussi à évacuer l'appareil en parachute. une évacuation réputée «aléatoire» d'après la notice du B 26, je me suis donc retrouvé au sol en pleine brousse dans la nuit. Au petit jour je retrouve mon navigateur, le lieutenant Baujard, et ensemble nous prenons la piste espérant rejoindre la colonne française que nous savions remonter du Laos... Nous étions dans le dénuement le plus complet, la trousse de suivie restée dans l'avion !... Un peu confiants cependant. les officiers de renseignement nous ayant toujours assurés de la fidélité des paysans rnéos, ceux-ci ne manqueraient pas de nous accueillir et de nous embarquer vers la liberté... Las! Les premiers que avons rencontrés nous ont immédiatement saisis et garrottés. Notre captivité commençait. Après avoir partagé une ou deux nuits la vie préhistorique de ces tribus antiques, celles-ci nous ont emmenés après trois jours de marche forcée dans la montagne, les bras liés derrière le dos au niveau des coudes, sur les arrières viets de la bataille dans une zone que nous avons pu identifier par la suite comme étant les environs de Muong-Phan, à quelques vingt kilomètres de l'est de Dien-Bien-Phu. Ce fut là notre première surpris: sous le couvert de la forêt un caravansérail inimaginable, grouillant d'hommes et de femmes et même d'enfants! Comment une telle densité de population, si proche du camp retranché, avait-elle pu échapper à toutes nos missions de reconnaissance!... Là, fort heureusemenl, les «Bo-doïs» (les soldats viets] nous ont protégés de la foule sinon nous aurions vite été transformés en charpie !... Attachés à un arbre, des gosses venant renifler sous notre nez pour voir à quoi ressemblaient ces «criminels de guerre, suppôts de l'impérialisme, du colonialisme et du Capitalisme». Un souvenir curieux me vint bizarrement à l'esprit celui de Monsieur Fenouillard. Créé par Christophe, l'ancêtre des auteurs de bandes dessinées, Monsieur Fenouillard était prisonnier des Indiens sioux avec sa famille, et lui aussi attaché à un arbre victime de la curiosité et de la dérision de ses geôliers. au milieu d’une foule étrange qui ressemblait tout à fait à celle qui nous entourait! Comment cette foule compacte avait-elle pu ainsi échapper nos reconnaissances? Nous avons vite appris toutes les astuces et précautions des Viets dans les moindres détails, en matière de camouflage et de discrétion Un premier exemple: pour faire vivre et nourrir tout ce monde, il fallait bien faire cuire le riz, seul aliment disponible... Les feux indispensables à cette cuisson devaient être alimentés avec du bois sec le jour pour éviter toute fumée capable de traverser la haute futée tropicale qui camouflait aisément la lueur des foyers. Au contraire, la nuit, un bois humide évitait une lueur trop intense et dans l'épaisse obscurité de la nuit et de la mousson aucune fumée ne risquait de dévoiler la présence de tout ce monde! Mais c'est dans la longue marche vers le camp No 1, à quelques 600 km de Dien-Bien-Phu, sur cette RP 41 que nous connaissions par coeur vue du ciel, que nous sommes allés de surprises en surprises. Tout le long de la route, sur presque chacun de ces 400 km, c'était encore une foule considérable, fourmilière grouillante, qui se déplaçait dans un va-et-vient permanent toutes les nuits. Hommes et femmes chargés comme des baudets ou poussant les fameux "vélos de charge" avec quelque 100 kg de riz, n'interrompaient leur marche que pour laisser passer les convois de camions Molotova. Tout cela dans la nuit? 0ui, mais une nuit éclairée de mille et mille torches de bambou que chacun tenait allumées tout en trottinant avec ce pas typique des coolies avec leurs balanciers. Une véritable féerie nocturne! Par endroits. sur Ie versant de la montagne, c'étaient des kilomètres et des kilomètres de cet interminable serpent lumineux que l'on pouvait embrasser d’un seul coup d'oeil. Les processions de Lourdes se trouvaient reléguées loin derrière malgré leur milliers de cierges !... Comment nos reconnaissances n'avaient-elles rien vu ? Les Viets, manifestement avaient mis sur pied un réseau d'alerte efficace tout au long du cordon ombilical. Un réseau téléphonique, relayé par une structure humaine originale parfaitement réglée: ainsi. chaque nuit à un instant ou à un autre, une rumeur montait le long de la route et, venant de l'est s’amplifiait rapidement... «To Baì !...To Baì !» un avion, un avion !...Clameur poussée et répétée à l’unisson. Immédiatement toutes les torches s’éteignent simultanément, les camions s'arrêtent et éteignent leurs phares à demi masqués, plus la moindre cigarette n’est tolérée!... La rumeur se déplace d’est en ouest, plus vite qu'un avion. En effet, quelques minutes plus tard, le lointain ronronnement d'un avion commence à se faire entendre et enfin c'est le vrombissement des moteurs qui arrive au-dessus d’une immensité obscure. C'est. nous le savons, le «Privateer» qui fait sa reconnaissance de nuit. Dans deux heures il sera rentré à sa base; Cat-Bi. L'équipage rédigera brièvement son compte-rendu: «R.A.S». En fin de nuit, tout le monde quitte la route et va rejoindre par des cheminements tortueux un emplacement défini sous le couvert de la forêt ou dans un village abandonné à environ quatre ou cinq kilomètre à l'écart. Dans nos missions nous avions souvent eu comme objectifs des coins de bois écartés de la RP 41 ou des villages abandonnés susceptibles de recevoir des dépôts de riz ou de matériels. En fait, semble-t-il, seuls les hommes étaient réellement éloignés de la route. Le riz et les matériels restaient stockés bien camouflés à proximité immédiate de la route. J'ai le souvenir précis d'un immense champ de barils d'essence, stockés au bord même de la route, dans une grande courbe juste après le passage de la Rivière Noire à Ta-Koa. Les barils, disposés debout à touche-touche, étaient recouverts d'herbe et de branchages bien verts, manifestement remplacés avec soin tous les deux jours !... Que n'aurais-je pas donné pour pouvoir transmettre ce renseignement à Cat-Bi! Le bac de TA-KOA, encore un de nos objectifs de prédilection. Nous avons enfin pu le découvrir: plusieurs immenses barges métalliques halées par de solides câbles d'acier d’une rive à l’autre. A travers le courant rapide de la Rivière Noire. Comment n'avions-nous pas réussi à les détruire? C’est qu’en fin de nuit ces barges étaient éloignées du site, plusieurs kilomètres an aval et là aussi soigneusement camouflées. Le jour, seul subsistait un sol déjà labouré par nos bombes et vide de tout occupant! Au passage nous avons pu retrouver tous les fameux points sensibles, ces «coupures de route» sur lesquelles nous avions déversé des tonnes de bombes «Mercure», «Melchior» ou autres «Mephisto». ![]() Aux endroits où la nature du sol était moins favorable et où l'on ne disposait pas suffisamment de pierres pour refaire la route celle-ci était «habillée» d'un double chemin de rondins de bois, de la longueur et la grosseur d’un bras écartés l'un de l'autre de l'empattement d'un camion. La pluie de la mousson rendait particulièrement glissants ces rails frêles et instables. Les camions Molotova s'engageaient pourtant dessus à grand renfort de coups d'accélérateur et de dérapages mal contrôlés. ![]() A l'un ou l'autre de ces points sensibles les Bo-doïs nous faisaient accélérer le pas: «Maoulen Maoulen!». Nous avons eu l'explication de leurs injonctions: des spécialistes en contrebas de la route étaient en train de récupérer et neutraliser une bombe non explosée. Il y avait un risque non négligeable de la voir éclater d'un moment à l'autre. A une ou deux reprises nous avons pu voir en effet des corps de bombes abandonnés au bord de la route vidés de leurs explosifs, des bombes de 500 livres dont les culots avaient été manifestement sciés à la main!... Une manière simple de se débarrasser des fusées «long-retard», piégées, réputées inviolables, dont ces bombes étaient équipées sur leurs culots. Ces fusées «long-retard» devaient en principe exploser au bout de délais définis: 24, 36 ou 48 heures. Les Viets connaissaient sûrement ces délais. Ils savaient ainsi le temps dont ils disposaient pour accomplir leur tâche périlleuse. L'inquiétude de nos Bo-Doïs ne montrait pas moins que plus d`un de ces démineurs avait dû voir son travail brutalement interrompu par une explosion inattendue. Pendant des nuits et des nuits les kilomètres se sont ainsi succédés. Comme pour bien respecter le «manuel d'emploi de ![]() Général de brigade aérienne Pierre CAUBEL. Son évacuation du B26 au-dessus de la cuvette ci-dessous |
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![]() 1954/09/10. Cauvel
en réemplumage à TOURANE, quelques jours après sa
libération en séjour de RQP, avant le retour en
métropole
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Pierre
Caubel,
«Martini
Émeraude»,
raconte
son évacuation
du
B26 au-dessus de la
cuvette, «Martini
Émeraude» était l'indicatif radio
de
Pierre Caubel. Le GB "Tunisie" était le 1/25, avec l'indicatif
radio "Martini" il était basé à Catbi (le
terrain de Haïphong). L'autre Groupe de B 26, le 1/19,
était le "Gascogne"et son indicatif était "Cinzano" ;
basé à Tourane, il avait un détachement permanent
à Catbi.
Le 26 avril, je faisais une bienheureuse sieste en cette fin d'après-midi. J'avais effectué une mission de plus de trois heures le matin même et, plutôt épuisé, j'espérais bien rester tranquille jusqu'au soir. Las, réveillé en sursaut par le "boy" vers seize heures, celui-ci m'annonçait qu'il me fallait "monter au terrain" immédiatement !... C'était pour repartir sur "D.B.Phu" dans la foulée, avec un flight de trois avions. Notre flight, "Martini Émeraude", décolle vers dix-sept heures. En cette fin de journée, le trajet est truffé de gros cumulo-nimbus de la "mousson" au mieux de sa forme. Ne pouvant les contourner, j'essaye de passer au-dessus en montant jusqu'à près de 5 000 mètres, altitude vraiment limite sans oxygène... Pourtant je traverse encore par moments quelques têtes de cu-nimb. Un moment plus tard je croise un autre flight du Groupe qui rentre, mission effectuée. Par radio son leader nous prévient que la D.C.A. semble particulièrement virulente, un B 26 vient d'être abattu... Pourtant le matin même je me trouvais sur le site et n'avais rien remarqué de plus qu'à l'accoutumée. Bien que toujours confiant dans la robustesse de mon avion, je passe machinalement sur les épaules les bretelles de mon parachute et accroche les deux mousquetons sur les cuisses. C'était là une précaution que nous ne prenions jamais. Avec la chaleur dans les cockpits, nous préférions laisser nos parachutes négligemment sous nos fesses sans nous préoccuper d'en passer le harnais. Arrivé sur la cuvette, je prends l'axe de bombardement au-dessus de ce qui reste du point d'appui "Isabelle", tout au sud du dispositif, à 11 000 pieds (près de 3500 mètres). Notre objectif est une position de D.C.A. viet, camouflée dans la forêt sur la "côte 781", un piton au nord-est du camp retranché. La course de bombardement pendant lequel se faisait la visée, le "run" dans notre jargon, était toujours une affaire délicate. Baujard, le bombardier, allongé dans le nez vitré de l'avion, l'œil rivé au viseur, me passe ses ordres à l'aide d'un instrument, le "Pilot Direction Indicator" (P.D.I.). Il m'annonce ses corrections sur l'interphone : "P.D.I. à droite", "P.D.I. à gauche"... La correction faite, l'aiguille revient au centre. Je réponds : "P.D.I. zéro". Il me faut piloter avec le maximum de souplesse pour faciliter la visée et permettre aux ailiers de suivre sans trop de difficulté. C'est au cours de ce "run", alors que le ciel commence
à
s'obscurcir à l'approche de la nuit, que Baujard m'annonce
calmement :
"- Tu sais, on se fait "vachement" tirer !" Dans ces dernières
secondes
de visée il est trop tard pour faire une "évasive" sans
compromettre
définitivement la visée. "- Continue toujours !..." et je
m'applique de
mon mieux à mon pilotage Enfin Baujard annonce le "bombes
larguées"
libérateur. Je sens l'avion s'alléger de ses deux tonnes
de bombes et
je referme les portes de la soute. Au même instant, nous sommes littéralement encadrés par un véritable feu d'artifice. Les traçantes nous entourent par dizaines. Baujard revient précipitamment du nez de l'avion vers son siège près de moi. J'ai l'impression de voir des traçantes passer entre la carlingue de l'avion et les moteurs. Malgré un essai tardif d'évasive, tout cela ne peut durer bien longtemps. Un grand "flak" m'apprend que nous sommes touchés, puis une grosse lueur sur le côté m'indique que le moteur droit est en feu. Procédure d' "extinction moteur", "passage en drapeau" de l'hélice, rien n'y fait... Le moteur, sans doute touché en arrière de la cloison pare-feu, là où convergent toutes les canalisations d'essence et d'huile, continue à brûler avec rage. Dans quelques secondes l'aile va casser. Il ne reste plus qu'à évacuer l'avion ! J'en donne l'ordre à l'équipage sur l'interphone, en ayant soin d'appuyer simultanément sur le bouton d'émission radio afin que le contrôle à D.-B.-Phu puisse l'entendre. En même temps je largue la verrière. Le mitrailleur dans la tourelle arrière répond "OK" à l'ordre d'évacuation, puis je vois Baujard s'approcher du bord droit du cockpit, se préparant à sauter. Puis, je le vois reculer et se retourner vers moi... Panique, est-ce qu'il refuserait de partir ? Mais je comprends vite, il ne peut pas sauter de son côté à cause du feu sur le moteur et sur l'aile... Heureusement c'est un garçon de petit gabarit, il réussit à se glisser derrière mon siège pour quitter l'avion de mon côté ! Ouf !... Maintenant je suis seul dans cet avion. Il ne me reste plus rien à faire et, pendant une fraction de seconde qui me paraît une heure, je sens la fatigue et la flemme tomber sur moi. Je suis assis sur mon siège, confortable presque en dépit du vacarme que fait l'avion, cockpit ouvert. L'effort de me lever et de sauter me semble énorme pour un résultat peu évident. (l'évacuation en vol sur B 26 était alors réputée aléatoire !). C'est ma fiancée, S...., qui me tire de là. Elle me réveille de cette torpeur, de cet engourdissement qui a failli me prendre. J'ai sur moi, comme d'habitude, un tout petit porte-photos avec deux photos d'elle. Ma main peut le sentir à travers la poche de ma combinaison de vol. Est-ce elle qui me crie angoissée : "Eh ! Dépêche-toi ! Pense à moi !" ? Je m'accroupis sur mon siège, en maintenant autant que je peux l'avion en ligne de vol. Un souvenir très net et très précis : au moment où je lâche le manche j'ai le temps de voir basculer l'horizon artificiel sur la planche de bord. En un sursaut, je me jette sur le côté par-dessus bord tandis que l'avion dont j'ai limité au maximum la vitesse se met en vrille. Un choc un peu dur sur le genou gauche, sans doute le montant du cockpit, et puis ça y est... l'ascenseur vers le sol est en route ! Je descends en chute libre depuis mes 11 000 pieds, en appréciant déjà le silence qui succède au fracas de l'avion. Ce n'est qu'après un moment que je pense qu'il me reste encore quelque chose à faire. Oui, ouvrir le parachute. Là, nouvelle émotion, au moment où je tire sur elle, la poignée me reste dans la main !... C'est parfaitement normal, mais je ne le sais pas. A cette époque, aucune instruction sérieuse n'était donnée aux personnels navigants en matière de parachute, considéré comme un instrument dont l'utilisation était à éviter. Personne ne m'avait averti de ce détail, quand on tire sur la poignée elle vous reste dans la main ! Pendant une nouvelle fraction de seconde je pense que tout cela va mal se terminer et, chose curieuse, j'ai le temps de penser à cette histoire belge idiote qui se racontait au lendemain de la guerre : Ce résistant lâché sur la Belgique, de nuit, au-dessus d'un endroit où il devra trouver un vélo pour poursuivre sa mission... Au moment où il s'aperçoit que son parachute ne s'ouvre pas, il se dit : "C'est bien ma veine, en plus je parie que le vélo sera crevé !" Mais aussitôt, coup de frein brutal, et je peux contempler au-dessus de moi la grande coupole de mon parachute parfaitement déployée. Mes deux coéquipiers ne sont pas très loin, nettement plus hauts que moi. Ils ont dû attendre moins longtemps pour ouvrir leurs voilures. On peut se crier quelques mots : "OK, ça va ?" - "Oui, ça va !" C'est pour moi une immense satisfaction de les voir tous les deux suspendus à leur parachute, apparemment en bonne forme. Suivent alors deux ou trois minutes de réelle béatitude. Assis dans le harnais du parachute je descends doucement. Le silence et le calme sont impressionnants. Nous sommes déjà loin de Diên-Biên-Phu; l'avion a dû parcourir une trentaine de kilomètres pendant que j'essayais sans succès les procédures de secours. Avec la tombée de la nuit le ciel est splendide, calme et comme lavé par les orages de la soirée, encore embrasé à l'ouest par le coucher du soleil. Un bruit sourd, en bas, pas très loin, c'est mon avion qui vient de s'écraser au sol. Là, encore une frayeur, en baissant la tête je m'aperçois que la boucle de poitrine de mon harnais n'est pas fermée ! Tout à l'heure, en vol, j'ai bien passé les bretelles de mon parachute et bouclé les mousquetons sur les cuisses, sans aller plus loin. J'ai sans doute eu beaucoup de chance d'être dans une position favorable au moment où ma voilure s'est ouverte, sinon je serais tout simplement passé à travers le harnais et le parachute se serait ouvert tout seul, me laissant continuer ma route de mon côté ! Mais les meilleures choses ont une fin.
Malgré le
confort de la descente, le sol maintenant se rapproche à toute
vitesse.
J'ai la chance de m'affaler sur une légère pente qui
amortit
sensiblement ma chute. Je suis arrivé, il fait pratiquement
nuit. Je
suis seul dans cette brousse montagneuse de la Haute Région. Les
deux
autres ont dû tomber un peu plus loin. Je m'aperçois que
j'ai mal au
genou, le choc contre l'habitacle en quittant l'avion. La nuit qui a suivi n'a pas été l'une des plus paisibles de mon existence. J'admire les gens qui, dans des circonstances exceptionnelles, continuent à réfléchir comme il faut. Manifestement ce n'était pas mon cas et j'étais obsédé par deux idées : ne pas me faire manger par les fourmis rouges,... comment me sortir de là le plus vite possible sinon S.... n'aurait plus de nouvelles et se ferait du souci ! J'ai trouvé assez vite une solution à la première angoisse qui provenait de ce que, quelques jours plus tôt, un camarade du groupe de chasse de Cat-Bi, contraint au crash en fin de journée à la suite d'une panne de moteur, nous avait raconté qu'il avait passé la nuit à se battre contre les fourmis avant de se faire récupérer le lendemain... Au milieu d'un ruisseau qui était là il y avait un gros rocher à peu près plat. J'ai pu l'atteindre en clopinant. Là je ne risquais rien en attendant le jour. J'ai même dû dormir quelques minutes, car je me souviens m'être réveillé en sursaut, effrayé par l'ombre noirâtre d'une vieille souche morte au-dessus de moi. Elle avait tout d'une silhouette de panthère noire ou d'un quelconque animal féroce !... Pour la deuxième angoisse, on verrait demain. Mais
déjà la certitude qu'il fallait s'en sortir pour
retrouver S.... (qui deviendra ma
femme)
s'était installée en moi. Tout au long des mois qui ont
suivi je n'ai
jamais douté
que j'y parviendrais, pour elle. Mais c'est là une autre histoire… narrée
ci-dessus Haut
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La qualification sur B26
(quelques lignes, écrites par le Gal. Caubel, sur le "Livre d'Or" d'un site d'anciens de l'USAF sur la base de Laon) J'ai fait un stage de deux mois chez nos amis américains sur la base de Laon-Couvron en Février-Mars 1953, pour apprendre à piloter le bombardier Doublas B 26 "Invader"... J'en gardé un excellent souvenir malgré le temps écoulé, plus de cinquante ans !... Les américains nous avaient accueillis avec une extrême gentillesse. Je me souviens les avoir un peu scandalisés en amenant du vin pour boire à table au mess, à la place de l'eau javélisée dont ils se régalaient. J'avais été surpris par les conditions de vie très sommaires de l'américain moyen en campagne. En particulier les tentes "winterized" pleine de boue dès qu'il pleuvait (et il pleut beaucoup à Laon en hiver !). Mais le souvenir le plus pittoresque est celui des toilettes communautaires où tout le monde se retrouvait dans une grande salle avec quelques vingt-cinq sièges de W-C, sans porte ni cloison. . Je me souviens même un jour m'être retrouvé à côté du Commandant de Base qui faisait sa petite affaire sans se presser mais un peu bruyamment, avec un gros cigare au bec et en lisant le New-York Herald... Très convivial en quelque sorte ! Mais je me souviens surtout de ma transformation comme pilote sur B 26 Invader, un avion merveilleux dont j'ai pu faire par la suite près de 1000 heures de vol. Cela ne s'est pas toujours bien passé, puisque je me suis fait descendre par la DCA Vietminh au dessus de Dien Bien Phu et suis resté prisonnier pendant six mois dans des conditions dramatiques... Amical souvenir à nos amis américains s'ils tombent un jour sur ces lignes ! source |
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3 à 400
photos du Douglas A.B26 Invader dont plusieurs séries de
Caubel.![]() |
![]() |
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B26 ==> Vautour ==> MirageIV![]() |
Extraits d'un colloque, tenu à la
Sorbonne, sur les forces de dissuasion nucléaires ![]() ![]() J'ai commandé un escadron de Vautour et j'ai commandé le premier escadron de Mirage IV. Tout à l'heure M. Cabrière a dit que la réalisation du Mirage IV était un défi national ; lorsque j'ai commandé cet escadron, je sentais qu'effectivement moi et mes équipages et mes mécaniciens, on était la cheville ouvrière qui venait in fine réaliser ce défi. Cà mettait dans notre action une foi que je n'ai jamais connu nulle part ailleurs. Une foi dans notre mission et une fierté étonnante de cet avion merveilleux que nous venions de recevoir. Pour la première fois depuis que j'étais rentré dans l'armée de l'Air, je voyais enfin l'armée de l'Air avec un avion qui était de la classe internationale. Jusque-là, tout le temps on était un petit peu à la bourre : on essayait de courir après des avions, les Américains étaient toujours devant nous ; là, pour la première fois, l'armée de l'Air était enfin à jour. Depuis, elle l'est restée définitivement, c'est dire à quel point, il y a une différence énorme entre ces deux commandements. source |
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Les
paras se souviennent Suite de notre évocation des 75 ans de l'armée de l'Air, avec les témoignages que j'avais recueillis en 2004, à l'occasion des 50 ans de Dien Bien Phu. Dans ce papier à deux voix que je n'ai pas réécrit figurent volontairement les témoignages de deux aviateurs d'exception, un marin, Bernard Klotz (disparu quelques mois après notre rencontre), et deux aviateurs de l'armée de l'Air, Pierre Caubel et Marc Bertin. A l'époque, on ne se pose pas de questions existentielles, on combat... Dien Bien Phu n'a pas été planifié par des aviateurs. Topographie, saison, nuages persistants au-dessus de la cuvette), zones de largages insuffisantes et trop exposées au feu ennemi, éloignement des bases de départ... : pour l'aviation, pas un facteur de succès possible. Les aviateurs que nous avons rencontrés, 50 ans après cet épisode, n'ont pourtant jamais explicitement mis en avant tous ces facteurs défavorables. Jamais tenté de nous dire tout le mal qu'il en pensait. Ils étaient là pour accomplir leur mission : ils l'ont fait du mieux qu'ils pouvaient, avec le matériel -souvent à bout de souffle, très souvent inadapté- qui leur avait été confié. Et là encore, impossible de trouver quelqu'un pour s'en plaindre. Bernard Klotz n'était qu'un lieutenant de vaisseau (de 28 ans, 78 en 2004) parmi d'autres, en 1954. Troisième campagne en Indo, au sein de la flottille 11F, après avoir découvert Hanoï le 6 mars 1946 (jour où Leclerc débarque), comme simple "bordache", à bord du dragueur D334. Et goûte déjà l'odeur de la poudre. De l'action aussi : il décide de s'en rapprocher, en devenant pilote de l'aéronavale. Son goût de l'aventure ne sera pas déçu. Klotz survolera une cinquantaine de fois la cuvette, larguant ses bombes, tirant ses roquettes, faisant cracher les mitrailleuses de son Hellcat sur les accès des points d'appui convoités par le Vietminh. Ou, souvent en pure perte, sur la RP41, le poumon qui amène la logistique ennemie. 50 ans après, le toujours jeune pilote n'a guère d'illusions sur les dommages qu'il a pu causer à la RP 41, aussitôt comblés par une armée de coolies. Mais il continué, sans relâche, jusqu'au 23 avril. De Castries veut contre-attaquer, pour reprendre Huguette 1, submergée dans la nuit. Les chasseurs de la Marine doivent soutenir les paras, au sol. Sans leur tirer dessus : comme d'habitude, il faut donc descendre très bas pour effectuer le "straffing". Quelques secondes suffisent aux artilleurs viets pour faire un carton. Ce jour-là, ils sont particulièrement en forme. La flottille 11F en a payé le prix : le second maître Robert -il mourra en captivité- et Edouard Lespina (le 15 mars), un camarade de Navale de Klotz. L'heure est venue, pour ce dernier. "En bas de ressource, je suis touché par une rafale d'obus, sans doute du 20 mm, alors que je viens de larguer mes bombes. Mon tableau de bord a éclaté, les flammes se sont emparées de mon chasseur Hellcat". La bataille aérienne est finie pour Klotz : blessé, récupéré de justesse par des légionnaires, il viendra renforcer la garnison : sous les ordres du colonel Guérin, il planifiera les opérations aériennes de ses camarades. Pierre Caubel a tenté, lui aussi, d'inverser le cours des choses, avec son B-26 du GB1/25"Tunisie". Un bimoteur de bombardement à haute altitude. Six bombes de 227 kg à chaque aller, pour desserrer un peu le noeud qui se resserre chaque jour autour du camp retranché. Le jeune lieutenant de l'armée de l'Air suit malheureusement le même chemin que Klotz, le 26 avril. Trois jours auparavant, un B-26 du GB "Gascogne" a été abattu. Trois heures avant Caubel, un B-26 du "Tunisie" a été perdu. A 18h30, un rafale de 37 mm ne laisse guère d'issue au pilote, au Lieutenant Baugeard (navigateur) et au Sergent-chef Texier (mitrailleur arrière). "Au moins mes bombes sont parties détruire cette batterie de DCA" se souvient Caubel, philosophe. Au total, l'aviation perdra près de 80 avions dans la bataille. Des avions de combat, évidemment, mais aussi les précieux avions-cargo, qui acheminent paras et logistique à "DBP". Qui évacueront, un temps, les blessés, avant que le dernier "Dak" prévu pour le faire, ne soit stoppé‚ par un obus. Les blessés pourront encore profiter de l'"ange", Geneviève de Galard, qui devait, ce jour-là, rapatrier des blessés graves. Les avions-cargos reçoivent une volée de plomb à chaque passage au-dessus de la cuvette. Ils y retournent à chaque fois. Enfin, ceux pilotés par les aviateurs français, ceux menés par les mercenaires américains ayant apparemment régulièrement des problèmes techniques. Le lieutenant Marc Bertin (86 ans en 2004) pilotait les C-119 "Packet", généreusement prêtés par l'US Air Force. Il vient d'arriver en Indo, en mai 1953, et commence sur Dakota, au GT "Béarn", connu comme le "groupe des Boeufs" (NDLR : qui figurent sur l'emblème de l'unité). Le 20 novembre, il largue les parachutistes chargés d'occuper DBP. "Je suis dans une grande corrida de 65 Daks et je suis leader de la 17e section, raconte-t-il, comme s'il était encore dans son cockpit". Dans la carlingue, 24 paras. Mais la météo complique le largage. "Je suis arrivé en semi-piqué sur la DZ. Nous avons fait une noria dans la cuvette, ce qui a modifié l'ordonnancement des largages". L'après-midi, nouveau passage : largage de matériel, pour que les paras puissent durer. Puis, pendant des semaines, des centaines de tonnes de… barbelés. "Quand ils tombaient à terre, ces barbelés étaient de véritables bombes. Des curieux venaient voir en entendant les avions : il y a eu des morts". Le 7 décembre, changement d'échelle, sur C-119 « Packet ». C'est le moment aussi où le pilote comprend, du ciel, que la bataille qui couve "sera dure à gagner". Ce même mois, sur le tarmac de DBP, un pilote, le capitaine De Fontanges, vétéran de la deuxième guerre mondiale, prophétise. "Un sous-off de la coloniale lui a demandé la permission d'embarquer pour une virée à Hanoï. Mais il n'avait pas d'ordre de mission. Le capitaine lui dit qu'il est obligé de refuser, vues les priorités. Et il lui lance : 'tu sais pas combien cela peut m'emmerder car vous y creverez tous dans cette cuvette. Tu m'entends : tous !' ". En janvier, changement d'ambiance : Bertin essuie les premiers tirs de mitrailleuses de 12,7 mm. Les avions successifs de Bertin ont été touchés 11 fois… en moins de 12 mois de combats en Indo. "On voyait très bien les obus de 37 mm monter vers nous par grappes de cinq" se souvient-il encore aujourd’hui. Le 13 mars, "ça commence réellement à chauffer" note Bertin, dont la mémoire est intacte. Comme Klotz, il parle sans note. Il se souvient avoir survolé la cuvette le matin. L'après-midi, les C-119 sont pilotés par des américains. Certains feront demi-tour en voyant la muraille de feu s'élever devant eux. Bertin ne roule pas des mécaniques. Son C-119 larguait plus haut que les « Daks ». Et largue en une fois, par la trappe arrière. "Pour les "Daks", il fallait 13 à 14 passages pour vider la soute". Par la porte. C'est l'hécatombe. Le patron de l'armée de l'Air sur place, le Colonel Nicot ordonne des largages en altitude, avec parachute-retard. Directement dans les zones tenues par les viets. Caubel le découvrira, par la suite : un viet lui offrira une cigarette, pendant sa captivité. En lui disant qu'elle provient des largages français. Caubel, gros fumeur, ne goûtera pas celle-là, préférant attendre sa libération. Le capitaine Soulat, patron du GT Béarn, vétéran de la Lybie, de l'Angleterre, trouve la parade : "ils nous a obligés à larguer à basse altitude, mais seulement de nuit" explique Bertin, qui vénérait son chef emblématique. Dans la nuit du 6 au 7 mai, De Castries demande de stopper les parachutages. Bertin, comme les aviateurs, a compris. Il n'effectuera pas son 138e largage. Ne viendra pas chercher Klotz, Caubel, et tous les autres. "Aujourd'hui, je suis encore à la recherche, vaine mais complexe, du sens à donner à ce dont j'ai pu être témoin : un immmense gâchis..." Du 1er octobre 1953 au 30 septembre 1954, le pilote aura volé 1107 heures. Ses successeurs, aujourd'hui, n'en font pas le tiers annuel, même en temps de guerre. Ci-contre : le malicieux Pierre Caubel, exhibant le bol à riz, souvenir de sa captivité. source mamouth Haut de Page |
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LE
GB 1/25 EN INDOCHINE
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Aspects
du
soutien
aérien
dans
la
bataille
de
Diên
Biên
Phû par Philippe
Gras
sur Cairn.info L’emploi de l’armée de l’Air
en Indochine, souvent marqué par l’incompréhension et les
bricolages, est pourtant paradoxalement facteur d’innovations
fondamentales dans l’optique de l’utilisation d’une aviation en guerre
coloniale...
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y a une éternité ... en 2004, un doc produit pour les 50
ans de Dien Bien Phu pour l’ATAM (Association des Transporteurs
Militaires). Retrouvé
dans mes archives, mis tel quel ... On dirait un truc du siècle dernier
... Commandé par mon
copain Xavier Gras. http://www.slideshare.net/vinet
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