23/04/2008
Les derniers sons d'agonie de la cloche fêlée chez lepeps !!! <== CLIC Les réactions<== EA58
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le patrimoine des Abers - Landéda - Lannilis
Il y a de la
grogne et cela à juste raison. La majorité silencieuse
commence à s'irriter de ceux qui ont toujours la
parole ( ou les même slogans et clichés ) et de
ceux qui les diffusent avec complaisance, laissant
croire qu'il s'agit de l'opinion de tous les français.
Vous avez besoin
de calme et je vous propose une histoire champêtre
gentille et à l'intérêt modeste...
Voici une
vue du clocher de Landéda. Il n'est pas beau, même laid
et se termine, tout en haut, par une coupole en capuche
du plus vilain effet. C'est un clocher classique à deux
galeries - plate-formes entourées de parapets en
pierres- et contenant trois cloches. Les clochers
bretons, ceux de l'ouest, sont tous coiffés
par une superbe pointe décorée de protubérances
(voir la vue du clocher de Ploudaniel ci-contre, à
droite) et qui parsèment la campagnes tels des
dards pointés vers le ciel.
Intrigué par cette difformité peu bretonne, j'ai
cherché, dans les archives départementales la cause
de cette étonnante anomalie si peu en accord avec
la foi exacerbée de la Basse Bretagne qui la
matérialisait sous forme d'incroyables églises et de
clochers flamboyants peu en rapport avec les
possibilités financières et humaines des
petits et minables villages
très " plouquestres " de la province.
En 1821, le 22 décembre, Landéda, sous la pluie (le Peps est content)
dans l'extrême ouest, vaque et s'agite mollement. La
campagne française, ayant subi trop d'agitations,
est retombée au niveau du moyen-âge et la Basse
Bretagne isolée, sale, ignorante et superstitieuse,
expose tristement son retard en regard du reste du pays.
Le village doit être minable mais le clocher, symbole de
la foi, doit être superbe et la pointe orgueilleuse se
doit d'avoir rien à envier à ses voisines
éparpillées aux alentours. La guerre des clochers a
toujours sévi en Basse Bretagne et l'honneur et
l'orgueil d'un village se sont toujours exprimés au
travers de leur clocher. Au pied de l'église, dort
un superbe ossuaire dont, je crois, dans un article "
les sépultures de nos ancêtres " je vous avais
expliqué la fonction. En cette fin de décembre, le temps
est..... breton et un énorme orage éclate à la verticale
du bourg ( en Basse Bretagne on ne dit pas village mais
" bourg"). La foudre, à 12 heures, tombe sur la
pointe du clocher et la pulvérise : la moitié tombe
sur l'église datant d'avant 1486 ( le clocher est de
1731 ) et la détruit en partie. L'ossuaire, sous
l'avalanche de pur granite breton, a succombé
immédiatement. Le bourg était désert et aucune âme ne
s'est envolée vers les cieux pour tenir compagnie à feue
la pointe du clocher.
La consternation est générale et le maire intervient et
provoque un imbroglio assez folklorique. J'ai ouvert le
dossier, refermé il y a presque 200 ans et la suite m'a
amusé. Ce maire, très royaliste genre Louis
XVIII, s'appelle Le Biannic de Tromenec, ci-devant
marquis de Tromenec ( ancien château à l'entrée de
Landéda et depuis complètement disparu ) et émigré en
Angleterre pendant la révolution. Revenu à Landéda,
monsieur le marquis s'est fait élire peu
démocratiquement à la fonction très républicaine de
maire. Seuls les fortunés et ayant la faveur des préfets
royalistes obtenaient le droit d'être candidats, ce qui
s'appelait, auparavant, le suffrage censitaire. Il
s'empresse d'écrire au Sous-Préfet une
lettre dégoulinante de larmes et de
pleurnicheries qui explique, avec
force lamentations et digressions que ses
paroissiens, privés d'offices et ne pouvant plus
vivre une vie normale, vont verser dans le péché
du plus bas étage. Une semaine sans messe sera la ruine
de l'âme, même de celle des plus dévots et le malheur
s'abattra, comme sur Jéricho, sur ce bout du
monde. Le style est théâtral et ampoulé, mais celui de
la fin de la lettre l'est moins: le maire, en un
style plus direct, demande au Préfet de
financer la totalité des travaux et de les
faire réaliser tout de suite.
La réponse du Sous-Préfet fut d'un autre style, du genre
bref et précis : je résume - allez un peu vous faire
..... (fu...you ), négatif pour financer le
total, quel en sera le coût ? étudiez mieux votre
dossier et puisez dans vos réserves avant de faire
payer les autres....
Le maire, pour parfaire ses informations,
fait donc venir de Brest un expert. Le déplacement
de Brest à Landéda, à l'époque, par d'odieux petits
chemins restés sans entretien pendant plus de 30 ans et
totalement noyés par les précipitations, demandait une
journée. L'expert examine donc la situation et, dans son
rapport, trouvé aux archives, il indique que la hauteur
de la flèche était de 10 mètres.....ce qui est une
petite révélation pour ceux d'aujourd'hui car depuis le
désastre, jamais cette information n'avait été diffusée
et la mémoire des anciens avait disparu.....
Le Sous-Préfet reçoit encore une
supplique pour l'octroi d'une aide substancielle,
encore refusée mais il suggère au maire de faire
financer les travaux par la " la fabrique ".
La Fabrique ou le " général de fabrique " était, sous
l'ancien régime, une assemblée de notables,
aristocrates et riches paysans, chargée de gérer
les biens de l'église et qui était la seule assemblée
constituée au sein des bourgs. Le découpage
religieux du pays était la paroisse qui devint peu à peu
l'unité administrative du royaume, aux fonctions mal
définies, et les seuls " biens publics communautaires"
étaient ceux de la communauté de l'église. Le reste du
pays appartenait aux particuliers et le gouvernement
royal ne s'en souciait aucunement. Le " Général de
fabrique " devint, par la force des choses, un
pseudo-conseil municipal avant l'heure et il traita peu
à peu des affaires de la paroisse, religieuses ou
laïques et cela sans le moindre mandat légal.
L'organisation de la France royale était un vaste
foutoir, mais on s'en accommodait. Le
Général était le réceptacle des desiderata de la
population, seule assemblée organisée pour la
réalisation et le financement les travaux
indispensables à la paroisse, car qui d'autre l'aurait
fait ? Les "fabriciens" du Général étaient les
gardiens des finances- aujourd'hui on dirait les
trésoriers- et leurs pouvoirs étaient prépondérants. La
révolution balaya toute cette organisation très
nébuleuse et mit en place l'organisation qui
existe de nos jours.
Mais l'église conserva ses traditions
et le système fabriciens perdura, mais de
manière non officielle. La royauté restaurée ne changea
en rien l'organisation nouvelle de la société,
mais les mentalités d'autrefois subsistèrent. Le
Sous-Préfet, obéissant en cela aux moeurs et coutumes de
l'époque, eut le réflexe de suggérer au maire de
s'adresser à la Fabrique. Peut-être estima t-il aussi
que tout cela était une affaire privée intéressant le
clergé et lui seul....Bizarre, l'air du temps était
plutôt la collusion Royauté-Eglise. Qui peut le dire ?
Hélas, les caisses de la Fabrique sont vides,
ce qui est une tradition bien française. Le maire
supplia donc encore.
Le Maire subit encore
un refus et toute la correspondance de
l'époque, rédigée dans un style pompeux et lyrique, et
un vrai régal des yeux.
Que faire ?
Le Sous-Préfet reçoit alors une lettre
étonnante du maire, lui demandant d'intervenir auprès de
la Marine royale afin qu'elle prenne en charge les
travaux de rénovation. L'argument est simple : les
bâtiments de la Marine viennent souvent faire escale
dans l'un des deux abers( équivalent fjord)
entourant Landéda. La campagne, alors, est totalement
dépourvue d'arbres, de signes ou constructions visibles
du large. L'habitat est très dispersé, constitué de
chaumières basses couleur de terre et de vieux chaumes.
Aucun repère ne peut guider les bateaux à l'exception
.......du clocher visible de très loin. Donc,
il devient urgent, pour la sécurité de
la Marine, de reconstruire le clocher !
CQFD
Le Sous-Préfet transmet le dossier à la Marine,
mais, hélas, je ne connais pas sa réaction. Je suppose
qu'il y eut une énorme rigolade du côté de Brest....Je
suppose qu'un énorme NIET de l'époque
a terminé l'affaire.
Le haut du clocher fut bouché par les moyens du
bord, à moindre frais et à minima. Et c'est pour cela
qu'il est unique de laideur surprenante dans tout le
Finistère.
Une autre affaire a ému la population. Elle touche non
le clocher mais les cloches.
1793-
la France bataille contre toute
l'Europe. 1793 (ou 94 ) la
Convention recherche partout du métal pour les armes et
décide que chaque commune doit fournir un cloche qui
finira sa vie en fonderie. Il est plus prudent, vu
l'ambiance de l'époque, d'obéir aux ordres et Landéda
descend donc une cloche et la charge sur une charrette
pour la porter à Lesneven, gros bourg sis à 20
kilomètres et lieu de rassemblement de toutes les
cloches de la partie nord du tout nouveau
Finistère. La cloche
est donc descendue, et après
un voyage probablement folklorique, sachant l'état des
chemins, et déposée dans un immense
champs couvert de cloches. Et notre équipe revient
à Landéda où un comité de réception peu aimable
l'attend.
Eh oui, les Duglands avaient descendu et transporté la
plus belle, la plus ornée et la plus grosse cloche de
Landéda. La décision est vite prise, une autre cloche,
plus petite est descendue, chargée
et vite transportée à Lesneven, pour l'échanger
contre la belle cloche livrée par erreur. Les autorités
sont complaisantes et invitent ceux de Landéda à
récupérer leur bien !
Horreur, leur cloche est partie et devant le désarroi de
l'équipe, il leur est proposé une belle cloche encore
plus grosse et ornementée mais d'origine
indeterminée. Point d'autre choix, la belle cloche
inconnue est chargée et le retour
se déroule sans encombre. Et maintenant commencent
les ennuis. La cloche, hissée avec les moyens de
l'époque, est placée dans son logement dans la galerie
inférieure, à savoir l'une des trois niches visibles sur
la photos. Et tout le monde s'aperçoit que, balancée à
la volée au maximum, au point le plus haut, la cloche
cogne contre la paroi supérieure de la niche. Le
diamètre le la cloche est trop grand et on ne peut
que sonner avec modération.
Ne pas sonner à toute volée, dans un Finistère
ultra-catholique, est l'humiliation suprême, mais il "
faudra faire avec " eet des consignes sont vite données
et elle se perpétreront, par bouches à
oreilles pendant longtemps.
Et la guerre 39-45 fit envahir Landéda par une horde de
touristes en rangs serrés, le costume vert un peu grisé
et la tête coiffée du chapeau en peau de locomotive. La
côte nord de Bretagne, Brest, face à l'Angleterre,
étaient un lieu de villégiature très agité... et Landéda
comme tout le monde, se fit tout petit. 1944, les
troupes US arrivent à Brest, 50 000 allemands résistent,
Brest est totalement cassée et les troupes allemandes
occupant Landéda se replient sur Brest. Notre coin est
enfin libéré et pour imiter la fin de 14-18, les cloches
sonnent la libération à la volée maximun, actionnée par
toute une population en délire...
Et c'est comme cela que la belle cloche de 1793, bien
soignée et bichonnée par une population très
attentionnée pendant 151 ans, périt en quelques minutes
et ses derniers sons d'agonie furent celui d'une cloche
fêlée maniée par des inconscients aussi
fêlés.
Bill ex-as de feue la Fatac
|
BONJOUR A VOUS TOUS LES ACCROS DE LA TOILE !!!!!!!!!!
Pierlot Bernard |
Bill,
genevieve.brun@wanadoo.fr
*** Vous entendez la cloche fêlée du Peps et non celle de Landéda Haut de page
Il est amer et doux,
pendant les nuits d'hiver,
D'écouter, près du feu qui palpite et qui fume,
Les souvenirs lointains lentement s'élever
Au bruit des carillons qui chantent dans la brume,
Bienheureuse la cloche au gosier vigoureux
Qui, malgré sa vieillesse, alerte et bien portante,
Jette fidèlement son cri religieux,
Ainsi qu'un vieux soldat qui veille sous la tente !
Moi, mon âme est fêlée, et lorsqu'en ses ennuis
Elle veut de ses chants peupler l'air froid des nuits,
Il arrive souvent que sa voix affaiblie
Semble le râle épais d'un blessé qu'on oublie
Au bord d'un lac de sang, sous un grand tas de morts,
Et qui meurt, sans bouger, dans d'immenses efforts.
Charles BAUDELAIRE (1821-1867) (Recueil
: Les fleurs du mal)