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L'oeuvre de Michel El Baze: Les guerres du XXe siècle à travers les témoignages oraux   

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Tome I - NI OPPROBRE, NI OUBLI

Tome II - NOTES ET DOCUMENTS
VEYRENC RENE 
Ni opprobre, ni oubli. 

GUERRE 1939 / 1945

Commissaire de Police Spéciale de Sûreté temporaire, en mission durant les hostilités en INDOCHINE

Journal des années tragiques vécues au TONKIN de 1939 à 1946.

Tome I

DES FAITS OCCULTES ET VECUS SUR LES LIEUX

Extraits de mes calepins de notes prises sur le terrain au cours des événements.


Table
POSTFACE de Jean-Louis Armati

Les années difficiles de la deuxième guerre mondiale, René Veyrenc les a vécues en Indo-Chine, occupée par les Japonais, convoitée par le Viet Minh opposé à la présence française et travaillé tant par les forces d’Occupation que par le Komintern. Dès 1940, animé d’un patriotisme ardent et sûr de la "mission civilisatrice" de la France en Indo-Chine, il crée de sa propre initiative un réseau d’information puis est envoyé en mission dans le nord Tonkin, en zone proche de la frontière chinoise. Sa connaissance du pays et de la langue annamite lui permettent d’obtenir de brillants résultats dans la lutte contre les bandes armées qui traversent la frontière, pillent les villages, tendent les embuscades et attaquent les postes militaires français avant de se réfugier en Chine. Lors du coup de force japonais du 9 Mars 1945, René Veyrenc, rendu à la vie civile depuis le mois de Septembre 1942, fait le coup de feu contre l’agresseur nippon. Il réussit à s’échapper après une première capture, mais est repris le 16 Mars et interné à la citadelle de Hanoï. Enfin la période troublée de Septembre 1945 à Mai 1946, date de son rapatriement, est particulièrement bien étudiée par René Veyrenc, avec beaucoup d’acuité et les événements importants qu’il traverse sont rapportés avec une grande fidélité. Avec une grande sagesse, il conclut: "La Vérité… n’est pas une mais multiple. Á défaut d’approbation nous ne demanderons pas autre chose que la compréhension".
Die difficult years of the second world war, René Veyrenc has lived them in Indo-China, occupied by Japanese, coveted by the Viet Minh opposed to the French presence and worked as much by forces of the Occupation as by the Komintern. From 1940, lively of a sure and fiery patriotism of the civilise mission of France in Indo-China, he creates on his own initiative a system of information then is sent in mission in the north Tonkin, in close zone to the Chinese frontier. His knowledge of the country and of the annamite language allow it to obtain brilliant results in the battle against armed bands which cross the border, loot villages, tend ambushes and attack French military positions before to flee in China. During of the Japanese force knock of the 9 Mars 1945, René Veyrenc, rendered to the civil life since the month of September 1942, makes the knock of fire against the Japanese assailant. He manages to escape after a first capturing, but is captured again on the 16 Mars and interned at the citadel of Hanoï. Finally the disturbed period from September 1945 to May 1946, date of his repatriation, is particularly well studied by René Veyrenc, with much acuteness and the important events that he crosses are brought with a great fidelity. With a great wisdom, he concludes: "The Truth is not one but multiple. Failing approval we will not wonder other thing that the comprehension".

 

 

MISSIONS OFFICIELLES ACCOMPLIES AU TONKIN ET EN COCHINCHINE:
AVEC MA PARTICIPATION ENTIERE AUX NOMBREUSES OPERATIONS EFFECTUEES

DE 1940 A 1946

- Surveillance étroite des troupes japonaises depuis l’invasion du TONKIN au mois de Septembre 1940. Lutte intensive contre leurs activités pour saper l’autorité française établie sur le territoire indochinois jusqu’à leur reddition (Août 1945). - Pacification des populations indigènes sur les territoires envahis. - Décellement de l’apparition, la création du Parti et des premiers éléments des troupes de guérillas VIET MINH. Lutte intensive contre l’action subversive. - Coup de force japonais. Très violents combats du 9 Mars 1945 et jours suivants. - Ma capture par la Kampetai et mon internement au camp de concentration de HANOI. - Prise de contact et collaboration étroite avec un important noyau de la RESISTANCE articulé par le Commandant SAINTENY, parachuté à GIA-LAM en AOUT 1945, fondateur du RESEAU "ALLIANCE" chargé par le Général DE GAULLE d’exécuter la "MISSION 5" à HANOI (TONKIN) aussitôt après la capitulation japonaise. - A SAIGON, création organisation et mise en activité d’une nouvelle Administration Publique Française: La DIRECTION CENTRALE DES FINANCES FEDERALES en remplacement de l’ancienne DIRECTION LOCALE DES FINANCES, totalement démantelée et saccagée par les VIET MINH. - Mon rapatriement sanitaire en première urgence sur le navire-hôpital "PASTEUR" et ma pénible réinstallation en métropole.

Je dédie ces pages. Table

A Paulette mon épouse
.
Ancienne infirmière diplômée de la Croix Rouge française en ex-Indochine française qui, bénévolement, à ses risques et périls, a participé au Tonkin, dans les villages situés dans le delta du fleuve rouge, à une longue campagne de vaccination contre une désastreuse épidémie de la maladie cérebrospinale qui décimait les populations indigènes, et qui a soutenu moralement, vaillamment mon action pendant la longue séparation qui m'a permis de remplir, au loin, ma mission et mon devoir, en des lieux périlleux de la frontière sino-tonkinoise envahis par l'armée japonaise durant la guerre mondiale de 1939-1945. A Josette ma fille. Assistante sociale et infirmière diplômée, profondément dévouée à la chose publique qui, dans sa prime jeunesse, a subi au Tonkin des chocs émotionnels éprouvants, sous les effroyables bombardements des escadrilles japonaises, américaines et britanniques pendant ma longue absence du foyer familial et de mon séjour prolongé sur les lieux lointains des combats. A ma famille. Aux nombreux neveux et nièces. Aux jeunes générations souvent exposées aux nuisances de la désinformation.   - Au jeune lieutenant A. Veyrenc de la glorieuse 13° d.b.l.e., tué au combat à l'âge de 25 ans, dans la brousse indochinoise, pour la défense du territoire, des intérêts indochinois et métropolitains en Indochine, Chevalier de la Légion d'Honneur, Croix dé Guerre, trois palmes (J.O. du 29 mai 1947) - A mon neveu Daniel Veyrenc, né en ex-Indochine française, jeune capitaine décoré de la Croix de la Valeur Militaire au cours de durs combats dans le djebel pour la défense de l'Algérie française. - A mon neveu Marcel Veyrenc, né en ex-Indochine française, jeune docteur en médecine qui prodigue ses soins éclairés et très dévoués aux patients français et indigènes qui lui font pleine confiance. - A mes plus jeunes neveux et nièce: Laurent, Bernard, Jérôme et Maire-Cécile Veyrenc qui terminent leurs études en faculté, et futurs "Soldat de France".   - A ma nièce Denise Veyrenc, née en Indochine française qui a obtenu brillamment après son rapatriements, le diplôme d'ingénieur h.é.c. (Hautes Etudes Commerciales) à Paris et qui voyage parfois soit au Mexique, soit au Centre Afrique au pays des Touaregs, soit en Chine, soit à Hong-Kong dans le but d'élargir ses connaissances professionnelles et de rehausser le prestige français dans les pays d'outre-mer. - A feu mon père officier de l'Ordre des Palmes Académiques qui a consacré près de cinquante années de son existence pour contribuer au rayonnement de la France en Extrême-Orient, en installant, avec ma collaboration, l'assainissement des eaux, la production et la distribution de l'énergie électrique et des eaux potables, la force motrice et la glace alimentaire très appréciées par les populations indigènes, dans les régions reculées et insalubres du haut Tonkin et dans les régions du Delta tonkinois. - A feu ma mère, qui a échappée de justesse à un lâche attentat provoqué le 8 décembre 1945 à Hanoi par les sicaires de la Kempetai (homologue japonaise de la Gestapo) qui me recherchaient. - A mon plus jeune frère Roger qui, lui aussi, a connu les affres de l'internement dans un camp de concentration japonais à Saigon. - A mon frère cadet Marcel, ingénieur chimiste directeur des usines de Saigon-Binh-Tay de la s.f.d.i.c. (Groupe Financier Fontaine), l'un des plus grands ensembles industriels de l'Indochine et de l'Extrême-Orient qui a subi et surmonté les plus formidables et les plus désastreux des bombardements aériens anglo-américains (bombes de 500 kgs) et qui a su déjouer toutes les intrigues japonaises visant à s'emparer de l'exploitation de ce vaste complexe industriel, prestige de la France en Indochine. - Et à tous ceux qui sont morts, pour rien, dans les camps japonais de concentration et d'extermination, dans les champs de batailles, dans les rizières, dans la jungle, dans les forêts d'Indochine, dans les camps d'intoxication viet-minh et que, seuls, les anciens camarades et leurs familles pleurent, et n'oublieront jamais.
Les pages qui vont suivre ne sont pas celles d'un roman d'aventure. elles constituent un recueil de témoignages irréfragables des événements que j'ai vécus personnellement et dangereusement, quotidiennement au Tonkin pendant la seconde guerre mondiale de 1939 à 1945. Elles sont écrites avec rigueur, sans complaisance, en dehors de toute influence pernicieuse. elles ont pour objet d'informer objectivement ma famille ainsi que les générations futures et de mettre les choses au point, face aux détracteurs systématiques de l'oeuvre civilisatrice française en Indochine. S'il est un domaine où la réalité historique a été profondément et honteusement travestie, truquée et bafouée c'est bien l'Indochine.

 

 

Table livre 1

Dédicace

Mon internement dans la Citadelle de Hanoi
Du 16 mars au 5 septembre 1945

Mon admission dans la Résistance
Extra Métropolitaine en Indochine

Du 6 Septembre 1945 au 29 Décembre 1945
Le 6 Septembre 1945
Le 22 mai 1945
Le 24 Juillet 1945
Le 6 Août 1945
Le 13 Août 1945
Le 16 Août 1945
Le 1er Septembre1945
Le 2 Septembre 1945
Le 3 Septembre 1945
Le 6 Septembre 1945
Le 6 Septembre 1945
Le 10 Septembre 1945
En fin Décembre 1945
Le 26 Septembre 1945
Au début du mois d'Octobre 1945
Le 25 Novembre 1945
Le 8 Décembre 1945
Le 23 Décembre 1945


Mon départ du Tonkin pour la Cochinchine
Le 27 Décembre 1945
A la veille du jour de l'an 1946
Le 6 Janvier 1946
Le 8 Janvier 1946
Le 17 Janvier 1946
Le 31 Janvier 1946
Le 22 Février 1946
Le 18 Mars 1946
Le 15 Avril 1946
Le 11 Mai 1946
Le 12 Mai 1946


Mon combat

Du 4 Mars à fin Septembre 1937
De fin Septembre au début Novembre 1939
Du début de Novembre 1939 jusqu'au 10 Octobre 1940
Le 3 Septembre 1939
Le 14 Juin 1940
Le 30 Août 1940
Le 20 Septembre 1940
Le 23 Septembre 1940
Le 27 Septembre 1940
Le 25 Septembre 1940
Le 30 Septembre 1940
Le 10 Octobre 1940

Le 11 Octobre 1940
Du 12 au 25 Octobre 1940
Le 26 Octobre 1940
Le 28 Octobre 1940
Du 18 au 19 Novembre 1940
Le 30 Novembre 1940
Nuit du 2 au 3 Décembre 1940
8 Décembre 1940
Nuit du 23 au 24 Décembre 1940
Du 24 au 25 Décembre 1940
26 Décembre 1940
30 Décembre 1940
Du 1er Janvier 1941 au 5 Janvier 1942
En Décembre 1941
Fin Décembre 1941
6 Janvier 1942
Du 3 Septembre 1942 au 8 Mars 1945




Coup de force japonais du 9 mars 1945
Attaque et investissement de la Citadelle de Hanoî par l’ennemi
Souvenirs d'un rescapé

A - A 19 h 50
B - 20 h 00
C - Vers 20 h 10
D - Vers 20 h 20
Vers 20 h 55 26
Le 10 Mars vers 16 h 30
E - Le 16 Mars


Coup de force japonais - Réminiscences d'une Saint-Barthélémy "historique"
Nuit du vendredi 9 au samedi 10 mars 1945 - 11 mars.... 16 mars

Retour en Métropole
Le 14 Mai 1946
Le 15 Mai 1946
Les 16, 17 et 18 Mai 1946
Le 5 Juin 1946
Le 6 Juin 1946
Le 10 Juin 1946
Depuis le 6 Juillet 1946
Mais le 18 Août 1946
Le 14 Septembre 1946
Mais en Octobre 1946
Le 23 Novembre 1946
Et le 19 Décembre 1946
Le 21 Décembre 1946


Epilogue
 
Le 3 Octobre 1970
 
L'Histoire falsifiée - L'incompréhension




 

 


Table
Mon combat

 

 

Du 4 Mars à fin Septembre 1937

Domicilié à Paris au n° 8 de l'Avenue de la Porte de Montrouge (14ème arrondissement) j'exerce les fonctions de Rédacteur-Enquêteur temporaire à la Direction des Affaires Politiques (service c.a.i.: Contrôle et Assistance des Indigènes) au ministère des colonies situé n° 3 rue Oudinot à Paris. Durant les stages effectués dans ce département ministériel je recueille, à Paris, d'importantes informations sur les menées antifrançaises révolutionnaires et sur les hostilités qui se préparent sur le territoire de l'Indochine. Je rends compte de ces sérieuses informations à monsieur Gaston Joseph directeur des Affaires Politiques et à monsieur Geoffroy du Coudrey chef de service du c.a.i. Plusieurs fois monsieur Marius Moutet alors ministre socialiste des Colonies, m'invite personnellement à converser avec lui dans son cabinet ministériel situé Boulevard des Invalides à l'angle de la rue Oudinot. Il m'interroge longuement sur les activités des dirigeants indigènes des mouvements révolutionnaires antifrançais en Indochine et semble accorder beaucoup de crédit à mes informations. De fin Septembre au début Novembre 1939 Passager de 1ère classe, en mission, à bord du paquebot N/N "Dartagnan", de Marseille à Saïgon et à bord du caboteur "Claude Chappe", de Saïgon à Haiphong (Tonkin), où je débarque. Du début de Novembre 1939 jusqu'au 10 Octobre 1940 Domicilié au n° 4 de la rue Bolot à Haiphong, requis dès mon arrivée au Tonkin par les autorités civiles et militaires, j'exerce les fonctions de lecteur-traducteur d'annamite et d'italien à la "Commission Spéciale de Contrôle Postal en cas de mobilisation" prévue par le règlement secret n° 577 d.n. du 10 Novembre 1927 et par l'arrêté municipal n° 173 (Défense Nationale) du 10 juin 1928. Dans ces nouvelles fonctions, par ordre catégorique, je procède quotidiennement au contrôle de tous les courriers postaux franchissant la frontière terrestre sino-tonkinoise (y compris les valises diplomatiques dites inviolables). Je fais la sélection et la lecture de toutes les correspondances rédigées en langues italienne et annamite, émanant des agitateurs révolutionnaires connus, émigrés en Chine, au Japon, en Corée et en u.r.s.s., J'examine en particulier celles des membres du parti nationaliste chinois Kouo Ming Tang de Shang Kai Sekh à Pékin, en liaison avec les nombreuses cellules de ce parti politique en activité dans les cinq pays de l'Indochine française, ainsi que les lettres provenant de multiples congrégations religieuses de missionnaires français et italiens en fonction en Chine, contenant de sérieuses informations sur les activités des révolutionnaires antifrançais résidant en Chine et en Corée, agitateurs d'origines japonaise, chinoise, coréenne ou soviétique en liaison avec les agitateurs agissant dans tout l'Extrème-Orient, notamment en Indochine française. Dans un rapport officiel confidentiel signé fin Août 1940 par le Résident Maire de Haiphong, je suis désigné comme étant "le traducteur ayant obtenu les meilleurs résultats dans l'exercice de ces fonctions". Je reçois également les félicitations verbales, du Résident Supérieur au Tonkin et celles du Contrôleur Général des Services de sureté Générale et du contre- espionnage au Tonkin.   Spontanément ces encouragements font naître en moi le désir de servir encore mieux mon pays en créant volontairement un réseau d'informateurs impartiaux, personnels et en formant un noyau de résistants indochinois, énergiques et opérationnels bien décidés à faire échec à toutes les forces de domination raciste et à toutes entreprises anti-françaises en Indochine. A cette époque il n'existait pas au Tonkin une seule trace d'organisation de la résistance civile sérieuse et efficace. Instinctivement mon coeur et ma raison m'ont inspiré le désir de devenir l'un des meilleurs défenseurs de notre civilisation de liberté et de paix en Indochine. Ce même désir à été inspiré également par les sentiments patriotiques du natif d'Indochine que je suis, ami des autochtones, et par la lecture des très nombreuses correspondances provenant des missions étrangères installées en Chine, relatant souvent les déplacements et agissements suspects des principaux agitateurs politiques indochinois. Mon attention toute particulière a été attirée sur un curieux personnage idéologue et énigmatique. Les auteurs de certaines de ces lettres interceptées au contrôle postal le situaient tantôt à Moscou tantôt dans le sud de la Chine, le long de la frontière sino tonkinoise, notamment à Canton où siégeait parfois le Tong-Bo (Comité Central du Parti Communiste Indochinois), tantôt à Kao-Loon près de Hong-Kong où se rencontraient fréquemment les "leaders" des agitateurs politiques étrangers en Extrème-Orient traqués par la police de Tchang Kai Shek. J'ai vu une photographie envoyé par un des services secrets de l'ambassade de la Grande Bretagne, représentant le corps d'un homme d'origine asiatique, étendu mort sur le sol d'une prison chinoise, que les services de la police spéciale britanniques "ont identifié formellement" comme étant celui du leader politique Nguyen Ai Quoc alias Ho Chi Minh, auteur d'un recueil de poèmes révolutionnaires rédigé en caractères chinois intitulé "carnet de prison", décédé dans cette geôle chinoise, des suites d'une longue maladie d'origine tuberculeuse. A la même époque d'autres lettres interceptées mentionnaient la présence de cet agitateur à Paris où il logeait dans un petit local discret du dix huitième arrondissement situé rue Damrémont depuis le jour où il avait pris la parole en faveur des agriculteurs français au congrès de Tours de la IIIeme Internationale Communiste. A cette époque il s'occupait de reportages photographiques pour le compte de journaux communistes. D'autres scripteurs de lettres interceptées affirmaient, qu'en qualité de "bôy" (serveur) ou de "bêp" (cuisinier), il naviguait à bord de cargos étrangers desservant les lignes maritimes d'Europe, des u.s.a. et d'Extrême-Orient, ce qui lui permettait d'assurer les fonctions d'agent secret de liaison de la c.g.t.u. dans tous les ports où le navire qui le transportait faisait escale. Ce qui est certain c'est que Nguyen Ai Quoc a quitté clandestinement le Nghé An (province de Vinh), son pays natal, vers 1918. Après avoir voyagé aux Etats Unis et en Angleterre, il est venu en France où il a exercé divers métiers, notamment celui de "reporter photographique". Il a pris contact à Paris avec divers partis politiques, des personnalités françaises de gauche et de nombreux militants des pays d'Afrique et d'Asie. Membre du parti socialiste il opta en Décembre 1920, au Congrès de Tours, pour adhérer à la IIIeme Internationale, collabora à la formation du Parti Communiste Français et aux journaux "l'Humanité" et "la Vie Ouvrière". Il écrivit "Le procès de la colonisation française" et il fonda le journal "Le Paria". Au début de l'année 1923 il quitta la France pour "l'Union Soviétique" où il fut admis comme élève à Moscou de "l'Université des Travailleurs Orientaux" fondée par Staline. Il étudia l'histoire de la Révolution Française de 1789 et l'histoire de la révolution russe d'Octobre 1917 et se pénétra des idées exposées dans "Le Capital" par Karl Marx et dans les textes écrits par Lénine, qui lui apprirent que seul le "marxisme- léninisme" pouvait être la clé de la lutte libératrice des peuples coloniaux. Au cours de l'année 1924 on situait Nguyen Ai Quoc avec certitude à Canton près de la frontière sino-tonkinoise où il élaborait les bases d'une organisation révolutionnaire armée en Indochine du type Viet Nam Doc Lap Dong Ming Hoi (Ligue de l'Indépendance du Viet Nam) en vue de promouvoir en Indochine une révolution à l'image de la révolution russe d'Octobre 1917. Le 3 Septembre 1939 La France déclare la guerre à l'Allemagne. Cette grave nouvelle parvient tardivement à Haiphong et attriste profondément les populations française et indigènes qui envisagent déjà l'extension prochaine du conflit sur le territoire indochinois. Dès cette date le Japon installe progressivement le blocus des frontières maritimes de l'Indochine qui, très rapidement, se resserre et devient pleinement efficace dès la mi-Octobre 1939. Aucun navire de commerce français ou autre ne peut arriver à destination de tous les ports indochinois. Désormais les populations locales, civiles et militaires française et autochtones, complètement isolées à 15000 kms de la métropole, sont contraintes à vivre en complète autarcie. Malgré les énormes difficultés qui surgissent, l'économie de la colonie et la résistance à l'ennemi s'organisent pour la défense des libertés et des intérêts nationaux métropolitains et indochinois. Le 14 Juin 1940 Les français d'Indochine consternés reçoivent la brutale nouvelle, triste et laconique, de l'entrée dans Paris des troupes allemandes qui ont enfoncé la ligne Maginot. La France métropolitaine, en plein désarroi, a signé un armistice avec l'Allemagne. Le 30 Août 1940 L'ambassadeur japonais Matsumoto signe un accord précaire avec l'amiral Decoux, Gouverneur Général et chef suprême de l'armée française en Indochine, aux termes duquel les Japonais reconnaissent la souveraineté française en Indochine. Cet accord ne sera pas respecté par les militaires japonais. Le 20 Septembre 1940 Les troupes nippones et coréennes pourvues d'une quantité d'armes modernes attaquent très brusquement en masse, par surprise, tous les postes militaires français de Dong-Khé, That-Khé, Dong-Dang, Loc-Binh, Dinh-Lap, Mong-Kay situés sur la frontière sino- tonkinoise, prennent d'assaut, après de très violents combats, la ville fortifiée de Lang-Son et envahissent une grande partie du premier territoire militaire de Cao-Bang, du deuxième territoire militaire de Mong-Kay et la subdivision militaire de Lang-Son. Le 23 Septembre 1940 Au lever du jour, à l'embouchure du Song-Koy (Fleuve Rouge), en promenade avec mon chien sur les berges d'un bras de mer, en aval du port de commerce de Hai-Phong, j'aperçois une grande jonque chinoise de haute mer venant du large, de laquelle descendait, pour l'amarrer au quai, un groupe de marins chinois qui, sur mes interpellations me déclarent venir de rencontrer dans le golfe du Tonkin, à quelques milles marins de Hai-Phong, une puissante escadre japonaise composée de plusieurs navires de guerre de transport de troupes, encadrés par plusieurs croiseurs, torpilleurs, contre-torpilleurs, dragueurs de mines, ravitailleurs et d'un porte-avions, dont les énormes canons leur semblaient pointés sur les villes tonkinoises Hai-Phong et Kuen-An. Après avoir tenté vainement, étant donné l'éloignement de cette escadre, de vérifier "de visu" les déclarations de ces Chinois, qui m'ont paru vraisemblables, je bondis sur le plus proche téléphone et j'alerte difficilement, étant donné l'heure très matinale, le Résident-Maire Massimide Hai-Phong et le Résident Ferlande chef de province à Kien-An ainsi que le commissaire de police spéciale Molins à Haiphong qui, après recoupement, font déclencher le dispositif d'alerte à Haiphong. Le 27 Septembre 1940 Le Japon, l'Italie signent avec l'Allemagne un pacte tripartite. Désormais l'axe, d'obédience à l'idéologie nazie: "Allemagne - Japon - Italie", est constitué. Le 25 Septembre 1940 Malgré les subtiles tentatives de négociations diplomatiques faites auprès de l'ambassadeur japonais Matsumoto à Hanoi qui échouent, une escadrille provenant du porte-avions japonais de la formidable armada japonaise, survole devant mes yeux, à grand fracas, Haiphong et lâche quelques chapelets de bombes sur les environs du port. Au même moment, une puissante armée de terre japonaise débarque, sans subir de résistance de l'armée française, sur la côte tonkinoise, par une chaleur torride. A une cadence extrêmement rapide je vois, sur un quai improvisé, arriver une série de petits chars blindés légers, des quantités d'autres véhicules motorisés blindés, de nombreux grands chevaux de cavalerie, dont plusieurs étaient morts d'insolation à bord des unités de l'escadre. Dans une atmosphère de puanteur, je vois encore débarquer plusieurs milliers de marines d'origine des Iles Kourils et Sakhalines, trempés de sueurs dans leurs uniformes neufs, armés jusqu'aux dents d'armes automatiques modernes. Parmi eux, certains atteints du typhus ou d'insolation sont morts ou mourants. Ils empoisonnent l'air ambiant chargé de miasmes et de puanteurs insupportables qui régneront dans l'air pendant plusieurs semaines. Profitant d'un certain désarroi parmi les nouveaux débarqués qui s'affairaient en toute hâte, à construire avant la nuit, des abris en bambous et nattes de paille de riz, pour se protéger du soleil brûlant, je m'infiltre dans ce chantier avec un collaborateur annamite sous prétexte d'apporter secours aux mourants et, hors de la vue d'une sentinelle fatiguée, je m'empare, au péril de ma vie, d'une sacoches d'officier japonais, suspendue à un branchage d'un pilier en bambou, remplie de documents écrits en japonais et de cartes géographiques du Tonkin et nous disparaissons dans une demie-obscurité, jusqu'à ma voiture automobile, garée à proximité, dans laquelle nous prenons place. A toute vitesse nous prenons la route coloniale en direction de Hanoi où nous remettons la sacoches au service des traductions de monsieur Georges Nadaud, Contrôleur Général des services de Police de Sûreté Générale, chargé de la direction du Contre Espionnage au Tonkin. La traduction de ces documents a révélé, les dispositifs d'attaque de plusieurs de nos postes militaires et la copie d'une mission confiée au major de l'armée américaine nommé Patty, chargé de négocier un contrat de vente d'armes automatiques à un groupement nationaliste annamite, ainsi que la fourniture d'un train blindé! En représailles du vol de la sacoches,toutes les cases annamites voisines du camp japonais de débarquement ont été incendiées par la troupe japonaise. Conscient de la situation devenue si soudainement dramatique au Tonkin, notamment sur la frontière sino-tonkinoise à Lang-Son, Dong-Dang, Loc-Binh et Na-Cham-Cao-Bang, je prends contact avec le Commissaire de Police Spéciale Molins pour le prier de m'introduire auprès du Contrôleur Paul Pujol de la Police Spéciale de Sûreté à Hanoi afin qu'il me reçoive et appuie ma demande à partir comme volontaire dans la zone des opérations militaires en cours sur la frontière sino-tonkinoise, pour organiser et participer à la résistance contre les envahisseurs japonais et à la pacification des populations autochtones soumises au totalitarisme nippon. Le 30 Septembre 1940 Dès la première heure du matin je suis avisé par un message téléphoné émanant du Contrôleur de la Police Spéciale Paul Pujol de ce que, compte-tenu de mes connaissances approfondies des milieux tonkinois influents (annamites, chinois et hindous) et de ma connaissance de la langue annamite, prouvée par mes trois brevets-diplômes de langue orientale, ma demande d'engagement à prendre part volontairement, à titre civil, aux combats de résistance aux entreprises des ennemis de la France en Indochine, est prise en considération par les autorités supérieures civiles et que mon départ, imminent, sur la frontière sino-tonkinoise est déjà signalé aux militaires en opération sur le territoire des zones d'insécurité, les militaires étant priés de me prêter main forte en cas de nécessité. L'objet de ma mission est secrètement ainsi précisée: "Recueillir tous renseignements sur les mouvements des troupes d'occupation, détecter les agissements du Service d'Espionnage du Colonel japonais Oka en activité dans le secteur de Lang-Son, situer exactement les lieux de stockage d'armes diverses destinées à être mise en action contre les troupes françaises et indochinoises, ainsi que les lieux de concentration des troupes autochtones armées par les Japonais, en préparatifs d'attaque des postes militaires de la défense française, en faire rapport immédiat aux hautes autorités françaises compétentes. Agir en toutes circonstances dans la légalité en vue de la pacification des populations indigènes influencées par la propagande subversive intensive de l'occupant. Travailler activement pour le maintien de la présence française civilisatrice dans tous les secteurs, au fur et à mesure qu'ils seront libérés par l'ennemi". Le 10 Octobre 1940 Je suis convoqué d'urgence devant un Tribunal Civil réuni exceptionnellement au palais de justice de Hanoi pour m'entendre prêter serment "d'accomplir loyalement ma mission en toutes circonstances". Je suis revêtu ensuite d'un uniforme d'officier de police assermenté, complété d'une paire de solides brodequins, d'un casque, d'un bonnet de police et d'un képi orné de deux galons argentés semblable à celui d'un officier de police. Je suis armé ensuite, d'une impressionnante mitraillette marque "Mauser" dont le magasin était déjà garni d'un chargeur de dix huit cartouches accompagné de deux autres chargeurs supplémentaires approvisionnés chacun de dix huit autres cartouches de 8 mm. Ainsi paré, en toute hâte, sous une trombe d'eau d'un typhon en voie de comblement, je m'embarque avec deux fidèles émissaires, à la gare de Hanoi, dans un wagon à bestiaux d'un train spécial tracté par une locomotive blindée, à destination du poste militaire le plus avancé, à Dong-Mo en direction de Lang-Son, en bordure de la zone tonkinoise d'insécurité, investie et rasée par les assaillants japonais. Le 11 Octobre 1940 Dans le bruit confus et lointain d'éclats de grenades et de rafales de mitrailleuses et de fusils mitrailleurs, je débarque à Dong-Mo, village très éprouvé par la guerre, dont la population civile était entièrement évacuée, je prends contact au p.c. du Commandant Marcelin, officier au grade le plus élevé, placé à la tête du 3ème Bataillon du 5ème Régiment de Légion Etrangère en action. Après un premier échange d'idées, je donne mes instructions à mes deux fidèles émissaires et je les lance sur les pistes ennemies, tout en installant mon lit picot au bivouac situé dans une maisonnette en briques, la moins éprouvée par les combats, mais dont la toiture présentait de béantes ouvertures. Quelques planches prélevées dans une maison en ruines serviront à me fabriquer une table et un banc rustiques. L'intendance pour civil étant inexistante sur les lieux, une touque vide de pétrole remplie d'eau puisée à l'aide de mon casque dans la mare voisine, filtrée avec mon mouchoir et quelques boites vides de conserves pour bouillir l'eau de boisson et cuire mes aliments, constitueront les seuls aménagements très sommaires de mon campement jusqu'en fin Novembre 1940. Du 12 au 25 Octobre 1940 Tandis que mes émissaires, en quête de renseignements, parcouraient la vaste zone frontalière d'insécurité occupée, camouflé dans l'anfractuosité des rochers situés à proximité d'un pont à moitié démoli (que l'armée japonaise en marche vers le sud devait obligatoirement franchir), je dénombre les effectifs, la qualité et la quantité des armes des troupes nippones franchissant lentement ce pont, déferlant vers la Malaisie britannique, pendant deux jours et deux nuits consécutives, très important mouvement de troupes ayant pour but d'attaquer Singapour par la voie terrestre. Ces renseignements importants recueillis dangereusement au prix d'énormes difficultés, transmis sans délai aux Hautes autorités françaises à Hanoi, ont été très appréciés. Pendant près d'une centaine d'heures consécutives, les 12 et 13 Octobre 1940, de la lucarne d'une sorte de caverne dissimulée dans les rochers où je m'étais caché, en observateur, à proximité de l'entrée du pont sinistré de Dong-Mo, j'ai pu voir nuit et jour , franchir ce pont par deux cent mille hommes environ de l'armée japonaise, tous armés de sabres, mitraillettes, fusils mitrailleurs, lance-flammes, en transit, venant de la frontière sino-tonkinoise et se dirigeant vers le sud indochinois. Les uns juchés sur des centaines de véhicules de guerre motorisés: autos blindées, petits chars amphibies, petits mortiers, les autres entassés sur plusieurs centaines de camions, les uns découverts, les autres bâchés, bourrés de caisses de grenades. Sur les banquettes de chacun des caissons à munitions d'artillerie, étaient assis les soldats, tenant chacun sur les genoux une caissette couleur blanche, contenant les cendres du corps d'un des militaires japonais tués au Tonkin dans les combats livrés, entre le 20 et le 28 Septembre 1940, contre l'Armée Française devant la forteresse de Lang-Son et devant les casernes de nos postes frontaliers fortifiés de Loc-Binh, Dong-Dang, Thatkhé et Nacham. Des camions à demi- bâchés qui suivaient la colonne, transportaient plusieurs centaines de ces caissettes blanches destinées à être envoyées au Japon aux familles des victimes de ces combats. On sait que les Japonais, comme les Romains, ont coutume d'incinérer leurs morts. Sur les lieux des combats récents livrés sur le territoire de la subdivision militaire de Lang-Son, les corps de plus de mille cinq cents militaires japonais tués ont été incinérés. Environ soixante mille survivants de cette armée japonaise s'arrêteront, en cours de la route coloniale transindochinoise, seront disséminés sur tout le territoire et occuperont désormais toutes les villes et les lieux stratégiques indochinois, tandis que les autres cent cinquante mille hommes déferleront sur la Malaisie britannique en direction de Singapour. Au retour de leur mission en zone d'insécurité, mes deux émissaires "Fringant" rapporte: "En collaboration avec des conseillers militaires japonais, les autochtones anti-français viennent de créer un nouveau groupuscule hostile à la France, intitulé: Viet-Nam Cach Menh Dong Minh Hoi (Parti Révolutionnaire de la Libération du Viet-Nam). ce groupement constitué dans la zone occupé, organise plusieurs unités de combat, armées de fusils, de mitrailleuses, de fusils mitrailleurs et de grenades, prises dans les combats par les troupes japonaises aux prisonniers français et cédées par les Japs aux rebelles annamites. ces unités, massées à Bac Xat et dans les environs, sont prêtes à intervenir contre les soldats français dès que le moment propice se présentera". Par ailleurs, l'informateur "Nemrod" affirme: "Un officier supérieur japonais connu sous le nom de Colonel Oka secondé par un ancien émigré annamite au Japon, connu sous le nom de Tran Van An, ancien journaliste en Cochinchine, revêtu d'un uniforme de Colonel de l'armée japonaise, ont organisé un service secret de renseignements ayant pour tâche principale de démoraliser les Tirailleurs Annamites au service de la France et d'inciter à la désertion les légionnaires combattants dans les rangs français". Il m'apporte quelques exemplaires originaux de ces tracts émis par les services secrets japonais confirmant ce projet de démoralisation de nos troupes. Je me rends aussitôt au p.c. du Commandant Marcelin auquel je transmet ces renseignements.

Le 26 Octobre 1940

Une perquisition dans les paquetages des légionnaires en mouvement dans mon secteur permet de trouver plusieurs de ces tracts. Des mesures sont prises immédiatement pour enrayer cette action.

Le 28 Octobre 1940

Le Commandant Marcelin me demande si je suis volontaire pour conduire un commando de l'importance d'une section de légionnaires, sur les lieux de concentration à Bac Xat où se situent les groupements hostiles et armés, dévoilés par mon informateur "Fringant". Au péril de ma vie j'accepte et, en tête du commando je le dirige sur Bac Xat où un violent accrochage a lieu, mettant en fuite les rebelles qui laissent entre nos mains plusieurs prisonniers ainsi qu'une mitrailleuse, deux fusils mitrailleurs, trois fusils, deux mousquetons et une caisse de grenades que nous ramenons dans nos lignes. Du 18 au 19 Novembre 1940 Etant toujours cantonné à Dong-Mo, à la tombée de la nuit du 18 Novembre 1940 mon informateur "Fringant" arrive chancelant à bout de souffle jusqu'à moi pour me signaler qu'une forte concentration de troupes du v.n.c.m.c.m.h. bien armées de cinq armes automatiques, six cents fusils et de plusieurs caisses de grenades offensives s'approche du petit poste frontière de Loc-Binh, occupé par une ompagnie de Tirailleurs Tonkinois commandée par le Capitaine Sinou. Je cours au p.c. prévenir le Commandant Marcelin (tué au combat quelques temps après) qui prévient, par message secret téléphoné, le Capitaine Sinou. En même temps l'éventualité de l'attaque est signalée au s.r.m. et au Génésuper à Hanoi qui prend des dispositions pour faire parachuter au-dessus du poste de Loc-Binh des caisses de munitions et des armes automatiques supplémentaires. L'attaque violente a lieu la nuit. Le poste est assiégé, le combat fait rage du 18 au 19 Novembre mais au milieu du jour, l'ennemi ayant subi de lourdes pertes décroche, se réfugie en territoire chinois après avoir laissé sur le terrain de nombreux morts et blessés ainsi que plusieurs armes automatiques. Quelques temps plus tard, le Capitaine Sinou est promu Commandant. Le 30 Novembre 1940 L'ordre en provenance d'Hanoi arrive à Dong Mo au p.c. du Commandant Marcelin de prendre toutes dispositions de combat pour réoccuper dans les moindres délais le Fort Brière de Lisle de la Citadelle de Lang Son évacuée en grande partie par les troupes japonaises. Le Commandant Marcelin me demande si je voulais participer, sous ma propre responsabilité, à l'opération. J'accepte. Aussitôt il forme deux colonnes d'attaque. L'une composée du 3ème Bataillon de Légion Etrangère dont il prend le commandement, l'autre est formée d'un Bataillon de Tirailleurs Tonkinois. La première colonne prend place dans les autos blindées et se dirige sur Lang-Son, par la route coloniale, tandis que l'autre s'embarque en gare de Dong-Mo dans un train blindé dans lequel je prends place. Le train s'arrête, avant de franchir le pont de Lang-Giai que j'ai signalé comme étant miné et risquant de sauter en le franchissant. Après désamorçage des explosifs, le train franchit le pont sans dommage et poursuit son parcours jusqu'à Lang-Son. A notre arrivée dans cette gare, les quais sont déserts. Mais à peine l'ordre de débarquement donné, des rebelles annamites pro-japonais, juchés sur les toits des bâtiments et derrière les murs d'enceinte, ouvrent à la mitraillette un feu nourri sur le train. A la descente des wagons, quelques tirailleurs sont sur le quai, tués ou blessés. Nous fonçons sur les agresseurs qui prennent la fuite, abandonnant quelques armes et munitions. Nous faisons ensuite la jonction avec la colonne motorisée du 3ème Bataillon de Légion Etrangère et nous pénétrons dans la ville de Lang-Son par l'artère principale (l'Avenue Galliéni) recouverte sur des centaines de mètres par un tapis épais d'un centimètre environ de grosses mouches vertes mordorées qui, à notre passage, s'envolaient en nuages opaques bourdonnants, dans l'air ambiant imprégné d'odeurs pestilentielles. Sur notre parcours, avant de pénétrer dans la Citadelle, nous apercevons flottant à la surface des eaux lentes du fleuve Song-Ky-Cong de nombreux cadavres humains, de buffles, de porcs et de chiens. Sans autres incidents notoires, nous occupons successivement le Fort Galliéni, ensuite le Fort Brière de Lisle et enfin le Fort Négrier de la Citadelle de Lang-Son. Dès le lendemain de mon arrivée à Lang-Son, escorté par quelques soldats français bien armés, je fais l'inspection des environs, de la forteresse précédemment incontrôlés et que nous venions de réoccuper. Au cours de ces inspections je découvre dans des sentiers isolés, les corps de plus d'une douzaine de Français civils ou militaires dont la tête tranchée avait disparu et, plus tard, plus loin, aux portes de plusieurs petits villages indigènes fortifiés, précédemment occupés par les troupes japonaises d'occupation, vides de tous habitants autochtones, j'ai vu de chaque côté de ces portes d'entrée du village, des têtes de Français empalées au bout de hauts piliers de bambous. Nuit du 2 au 3 Décembre 1940 A la nuit tombante, alors que j'étais assis autour d'une table pour dîner avec des collaborateurs: Mrs Bournique, Delorge Louis, Jean Veyrenc Inspecteur Général de la Garde Indochinoise et deux officiers du s.r.m., Dans la plus grande pièce de l'immeuble de la gendarmerie bâti sur les rives du Song-Ky-Cong, en direction de la frontière sino-tonkinoise, nous sommes soudainement attaqués, par surprise, par une importante formation ennemie bien armée. Nous essuyons quelques rafales de mitrailleuses tirées dans notre direction, à travers les fenêtres béantes grandement ouvertes. Les balles criblent les murs intérieurs de la pièce où nous nous apprêtions à dîner. Instinctivement nous nous couchons à plat ventre et en rampant nous gagnons les tranchées ouvertes tout le long des rives du Song-Ky-Cong. L'alerte est donnée. Des renforts arrivent rapidement des deux côtés. La bataille est engagée. Une mitrailleuse lourde est mise en batterie par les légionnaires pour interdire à l'ennemi le franchissement du grand pont métallique de Ky-Lua reliant Lang-Son. La nuit tombe. Des armes automatiques ennemies sont juchées à la cime des rochers de Ky-Lua dominant la ville de Lang-Son assiégée, et tirent toute la nuit, en direction de nos positions, des rafales de balles traceuses accompagnées de jets ininterrompus de grenades offensives. Au petit jours, je sors des tranchées suivi par une demi-compagnie du 3/5 Etranger commandée par l'Adjudant Chef Beoeldieu Daubigny. Nous franchissons le pont en direction du camp du Bataillon "Thô" du Commandant Vicaire harcelé, que nous dégageons, et mettons en fuite les assaillants qui abandonnent sur le terrain plusieurs caisses de grenades et chapelets de cartouches d'armes automatiques. 8 Décembre 1940 Dans la nuit du 7 au 8 Décembre , mon émissaire "Nemrod", de retour de Long-Tchéou (Kouang Si-Chine) me rend compte de la présence d'une très importante concentration de rebelles annamites mêlés à de nombreux pirates chinois, bien armée et bien entraînée, cantonnant le long de la frontière, côté chinois, à quelques kilomètres au nord de notre poste avancé de Dong-Dang commandé par le Lieutenant Lavanga (actuellement Colonel en retraite). Selon l'informateur, cette formation rebelle militarisée avait l'intention de s'emparer du poste de Dong-Dang. Sans perdre un seul instant, je cours au p.c. Du Commandant Marcelin chef suprême du 3/5ème Régiment de la Légion Etrangère pour lui transmettre ce renseignement pris à bonne source. Après une courte discussion, cet officier supérieur décide de faire une démonstration de force dans cette région non contrôlée. Sur le champ, il fait venir le Capitaine Cauvin Commandant la 2ème Compagnie, motorisée du 3ème Bataillon et, en ma présence, lui donne l'ordre de rassembler ses hommes afin d'établir dans les moindres délais une liaison avec le poste avancée de Dong-Dang. Le Commandant Marcelin me demande si je suis volontaire pour guider, sous mon entière responsabilité le Capitaine Cauvin à la tête de sa compagnie, sur les lieux de concentration d'éléments rebelles. J'accepte et, au petit jour, en tête de la 2ème compagnie, aux côtés du capitaine, je prends place dans le side-car conduit par le Sergent-Chef Klein et toute la compagnie motorisée se met en marche en direction de Dong-Dang par la route coloniale r.c.4. En arrivant au niveau du village de Dong-En, à quelques kilomètres de Dong-Dang, nous tombons dans une embuscade. Tous les nombreux bosquet de gros bambous bordant la route coloniale et entourant le village de Dong-En recelaient des nids de mitrailleuses bien camouflées qui ouvrent un feu nourri sur notre compagnie complètement à découvert, sur terrain plat. Le Capitaine Cauvin lance aussitôt un ordre impératif de stopper et de prendre les dispositions de combat . Tous les hommes se jettent à terre rapidement à plat ventre et opposent à l'adversaire un feu nourri. Mais à peine le Sergent-Chef Klein avait-il stoppé la moto à side-car qu'il conduisait et que j'occupais, qu'il reçoit, à la base du cou, une balle de mitrailleuse qui lui perfore la carotide et d'où gicle en abondance son sang qui se répand sur moi. En quelques secondes, j'étends son corps derrière le side-car, j'arme ma mitraillette Mauser et je me jette à plat ventre dans la rizière asséchée, bordant la route coloniale, au milieu des hommes de la compagnie placés dans la même position. De derrière les touffes de bambous sortent, par vagues successives, des rebelles qui jettent maladroitement dans notre direction des grenades qui n'éclatent pas toujours. Le sergent radio de la compagnie lance un s.o.s. Au p.c. Marcelin à Lang-Son, qui, sans doute, l'a transmis à Hanoi, si bien que survient un petit avion de chasse Morane suivi d'un vieux Potez 35 qui, en rase-motte, font plusieurs passages au-dessus du village de Dong-En et des bosquets de bambous environnants, en les mitraillant copieusement, tandis que la deuxième Compagnie de légionnaires précédée par le Capitaine Cauvin et de moi-même à ses côtés, par petits bonds successifs, progresse et encercle le village dont la presque totalité des habitants prennent le fuite, laissant sur le terrain une quinzaine de morts, trois mitrailleuses, plusieurs bandes de cartouches de mitrailleuses et deux caisses de grenades. Nous investissons le village, faisons quelques prisonniers, dont le chef supposé du village, et nous rentrons à notre base avec quelques blessés légers et un mort: le brave Sergent-Chef Klein qui conduisait le side-car dans lequel j'avais pris place. Nuit du 23 au 24 Décembre 1940 En reconnaissance, aux côtés du Commandant Dumaine, chef d'un Bataillon de Tirailleurs Tonkinois, nous repoussons, dans les environs du village de Mai-Pha au sud-est de la Citadelle de Lang-Son, sans subir la moindre perte, une violente attaque déclenchée par une importante unité de l'Armée de la Libération du v.n.c.m.d.m.h. Du 24 au 25 Décembre 1940 Toutes les troupes françaises stationnées dans la zone des opérations militaires, proche de la frontière sino-tonkinoise, sont consignées. Ma demande de permission pour me rendre à Hanoi, afin d'y passer les fêtes de noêl et du jour de l'an auprès de ma femme et de mon enfant m'est rigoureusement refusée. Mais les épouses des officiers et sous-officiers réfugiées dans le delta tonkinois peuvent très exceptionnellement être autorisées à venir voir leur mari à Lang-Son, pour un séjour strictement limité à quarante huit heures. Comme il y avait environ trois mois que mon épouse n'avait pas vu son mari, elle a pu obtenir l'autorisation exceptionnelle de venir me faire visite à Lang-Son. Un wagon de voyageurs raccordé à un train spécial avait été mis, en gare de Hanoi, à la disposition des épouses bénéficiaires de la même autorisation. C'est dans ces conditions que ma femme a pu me rejoindre dans une bâtisse sinistrée que j'avais très sommairement aménagée avec une table, deux chaises et un lit boiteux pour la recevoir, dans le coin de Lang-Son le moins exposé aux agressions. Dès le jour de son arrivée, à la tombée de la nuit, les bruits lointains coutumiers des fusils mitrailleurs tirant en rafale, se sont rapprochés progressivement de nos retranchements dans la ville, des grenades ont explosé sans répit dans les rues de la ville, des balles perdues sont venues trouer la porte d'entrée du local provisoire où ma femme et moi avions aménagé un abri provisoire. Nos clairons ont sonné le rassemblement et le dispositif d'alerte a été aussitôt mis en place. Tout au début de l'attaque je quitte mon épouse, visiblement émue mais courageuse, et je m'infiltre dans le réseau des tranchées permettant de rejoindre rapidement mon poste sans trop m'exposer aux dangers de la fusillade, après avoir mis entre les mains de mon épouse deux revolvers bien approvisionnés de munitions, afin qu'elle puisse se défendre, en cas d'agression possible. Les rebelles dissuadés par notre rapide réaction se replient en désordre en direction de la frontière. Le lendemain, dès le lever du jour, par un train spécial formé en gare de Lang-Son, toutes les épouses des officiers et sous-officiers sont repliées en totalité, dans les plus brefs délais, sur Hanoi où régnait encore un calme relatif. 26 Décembre 1940 Mon informateur "Fringant" me rapporte que dans la région de Diém-Hé, les rebelles ont constitué un stock d'armes et munitions important destiné à équiper les troupes rebelles en formation et à l'entraînement. Je transmet ces renseignements au Commandant Marcelin qui me demande si je suis volontaire pour conduire sur les lieux un détachement de légionnaires pour tenter de nous emparer de cet armement. Ayant accepté, le Commandant met à ma disposition un Aftrac et un commando composé de quatre légionnaires et d'un sous-officier du 3/5ème Régiment Etranger, que je dirige sur les lieux où nous nous emparons de deux caisses de grenades et six autres caisses contenant au total huit mille cartouches d'armes automatiques que nous réussissons à ramener à Lang-Son au prix de mille difficultés au moment de traverser un gué de l'arroyo Song-Ky-Ket, sous les rafales d'un fusil mitrailleur sorti de sa cachette. Cette opération réussie a fait l'objet du compte-rendu officiel N° 5845 du 27/12/40 de la Subdivision de Lang-Son. 30 Décembre 1940 Sur dénonciation d'un de mes informateurs occasionnels et avec son concours, j'ai réussi à capturer dans les environs du village Hoi-Hoan près de Dong-Dang, le chef pirate Tran-Trung-Lap surpris les armes à la main, le jour où il venait d'être enrôlé comme officier supérieur dans les troupes révolutionnaires du v.n.c.m.d.m.h. Je possède encore, comme trophée de guerre, une curieuse boussole asiatique saisie sur sa personne et qui lui servait à orienter sa troupe dans la brousse montagneuse de la frontière sino-tonkinoise. Ce pirate sera fusillé quelques jours plus tard à Lang-Son. Du 1er Janvier 1941 au 5 Janvier 1942 J’étends et renforce mon réseau d'action directe d'investigations, d'information et de pacification, sur toute la zone montagneuse de la frontière sino-tonkinoise envahie, allant de Lang-Son à Ky-Lua, Na-Cham, That-Khé, Dong-Dang, Loc-Binh, Diem, Hé, Hoi-Hoan, Dong-Mo, Lang-Giai, Cho-Vang et Bang-Mac, en collaboration directe, presque quotidienne, avec trois officiers du s.r.m.: Le Capitaine Courthial et les Lieutenants: de Cossette et Houel, dont les rapports écrits, étoffés notamment par de nombreux renseignements confidentiels de ma provenance, sont transmis de la subdivision militaire de Lang-Son au deuxième bureau des s.r.m. qui siégeait sous la direction du Colonel Claverin et du Commandant Guiol, sur le terrain de la concession française située à proximité du théâtre municipal de Hanoi. En Décembre 1941 Je rédige personnellement un ouvrage de cent cinquante pages intitulé: "Les activités de la Viet Nam Quoc Dong Minh Hoi" (Ligue pour la Libération du Viet-Nam) illustré par de très nombreux documents originaux authentiques et secrets recueillis par moi-même, prouvant les activités secrètes et l'aide déployées par les troupes japonaises aux rebelles annamites pour détruire l'autorité française en Indochine. Cet ouvrage daté du 20 Décembre 1941, édité en six exemplaires, a été remis discrètement par moi-même à monsieur Haelewyn, directeur du cabinet de monsieur le Gouverneur Général de l'Indochine et diffusé parmi les plus hautes autorités françaises: le Gouverneur Général de l'Indochine, le Résident Supérieur du Tonkin, le Général Commandant Supérieur des Troupes Opérationnelles, le directeur de la Sûreté Générale, le Directeur de la Justice et le président de la Commission Criminelle (Haute Cour de Justice Martiale). La reproduction de la plupart de ces documents secrets illustrent l'ouvrage rédigé par l'Amiral d'escadre Decoux intitulé: "A la barre de l'Indochine" dédicacé par l'Amiral qui décrivit "comme suit" la situation en Indochine au moment des furieux combats maritimes anglo japonais qui eurent lieu le 8 Décembre 1941 à Pearl Harbour: "Le 8 Décembre à l'aube, alors que nous étions encore dans l'ignorance absolue de l'attaque de Pearl Harbour, toutes mesures utiles avaient été prisent par le Japon, non seulement à Hanoi, mais à Saigon et dans d'autres centres nerveux pour paralyser, en même temps que l'action du Gouvernement Général, celle du Haut Commandement et des Etats Majors des forces d'Indochine". Plus tard, trois de mes amis, monsieur Haelewyn, Résidant Supérieur à Hué et monsieur Delsalle Administrateur des Services Civils Indochinois et son frère Inspecteur Principal de la Garde Indochinoise, très actifs contre les Japonais, sont arrêtés par la Kempetai, internés à Dong Ha, et transférés à Saigon. En cours de route, à Kratié, où ils font une halte, un Lieutenant japonais qui les escortait les emmènent hors de ville et les fait décapiter au sabre tous les trois. Fin Décembre 1941 Après plusieurs mois de recherches et avec le concours de mes informateurs, j'arrive à détecter les traces sur la frontière sino-tonkinoise, à une centaine de kilomètres de mon poste, du plus redoutable parmi les protagonistes de la révolution indochinoise. Il s'agit de Nguyen Van Thanh originaire du Nghé-An alias Nguyen Ai Quoc (Nguyen qui aime son pays) alias Ho Chi Minh (oncle Hô qui propage le lumière), président du Parti Communiste Indochinois (p.c.i.). De retour de Moscou, où il a fait plusieurs séjours à "l'Institut des Travailleurs Orientaux" créé par Staline, et dirigé par ses amis professeurs soviétiques, dans laquelle il a reçu des enseignements marxistes-léninistes poussés, Nguyen Ai Quoc, après avoir cheminé longuement en Chine entre Canton, Long Tchéou et Kao-Loon ,lieux de rassemblement des révolutionnaires soviétiques, africains et annamites, fait quelques courtes incursions clandestines au Tonkin, dans les provinces de Cao-Bang et de Lang Son, où il a présidé la 8ème session plénière du Parti Communiste Indochinois (p.c.i.) Au village de Pac-Bo (province de Cao-Bang) situé à quelques kilomètres de la frontière sino-tonkinoise. Au cours de la séance, oncle Ho a défini le rôle à jouer désormais au Tonkin, par le Parti Communiste Indochinois (p.c.i.) et à ordonné à ses partisans de se ranger sans réserve dans le camp anti-fasciste mondial dont il situe le pivot en Union Soviétique à Moscou. Sous son égide un Comité Central du parti est constitué. Ce comité décide d'entreprendre immédiatement des préparatifs en vue de déclencher une insurrection armée en Indochine. Dans ce but, il préconise de former rapidement des unités de guérillas et d'auto-défense. Dans ce sens, il fait voter à l'unanimité une résolution ainsi libellée: "Les tâches essentielles du Comité Central consistent à rassembler toutes sources vives du Viet Nam, de tenir ces forces toujours prêtes aux combats, de déclencher de multiples rebellions dans les villes et les villages pour ouvrir la voie à l'insurrection générale". Un vieil ami de Ho Chi Minh assiste à ce congrès. C'est Dang Xuan Khu alias Truong Chinh (pseudonyme que l'on peut traduire en français par: "Longue Marche"). Il est élu président du comité central du p.c.i. Ce militant s'impose parmi ses pairs comme idéologue marxiste-léniniste convaincu, pur et dur, aussi agissant que son homologue Soviétique Souslov. Truong Chinh est considéré comme le dirigeant historique du Viet Nam, il occupe une place prépondérante au sein du parti politique constitué par Ho Chi Minh. C'est l'artisan principal de la création de Viet Nam Doc Lap Dong Minh Hoi (Ligue pour l'Indépendance du Viet Nam) désignée couramment sous l'appellation Viet Minh. Il est l'auteur d'un ouvrage ultra révolutionnaire intitulé: "La résistance vaincra" particulièrement violent, qu'il dédicace au cours de la séance. Avant de clore son intervention, il propose la mise en fabrication immédiate d'un drapeau rouge orné d'une étoile d'or qui sera l'emblème du Viet Minh. Cette proposition est adoptée à l'unanimité Dès confirmation de ces renseignements, ils sont communiqués par mes soins au Lieutenant Colonel Jayet commandant la Subdivision militaire de Lang Son et au Contrôleur de la Police Spéciale de Sûreté Paul Pujol à Hanoi. 6 Janvier 1942 Très affaibli, considérablement amaigri, dans un état cachectique, épuisé par le paludisme et la dysenterie amibienne, contractés au cours des opérations de pacification et de résistance aux Japonais et aux autochtones pro-japonais, dans la brousse de la région frontière sino-tonkinoise, à bout de souffle, en l'absence d'un médecin sur les lieux, le Lt-Colonel Jayet, chef de la Subdivision militaire, prend l'initiative de m'évacuer d'urgence de la ville forteresse de Lang-Son, dans une ambulance militaire, où j'ai perdu mon sang en abondance, qui m'a conduit à l'hôpital militaire de Lanessan où je suis admis aussitôt dans une chambre occupée par l'adjudant chef Christle Dirr, du 3ème bataillon du 5ème régiment de la Légion Etrangère dont le corps ensanglanté était criblé par plusieurs balles de mitraillette. Dans cette chambre j'ai partagé les souffrances et l'infortune de ce camarade de combat, ainsi que les soins attentifs et dévoués des médecins militaires: Capitaine Veyre, Commandant Saint-Etienne et Colonel Riou, célèbre par les résultats acquis par l'application de sa thérapeutique dans les cas d'amibiases sévères. Après quatre mois de traitement médical, mon état de santé s'étant amélioré, je suis transféré, de l'hôpital militaire de Hanoi (Tonkin) sur l'hôpital militaire de Dalat (sud Annam) où je reçois des soins complémentaires qui me sont donnés efficacement par le Médecin-Chef Commandant Chabaud jusqu'au 2 Septembre 1942. Du 3 Septembre 1942 au 8 Mars 1945 Apparemment consolidé pour les affections contractées dans la brousse de la frontière sino-tonkinoise, sur ma demande, je suis mis exéat de l'hôpital de Dalat. Invalidé, libéré, rendu à la vie civile et renvoyé dans mes foyers. Je quitte Dalat et reviens à Hanoi où mon ami Henri Rochat, ancien président de la Chambre de Commerce du Tonkin, met à ma disposition une résidence secondaire dont il est propriétaire au 8 rue Do Huu Vy, dans une villa double, habitée par moitié par un vieux commerçant japonais nommé Shimomura, propriétaire d'un "bazar japonais" installé rue Beauchamp sur les bords du petit lac "Ho Hoan Kiem" de Hanoi. Dès mon arrivée dans ces lieux, je quitte mon uniforme et mon képi d'officier de police temporaire orné de deux galons blancs, dont j'étais coiffé durant les opérations militaires effectuées dans le secteur frontalier de Lang-Son et je revêts une tenue civile. Je range mon uniforme et mon képi dans une cantine que je dépose dans une pièce annexe à mon logement, contigu à celle réservée au cuisinier annamite que je venais de recruter. Je dissimule ensuite soigneusement dans le grenier, hors de la vue de tout indiscret, dans une cachette très difficile à découvrir, entre la base des tuiles et une large poutre faîtière, mes trophées de guerre constitués par une curieuse boussole artisanale chinoise saisie sur le chef rebelle annamite Tran Trung Lap, officier dans l'armée japonaise, surpris les armes à la main dirigées contre moi, ainsi qu'un mousqueton d'artillerie, deux revolvers d'artilleurs et plusieurs chargeurs approvisionnés de nombreuses cartouches, le tout ramassé sur les champs de bataille de la frontière sino-tonkinoise aux mois d'Octobre, Novembre et Décembre 1940. Le temps que j'ai passé dans les zones d'opérations militaires sur la frontière sino-tonkinoise a donné lieu aux inscriptions suivantes sur la page 34 de mon livret individuel des troupes coloniales: - Campagne double contre les Japonais, période comprise entre le 20 Septembre et le 15 Octobre 1940, et - Campagne double contre les Japonais, période comprise entre le 01 Décembre 1940 et le 28 Janvier 1941  

En Février 1945

A Yalta s'ouvre la célèbre conférence internationale désastreuse pour la France où siègent Roosevelt président de u.s.a., Staline président de l'u.r.s.s., Churchill président de la Grande-Bretagne. Au cours des séances ouvertes du 4 Janvier au 11 Février 1945 dirigés par le président Roosevelt, des décisions destinées aux règlements juridiques et politiques de la paix sont prises au détriment de la France non consultée.

 

 

 


Table
Coup de force Japonais du 9 mars 1945
Souvenirs d'un rescapé
Attaque et investissement de la Citadelle de Hanoî par l’ennemi

PLUS, lien extérieur, 9 MARS 1945: LES JAPONAIS S'EMPARENT DE L'INDOCHINE

  Sur le plan géographique de Hanoi ci-annexé, on peut voir les distances parcourues et les positions occupées successivement par le franc-tireur René Veyrenc, indiquées par les lettres de l'alphabet A jusqu'à F, depuis le début des furieux et sanglants combats livrés par les Français et Indochinois pour la défense de la Citadelle, contre les assauts multiples et acharnés des troupes japonaises, jusqu'à sa capture suivie de son internement pour actes de résistance caractérisés accomplis dans les circonstances suivantes: A - A 19 h 50 Départ de René Veyrenc du grand marché "Dong-Xuan" de Hanoi, chargé du ravitaillement de femmes et enfants évacués sur la montagne Tam-Dao depuis les bombardements aériens des principales villes du Tonkin. B - 20 h 00 René Veyrenc, revêtu de son habit civil ordinaire, arrive au niveau du grand château d'eau de Hanoi situé au début du boulevard Carnot. A ce moment précis, très soudainement survient une première vague d'assaut japonaise provenant de la digue de Yen-Phu bordant les rives du Feuve Rouge, ouvrant un feu nourri en direction des sentinelles en service qui sont abattues devant le commissariat de police du 2ème arrondissement et devant les bâtiments militaires situés en bordure des remparts nord de la citadelle. Dans la nuit noire, inaperçu des assaillants, René Veyrenc se précipite et se cache dans les tranchées profondes creusées la veille sur les pelouses environnant le château d'eau. C - Vers 20 h 10 Voyant s'approcher une seconde vague d'assaut japonaise, René Veyrenc sort furtivement des tranchées, se dirige en rampant sous la mitraille et fait la jonction avec une unité du 4ème r.a.c. Mettant en batterie deux pièces de canons de 75 mm de campagne, pointées dans l'axe de la rue Do Huu Vy, en direction du blockauss nord d'où arrivaient d'autres vagues d'assaut nippones. Bien que revêtu d'un habit civil, réserviste n'ayant pas reçu un seul ordre de mobilisation, de sa propre initiative René Veyrenc aide en vitesse à son passage le canonnier "pourvoyeur" à approvisionner en obus les pièces de 75 mm aussitôt mises en action. D - Vers 20 h 20 Chassé par un sous-officier chef de pièces, René Veyrenc quitte ces lieux et, par petits bonds successifs, en rampant sous le bombardement et la mitraille intensifs, rejoint l'abri situé 8 rue Do Huu Vy où il avait constitué un petit dépôt d'armes défensives, cachées depuis son retour de la zone des opérations militaires de Lang Son auxquelles il avait participé. Saisi d'un mousqueton d'artillerie et d'un pistolet automatique récupérés sur les champs de bataille en 1940, il ouvre un feu continu sur les assaillants Japonais qui tentaient d'approcher de son abri. Vers 20 h 55 Sur appels angoissés provenant d'un abri situé dans le jardin d'une villa voisine, René Veyrenc rejoint, sous le bombardement et la mitraille de plus en plus intensifs, un petit groupe de francs tireurs franco- indochinois, articulé par un adjudant aviateur qui n'avait pas pu rejoindre la base aérienne de Bac Mai. Dès lors, René Veyrenc poursuit en commun l'action défensive jusqu'à l'après-midi du lendemain, à l'heure où l'on a commencé à entendre le début des sonneries des clairons de l'armée française, provenant des quatre coins des remparts de la Citadelle, transmettant l'ordre de cesser le feu. Le 10 Mars vers 16 h 30 Les tirs des armes automatiques et de canons s'apaisent. Lorsque n'étaient plus perceptibles que les bruits de quelques coups de fusils tirés de part et d'autres, René Veyrenc et l'adjudant aviateur Gougo sortent de leur abri, les armes à la main parcourent les rues Do Huu Vy, Bourrin, l'avenue du grand Bouddah et le boulevard Carnot jonchés de cadavres de Français et Indochinois, chassent les hordes de pillards annamites détroussant les cadavres et dévalisant les immeubles environnants désertés par les familles françaises évacuées. Au cours de cette action survient une patrouille composée d'une dizaine de militaires Japonais qui nous arrachent nos fusils des mains, vociférant des cris, nous intimant des ordres impératifs menaçants de la crosse de leurs fusils et nous dirigent sur la porte nord de la Citadelle où nous rejoignons un groupe important de soldats français désarmés prisonniers, auxquels les honneurs militaires sont rendus par une unité japonaise qui leur inflige néanmoins le spectacle navrant et éprouvant de la descente de nos couleurs qui flottaient encore sur la Citadelle et auxquelles les nippons vainqueurs substituent leur drapeau de l'Empire du Soleil Levant. Dès la fin de cette triste "cérémonie", René Veyrenc revêtu de son habit civil réussit à sortir par la porte nord de la Citadelle et à prendre la fuite. Bien dissimulé dans la véranda d'une villa du boulevard Carnot, René Veyrenc aperçoit, avant la tombée de la nuit, le médecin-Général Botréau-Roussel et le Général Mordant commandant en chef des armées françaises en Indochine désarmés, encadrés par cinq ou six militaires japonais armés, déboucher du quartier des villas françaises situées rue Destenay, qui se rendaient à pas lents sur le terrain vague limitrophe des remparts de la Citadelle en direction d'un véhicule automobile japonais en stationnement. Arrivés auprès de cette voiture les deux officiers généraux français, toujours bien encadrés de militaire nippons, prennent place dans ce véhicule du type fourgon, qui démarre en vitesse en direction du centre ville où ils ont été internés. E - Le 16 Mars Au petit matin, René Veyrenc repéré à Dap-Cau dans sa dernière cachette, appréhendé par cinq gendarmes armés portant le brassard des agents de la Kempetai (organisme similaire à la Gestapo) est transféré au camp de concentration de Hanoi où il est interné jusqu'au 4 septembre 1945.

F - Le 5 Septembre 1945

Près d'une des portes de sortie de la Citadelle de Hanoi, René Veyrenc rencontre incidemment à l'intérieur des remparts et prend contact avec des hommes inconnus, revêtus d'uniformes couleurs kaki portant les galons argentés d'officiers supérieurs de l'armée française, qui lui posent diverses questions auxquelles il répond et lui proposent une mission à remplir ultérieurement, sous leurs ordres, dans le Sud Indochinois. René Veyrenc accepte cette proposition qui sera mise à exécution à partir du 29 décembre 1945 date à laquelle il reçoit un ordre de mission officiel signé par le Commandant Veyrenc de la mission "5", nouvellement promu Commissaire de la République Française.    


Table
Coup de force japonais

Réminiscences d'une Saint-Barthélémy "historique"

  Nuit du vendredi 9 au samedi 10 Mars 1945 Libéré depuis le 3 septembre 1942, date à laquelle, sur ma demande, j'ai été mis exéat de l'hôpital militaire de Dalat (sud-Annam), convalescent, je me trouve mêlé à la population civile uniquement masculine européenne résidant à Hanoi (Tonkin), car toutes les femmes et les enfants de race blanche avaient été, depuis plusieurs mois, obligatoirement évacués en bloc, sur la station d'altitude Tam-Dao, située à une centaine de kilomètres de la capitale indochinoise, à la suite des alertes journalières continuelles et des bombardements meurtriers fréquemment exécutés par les armées de l'air de nos alliés anglais et américains. Après avoir, ce soir du 9 mars, fait quelques emplettes pour le ravitaillement des femmes et enfants européens réfugiés sur la montagne Tam-Dao, je reviens de nuit et à pied, en direction de mon abri situé Rue Do Huu Vy, du grand marché couvert Dong Xuan situé dans la Rue de la Soie qui, par ordre du Résident Maire et par mesure de sécurité, était fermé le jour et n'ouvrait ses portes qu'au début de la nuit, les bombardements aériens sur Hanoi n'ayant lieu généralement que le jour et jamais la nuit. Soudain, à 20 h précises, alors que j'arrive au niveau du Square du Grand Château d'Eau entouré de tous côtés par plusieurs tranchées profondes, aboutissant à des abris souterrains inoccupés, j'aperçois à une centaine de mètres de moi, débouchant de la Rue de l'Hôpital Chinois et se dirigeant vers la Rue Maréchal Joffre, une première vague compacte de soldats Japonais bien armés, ceux du premier rang étaient munis de lance-grenades offensives, les autres de fusils baïonnette au canon, ou porteurs de mitrailleuses légères, tous bien alignés en rangs serrés par dix, chaussés de sandales spéciales en caoutchoucs (appelées "pied de cochon" par les soldats français), groupés en une épaisse formation carrée, très mobile, foncer en masse compacte, et en sourdine, au pas de gymnastique accéléré, en direction des immeubles du Commissariat de Police du 2ème Arrondissement et du grand bâtiment à étages où le Commandement de l'Air français avait établi son p.c., Au début de la Rue Maréchal Joffre. Cette vision impressionnante ranime subitement en moi le souvenir d'une conversation échangée tout récemment avec mon compatriote et ami Charles Fleutot originaire de Hanoi, avec lequel j'ai co-habité durant plusieurs années dans un même immeuble du boulevard Doudard de Lagrée. Toujours bien informé sur les événements intéressant la défense nationale en Indochine, Charles Fleutot avait reçu des informations secrètes recoupant les miennes, selon lesquelles nous aurions à subir, entre le 8 et le 12 mars, une attaque brutale et généralisée sur tous les fronts de notre défense, en préparation dans l'armée japonaise d'occupation: ces informations avaient été transmises, bien avant cette attaque, aux autorités supérieures de la Sûreté Générale du Tonkin. Instinctivement, un réflexe spontané me propulse du bord de mon chemin au fond d'une des tranchées profondes, la plus proche, dans laquelle je saute en flèche et sans bruit, échappant ainsi, dans l'obscurité totale, aux assaillants qui me dépassent sans me voir Du fond de cet abri provisoire, j'entends les cris rauques poussés, sans doute, par l'officier Japonais commandant la troupe en marche, donnant l'ordre d'ouvrir le feu. Simultanément la mitraille et les explosions de grenades illuminent de bruyants éclairs le ciel obscur. Dans le premier quart d'heure de l'attaque, de l'abri de la tranchée que j'occupe, je vois tomber, sous les balles ennemies, successivement toutes les sentinelles françaises et indigènes frappées par surprise, alors qu'elles gardaient l'accès du Commissariat de Police du 2ème arrondissement et celui du p.c. de l'Armée de l'Air française. Tandis que la première vague des assaillants nippons prenait possession de ces bâtiments, je vois venir une seconde vague d'assaut ayant la même formation que la première, s'enfoncer dans la Rue Maréchal Joffre, le long des remparts de la Citadelle. A ce moment les sirènes françaises implantées dans tous les quartiers de la ville de Hanoi, se mettent à mugir en un concert assourdissant et lugubre mêlé au crépitement des fusils et mitrailleuses, accompagnés d'explosions de grenades et d'obus de mortiers en pleine action. Les troupes françaises de Hanoi étaient déconsignées depuis quarante huit heures avant l'attaque, malgré les avertissements donnés à toutes les hautes autorités civiles et militaires par mon ami Charles Fleutot, toujours bien informé. Nos hautes autorités civiles et militaires ne se faisaient pourtant aucune illusion sur les projets belliqueux de l'armée japonaise d'occupation, le nom du code secret qui devait informer les postes français d'une soudaine attaque japonaise avait été choisi depuis longtemps et était sans équivoque celui de "Saint Barthélémy" qui constituait tout un programme. Cependant, partout où la chose est possible, la résistance civile et militaire individuelle ou collective s'organise. Le spectacle de cette nouvelle agression nippone qui s'offre à mes yeux, ranime aussitôt en moi, l'esprit du devoir à remplir pour la défense de nos couleurs et de la liberté. Alors que je n'étais pas sous le coup d'un ordre militaire de mobilisation et que j'étais revêtu d'un habit civil, je décide volontairement de prendre part personnellement et immédiatement, à tous les combats de résistance civile à livrer contre l'envahisseur japonais. Sans hésitation, je me dirige à l'extrémité de la tranchée étroite débouchant au plus près de mon abri habituel situé Rue Do Huu Vy où j'avais caché les armes récupérées en 1940/42 sur les champs de bataille de Lang-Son, au début de l'invasion japonaise, sur la frontière sino-tonkinoise. Arrivé au bout de la tranchée, à mi-chemin de mon abri de la Rue Do Huu Vy et de la porte nord de la Citadelle, située boulevard Carnot, j'aperçois une unité du 4ème régiment d'artillerie coloniale qui poussait deux canons de campagne de 75 mm. Instinctivement, sous la mitraille, je rejoins volontairement cette Unité. Sans avoir reçu aucun ordre, j'aide à la mise de la batterie et à l'approvisionnement en obus de ces deux pièces d'artillerie de 75 mm dont les pointeurs en hauteur et en direction, désignés prennent place à leur poste assigné par les chefs de pièces. Dans le vacarme de la mise en place de cette demi-batterie de campagne je perçois difficilement, entrecoupés et fragmentés par les déflagrations diverses, les ordres énergiques donnés par le Commandant de batterie: "Artilleurs, à vos pièces!". "Devant vous des vagues d'assaut japonaises à huit cents mètres environ - Charges alternatives d'obus percutants et d'obus explosifs" - "Plateau zéro, tambour cent!" "Dans l'axe de la Rue Do Huu Vy, feu à volonté!". Et aussitôt, à une cadence très rapide, une pluie d'obus de 75 mm s'abat au niveau du sol de cette artère principale, en bordure de laquelle se situe mon abri habituel. Ce premier tir de barrage stoppe un moment la progression des assaillants qui quittent le milieu de la rue et se reforment en deux files distinctes sur les deux trottoirs opposés. Je profite de cet instant pour franchir, sous la mitraille, en rampant et par petits bonds en avant, la distance qui me sépare de mon abri habituel, situé à moins de deux cents mètres d'une vague d'assaut japonaise. A plat ventre, par bonds successifs dans la nuit noire, inaperçu de l'ennemi, j'arrive jusqu'à la porte de mon abri, par laquelle je pénètre et m'introduis jusqu'au grenier où j'avais caché mes armes défensives. Dans l'obscurité la plus complète j'extrais de ma cachette un mousqueton d'artilleur, deux revolvers, avec une musette remplie de cartouches et je descends du grenier, ainsi armé, dans la pièce située au premier étage où j'avais laissé, à mon départ en direction du grand marché, la fenêtre grande ouverte donnant sur la Rue Do Huu Vy où se profilaient des vagues d'assaut japonaises. Accroupi derrière cette fenêtre ouverte, j'aperçois plusieurs petits groupes de soldats Japonais débouchant de la Rue Bourrin qui tentaient de s'infiltrer dans la cour de l'Ecole Normale dont les bâtiments se situent à une centaine de mètres de la porte nord de la Citadelle. Cette troupe traînait plusieurs petits mortiers montés sur affûts minuscules, dont les jantes des roues de 35 cm de diamètre environ, étaient entourées de tresses de paille de riz qui rendaient leur roulement insonore, pour ne pas éveiller l'attention de la défense française. De derrière cette fenêtre où, camouflé, je m'étais embusqué en franc tireur, j'ouvre un feu nourri en direction des petits mortiers qui reçoivent au même moment un jet de grenades. Les assaillants se replient pour se retrancher ailleurs et abandonnent sur place les mortiers qu'ils véhiculaient mais qui seront repris une heure environ plus tard par une nouvelle vague d'assaut renforcée. Un petit groupe de soldats Japonais se détache de la nouvelle vague d'assaut et arrive à hisser plusieurs de ces petits mortiers sur les toits-terrasses des bâtiments de l'école normale dominant plusieurs casernes françaises situées à l'intérieur des remparts de la Citadelle, qui seront harcelées sans répit, toute la nuit, par les petits obus tirés par ces mortiers. D'heure en heure les bombardements s'intensifient, le rythme des vagues d'assaut japonaises augmente. Les canons français mis en batterie devant la porte nord, crachent du feu sans arrêt. Le Général d'Artillerie Massimi fait mettre en batteries près d'une dizaine d'autres canons de 75 mm, pour garder les accès des portes sud, est et ouest de la Citadelle. La bataille fait rage toute la nuit. Carnage affreux. Sur tout le pourtour des remparts des attaques d'une violence inouïe se multiplient. La grosse artillerie japonaise massée près du "Banc de sable" sur la rive droite du Fleuve Rouge, un peu en amont de l'immense pont Doumer, dirige ses tirs sur la Citadelle. Dans le ciel embrasé par les obus qui éclatent en séries à toutes les minutes, je vois s'élever des fusées éclairantes de couleurs tantôt rouges, tantôt vertes, tantôt blanches destinées au réglage des tirs d'artillerie. Pendant toute la nuit, en franc tireur, je ne cesse de tirailler sur les flots d'agresseurs situés à portée de fusil. Peu après minuit des cris, des vociférations, des rumeurs lointaines, d'une amplitude extraordinaire, parviennent à mes oreilles. Elles proviennent de masses considérables d'assaillants Japonais qui viennent de pénétrer à l'intérieur de la Citadelle par une importante brèche qu'elles venaient d'ouvrir à l'aide d'un énorme et très lourd rouleau compresseur, dans la partie la moins épaisse des remparts de la Citadelle, située du côté du boulevard Victor Hugo. Les troupes blanches et indigènes de l'intérieur de la Citadelle opposent pendant des heures une résistance farouche à l'agresseur. Marsouins, Bigors, Légionnaires, Artilleurs et aussi les vaillants Tirailleurs Indochinois, en particulier ceux de race "radhée" se défendent bâtiment par bâtiment, étage par étage, avec un courage admirable. A un contre dix, ces combats acharnés durent pendant près de deux jours dans le vacarme infernal de la mitraille et des bombardements d'artillerie qui s'abattent à l'intérieur de la Citadelle assiégée. Le 11 Mars Vers deux heures du matin, j'ai l'impression que mon poste de combat est repéré par l'ennemi. La fenêtre derrière laquelle je suis retranché devient une cible plus particulièrement visée par l'ennemi parmi tant d'autres. Elle est criblée d'impacts de balles qui s'écrasent sur le mur situé derrière son embrasure. La moustiquaire qui encadre le lit de Hong-Kong dressé devant ce mur est littéralement hachée par la grêle des projectiles qui la transforme en charpie. Je décide d'abandonner ce poste devenu plus que jamais intenable surtout depuis que j'ai pu apercevoir la mise en batterie, sur le balcon de l'appartement du civil Japonais Shinomura, contigu à celui que j'occupe, d'une mitrailleuse braquée en direction de la Citadelle aussitôt mise en action par des soldats japonais. Je descends dans la cour où pleuvent balles traceuses et éclats d'obus de tous calibres. Plaqué derrière un mur aveugle parallèle à la Rue Do Huu Vy dont le sol est déjà couvert de nombreux soldats français morts ou blessés, j'entends faiblement des paroles inintelligibles et des appels prononcés en langues française et annamite, provenant de plusieurs personnes situées de l'autre côté du mur mitoyen qui me sépare d'une villa occupée habituellement par des militaires français, "mariés" à des femmes annamites. Discrètement nous établissons la liaison verbale et j'accepte de me joindre à eux pour renforcer notre défense commune et créer le maximum d'obstacles aux agresseurs. De son côté mon voisin français me jette dans mon jardin par- dessus le mur haut de trois mètres environ, une petite échelle légère en métal d'aluminium que je dresse de mon côté contre ce mur mitoyen que j'escalade, emportant avec moi la lourde charge de mon mousqueton, de mes deux revolvers, et de ma musette garnie de munitions, pour faire la jonction avec mes voisins. Aussitôt après avoir sauté de l'autre côté du mur, je suis accueilli dans le vacarme des armes à feu par un homme jeune, vêtu de l'uniforme de l'armée de l'air français, qui se présente: "Adjudant Gougo de l'Escadrille basée sur l'aérodrome de Bach-Mai (à 12 km environ de Hanoi) en permission de 24 heures chez ma concubine "Thi-Hoa-Sên" accompagnée de son petit frère "Em Nam", armés pour notre défense de fusils de chasse et d'un autre fusil du type 22 Long Rifle, que nous rejoignons dans une tranchée bétonnée profonde, parallèle à une murette d'enclos surmontée d'un grillage, bordant la Rue Do Huu Vy balayée par la mitraille et la canonnade et d'où l'on pouvait risquer d'apercevoir par-dessus la murette, tous les mouvements locaux des combattants. Chaque fois que les bruits des armes diminuent d'intensité, nous voyons apparaître des équipes d'infirmiers et brancardiers Japonais bien équipés, entraînés et disciplinés, tous munis d'un tampon aseptique filtrant blanc, appliqué sur leur nez et leur bouche, qui se précipitent pour relever les blessés et enlever tous les morts Japonais, tandis qu'ils laissent sur place les morts Français sans apporter le moindre secours aux blessés Français. Souvent, l'adjudant Gougo sa famille indigène et moi-même, avons tenté de traîner et haler sous la mitraille jusqu'à nous, pour les soigner, les corps des blessés Français allongés et immobilisés sur le sol de la Rue Do Huu Vy, mais, chaque fois des rafales de mitraillettes japonaises nous prenant comme cible, nous ont empêché d'arriver jusqu'aux blessés, et nous ont contraints à rebrousser chemin jusqu'à notre abri, sans avoir pu leur apporter le moindre secours. Aucune ambulance française n'a pu arriver jusqu'à ceux dont nous avons entendu toute la nuit les gémissements, cris de douleurs et râles jusqu'à ce qu'ils soient morts. Soudain, peu avant le lever du jour du 11 mars, nous sommes secoués dans notre tranchée, par une explosion gigantesque dont le bruit formidable retentit, provenant de la Citadelle, et dépasse amplement le vacarme continu de la canonnade devenu habituel. Nous apprenons plus tard qu'un explosif de gros calibre aurait percuté, en plein milieu, notre poudrière, dépôt d'armes et munitions entièrement détruits par l'explosion. Depuis cette formidable explosion, les bruits de nos canons faiblissent progressivement, les rafales de mitrailleuses, les éclatements de grenades diminuent d'heure en heure, les approvisionnements en munitions étant en voie d'épuisement. Nous espérions l'arrivée en parachutes, d'un renfort substantiel de nos Alliés américains. mais un seul avion américain venant de la direction de Kun-Ming (Chine du Yunnan) apparut très haut dans la ciel, fit plusieurs tours au-dessus de Hanoi sans intervenir, ni être la cible de la d.c.a. japonaise qui n'a pas réagi. On a pu supposer que des aviateurs américains ont pris simplement des photos des combats qui se déroulaient sur terre avant de retourner en vitesse à leur base. La défense courageuse de nos soldats a commencé à faiblir sous la poussée considérable et la vigueur des assaillants très nettement supérieurs en armes et en nombre. l'un après l'autre, plusieurs bâtiments situés à l'intérieur de la Citadelle sont investis par l'ennemi. Réalisant qu'il allait être encerclé par les forces ennemies très supérieures en nombre, le Général en Chef Mordant brûle certains papiers, quitte rapidement les lieux, s'échappe par une brèche ouverte dans les remparts et se replie dans la villa du Médecin Général Botréau-Roussel, située dans le quartier de la Rue Destenay. Peu de temps après ce repli, j'assiste à sa capture et à celle de son hôte le Médecin Général Botréau-Roussel. Sous mes yeux un détachement de gendarmes japonais, porteurs du brassard de la "Kempetai" les appréhende, les conduit sous bonne escorte armée de fusils baïonnette au canon, jusqu'à un petit fourgon stationné au milieu du terrain vague, face à la brèche récemment ouverte dans les remparts de la Citadelle. Quelques minutes plus tard, je vois partir le fourgon dans la direction de la Cité Policière du boulevard Gambetta où le Général en Chef et son hôte seront probablement immobilisés dans une des villas de la cité, avec plusieurs autres notabilités françaises, civiles et militaires de Hanoi, déjà prisonniers des Japonais. En fin d'après-midi du 11 mars je perçois faiblement parmi les bruits assourdissants de la canonnade et de la mitraille, celui des clairons français, sonnant sans relâche le "cessez- le-feu" provenant des quatre coins des remparts de la Citadelle. Cette sonnerie se répète sans arrêt pendant des heures. Elle ne réussit à faire taire les armes qu'au moment où les survivants Français ont épuisé leurs dernières munitions. C'est alors que, submergés par les assaillants, ils cessent les combats. Le bruit des armes à feu ayant cessé progressivement, je sors de la tranchée où j'étais dissimulé à mon poste de franc- tireur, après avoir caché mes armes encore chaudes. Je me rapproche d'un groupe de survivants français désarmés prisonniers, rassemblés derrière la porte nord de la Citadelle, dans la position du garde-à-vous. J'entends un ordre bref formulé par l'officier Japonais commandant l'Unité encadrant les prisonniers français. Très ému, les larmes dans les yeux, je vois amener notre drapeau tricolore qui flottait encore sur la Citadelle, remplacé aussitôt par le drapeau blanc et rouge de l'Empire du Soleil Levant, tandis que les troupes ennemies, pourtant démunies de sensibilité, nous présentent leurs armes et nous rendent les honneurs militaires, reconnaissant ainsi notre courageuse attitude défensive au cours de cette furieuse attaque. Aussitôt après avoir assisté à ce spectacle cruel et inoubliable, je réussis grâce à des complicités, à sortir de la Citadelle au risque d'être abattu, tout comme ont aussi réussi à sortir notamment le Colonel Vicaire, adjoint au Général Mordant, chef des Services de Renseignements Militaires au Tonkin et plusieurs autres résistants, dont j'ignore encore les noms. Un plein "cairo" (grand panier annamite) rempli d'éclats d'obus de toutes dimensions, pesant ensemble près de dix kilos que j'ai ramassés après les combats le soir du 11 Mars 1945, sur les terrain de soixante mètres carrés de surface de l'enclos entourant, du 9 au 10 et du 10 au 11 mars 1945 mon poste de combat, a pu donner une idée de l'intensité de la bataille et des bombardements d'artillerie qui ont eu lieu très près de moi durant ces journées tragiques du Coup de Force Japonais dont je suis l'un des rares rescapés. Au moment du "cessez-le-feu", il y avait déjà de nombreux Français tués et plus de 300 blessés à l'intérieur de la Citadelle. j'ai vu et compté plusieurs centaines de cadavres de militaires et de civils français et annamites, étendus morts sur les voies publiques dans le seul quartier de la Rue Do Huu Vy, à l'extérieur des remparts de la Citadelle. Pour bien faire voir aux habitants annamites et à tous autres de nationalités asiatiques résidant à Hanoi, la supériorité militaire et l'ampleur de leur victoire sur les blancs, les Japonais vainqueurs et xénophobes, laissent sur place et retarderont très longtemps le ramassage et l'inhumation des Français qu'ils ont sauvagement massacrés. Ce n'est que plusieurs semaines plus tard que tous ces cadavres longuement exposés à la chaleur tropicale, détroussés par les pillards, réduits à l'état de décomposition avancée, pourront être transportés au cimetière, pour être enterrés sommairement dans de vastes charniers, par un groupe de prisonniers français, dont je fais partie, désignés pour accomplir cette corvée macabre et placés sous la surveillance étroite et la contrainte des sentinelles japonaises armés d'un fusil baïonnette au canon ou d'une mitraillette. Au cours de cette nuit d'épouvante, l'armée japonaise, très supérieure en nombre et en matériel, a frappé avec une sauvagerie inégalée et au mépris des règles les plus élémentaires de la guerre. Elle a réduit à néant, dans tout le sud-est asiatique le prestige des blancs en général, et des Français en particulier. A partir du 9 mars 1945 la perte de la souveraineté française en Indochine semble inévitable et la situation paraît irréversible. A la même heure, dans toute l'Indochine française, toutes les villes, tous les postes de défense, toutes les garnisons françaises ont subi et ont succombé aux mêmes attaques, aux mêmes violences, au cours de ce terrible coup de force japonais, crime atroce qui vaudra à l'armée japonaise l'indignation des nations civilisées bien informées.   Dans la journée du 9 mars 1945, l'ambassadeur Matsumoto du Japon avait remis à l'Amiral Decoux, Gouverneur Général, chef suprême de l'armée française en opération en Indochine, un ultimatum inacceptable. Il exigeait: "le rattachement des troupes françaises au commandement nippon et l'assurance de défendre l'Indochine jusqu'au bout, contre toute agression des forces anglo-américaines". Sans attendre la réponse et l'expiration de cet ultimatum fixée à 21 heures, les troupes japonaises ont lancé sauvagement la totalité de leurs troupes sur l'ensemble de l'Indochine, à 20 heures dès le début de la nuit. Près de quatre vingt mille militaires Japonais parfaitement armés et aguerris ont attaqué en Indochine six mille soldats français dont l'équipement désuet, périmé comprenait des réserves en munitions mal réparties et ne pouvant permettre plus d'une soixantaine d'heures de potentiel d'actions de feu en défense. A Hanoi, en position de franc-tireur sous les remparts, j'ai vu dix mille Japonais environ hurlants comme des bêtes sauvages, se ruer en masses compactes successives, dans la nuit, à l'assaut de la Citadelle dont les défenseurs français évalués à six cents hommes environ, se sont battus avec acharnement pendant plus de vingt quatre heures sans discontinuité, durant lesquelles 50 % ont été massacrés. A Dong-Dang (où j'ai combattu et où le colonel Loubet a été abattu par les Japonais à proximité d'un des postes que j'ai occupé en 1940) la garnison de la caserne, victime de l'action de l'artillerie lourde japonaise a été contrainte à cesser le feu. Le général Japonais qui dirigeait l'attaque de ce poste frontalier a félicité chaleureusement le capitaine Anosse chef de ce poste, pour son courage exemplaire, l'a ensuite assommé avec son sabre et lui a fait éclater la tête d'un coup de revolver. Les 55 combattants survivants, dont 35 indochinois, ont été décapités au sabre. A Lang-Son (où le 30 novembre 1940 j'ai participé avec le 3ème bataillon du 5ème régiment de légion étrangère, commandé par le commandant Marcelin, à la reprise de possession de cette Citadelle), le général Lemonier à eu la tête tranchée le 9 mars 1945 pour avoir refusé de donner à ses troupes l'ordre de se rendre. Les 9 et 10 mars 1945 tous les prisonniers, attachés par groupes de dix ont été exécutés à la baïonnette et au fusil mitrailleur, contraints à s'agenouiller au bord d'une tranchée. Les blessés survivants ont été presque tous achevés au sabre ou à la pelle. Un seul, couvert de blessures, aurait peu de temps survécu. A Tha-Khét, dans la même période, il y eut 52 exécutés dont le Résident, 2 évêques, 2 officiers, 10 sous-officiers et soldats, 30 civils dont mon ami Greten Inspecteur de la Garde Indochinoise. On découvrit plus tard un charnier de 30 civils dont les corps étaient décapités, certains avaient été enterrés vivants. La liste de tous ces "héros oubliés du pacifique", comme ceux d'Oradour, de Châteaubriand, de Verdun, de Garigliano et des camps d'extermination nazis en Allemagne hitlérienne, ont bien mérité notre respect, notre mémoire et notre reconnaissance. Ils ont écrit au bout du monde une des plus belles pages de notre histoire. Ces héros, oubliés, morts sans sépulture, méritent bien un mémorial. Tout à la fois étonnante, déroutante et attachante la personnalité de l'Amiral d'Escadre Jean Decoux, Gouverneur Général de l'Indochine, a dominé jusqu'au début du mois de mars 1945 la situation tragique et complexe au Tonkin. Venu pour la première fois en Indochine en 1939, en qualité de Commandant en Chef des Forces Navales d'Extrême-Orient, ce fut presque fortuitement qu'il fut nommé Gouverneur Général au départ du Général Catroux. Marin avant tout, Jean Decoux était plus à l'aise sur une passerelle de navire que dans un salon et il n'avait rien de commun avec les diplomates et les politiciens qu'au demeurant il les abhorrait. Il s'est trouvé mêlé à la plus éprouvante des aventures et mis dans l'obligation de faire face aux difficultés, d'une manière beaucoup plus pragmatique que les Administrateurs professionnels en fonction. Très fidèle au gouvernement métropolitain il a manqué cependant d'imagination. Un français d'Indochine nommé Philippe Franchini qui, comme moi, s'est approché en face de l'Amiral, a écrit ces mots à son sujet: "D'une dignité et d'une réserve qui en imposent, sûr de ses options, obstiné, il a le sens indestructible des traditions et d'orgueil imbu de la grandeur de l'Empire, il est d'un patriotisme absolu..." Resté fidèle au maréchal Pétain en dépit des appels de Londres, il s'est rallié sans arrière-pensée au gouvernement du général de Gaulle en 1944, tout en continuant à louvoyer vis-à-vis des Japonais. Il ne fut, ainsi, pas loin de réussir à préserver une Indochine française intacte. Il devait néanmoins payer chèrement son comportement et notamment sa réaction énergique face aux premiers troubles graves, d'inspiration marxiste-stalinienne. Depuis le 3 septembre 1939, date de la déclaration de guerre de la France à l'Allemagne, jusqu'en fin 1940, l'Indochine vécut dans une "paix armée" quelque peu ambigu, sans connaître ni mesurer pleinement la gravité des événements qui, dans la lointaine métropole, allaient aboutir à l'armistice. Dès 1941 l'Indochine fut privée de toute relation avec la France. Les Japonais, les 9, 10 et 11 mars 1945 contrôlèrent brutalement l'essentiel du territoire indochinois. Depuis ces funestes journées les autorités locales françaises civiles et militaires furent assez longtemps, complètement anéanties au Tonkin. Après la reddition japonaise du 6 août 1945, les nouvelles forces françaises venues de l'Afrique du nord et la métropole reprirent progressivement possession des cinq pays de l'Union dont on avait perdu le contrôle, mais elles ne purent réinvestir le delta tonkinois avant mars 1946. Dans l'intervalle, l'insurrection Viet Minh en gestation depuis la frontière sino tonkinoise a éclaté et de vastes secteurs tonkinois sont passés définitivement aux mains de la "subversion". Selon les statistiques officielles, douze pour cent des populations françaises civiles et militaires en Indochine ont été massacrées par les hordes japonaise en furie au cours des seuls combats inégaux et acharnés des 9, 10 et 11 Mars 1945.   Du rescapé que je suis de cet horrible massacre, désormais fait historique comparable à celui des vêpres siciliennes, le combat du Résistant pour l'honneur de la France et de la justice que je mène, demeurera toujours plus opiniâtre et persévérant que jamais.   Le 11 Mars 1945 Les troupes japonaises, très supérieures en nombre, attaquent furieusement le camp retranché de l'artillerie à Tong (province de Son-Tay). L'héroïque commandant Marcelin avec lequel j'ai étroitement collaboré à Dong-Mo et au moment de la reprise de la ville fortifiée de Lang-Son au mois de novembre 1940, qui venait d'être promu lieutenant colonel du 5ème Régiment de Légion Etrangère, est sauvagement tué à Tong au cours de l'attaque de l'Ecole d'Artillerie. Devant la puissance et la rapidité de l'intervention japonaise, le général Alessandri chef des troupes franco-indochinoises à Tong, après avoir ordonné la destruction de tous les canons et des munitions, la situation devint telle qu'il envisage de sonner la retraite dès le soir du 12 mars, et l'éventualité d'un repli en Chine. Le général Sabatier qui venait d'être nommé Délégué Général en remplacement du général Mordant Commandant en Chef en Indochine prisonnier des Japonais, avait transféré le 9 mars 1945 son poste de Tong à Phu-Doan à quelques kilomètres de Tong. Dans la nuit du 9 au 10 mars 1945 il perd tout contact avec deux des plus importantes forces militaires sur lesquelles reposaient son plan de manoeuvre en cas d'une soudaine attaque: celle du colonel Séguin à Cao Bang et celle du général Alessandri à Tong. Cette carence totale des transmissions met le général Sabatier dans l'impossibilité d'exercer normalement son commandement. Cette carence résulte de la défaillance du matériel téléphonique insuffisant en quantité et en qualité et au changement intempestif de certaines longueurs d'ondes, ainsi que la centralisation excessive des postes de radio mis à la disposition du lieutenant colonel Claverin chef du s.r.m. installé dans la concession militaire de Hanoi. Sous la poussée rapide et forte des forces japonaises, le général Alessandri est contraint de se retirer avec des troupes éparses, entre le Fleuve Rouge et la Rivière Noire pour restructurer une unité de combat homogène, capable de résister aux attaques des Japonais lancés à sa poursuite, tandis que le général Sabatier, entouré de quelques hommes, bat en retraite stratégique au travers des pistes de montagnes. Vers le 20 mars il est rejoint par le général Alessandri. Le 23 mars il échappe de justesse à une dangereuse embuscade tendue par les Japonais sur la Rivière Noire et arrive Lai-Chau où se trouve installé un poste radio assez puissant lui permettant de télégraphier en France au général de Gaulle pour lui rendre compte de la situation, lui demander des renforts, des armements, des munitions, du ravitaillement et des chaussures pour remplacer celles usées des fantassins qui viennent de parcourir les pistes à travers les montagnes de la haute région pendant plus de mille kilomètres. Mais le gouvernement métropolitain n'est pas en mesure d'apporter le concours matériel espéré. Néanmoins le général Sabatier réussit à établir une tête de pont en territoire tonkinois à Phong-Saly et plus près de la frontière sino-tonkinoise à Ou-Tay qu'il ne conservera pendant trop peu de temps. Poursuivi sans relâche par les Japonais infatigables et bien armés, pourvus de poste de radio très fonctionnels, ils attaquent, rejettent nos troupes en Chine au delà de la frontière du Yu-Nan. C'est ainsi que dans le courant du mois de mai 1945 le général Sabatier, Délégué Général en Indochine du général de Gaulle, se retrouve en Chine avec plus de cinq mille hommes de l'armée française désarmés, épuisés et placés dans une ambiance morale la plus pénible, après avoir accompli une retraite extraordinairement difficile. Bien avant le coup de force japonais, les paysans vietnamiens constamment pillés, tantôt par leurs congénères, tantôt par les Japonais avaient stoppé l'ensemencement des rizières et les cultures potagères et pratiquaient la politique de la terre brûlée. Ils avaient abandonné leurs villages et refluaient sur les villes où ils s'abattaient comme des nuées de sauterelles sur toutes les victuailles qu'ils découvraient. Ils affluaient sur Hanoi ou ils espéraient pouvoir subsister. Entièrement démunis, ne trouvant plus rien à manger, ils tombaient d'inanition, en masses sur les voies publiques. Tous les jours et toutes les nuits, on entendait les râles lugubres des affamés qui par centaines, agonisaient sur la chaussée. Les Français dépourvus de tous médicaments et de tous autres moyens tentaient d'introduire dans leur bouche quelques aliments en bouillies, à ceux qui tombaient autour de leur habitation. Sans relâche pendant des jours, j'ai pratiqué tous les soins que j'étais en mesure de leur donner. Mais ils étaient si faibles que les premières bouchées de riz en bouillie et les premières libations de thé que je leur distribuais et qu'ils avalaient péniblement achevaient de les tuer. En quelques jours, les rues de Hanoi étaient jonchées de cadavres. La famine sévissait dans toute son abominable rigueur. Les cadavres étaient si nombreux qu'ils encombraient les chaussées dans toute leur longueur et largeur. On voyait à chaque instant les camions et les voitures personnelles des Vietnamiens qui circulaient (les Français n'avaient plus d'auto et ne possédaient plus rien) rouler sans pitié sur les cadavres des faméliques, sans s'arrêter, comme si elles roulaient sur un chemin caillouteux et chaotique. Tous les chiens, les chats et les rats étaient abattus pour être mangés. Les marchands de "pho" (soupe chinoise) se rendaient la nuit, sur le "Banc de sable" du Fleuve Rouge où étaient accumulés de nombreux cadavres et découpaient la chair des cadavres humains dont ils se servaient pour préparer les bouillons qu'ils vendaient le jour à leurs congénères affamés et qui n'avaient rien d'autre à manger. En quelques mois, cette famine épouvantable faisait plus d'un million de victimes parmi les Indigènes. Les agitateurs Vietminh ne manquaient pas d'exploiter cette situation et d'attiser la haine contre les Français. Au travers et au-dessus de toutes les grandes artères de la ville de Hanoi, ils déployaient de larges nombreuses banderoles rouges sur lesquelles sont imprimés en gros caractères français, "chu nom" ou "Quoc Ngu": "les Français affament la population du Viet-Nam", et "les Français ont déjà tué un million de Viet-Namiens par la famine" et "Il faut sans tarder jeter tous les français à la mer" et, en bilingue, française et américaine: "Bienvenue aux Américains". Les agitateurs Viet-Namiens exprimaient ainsi leur nouvelle amitié pour les riches Américains, et désormais, leur mépris pour les Français ruinés par la guerre aux envahisseurs Japonais. Dans Hanoi en pleine révolution et complètement démantelée, où n'existe plus ni armée, ni police française, toutes les banques, tous autres établissements financiers, toutes administrations civiles publiques et privées, tous commerces et industries sont pillés et vidés de leur contenu et ferment leur porte à la clientèle. Depuis le coup de force Japonais du 9 mars 1945, la majeure partie des employés de commerce et d'industrie, la totalité des fonctionnaires civils et militaires n'ont plus perçu, depuis cette date, le moindre salaire et le moindre émoluments. Ils n'ont plus d'argent disponible. Pour toute nourriture, il ne leur reste que des brisures de riz non décortiqué et moisi, ainsi que quelques rares liserons d'eau qu'ils peuvent difficilement ramasser dans quelques rizières abandonnées. Sous l'impulsion énergique de l'Intendant Général Chamagne assisté de mes amis l'Intendant Colonel Ornn et l'Intendant Lieutenant Colonel Guillou, une sorte de caisse de prévoyance ou de banque provisoire est créée à Hanoi par un consortium de grosses entreprises commerciales et industrielles du Tonkin qui, désormais, permet de faire régulièrement l'avance, chaque mois, d'un "minimum vital" à chaque Français. Simultanément, la remise en bon état de fonctionnement d'un four de boulangerie permet d'offrir quotidiennement à chaque Français une petite boule de pain dont ils avaient perdu le goût depuis plus de six mois. En même temps une modeste salle de cuisine commune est installée, avec quelques éléments rudimentaires ayant échappé aux pillages et destructions, permet ainsi de faire cuire une "soupe populaire". De nombreux Français de toutes conditions sociales viennent "faire la queue" devant cette cuisine improvisée, pour recevoir dans des gamelles hétéroclites, une maigre ration alimentaire quotidienne, qui leur permet de subsister.

Du 11 au 17 Mars 1945

Ma capture le 11 mars au soir, peu après que le "cessez le feu" est devenu entièrement effective, et un peu avant 20 heures, à la faveur du désordre général qui régnait à l'intérieur de la Citadelle en voie d'être totalement investie par les troupes japonaises, dans la nuit profonde, je sors par la porte nord encore dépourvue de sentinelle japonaise, je traverse le boulevard Carnot devenu subitement désert et je me faufile dans la Rue Do Huu Vy où je rejoins discrètement mon abri situé au niveau du n° 8 de cette voie publique, jonchée de cadavres. C'est aussi ce même jour du 11 mars que, sous la pression des Japonais, l'empereur d'Annam Bao-Dai proclame l'indépendance de son pays et abolit tous les traités passés avec la France depuis 1886 et déclare solennellement que l'Empire d'Annam prend le nom de Viet-Nam. Un drapeau national aux couleurs jaune et rouge est imaginé et confectionné, et un hymne national est crée. Tous les noms français, des rues et des villes, sont débaptisés et portent les noms des principaux révolutionnaires annamites anti-français. Tous les monuments aux morts et toutes les statues en bronze élevés à la gloire des Français sont profanés, déboulonnés et détruits sous les yeux complaisants et dans l'hilarité des Japonais qui intègrent le nouveau Viet-Nam dans la "sphère de co- prospérité du sud est asiatique" sous l'égide du Mikado Hiro- Ito. Le 12 mars dans la matinée, après m'être assuré que personne ne pouvait me voir sortir de cet abri où je venais de passer une nuit de franc-tireur aux aguets, je me dirige à pied sur le centre ville où demeurent mes amis Rochat, pour prendre des nouvelles. Sur mon parcours je constate qu'au milieu des principaux carrefours stratégiques, les Japonais ont installé, en position de combat, des mitrailleuses dominant toutes les rues aboutissant à ces carrefours. Par ailleurs, en prévision de bombardements aériens éventuels américains, de nombreux trous profonds, circulaires, de petit diamètre, étaient individuellement creusés et occupés par des soldats Japonais armés, notamment tout autour du petit lac "Hoan Khiém". J'apprends que Théo, frère de mon ami Henri Rochat, capturé à Haiphong par la Kempetaï, est décédé dans sa geôle après avoir subi d'odieux sévices, et que leur mère avait été sauvagement assassinée, étranglée et les yeux crevés. Je suis invité à prendre mille précautions pour échapper à la fureur des envahisseurs. Le 13 mars, l'état d'urgence, la loi martiale et le couvre feu sont instaurés à Hanoi par l'armée japonaise. De nombreuses affiches trilingues, rédigées en français, en Quoc Ngu et en caractères Japonais sont placardées sur les édifices publics. Elles invitent impérativement au calme tous les français et notamment les militaires qui n'ont pas été fait prisonniers les 9, 10 et 11 mars, de se rendre sans délai aux autorités japonaises. Elles précisent que les officiers français qui ne se seraient pas rendus dans les quarante huit heures seront, tôt au tard, capturés et aussitôt fusillés. Des sentinelles japonaises et même des barrages étaient installés autour des habitations dénoncées comme abritant des militaires français encore en liberté. Le 14 mars, l'armée japonaise victorieuse, ordonne le rassemblement immédiat des fonctionnaires français de toutes les polices municipales, de sûreté judiciaire, de sureté spéciale et générale, politique et de contre-espionnage. Ces fonctionnaires sont conduits, sous bonne escorte, dans un des bâtiments où ils sont internés. La gendarmerie japonaise appréhende également successivement tous les hauts fonctionnaires civils tels que MMrs Georges Gautier secrétaire général du Gouverneur Général d'Indochine, Paul Chauvet Résident Supérieur au Tonkin, de Peyrera, maire de Hanoi, qui sont aussitôt réduits à l'impuissance et enfermés dans les villas de la cité policière du boulevard Gambetta. L'administration française civile et militaire étant ainsi complètement démantelé, la capitale de l'Indochine est désormais livrée aux pillages, aux assassinats et à toutes sortes de violences et d'exactions. Le 15 mars, peu après le lever du jour, alors que je m'apprête à sortir furtivement par une petite porte discrète donnant sur le jardin du bâtiment qui m'abritait au n° 8 de la Rue Do Huu Vy, je me trouve nez à nez avec un petit groupe de Japonais en uniformes composé de cinq hommes de troupe armés de fusils, baïonnette au canon, commandés par un gradé portant l'uniforme de la gendarmerie et le brassard blanc de la Kempetaï, mitraillette au poing, qui me barre la route et m'interpelle en un mauvais langage mi-français mi-annamite, en ces termes: "Tu es dénoncé comme étant un officier français qui n'a pas exécuté les instructions de nos chefs, j'ai reçu l'ordre de te capturer". Spontanément je réponds: "C'est faux, je ne suis pas un officier français". Le gradé Japonais enchaîne: "Tu mens, je vais te le prouver". Au même moment, il donne l'ordre aux quatre soldats de m'encadrer, tandis que le cinquième me pousse brutalement jusqu'à la porte de sortie de mon abri qui donne sur la Rue Do Huu Vy. En résistant, je fais quelques pas et stoppe ma marche en avant. C'est alors que le gradé Japonais donne un ordre bref au cinquième homme de l'escorte qui part en courant en direction de l'avenue du grand Bouddah et revient peu après sur les lieux, accompagné d'un Annamite qui s'approche de moi dont je reconnais le visage que je n'avais pas revu depuis plusieurs années. Il avait les deux mains cachées derrière son dos, comme si elles étaient attachées. Le gradé Japonais pose une brève question à cet Annamite qui, en me dévisageant, répond en tremblant: "C'est bien lui, je le reconnais formellement, j'ai été cuisinier à son service pendant plusieurs années. a la fin de l'année 1940, il a quitté Hanoi et il est parti à Lang-Son faire la guerre aux soldats de l'armée japonaise. Quand il revint Rue Do Huu Vy à Hanoi, quelques années plus tard, il portait sur sa tête le képi orné de deux galons argentés que j'ai porté, sur le théâtre des opérations militaires sur la frontière sino- tonkinoise de 1940 à 1942 à l'occasion des jours de cérémonies officielles et des remises de décorations. Dans un geste rageur et en vociférant, le gradé Japonais arrache des mains de mon "bep" (cuisinier) le képi et le flanque sur ma tête que je secoue nerveusement. En colère, il tente d'ajuster le képi sur mon crâne, toujours vociférant: "Il est bien à la taille de ta tête, c'est bien ton képi, tu ne peux pas dire le contraire". Je proteste énergiquement en répliquant mensongèrement: "Ce n'est pas mon képi, je ne suis pas l'officier français, je suis fonctionnaire civil employé dans l'administration centrale des finances". Sur ces mots, le gradé japonais, devenu de plus en plus furieux crie à sa troupe l'ordre guttural: "En avant! "Et les deux hommes placés en avant de moi, me tirent par les bras, tandis que les deux autres placés à l'arrière me piquent les fesses avec leur baïonnette, pour me faire avancer. Je persiste à protester avec véhémence, je freine au maximum la marche forcée en avant. Après avoir parcouru une centaine de mètres, nous arrivons au croisement de la Rue Do Huu Vy et du boulevard Carnot, où nous attendait un gros camion japonais, stationné juste en face de la porte nord de la Citadelle. A notre arrivée, je vois la porte de la cabine du conducteur du camion s'entrouvrir et, sur la plate-forme du camions, quelques militaires français prisonniers, pieds liés, qui venaient d'être capturés et étaient blottis, assis l'un contre l'autre. Tandis que les soldats Japonais qui m'encadraient me piquent, tour à tour, les fesses avec leur baïonnette en m'intimant l'ordre de rejoindre sur la plate-forme les autres prisonniers français, vint à passer sur le trottoir, à hauteur du camion de l'armée japonaise, le civil Shimomura gérant du "Bazar japonais" de Hanoi, qui se dirigeait sur son domicile, mitoyen à mon abri de la Rue Do Huu Vy. A son passage je crie à Shimomura qui me connaissait depuis longtemps comme client occasionnel de son bazar: "Dites à ces soldats que je ne suis pas un officier français réfractaire, mais réellement un fonctionnaire civil de l'administration centrale des finances". Shimomura s'arrête, échange une longue conversation très animée avec le gradé Japonais porteur du brassard de la Kempetaï, salue très respectueusement la troupe japonaise, et s'éloigne en marche arrière en faisant quelques courbettes. Le gradé monte dans la cabine du chauffeur tandis que les soldats japonais, qui l'accompagnaient et m'encadraient, sautent sur la plate-forme du camion qui démarre en vitesse en direction du pont Doumer, me laissant sur le trottoir, seul, sur le boulevard devenu désert depuis le cessez-le-feu. J'apprends, quelques temps plus tard, que les prisonniers français que j'ai vu ligotés sur la plate-forme de ce camion et que les gendarmes de la Kempetaï allaient me faire rejoindre par la force, avaient été conduits sur le terrain d'aviation de Gia-Lam où ils avaient été froidement fusillés. Je venais d'être dénoncé par mon ancien cuisinier. Depuis le mois d'octobre 1940, sous l'impulsion du colonel Oka et du colonel de l'armée japonaise (d'origine annamite) Tran Van An, la Kempetaï a recruté au Tonkin de nombreux informateurs Annamites, notamment dans les milieux des anciens domestiques des Français, tels que cuisiniers, chauffeurs d'autos de maîtres, valets de chambre, bonne d'enfants, couturières, jardiniers, tireurs de pousse- pousse etc... qui, constamment, épiaient leurs maîtres dont ils connaissaient parfaitement les agissements et les activités. La Kempetaï payait aux délateurs: cinq piastres à celui qui dénonçait un Français, dix piastres à celui qui leur en amenait avec tête tranchée, et vingt piastres à celui qui leur facilitait l'arrestation, en leur apportant des preuves de leurs activités anti-japonaises. La tentative de ma première arrestation manquée, ainsi que l'aggravation de la tension franco-japonaise au Tonkin, me font penser à la nécessité impérative de quitter Hanoi au plus vite, et de prendre la route en direction de Lang-Son et de la frontière où, dans les provinces chinoises du Kouang-Si et du Kouang-Toung, je savais qu'il existait quelques groupes de Français résistants qui avaient constitué les réseaux "Picardie" et "Poitou", premiers embryons de la résistance officielle indochinoise au-delà de la frontière sino- tonkinoise, dans les villes de Long-Tchéou, Na-Ning et Tai- Ping. Sans plus de réflexion, alors que je traversais, à la tombée de la nuit, la cour de l'école normale évacuée, j'aperçois un vélo abandonné que j'enfourche et je prends à grands coups de pédales, la route du nord du Tonkin en direction de la frontière sino-tonkinoise que je connais parfaitement. Je franchis sans encombre le grand pont Doumer sur le Fleuve Rouge et continue à pédaler en vitesse sur la r.c. 4 traversant les gros villages de Gia-Lam et de Phu Thu Son, où les habitants indigènes, effrayés par les récents combats, se calfeutraient dans leurs cases. Après avoir parcouru une trentaine de kilomètres, j'arrive à Bac-Ninh puis à Dap-Cau où je décide de faire halte dans l'un des bâtiments de l'usine électrique désaffectée qui constituait le lieu principal du patrimoine de ma famille, où j'ai vécu plusieurs années. A la lueur de ma lampe électrique de poche inséparable, je pénètre dans le réduit de l'ancien poste des transformateurs de tension électrique, qui semblait réunir toutes les conditions d'une bonne cachette. Dans la nuit, je constate peu à peu que ce refuge est très sale et recouvert d'une très épaisse couche de poussière. J'en sors et je m'introduis dans l'une des pièces de mon ancien bureau où je trouve installé un bat flanc en planches, recouvert d'une natte en paille de riz sur laquelle je m'écroule et m'endors. Le lendemain 16 mars, dans la matinée, je suis réveillé par le bruit de l'ouverture brutale de la porte du bureau par laquelle pénètre un Annamite, stupéfait de me voir, que je reconnais comme étant un de mes vieux serviteurs qui, de la cité ouvrière en paillotes que j'avais construit pour mon personnel indigène en bordure de l'ensemble immobilier de l'ancienne usine électrique "Veyrenc et Cie" où il logeait, avait aperçu la présence insolite d'une bicyclette adossée à l'un des murs du bureau. Encore tout ébahi de me voir, et sous l'emprise de la crainte et de l'épouvante, mon ancien et fidèle secrétaire me salue respectueusement et me conseille de partir immédiatement me cacher ailleurs, étant donné que les Japonais avaient "vendu" ou "donné" l'ensemble des bâtiments de l'ancienne usine électrique dont j'étais co-propriétaire, à un chef local redoutable du parti nationaliste annamite pro-Japonais "Viet Nam Quoc Dan Dang". J'avais très faim, je supplie mon vieux secrétaire Kuang d'aller me chercher quelques aliments contre paiement immédiat. Il se retire, et après quelques instants, il m'apporte deux bananes, une bolée de riz et une bouteille contenant deux ou trois tasses de nuoc-voi. Tandis que je dévore ces denrées et que j'avale l'infusion de thé à grandes gorgées, mon fidèle secrétaire me raconte, en toute hâte, que l'unique pont qui enjambe le fleuve "Song-Cau" qui coule au bas de l'usine Veyrenc est coupé et infranchissable, qu'il est impossible de gagner la rive nord du fleuve en direction de Lang-Son et de la frontière de Chine, que le seul moyen de franchir le fleuve, serait celui qu'offrent des sampaniers annamites, mais ils sont tous à la solde des Japonais qui pullulent sur la rive nord du fleuve. Il ajoute que Dap-Cau, où j'ai longtemps travaillé, a vécu les 9, 10 et 11 mars derniers, des scènes d'horreur difficilement concevables, dans le bruit de la mitraille. Il me raconte que dans chaque bâtiment militaire isolé disséminé sur le territoire de cette ville, ce ne fut que violences, cris d'épouvante de femmes violées par la soldatesque japonaise et cris de terreur des enfants. Il me donne force détails affreux et les noms des femmes françaises que je connais, victimes de ces scènes de violences perpétrées dans des conditions abominables. Pour me dissuader de poursuivre mon chemin jusqu'à Lang-Son, il affirme que dans cette ville, mon ami Auphelle, chef de cette province, le général Lemonier que je connaissais bien et le colonel Robert ont été décapités au sabre le 9 mars par des officiers Japonais qui les avaient traîtreusement invités à déjeuner. Il affirme que tous les faits par lui relatés sont parfaitement authentiques et prouvés. Mon ancien secrétaire annamite, toujours fidèle, me supplie, pour sa sécurité et la mienne, de quitter les lieux immédiatement et d'aller me cacher ailleurs. Kuang, cet ancien secrétaire comptable, homme loyale, d'âge mur, éclectique, doté d'un esprit qui ne manque pas de discernement, profondément ému par l'évolution des événements, et effrayé à la pensée qu'il pourrait être vu et dénoncé pour avoir des relations avec un Français, murmure à voix basse, avant de se retirer en direction de la cité ouvrière construite en bambous, paillotes de riz et feuilles de bananiers, en bordure de l'usine électrique: "L'état d'esprit de vos anciens ouvriers et employés de bureau, ainsi que celui de toute la population de la ville de Dap-Cau s'est considérablement dégradé depuis votre départ. Elle subit l'influence néfaste d'une intense propagande anti-française propagée par les "nui-no" (nains hideux) ainsi sont désignés les soldats Japonais par les Vietnamiens encore pro-Français. Sous l'impulsion de ces propagandes japonaises deux nouveaux partis politiques vietnamiens, ont été crées: le Viétnam Cach Menh Dong Minh-Hoi (parti révolutionnaire pour le rétablissement de la dynastie du prince Cuong Dé, vieil émigré politique au Japon) et le Dai Viet (parti pour la construction du "plus grand Viet Nam) qui entretiennent une agitation continuelle. leurs partisans répandent des slogans et inondent la ville de Dap-Cau et les campagnes environnantes, de tracts révolutionnaires ainsi rédigés: - le Japon est ami du Viet Nam. - le Japon est protecteur du Viet Nam opprimé par les Français. - le Japon est généreux, il aidera le Viet Nam à reconquérir sa totale indépendance. - le Japon veut conclure une alliance militaire avec le Viet Nam. - le Japon veut faire entrer le Viet Nam dans la "sphère de co-prospérité" qu'il a crée. - avec le Viet Nam, le Japon réalisera "la Grande Asie Orientale". Plusieurs exemplaires de ces tracts originaux me sont communiqués. Narquois, mon ancien comptable ajoute: "Au début de l'année 1941 l'intendance de l'armée d'occupation japonaise payait, avec de la monnaie d'or métal ou avec du gros outillage japonais, tous leurs achats massifs de riz qu'ils stockaient en vue de pourvoir au ravitaillement de leurs troupes d'occupation et aux besoins d'exportation des excédants au Japon, mais depuis le début du mois de juin 1942, ils ne payent plus qu'avec du papier monnaie sous forme de billets de banque désignés par eux "yens spéciaux" sortes d'assignats n'ayant pas cours sur le marché mondial. Réticents les nhê-quê (paysans) leur refusent de vendre le riz qu'ils ont récolté. C'est alors que la troupe réquisitionne leurs récoltes sur pieds et se font livrer autoritairement le riz à des tarifs dérisoires équivalents à 19 piastres indochinoises le quintal et continuent à accaparer la production et à constituer des réserves énormes de riz de bonne qualité, tandis qu'il ne reste plus que, rarement, du riz rouge résiduel en brisures, pour l'alimentation des populations locales vietnamiennes qui peuvent difficilement s'en procurer au prix exorbitant de 56 piastres indochinoises le quintal. Cette situation a fait naître la redoutable et désastreuse famine qui sévit encore. C'est pourquoi les populations affamées prennent d'assaut des stocks de riz pour s'alimenter. Les partis politiques vietnamiens pro-Japonais estiment que la France est la seule responsable de cette situation et incitent les masses populaires à la révolte armée contre les Français". Résolu à ne pas abandonner mon projet de passer en Chine, pendant des heures je recherche la solution qui me permettrait de franchir le pont coupé, de progresser en direction de Lang-Son et de la frontière de Chine. Après avoir longuement réfléchi, je ne vois qu'une solution pour traverser le fleuve Song-Cau: celle de m'emparer à la faveur de la nuit, d'une des nombreuses jonques habituellement amarrées à l'entrée du pont métallique endommagé et infranchissable, et de rejoindre très discrètement à la rame la rive gauche du fleuve, et de là, poursuivre mon évasion jusqu'à la frontière de Chine pour me joindre au groupe de résistants français déjà passés au Kouang-Si. Pris de fatigue et de sommeil, je me couche et je m'endors profondément sur le bat-flanc, jusqu'au lendemain. Le 16 mars, au lever du jour, je suis éveillé en sursaut par le bruit du moteur d'un gros véhicule automobile qui s'arrête à hauteur de mon refuge. Presqu'instantanément trois militaires Japonais portant le brassard de la Kempetaï enfoncent à coups de crosse de leurs fusils la porte du bureau où je m'étais endormi, et se précipitant en direction du bat-flanc où assis je me relevais en sursaut. L'un d'eux dirige sa baïonnette sur ma poitrine, l'autre sa mitraillette sur mon front, tandis que le troisième fouille mes vêtements pour s'assurer que je ne suis pas porteur d'une arme cachée. Après avoir accompli cette fouille, ils visitent méticuleusement le local du bureau et n'ayant rien trouvé de suspect, me poussent à l'extérieur, et me traînent jusqu'au grand camion militaire avec lequel ils sont venus me chercher. En me piquant les fesses avec la pointe de leurs baïonnettes, ils me forcent à grimper sur le camion recouvert d'une bâche et me déportent "manu militari" en direction de Hanoi où je ne sais quel triste sort me sera fait.    


Table
Mon internement dans la Citadelle de Hanoi

Du 16 mars au 5 septembre 1945

En fin de matinée du 16 mars, après plusieurs arrêts effectués en cours de route, le camion militaire japonais qui me transportait "manu militari", franchit le pont Doumer, se dirige d'abord sur le commissariat de police du 1er Arrondissement à l'intérieur de la cour duquel où je suis projeté brutalement, jusque dans une cellule de délinquants, fort nauséabonde et répugnante. Deux policiers Annamites se précipitent sur moi et me dévisagent. après m'avoir fait subir un sommaire interrogatoire, ils me remettent aussitôt entre les mains des trois gendarmes japonais qui me conduisent en camion jusqu'au boulevard Gambetta où il s'arrête devant l'immeuble de la société américaine de pétroles "Shell", devenue le siège de la Kempetaï (Gestapo japonaise) à Hanoi. Les trois sbires Japonais armés, porteurs du brassard blanc de la "Kempetaï" qui m'escortaient me projettent hors du camion m'introduisent à l'intérieur de la "Shell", me dirigent vers une table derrière laquelle de tenaient debout trois "nui-no" (nains hideux) japonais, porteurs de brassard blancs au bras droit et d'un grand sabre au côté gauche. L'un d'eux, le plus musclé, me lance un regard féroce, et, traînant bruyamment l'extrémité de son sabre sur le sol pour m'intimider, frappe la table d'un violent coup de poing accompagné de brèves vociférations, pour moi inintelligibles, que son voisin, interprète, traduit en mauvais français: "Toi officier français réfractaire, tu le reconnais?" Je réponds catégoriquement "non". L'autre menaçant reprend: "Tu mens". Je réplique: "J'ai dit la vérité" et, en continuant à vociférer, il fait un signe à deux autres sbires qui me saisissent aussitôt par les deux bras et me projettent dans une pièce voisine où ils me forcent à m'accroupir, en me pilonnant douloureusement les orteils des deux pieds avec la crosse de leur fusil. En même temps, en file, derrière mon dos, toute une série de Français qui venaient d'être appréhendés était poussée devant la table de réception des captifs pour y subir, comme moi, un premier interrogatoire. Sans plus tarder, quatre autres sbires armés de gros bâtons arrondis entrent dans la pièce voisine où j'ai été projeté et où je m'étais accroupi. L'un des tortionnaires jette son bâton sur le sol, deux autres me forcent à me lever et à m'agenouiller sur le bâton jeté au sol, tandis que le quatrième très menaçant crie et vocifère: "Tu vas dire la vérité". Je réponds "Oui" d'un signe de tête. L'interrogateur poursuit: "Alors tu vas reconnaître immédiatement que tu es un officier français qui nous a désobéi". Je réponds "Non". Sur cette réponse et sur un signe du questeur, je reçois sur le menton un violent coup de poing qui m'étourdit. Sous l'effet de la douleur, je crie: "Cessez de me frapper, je vous répète que je ne suis pas un officier en fuite, mais un fonctionnaire civil de l'administration centrale des finances à Hanoi, c'est la vérité, vous pouvez vérifier". En réplique j'entends: "Qu'allais-tu faire à Dap-Cau où tu as été capturé par nos gendarmes?" Et je reçois une volée de très douloureux coups de bâton sur le dos et sur les bras, tandis que mes tortionnaires, tous en choeur vocifèrent: "Maintenant tu vas nous dire la vérité". Comme je restais muet, abasourdi par ces violences, je reçois successivement trois autres coup de poing sur le visage, l'un au niveau de l'arcade sourcilières droite qui se met à saigner, deux autres sur les maxillaires droits, si violents que trois dents sont brisées, ces trois coups accompagnés de ces vociférations: "Es-tu enfin décidé à dire la vérité?". Je réponds: "Voilà la vérité, je suis allé à Dap-Cau, dans ma propriété, pour y chercher des papiers concernant ma famille et notre entreprise commerciale familiale, je ne suis pas un officier français en fuite, vous pouvez vérifier tout ce que je vous ai dit, auprès de votre compatriote Shimomura propriétaire du "bazar japonais" situé Rue Beauchamp à Hanoi dont je suis le client occasionnel, depuis plusieurs années". Sur ces mots, mes tortionnaires se calment peu à peu, et échangent entre eux une conversation animée que je ne comprends pas. Trois d'entre eux sortent précipitamment de la salle de torture tandis que, chancelant, je suis poussé dans le couloir où le quatrième me somme de m'accroupir. Plusieurs heures plus tard, j'aperçois, dissimulé au bout du couloir, le commerçant Shimomura dont le regard est braqué sur moi et qui a peine à me reconnaître tellement j'ai la tête meurtrie et tuméfiée. Une longue discussion très animée s'engage entre lui et le chef du groupe de mes tortionnaires, à la suite de laquelle Shimomura se retire tandis que son interlocuteur entre dans le bureau des officiers supérieurs de la Kempetaï, d'où il ressort quelques minutes plus tard. Sur deux coups de sifflet, deux gardes armés de mitraillettes apparaissent sur un ordre bref, se précipitent sur moi, m'empoignent, me bousculent jusqu'à la sortie et m'enferment dans un petit fourgon qui m'amène quelques centaines de mètres plus loin à l'intérieur de la Citadelle où je suis interné et mis au secret dans une geôle isolée, constituée par un petit réduit solitaire, gardé à vue par une sentinelle armée d'un fusil baïonnette au canon. Dans cette geôle, il m'est jeté chaque jour, pour manger, trois boules de brisures de riz moisi et, pour boire, quelques gorgées d'eau chaude dans laquelle baignent quelques feuilles de liserons d'eau sans doute porteurs d'amibes hématophages. Aucune sortie, si ce n'est le temps de fumer une seule cigarette par jour et de satisfaire mes besoins physiologiques dans une touque-tinette affreusement agressive, dès le matin remplie à ras-bord, que je devais transporter à bout de bras jusqu'à une fosse sceptique encore plus nauséabonde. Je connais des nuits d'insomnie et de fièvres paludéennes hallucinantes, envahi par des moustiques anophèles et par de voraces rats d'égouts gros comme des chats, ainsi que par toutes sortes d'autres parasites: poux, puces, punaises et "bou-mac", avec la suppression de tous moyens de faire toilette et de recevoir le moindre soin corporel. Si des films et des photographies purent révéler au monde l'horreur des bagnes nazis, rien des abjections, des actes féroces commis en Indochine par les services spéciaux Japonais sur les détenus Français dans les camps, n'ont pu être enregistrés et publiés, la totalité absolue de nos appareils enregistreurs d'images et de sons ayant été rigoureusement saisis et détruits en 1940 dès le début des hostilités, par l'envahisseur. Des photos des camps de Hanoi et de Hoa-Binh et des prisonniers Français des Japonais ne pourront jamais être alignées en comparaison avec celles de Dachau, Auschwitz et d'ailleurs. Les observateurs auraient pu constater nombreuses analogies. Les appareils photographiques et d'audio-visuel n'ont réapparu au Tonkin qu'en 1947 quelques temps après l'arrivée des troupes du général Leclerc. Au cours de plusieurs semaines d'internement, de rares sorties de ma prison m'ont été autorisées pour me soumettre aux corvées macabres d'enterrements sommaires des cadavres en complète putréfaction des Français tués dans les combats des 9 et 10 mars. A l'aide de brancards de fortune fabriqués par nous-mêmes, faits de bambous et de nattes de paille de riz tressées, j'ai pris part au relevé de plusieurs trentaines de cadavres qui jonchaient les rues, et à leur transport, en convois, de la Rue Do Huu Vy jusqu'au cimetière de la route de Hué où ils étaient déversés en pleine décomposition, sans sépulture, dévêtus par les pillards, pêle-mêle, sans ménagement, comme des animaux, par trentaines, dans d'immenses fosses communes qui dégageaient des odeurs pestilentielles, dans cette ambiance de chaleur tropicale. J'ai conservé pendant des mois entiers, dans le nez et au fond de ma gorge l'odeur abominable et inaltérable des cadavres en putréfaction, malgré tous les efforts faits pour les faire disparaître. Plusieurs autres foi, j'ai dû faire fonction de croque-mort à l'occasion d'enterrements individuels de soldats Français que j'avais vu s'asseoir péniblement sur des touques-tinettes alignées dans un coin, par séries de dix, et tomber à terre pour ne plus se relever, atteints de dysenterie amibienne, victimes d'hémorragies intestinales mortelles. Comme il n'existait plus un seul cercueil vide dans tout le Tonkin, leurs corps, non ensevelis, étaient introduits recroquevillés dans une rare caisse en bois quelconque, dont les dimensions étaient toujours plus petites que celles d'un corps humain adulte. La caisse mal refermée était chargée sur une charrette à boeuf à deux roues servant de corbillard, tirée par moi dans les brancards et poussée par deux ou trois autres prisonniers jusqu'au trou creusé pour servir de tombe provisoire. La loi martiale proclamée par les Japonais interdisait rigoureusement toutes réunions de plus de cinq personnes. C'est dans des circonstances tragiques analogues que j'ai vu conduire à leur dernière demeure mon camarade le douanier Fournier et mon ami Obrecht chef du service d'identité judiciaire du Tonkin.

 

 


Table
Mon admission dans la Résistance
Extra Métropolitaine en Indochine

Du 6 Septembre 1945 au 29 Décembre 1945

  Le 6 Septembre 1945 J'apprends que l'avion aperçu le 22 Août 1945 venant de Um-Ming (province du Yunnan) avait à son bord plusieurs officiers français temporaires, portant des galons blancs argentés, ainsi qu'un officier major américain. Ils avaient réussi à atterrir sur le terrain d'aviation de Gia-Lam proche de Hanoi. Parmi ces officiers français il y avait le commandant Sainteny homme de la d.g.é.r. Chargé de la "mission 5" par le général de Gaulle, accompagné du major américain Patti, membre actif de l'o.s.s. (Office of Stratégic Service). Avant de quitter la Citadelle mon attention est attirée par deux officiers vêtus de l'uniforme français couleur kaki portant des galons blancs argentés, montés sur une estrade de fortune qui discutaient avec une cinquantaine de Français rassemblés autour d'eux,.curieux, je m'approche et j'entends les officiers demander aux auditeurs s'ils se trouvaient parmi eux des volontaires qualifiés qui accepteraient de les accompagner prochainement à Saigon (Cochinchine) pour collaborer, dès que le moment opportun se présenterait, à la reconstitution des bureaux des services français démantelés et occupés par le Viet-Minh à Hanoi. Avec deux ou trois autres auditeurs nous présentons notre candidature qui sera soumise à l'examen d'une commission spéciale. Dans le but de renforcer l'aide que lui apportaient les nouveaux collaborateurs militaires du commandant Sainteny: les capitaines Serres, Levain et le lieutenant de Monthuy, je décide, malgré l'insécurité totale qui régnait dans Hanoi où la pègre était déchaînée, où l'on ne pouvait savoir qui commandait: les Chinois du Koui Ming Tang, les Américains de l'o.s.s. (Office of Stratégic Service), les Japonais du Mikado, les Nationalistes du Viet-Nam Quoc-Dan-Dang ou les Indépendantistes Viet-Minh-Dong Minh Hoi ou le Dong-Duong- Cong-San-Bang (Parti Communiste Indochinois) de Ho Chi Minh, tout fraîchement armés par les Japonais, de prendre le risque certain de franchir la longue distance qui sépare le centre ville où j'habite et la zone suburbaine où se situe le palais du Gouverneur Général, et je réussis le 6 Septembre 1945 à prendre, à travers les grilles de clôture du grand palais, le premier contact avec le commandant Sainteny auquel je me déclare volontaire pour lui apporter un concours efficace dans la résistance contre toutes les menées anti-françaises et les ennemis de la France en Indochine. Un peu circonspect au début de la conversation, il finit par accepter ma collaboration et me charge: "De lui transmettre tous les renseignements et documents que je pourrai connaître déjà, ou recueillir ensuite, sur les différents partis politiques annamites en présence au Tonkin, avec leur historique succinct et leurs "leaders", milieux sociaux touchés, sur les luttes entre partis et les luttes intestines dans les différents partis ainsi que sur l'influence étrangère (chinoise ou japonaise), sur les milieux divers". Le commandant me demande par ailleurs, de lui communiquer les fiches que j'aurai à établir sur chaque personnalité politique autochtone, concernant leur carrière (libérale, administrative et politique), leurs qualités, défauts ou points faibles, leur degré de sincérité, leurs amis, leur influence à Hanoi, en province ou dans toute l'Indochine, leur fortune personnelle (mobilière et immobilière), leurs ambitions, leur parenté avec des membres influents de leur famille, leurs intermédiaires Français et Annamites, ainsi que les possibilités de les contacter". Possédant des connaissances étendues de tous les milieux: Français, Chinois, Annamites et Indous du Tonkin, j'ai pu rédiger de nombreux rapports dactylographiés, signés "Un Français d'Indochine" et établir plus d'une centaine de fiches contenant les renseignements demandés par le commandant Sainteny, appuyées par nombreux documents originaux secrets concernant les menées anti-françaises en Indochine. Chaque nuit, depuis le 15 Septembre jusqu'au 23 Décembre 1945, malgré les perquisitions, les arrestations, le couvre-feu et les coups de fusil qui claquaient tout le long du parcours, j'achemine ces écrits depuis mon domicile provisoire, à mes risques et périls, dissimulés dans les doubles semelles de mes chaussures, jusqu'à une petite villa située près de la gare des chemins de fer, dans les environs de la rue Bélier où je les remets, quelque fois entre les mains du commandant Sainteny ou le plus souvent, en son absence, entre les mains d'un de ses collaborateurs directs, les capitaines Serre ou Levain qui, à tour de rôle, assuraient une permanence nocturne dans ce bâtiment discrètement camouflé. Une série de mes compte-rendus secrets, déposés par moi-même entre les mains du commandant Sainteny ou de ses adjoints militaires, relativement à des faits et actions clandestines exécutées ou en voie d'exécution contre notre défense nationale, connues de moi seul, avant le 16 mars 1945, date de mon internement par le Kempetaï, a été complétée par une nouvelle série de renseignements recueillis par moi-même, après le 5 Septembre 1945, date de la libération des camps, relatant les faits suivants: Le 22 mai 1945 Le général Juin, Chef d'Etat Major de la défense française rencontre à Washington le général Marshall et l'amiral Leahy qui lui notifie que l'Etat Major américain n'envisage aucune opération militaire sur l'Indochine. Le 24 Juillet 1945 Le président de la conférence historique de Potsdam dépose un rapport selon lequel la s.é.a.c (South East Asiatic Command) basée à Ceylan est désormais placée sous les ordres de Moubatten tandis que le théâtre des opérations en Extrème-Orient, y compris l'Indochine, est confié au généralissime chinois Shang Kai Seck, sous le contrôle du général américain Wademayer. Le 6 Août 1945 Au Japon, les villes de Hiroshima et de Nagasaki subissent de très violents bombardements atomiques, catastrophiques, exécutés par l'aviation de la flotte américaine, contraignant le Mikado, empereur du Japon, à décréter immédiatement le "cessez le feu" sur tous les fronts de combats, y compris ceux de l'Indochine. En exécution de cet ordre impératif les troupes jap's abandonnent les positions qu'elles occupent au Tonkin. Une partie importante embarque progressivement dans le port de Haiphong pour rentrer au Japon, tandis qu'une faible partie continue à occuper les casernements français en attendant d'être désarmée par les Chinois et qu'une autre fraction bien armée gagne la brousse tonkinoise, pour instruire et encadrer militairement des jeunes recrues vietnamiennes et les préparer à faire la guerre, dans le but de leur permettre d'occuper par la force armée, les positions stratégiques au fur et à mesure qu'elles seront abandonnées définitivement par, les troupes japonaises. A la même époque quelques Français qui osaient prendre le risque de sortir de leur refuge et venir s'approvisionner en ville, malgré l'insécurité totale dont ils étaient les victimes, ont pu voir apparaître dans les rues un certain nombre de militaires américains, tous habillés d'uniformes coloniaux tout neufs, de coupe très soignée, ayant, cousu sur toute la surface du dos de leur vareuse, soit un drapeau américain soit un drapeau canadien. Ces militaires avaient pris possession d'un bâtiment français confortable dans lequel ils avaient installé un entrepôt de marchandises diverses et des bureaux. Dans l'un des bureaux, ils recevaient des informateurs Viet Minh, dans un autre local ils leur distribuaient des médicaments et des victuailles, tandis qu'ils les refusaient catégoriquement aux Français malades et nécessiteux. Par petits groupes, de cinq ou six personnes, ces militaires américains se rendaient joyeusement dans le bar sélect à l'enseigne "Le Pellican", tenu par Guezénec, un Français, bien approvisionné, par eux, notamment en cigarettes, bouteilles de whisky et en "surplus" et boites de conserves américaines. Les Français coloniaux, misérables et déprimés, espéraient que l'armée américaine, notre grande alliée, viendrait les libérer et les aider à se réinstaller en Indochine dès que la tourmente serait apaisée. Amèrement ils ont dñ perdre cette illusion. Le 13 Août 1945 Le Dong Duong Cong San Dang (Parti Communiste Indochinois) se réunit à Hanoi en congrès national et décide de lancer les mots d'ordre suivant: - Mettre fin à l'agression étrangère - Reconquérir l'indépendance nationale - Fonder les assises d'un pouvoir populaire - Combiner une action politique et militaire afin de convaincre la France de quitter l'Indochine indépendante.   Le 16 Août 1945 Le Viet Nam Doc Lap Dong Minh Hoi (Ligue pour l'Indépendance du Viet Nam) - Viet Minh en abrégé - rassemblé à Hanoi décide: "D'arracher le pouvoir des mains des Japonais et du gouvernement du Bao Dai, avant l'arrivée des troupes alliées en Indochine pour accueillir, en qualité de maître du Viet Nam, les troupes venant de l'étranger pour désarmer les Japonais." Cette décision reflète les intentions belliqueuses du Viet Minh, de gagner de vitesse les "Alliés" de la deuxième guerre mondiale (les Chinois de Tchang Kai Cheik, les Anglais, les Américains et les Français) qui, selon le Viet Minh ont eu la prétention de vouloir occuper toute l'Indochine. En conséquence le congrès Viet Minh a adopté un programme ainsi conçu: - Conquérir le pouvoir, fonder la république démocratique du Viet Nam sur la base d'une indépendance totale - Assurer le peuple et renforcer l'Armée de la Libération - Confisquer les biens appartenant aux impérialistes et aux traîtres et selon le cas, nationaliser ou les répartir aux pauvres. - Abolir les impôts institués par les Français et les Japonais, leur substituer une pénalité juste et légère - Promulguer les droits fondamentaux du peuple: Droits de l'homme, droit à la propriété, droits civiques: suffrage universel, liberté démocratique, égalité entre les groupes éthniques et entre homme et femme. - Partage équitable des terres communales, ajournement des dettes, secours au sinistrés - Promulguer une législation du travail, fixer un minimum de salaire garanti, créer des assurances sociales - Edifier une économie nationale indépendante, développer l'agriculture, créer une banque nationale - Perfectionner une éducation nationale, édifier une culture nouvelle et - Entretenir des rapports amicaux avec les pays luttant pour leur indépendance. Ces mots d'ordre ayant été adoptés, un Comité National de Libération faisant office de Gouvernement Provisoire du Viet Minh est élu. En prenant la présidence de ce gouvernement provisoire Ho Chi Minh à lancé ce vigoureux appel au peuple: "Peuple du Viêtnam soulève toi contre les impérialistes français. Je te donne l'assurance que, sous le drapeau Viet Minh, l'Armée de la Libération te soutiendra en tous lieux et à tous moments, pour te faire obtenir l'indépendance". Le même jour du 16 Août 1945 et les jours suivants débarquent à Saigon: Un détachement de parachutistes français commandé par le général Massu suivi de la 9ème Division d'Infanterie Coloniale et de la treizième demi-brigade de la Légion Etrangère avec le général Leclerc Commandant en Chef le Corps Expéditionnaire comprenant la demi-compagnie de la 13ème d.b.l.é. commandée par mon jeune neveu le sous-lieutenant A. Veyrenc, chevalier de la légion d'honneur, croix de guerre avec 3 palmes qui, peu de temps plus tard sera tué à l'âge de 24 ans par les Viet Minh au cours d'un héroïque combat. C'est aussi à partir du 16 Août 1945 qu'arrivent à Saigon l'amiral Thierry d'Argenlieu, haut commissaire de la France en Indochine et son délégué: l'administrateur Cédile qui, dès le 20 Août prend contact avec le Comité Révolutionnaire du Nam Bo (Cochinchine) et lui notifie catégoriquement que la France ne reconnaîtra pas l'indépendance ni l'unité du Viet Nam. Le 17 Août 1945 Un mouvement de grève général est déclenché par le Parti Communiste dans tout le Viet Nam. A Hanoi plus de cent mille personnes ont défilé dans les rues en criant le slogan "Viet Nam Doc Lap" (v.n. Indépendant). Les Japonais persistent à vider tous les greniers à riz et s'emparent dans les campagnes des veaux, porcs et volailles qu'ils peuvent saisir. La famine continue à sévir intensément avec toutes ses horreurs tandis que la pègre est complètement déchaînée dans les rues de Hanoi où il n'existe plus la moindre trace des administrations civiles et militaires françaises. A Hué l'empereur Bao Dai très inquiet demande vainement aux Japonais de lui fournir une garde de 5000 hommes pour défendre sa sécurité et rétablir l'ordre. Aussitôt le Viet Minh réagit, pousse les populations de la capitale et des villages suburbains à se grouper, à descendre dans les rues, à manifester et à occuper les bâtiments des militaires de la cour impériale. Le 22 Août 1945 Surpris d'entendre le bruit d'un moteur d'avion je dirige mon regard vers le ciel où j'aperçois très haut dans le ciel, au-dessus de la Citadelle un avion mystérieux paraissant venir de l'est du Tonkin et se diriger vers l'ouest. Plus tard le 6 Septembre j'apprends à bonne source que cet avion provenant du Yunan (Chine) avait à son bord plusieurs officiers supérieur de l'armée française ainsi qu'un officier supérieur de l'armée américaine en provenance de Kun Ming et avait atterri sur une piste de l'aérodrome de Gia Lam situé sur la rive gauche du Fleuve Rouge, à une douzaine de kilomètres de Hanoi. Le 23 Août 1945 L’empereur Bao-Dai est contraint à abdiquer. Le 25 Août 1945 Il reçoit, venue de Hanoi, une délégation du Gouvernement Provisoire du Viet Minh conduite par Tran Huy Lieu qui reçoit des mains de l'empereur le sceau et l'épée dynastique, symboles du pouvoir royal. L'empereur déchu reprend le nom du simple citoyen Vinh Thuy qu'il avait avant son intronisation. Sous escorte des soldats armés du Viet Minh il est conduit à Hanoi et mis en garde à vue par les révolutionnaires. Peu après le 5 Septembre 1945, j'ai aperçu plusieurs fois l'empereur Bao-Dai humilié, détrôné, dépouillé de sa belle robe d'apparat et de son "caï-khan" (turban) couleur jaune de la royauté asiate, auxquels il a été contraint de substituer un "caï-quan" et un "caï-ao" couleurs uniforme des pauvres vêtements "nhaqué" (paysans), défiler dans les rues de Hanoi, encadré par des soldats viêt minh, armés de fusils, baïonnette au canon, ayant reçu l'ordre de l'exhiber à la risée et à la vindicte des rares passants vietnamiens terrifiés, qui s'esquivaient et feignaient de ne pas le reconnaître. Le 1er Septembre1945 Et quelques jours suivants, des troupes anglaises comprenant un régiment de "Gourkas" en provenance des Indes Anglaises, débarquent à Saigon en pleine agitation. Elles libèrent aussitôt des milliers de Français civils et militaires incarcérés en Cochinchine depuis le 9 mars 1945. Parmi les prisonniers libérés il y a mon frère Roger Veyrenc ancien commissaire de police spéciale de sûreté qui, blessé d'un coup de baïonnette dans le thorax, était interné dans une caserne de génie-artillerie à proximité du port de Saigon. Le 2 Septembre 1945 L’indépendance du Viet Nam est proclamée, Ho Chi Minh, bénéficiaire de solides appuis internationaux, triomphe. Intelligent, rusé et habile il s'est joué de tous ses adversaires, négociateurs, interlocuteurs naïfs dont l'excès de naïveté n'a pu qu'engendrer une guerre longue et coûteuse qui aurait pu être évitée. Le même jour dans la baie de Tokyo, à bord du cuirassé "Missouri" le général Leclerc aux côtés de général Mac Arthur reçoit la reddition des troupes japonaises en Indochine. Le 3 Septembre 1945 Dans les milieux français intéressés, des rumeurs se répandent dans la ville de Hanoi selon lesquelles sont descendues de l'avion provenant de Kun-Ming (Yunnan) qui a atterri le 22 Août 1945 à Gia-Lam, aéroport de Hanoi: le major américain Patty membre important de l'o.s.s. (Office of Stratégie Service) ainsi qu'un membre du Service Secret français la d.g.é.r. (Direction général des services extérieurs de renseignements) nommé Roger, qui se fait appeler commandant Sainteny dans la Résistance et qui est chargé d'exécuter la "mission 5" secrète, à lui confiée par le général de Gaulle. Le 5 Septembre 1945 Après plusieurs mois d'internement dans la Citadelle, en parcourant furtivement les rues du centre ville de Hanoi où règne l'insécurité totale des Français, je suis consterné, au passage devant notre belle cathédrale et notre majestueux théâtre municipal, deux grands et magnifiques édifices architecturaux français de les voir, entièrement recouverts de toiles rouges sur toute l'étendue de leur façade. Sur leur tapisserie couleur rouge sanguinolente de la façade du grand théâtre, figure en gros plans la faucille et marteau symboliques et sont suspendus en effigies: Le portrait gigantesque de Ho Chi Minh entouré des portraits géants des deux héros de la révolution communiste internationale en u.r.s.s. Staline et Lénine. Au bas des façades de la cathédrale et du grand théâtre sont installés d'immenses podiums en forme d'amphithéâtre, et de longues tables en bois tapissées de toile rouge sur lesquelles sont alignés cinq ou six haut parleurs puissants, sonores et bruyants, mis à la disposition des ministres du premier gouvernement révolutionnaire provisoire et des orateurs, héros de la révolution vietnamienne d'Août 1945. A tour de rôle, ces orateurs haranguent sans relâche les foules grouillantes, propulsées des villages environnants et massées par dizaines de milliers d'individus, sur l'esplanade Ba Dinh face au théâtre, sur laquelle débouche l'avenue Paul Bert, envahie par des masses en mouvement, surexcitées par les battements incessants de multiples tam-tam résonnants, installés sur toute la périphérie de la ville, incitant ces masses populaires à manifester bruyamment et violemment. C'est la première fois de ma vie, après une vingtaine d'années de séjour en Indochine, que se présente une occasion de me trouver, avenue Paul Bert, près du théâtre municipal tout paré de rouge, face à face avec Ho Chi Minh qui s'achemine lentement vers le podium pour prendre la parole devant la foule en délire. Jusqu'à ce moment, je ne connaissais ce leader de la révolution que par son discours prononcé à Tours au vingt et unième congrès du Parti Communiste Français et par sa présence discrète dans la suite du député communiste français Gabriel Péri, envoyé en mission en Indochine par la c.g.t.u. pour réclamer l'amnistie des condamnés politiques vietnamiens déportés dans l'île de Poulo Condore et dans les îles Spratly. Et ce même jour du 5 Septembre 1945, Ho Chi Minh triomphant, monte à la tribune dressée devant le grand théâtre municipal, présente à la foule les membres du Gouvernement Provisoire Insurrectionnel, prononce un vibrant discours en des termes ainsi résumés: "Des dirigeants colonialistes Français se sont enfuis, d'autres se retranchent, les Japonais se rendent, l'empereur Bao Dai abdique. Notre peuple a brisé les chaînes de près d'un siècle de domination française pour faire de notre patrie le Viet Nam un pays indépendant. Nous venons de fonder les bases de la République Démocratique du Viet Nam. Le Viet Nam a le droit d'être libre et indépendant. En fait aujourd'hui il est enfin devenu un pays libre et indépendant. Le peuple Vietnamien tout entier est résolu à mobiliser toutes ses forces morales et matérielles, à sacrifier sa vie et ses biens, pour sauvegarder son droit à la liberté et à l'indépendance". Le terme "doc lap" (indépendance) est présent sur toutes les bouches vietnamiennes, il est affiché sur tous les murs de la ville et il est très souvent prononcé par l'Oncle Ho au cours de son discours qui soulève des applaudissements chaleureux de toute la foule en délire qui, dans l'enthousiasme, ne cesse de clamer et répéter en criant sans cesse: "Viet Nam doc lap, Viet Nam doc lap" mots magiques. Les orateurs du Comité Central du Parti Communiste Indochinois qui succèdent à Ho Chi Minh soulignent: "Notre indépendance demeure fragile. Conquérir le pouvoir est difficile et le conserver ne sera pas facile". Pour conclure, le Gouvernement Provisoire de la Révolution lance l'appel suivant: "En cette heure grave, que la pensée de tous se tourne vers la lutte pour l'indépendance, que le souci de tous soit de lutter contre l'agression étrangère. Ce n'est qu'à ce prix que nous échapperons à l'anéantissement et briserons la chaîne de l'esclavage. Sachez que nous venons de créer un nouvel état national démocratique et populaire. C'est à nous de le défendre jusqu'à la mort chaque fois qu'il sera attaqué. La direction juste et clairvoyante du Parti Communiste International Révolutionnaire marxiste-léniniste nous aidera". Au moment très troublé où sont prononcées ces paroles avec enthousiasme le nouveau gouvernement révolutionnaire n'a aucune expérience économique, administrative, diplomatique et militaire. La terrible famine qui sévit depuis 1944 n'est pas encore jugulée et une inondation désastreuse, d'une ampleur sans précédant, vient de submerger les provinces du delta tonkinois. Le 6 Septembre 1945 Le général anglais Gracey réarme plus d'un millier de prisonniers de guerre français tandis que les troupes anglaises occupent le palais du Comité Révolutionnaire du Nam Bo (Cochinchine). Les Français hissent le drapeau tricolore sur cet édifice. Le général Gracey interdit la parution de tous journaux révolutionnaire vietnamiens, institue le couvre feu dans Saigon et somme le Comité Révolutionnaire Vietnamien de dissoudre les forces d'auto-défense vietnamiennes et de lui remettre les armes. Les principaux bâtiments administratifs de Saigon sont réoccupés par les Français. Le Viet Minh élève des barricades contre lesquelles se heurtent les troupes franco- britanniques. D'acharnés combats se déroulent dans les rues de Saigon harcelées chaque nuit par des formations d'auto défense viet minh, la guérilla s'intensifie. Entre temps des unités de Corps Expéditionnaire français débarquent à Saigon. En liaison étroite avec les anglais elles préparent, dès le débarquement, une offensive de grande envergure en direction du delta du Mékong, grenier à riz et peuplé d'immenses plantations d'hévéas, arbres à caoutchouc en pleine production de latex. Le 6 Septembre 1945 Dès le lendemain de ma sortie par la porte nord-est de la Citadelle de Hanoi, après avoir parcouru quelques centaines de mètres le long des remparts, je suis abordé par un petit groupe de quatre Vietnamiens armés, provoquant, crachant dans ma direction et vociférant: Thang tay da daos, bay gio vietnam doc lap (A bas les Français, maintenant le Viet Nam est indépendant). Je m'esquive prudemment et très rapidement, jusqu'au lieu d'un refuge, avant que mes agresseurs aient eu la possibilité de s'emparer de moi et de me molester. En arrivant rue Paul Bert, déserte à ce moment, par curiosité je pénètre en catimini, à l'intérieur du grand local situé à l'étage, au-dessus de la traverse Orsini que je connaissais bien, pour être réservée à un "Club d'intellectuels Annamites". En rentrant dans ce local parfaitement vide, je suis scandalisé de voir placardées sur les quatres murs intérieurs, plusieurs grandes affiches sur lesquelles je lis ces phrases odieuses, écrites en gros caractères et en trois langues différentes: française, anglaise et annamite (quoc ngu), ainsi libellées: "Les soldats de l'armée française ont perdu toutes les batailles, ils sont vaincus, les femmes françaises sont toutes des putes, les enfants français sont tous mendiants, il faut, que tous les Français partent, nous jetterons à la mer ceux qui refuseront de partir. Désormais nous sommes indépendants, vive le Viet Nam Doc Lap! bienvenu aux Américains riches et généreux". Dans toute la ville de Hanoi les Français et les Indigènes qui nous sont restés fidèles se barricadent dans leurs refuges où ils vivent entassés plusieurs familles dans le même local, ils n'osent plus mettre le nez aux fenêtres. L'effervescence populaire est à son comble. Les quelques hommes Français qui risquent de sortir de leur refuge pour aller, en toute vitesse, ramasser rapidement des liserons d'eau dans la rizière la plus proche et d'acheter en cachette quelques kilos de brisures de riz rouge moisi présents sur le marché noir, pour fabriquer la pâte d'un maigre pain indispensable à leur subsistance quotidienne, qu'ils cuisent dans un four individuel, de leur fabrication artisanale, réalisé avec des vieilles touques en fer blanc, vides de pétrole, sont toujours agressés par des bandes de révoltés armés qui s'emparent des lunettes portées sur leur nez et les brisent, leur arrache leur porte monnaie ou leur porte billets et les dévalisent du contenu de leur sac à provisions. Parfois les Français sont déshabillés, en pleine rue, de leur chemise-veste et dépouillés de leur veston de toile. Des tracts révolutionnaires injurieux sont introduits par la force dans les poches de leur short ou pantalon. S'ils protestent ou résistent ils sont empoignés et bousculés au bord des trottoirs et, lorsque passe une voiture automobile circulant à grande vitesse, les révoltés projettent brutalement les Français récalcitrants sous les roues des voitures en marche. La pègre est maîtresse de la rue. En provenance des villages suburbains on entend battre les tam- tam à coups redoublés excitant les paysans faméliques à la révolte, à prendre d'assaut les stocks de riz subsistants et à dévaliser les magasins contenant les réserves résiduelles d'autres victuailles. La famine qui dure depuis près d'un an atteint des proportions inouïes, inimaginables. A partir de ce jour j'ai eu fréquemment l'occasion d'approcher des défilés d'importantes masses compactes de manifestants arborant des drapeaux rouges marqués de la faucille et du marteau symbolique, parcourant en rangs serrés les plus larges et les plus longues artères de la ville de Hanoi (boulevard Gambetta, boulevard Gia Long, avenue Puginier, avenue du Grand Bouddha, rues Paul Bert, et Borgnis Derbordes et bd Rialan), toujours précédés de plusieurs rangées de nombreux prêtres catholiques asiatiques, faux ou progressistes, revêtus de la soutane noire et porteurs de longues et larges banderoles de toile blanche sur lesquelles on pouvait lire, en gros caractères d'imprimerie couleur rouge les slogans: "Les Français ont fait mourir plus d'un million de Vietnamiens par la famine" et "Les Français seront boutés hors du Viet Nam et jetés à la mer" "Le Viet Nam fera respecter son indépendance" et "Bienvenue aux Américains". Des femmes indigènes, les "phu nu", revêtues d'un uniforme militaire, certaines armées d'un fusil, groupées en bataillons serrés, marchant au pas cadencé, en ordre imparfait, terminaient ces défilés. En cette période profondément troublée, j'ai eu la grande surprise de recevoir la visite d'une "thi hai" (nom donné par les colons français à des employées de maison vietnamiennes) autrefois à mon service, qui s'est introduite nuitamment et courageusement dans le sous-sol de mon refuge, pour me faire cette surprenante déclaration inattendue: "Je viens vous présenter mes respects et vous prévenir de ce que le tribunal révolutionnaire vietnamien s'est réuni à la tombée de la nuit dans la rue où vous demeurez actuellement et qu'il a jugé votre cas et commencé à examiner le cas de tous les autres Français , mais je peux vous assurer que rien de fâcheux n'a été décidé à votre encontre car nous savons tous, dans le quartier, que vous n'avez jamais fait "suer le turban" vietnamien et que vous avez "le ventre bon et humain". après avoir prononcé ce curieux et très bref discours elle s'est enfuie précipitamment et discrètement en murmurant: "toutefois méfiez-vous bien, en ce moment une nombreuse population affamée arrive de la Haute Région à Hanoi. Ceux provenant de la province de Lang Son où vous êtes allé au mois de Septembre 1940 pour faire la guerre, pourraient vous faire un mauvais coups s'ils vous rencontrent". Le 10 Septembre 1945 Des militaires chinois arrivent en nombre au palais du gouverneur général et en expulsent brutalement le commandant Sainteny ainsi que tous ses collaborateurs et, à la grande stupéfaction des populations franco-vietnamiennes et de moi-même je vois déferler dans les rues de Hanoi de longues files processionnaires de soldats chinois tous vêtus d'un uniforme neuf en toile de coton couleur bleu marine, se précipitant dans les casernes et les bâtiments administratifs encore occupés par des résidus de l'armée japonaise et s'introduisent inopinément dans de nombreux immeubles de rapport ou villas individuelles occupés par des familles françaises réfugiées. Sans demander une autorisation, ils s'installent d'office, brusquement et sans préavis aux habitants. Après une minutieuse enquête, j'apprends qu'en vertu des "conventions de l'armistice" signées dans la métropole, d'une part avec les "Alliés" de la France et d'autre part avec l'axe: Allemagne-Japon-Italie, l'Indochine est désormais occupée sur tout son territoire situé au nord du 16ème parallèle, par des troupes du général Tchang Kai Chek, préalablement rassemblés dans le sud de la Chine. En exécution de ces conventions, cette armée chinoise composée de près de deux cent mille hommes, commandée par le général yunannais Lu Han, ami de Tchang Kai Chek, puissamment appuyé par la diplomatie américaine, a envahi brusquement, sans préavis et sans égard particulier pour les populations franco-vietnamiennes, tout le territoire du Tonkin déjà douloureusement meurtries par une longue occupation japonaise. Les Chinois avaient officiellement reçu pour mission le désarmement des soldats japonais encore présents sur le territoire tonkinois. Les fourgons de cette armée chinoise abritent des révolutionnaires vietnamiens hostiles à la France depuis longtemps, émigrés politiques nationalistes au Kouang-Si et au Kouang-Tung (Chine) qui, dès leur rentrée au Tonkin, à Hanoi et Haiphong entrent en relations avec les groupuscules de nationalistes anti-Français qui en Indochine, avant d'émigrer en Chine avaient milité dans le Viet Nam Quoc Dan Dang et le Viet Nam Cach Menh Dang démantelés depuis plusieurs années par la police française. Les nationalistes dès leur retour au Tonkin entrent immédiatement et furieusement en lutte contre le Dong Duong Gong San Dang (Parti Communiste Indochinois) et font une tentative pour renverser le gouvernement provisoire communiste mis en place par Ho Chi Minh. Des luttes à mort sont engagées toutes les nuits à Hanoi, entre les chefs locaux des divers partis politiques: les victimes de ces luttes sont découvertes dans des terrains vagues voisins de l'avenue du Grand Bouddah à proximité des bâtiments des usines des briqueteries de l'Indochine inoccupées et enterrées dans d'immenses charniers. En fin Décembre 1945 Le général chinois Lu Han envenime ces luttes et envoie au gouvernement communiste indochinois un ultimatum exigeant la démission de président de la république Ho Chi Minh, ainsi que le renvoi de ses ministres et le remplacement du drapeau rouge flanqué d'une étoile jaune, par un autre drapeau aux couleurs nationales, ainsi que la dissolution des assemblées communistes constituées et l'attribution aux groupements nationalistes émigrés de Nguyen Hai Than chef du Viet Nam Cach Menh et Nguyen Trong Tam chef du Viet Nam Quoc Dangk de quatre vingt sièges de députés au Parlement et de sept sièges de ministres au Gouvernement, responsable des portefeuilles de l'intérieur, des financés, des armées et de la défense nationale vietnamienne. Le général chinois Lu Han obtient partiellement satisfaction, mais Ho Chi Minh est maintenu à la présidence de la république démocratique du Viet Nam. Parallèlement, la soldatesque chinoise indisciplinée continue a envahir, sans avis préalable et sans ménagement d'autres locaux abritant des familles françaises réfugiées. Certaines familles espérant être protégées par les soldats chinois acceptent ces intrusions, d'autres familles françaises qui protestent sont expulsées, pillées et jetées à la rue, sans possibilité de se reloger, sous les yeux impassibles des militaires américains appartenant à la commission de contrôle de l'exécution des clauses de l'armistice. Ces troupes chinoises inondent autoritairement le marché indochinois d'une nouvelle monnaie de guerre: d'abord d'une grosse quantité de "dollars chinois" faux billets verts n'ayant pas cours international (dont je possède encore un exemplaire) et ensuite de "gold whit" auxquels ils attribuent une valeur monétaire très supérieure à leur valeur réelle, par rapport aux taux officiel de la piastre indochinoise en circulation légale. L'introduction en masse de cette fausse monnaie jette un trouble supplémentaire, provoque le désordre et la confusion dans les échanges commerciaux. Un profond malaise financier en résulte. Le marché noir prend une extension inouïe et l'inflation se développe démesurément. Les Français réagissent en provoquant le gel des billets de banque de cinq cents piastres indochinoises thésaurisés par les commerçants civils chinois avisés secrètement, et qui ont rempli leurs coffres forts d'énormes quantités de ces billets de cinq cents piastres indochinois. A cette époque le directeur général de la Banque de l'Indochine monsieur Bélyn est lâchement assassiné. Cet attentat fait naître une autre source de conflit avec le général Lu Han, aggravant la situation de la France avec la Chine , notre curieuse "alliée" dans la seconde guerre mondiale, actionnée par le gouvernement américain. C'est aussi le 10 Septembre 1945 que des militaires chinois pénètrent en grand nombre dans le palais du gouverneur général à Hanoi et en déloge sans ménagement, le commandent Saintény délégué du général de Gaulle ainsi que ses fidèles collaborateurs Français , tandis qu'à la même époque les troupes anglaises débarquent à Saigon." Le 26 Septembre 1945 Le président Ho Chi Minh proclame: "Le gouvernement du Viet Nam et tous nos compatriotes, partout dans le pays, aideront de toutes leurs forces les combattants et la population du sud qui luttent avec abnégation et se sacrifient pour sauvegarder l'indépendance de la patrie. Aussitôt, des unités de l'armée populaire sont dirigées sur Saigon où se livrent des combats de rue où ils tentent d'élever des barricades et d'encercler les Français dans les quartiers européens. Ils incendient les usines et entreprises françaises, font sauter la centrale électrique, démontent les machines et les transportent dans l'arrière pays. La ville de Saigon est pour longtemps privée d'eau et de lumière, la population française est constamment harcelée, la nuit, par des fanfatiques viet minh résolus à tout saccager. Le blocus économique et les sabotages chaque jour s'intensifient". Au début du mois d'Octobre 1945 Le corps expéditionnaire Français appuyé par des troupes anglo-indiennes procèdent à la pacification des villages situés dans la périphérie de Saigon et, dès la mi-Octobre les troupes franco-anglaises lancent une vigoureuse offensive victorieuse dans le delta du Mékong pour récupérer les greniers à riz et les stocks de caoutchouc sur les lieux d'implantation des hévéas occupés par le viet minh. Ils poursuivent avec succès répétés leurs offensives vers les hauts plateaux de Tay Nguyen et débarquent des troupes dans le sud du Trung Bo en direction de Hué. Aux violences du viét nam doc lap dong ming hoi (ligue pour l'indépendance du Viet Nam) la France oppose une vigoureuse force armée glorieuse et recommence à se faire respecter. Le Viet Minh perd du terrain grâce au courage, à la valeur et à l'excellente qualité de l'armée française. La force, l'argent et l'esprit humanitaire des Français ont toujours inspiré le respect des gens du peuple vietnamien. Le 5 Novembre 1945 Ho Chi Minh inquiet, fait une déclaration solennelle aux peuples indochinois en ces termes: "Les colonialistes Français doivent savoir que le peuple vietnamien ne veut pas verser du sang et qu'il aime la paix. Mais s'il lui faut sacrifier des millions de combattants, il mènera une résistance acharnée pendant de longues années pour défendre l'indépendance du pays et préserver ses enfants de l'esclavage, il le fera sans hésitation car il est sûr que la résistance vaincra". Oncle Ho établit une liaison étroite avec les principaux centres de résistance déjà constitués dans la Plaine des Joncs et dans les provinces de l'ouest de Saigon et réorganise l'appareil politique administratif et militaire de la résistance unifiée. Le 25 Novembre 1945 Le comité central du Dong Duong Cong San Dang (Parti Communiste Indochinois), réuni sous la présidence de Ho chi Minh, fixe les directives de la résistance ainsi définies: "Nous devons couper toutes les liaisons entre les villes occupées par l'ennemi, les bloquer au point de vue économique, les encercler politiquement et les harceler au point de vue militaire, renforcer la guérilla, persuader les habitants des villes occupées par les impérialistes, pratiquer la désobéissance et faire le vide devant l'ennemi envahissant, rester en contact permanent avec tous les noyaux de notre auto-défense et élaborer des plans de contre-attaque ou de retraite tactique". Le 8 Décembre 1945 Un autre informateur me signale qu'à Hanoi, sous l'impulsion de Truong Chinh, le "Viet Nam Doc Lap Dong Minh Hoi, vient de rallier à son idéologie les artisans, fonctionnaires, étudiants et religieux, tandis que le Viet Nam Cong San Dang (Parti Communiste) vient de réunir dans la capitale les délégués d'une vingtaine de nationalités différentes, venus des quatre coins de la péninsule indochinoise, pour affirmer le principe de leur union indéfectible, afin de raffermir l'entr'aide de toutes les communautés éthniques (thì, mên, mèo, moï, thai, rhadée, muong etc...) Et les représentants des diverses religions bouddistes, caodaïstes, hoa hao et même quelques chrétiens progressistes, qui ont accordé leur soutien au Dong Duong Cong San Dang (Parti Communiste Indochinois). Le 23 Décembre 1945 Dès que les forces françaises ayant à leur tête le prestigieux général Leclerc ont débarqué à Saigon, une importante partie de ces forces ont été acheminées vers le Tonkin. Plusieurs de ces unités glorieuses pénètrent dans Hanoi où elles sont acclamées par toutes les populations françaises et par une importante partie des populations annamites. Pendant quelques semaines l'espoir berce un temps leurs ennuis, mais elles sont vites déçues lorsqu'elles apprennent le retour en France de ce glorieux général, après un trop court séjour au Tonkin.    



Table
Mon départ du Tonkin pour la Cochinchine

  Le 27 Décembre 1945 Je suis avisé de la prise en considération de ma candidature à exercer une fonction à la Direction du Budget et du Trésor Public qu'il nous faudra reconstituer à Saigon. La candidature de monsieur Clion ingénieur électricien est également acceptée. Le 31 du même mois je reçois un ordre de mission n° 919 cab portant la signature du commandant Sainteny qui vient d'être promu Commissaire de la République au nord Viet-Nam. Cet ordre de mission accompagné d'un avis de départ de Hanoi le 29 Décembre à 8 heures à destination de Saigon par la voie aérienne, signé par l'officier régulateur. Une autre note de service me précise qu'une place me sera réservée dans l'auto blindée qui stationnera le 30 Décembre à cinq heures du matin rue Paul Bert à Hanoi en face du bâtiment de l'ancienne Résidence Supérieure du Tonkin occupée par le Viet-Minh et qui me transportera, avec messieurs Bloch-Lainé, Directeur du Trésor, Granval Inspecteur Général des Finances et Clion Ingénieur électricien, à l'aéroport de Gia-Lam. Le jour j du 31 Décembre 1945, à l'heure fixée, en grande vitesse nous démarrons, nous traversons la ville, relativement calme à cette heure matinale, par le grand pont Doumer long de deux kilomètres et nous franchissons le Fleuve Rouge. A une vitesse accélérée nous arrivons à l'aéroport de Gia-Lam sans incident notoire. Sur une des pistes de ce champ d'aviation, nous apercevons un vieil avion bimoteur du type Dakota, pris par les Japonais aux Américains. Cet appareil est entouré de plusieurs groupes de soldats chinois et japonais en uniformes. Dès notre arrivée, quelques uns de ces soldats chinois se détachent, viennent à notre rencontre, nous dévisagent, nous dénombrent et sans mot dire repartent en courant jusqu'au petit poste de surveillance des Chinois qui, alertés, sortent une mitrailleuse qu'ils mettent en position de combat, le canon braqué en direction du Dakota. En même temps deux officiers suivis de cinq soldats chinois armés de fusils baïonnette au canon, arrivent près de nous et nous demandent si nous sommes en possession d'ordres écrits autorisant notre présence sur le terrain d’aviation. Nous leur présentons un ordre de mission qu'ils examinent méticuleusement avec défiance et nous somment priés d'attendre leur autorisation pour partir, tandis qu'ils donnent des ordres pour approvisionner en bandes de cartouches la mitrailleuse dont ils règlent le pointage en direction du Dakota, tandis qu'un soldat mitrailleur se campe au poste du tireur, tout près à déclencher le tir de cette arme automatique. Nos interlocuteurs rejoignent le petit poste de garde où ils décrochent le téléphone et engagent des palabres interminables avec des correspondants de leur quartier général. Nous attendons près d'une heure l'autorisation de partir qui ne vient pas. Las d'attendre, ne voyant plus la fin de ces longues tergiversations, nous décidons de fuir et prenons place à bord de l'avion, en observant les réactions du mitrailleur qui semble somnoler. C'est alors que notre pilote et notre mécanicien nous ordonnent à voix basse: "Vite, attachez votre ceinture" à la barre du vieux Dakota à banquettes métalliques longitudinales, superposées d'une barre ayant servi autrefois à accrocher des parachutes et à laquelle nous amarrons nos sacs à dos. Sans plus attendre l'autorisation du départ, le mécanicien balance les deux moteurs, nous décollons et montons en flèche dans les airs. La mitrailleuse reste muette. En quelques minutes nous sommes à plus de mille mètres d'altitude au-dessus du golfe du Tonkin, sillonné par plusieurs énormes cargos que nous apercevons gros comme des têtes d'épingles sur la mer de Chine agitée. Nous quittons les côtes du golfe du Tonkin ensoleillées ; nous prenons de plus en plus d'altitude, nous éprouvons un froid aux pieds, désagréable, en arrivant au- dessus des cimes de la chaîne annamitique que nous survolons en direction nord-sud. Les deux moteurs crachent des étincelles inquiétantes, couleur bleuâtre. A travers un hublot, je reconnais sur terre le fameux col des nuages que j'ai franchi plusieurs fois en automobiles, nous approchons de la très typique Montagne de l'Eléphant, formée de deux tours granitiques symétriques gigantesques dont les cimes paraissent être à une altitude plus élevée que celle à laquelle vole le vieux Dakota qui nous transporte. Le pilote tente de prendre de l'altitude. A travers le hublot, nous voyons nettement, au niveau du moteur gauche, jaillir de bas en haut, un liquide sous pression provenant d'un joint non étanche d'une canalisation. était-ce de l'eau, de l'huile ou de l'essence? Nous ne l'avons jamais su. Le pilote tente de prendre de l'altitude pour passer au-dessus des deux tours montagneuses sans y parvenir. Il traverse le massif montagneux en empruntant la trouée de la Montagne de l'Eléphant, entre les deux tours, dont nous apercevons les arètes verticales très proches des ailes de l'avion. Aussitôt le massif montagneux traversé, le pilote met le cap sur le Laos. Nous atteignons bientôt la vallée du grand fleuve Mékong sur la frontière du Siam à hauteur de Sackhone-Lacone où est implantée une importante cellule du Viet-Minh. A haute altitude nous survolons le grand fleuve Mékong en direction sud et nous arrivons au-dessus de l'aéroport laotien de Pak-Se au-dessus duquel notre Dakota effectue, moteurs réglés au ralenti, une lente descente en vol plané, en spirale, très spectaculaire. A la surface de l'énorme masse liquide du grand fleuve Mékong, l'ombre projetée de l'avion sur ce miroir naturel m'apparaît comme un aigle royal qui tournoie en cherchant une proie à saisir. Je ressens soudainement de violentes douleurs au creux de mes oreilles, mes tympans saignent légèrement au cours de la rapide descente de plus de deux mille mètres lorsque, en douceur, notre Dakota prend contact avec le sol sur une piste mal entretenue, envahie par la savane agitée par une brise assez fraîche. Un petit détachement de tirailleurs laotiens commandés par deux sous-officiers Français nous salue à notre atterrissage, dès notre sortie de la carlingue. Une partie des militaires laotiens commandés par des sous-officiers demeure en surveillance auprès de l'avion dont les moteurs sont succinctement révisés par le mécanicien et les réservoirs sont approvisionnés de kérosène. L'autre partie des militaires laotiens bien armés de fusils baïonnettes au canon, commandée par l'autre sous-officier Français nous encadrent et nous conduisent, sous leur protection, jusqu'à un petit bungalow où nous est offerte une maigre collation bien accueillie. Après nous être livrés à une petite enquête sur la disparition des caisses de piastres indochinoises lors des dernières attaques Viet-Minh et des dispositions à prendre pour le paiement des personnels français et laotiens maintenus au laos, un sous-officier français vient nous aviser de ce que "notre" Dakota est prêt à poursuivre son vol. Encadrés par le peloton de protection nous quittons le bungalow et nous retournons jusqu'à la carlingue de l'avion que nous réoccupons. Nous attachons nos ceintures et l'avion décolle en direction du Cambodge. Durant plusieurs heures, nous survolons la forêt vierge habitée par des tigres et des éléphants et toutes catégories de la faune sauvage tropicale. Ce sont ensuite les immenses plantations d'hévéas qui se présentent à notre vue. Nous admirons l'urbanisation parfaite des plantations des caoutchoucs Michelin. La forêt d'hévéas est quadrillée de chemins rectilignes en parfait état. Ça et là, sont implantées des cités ouvrières indigènes et de vastes bâtiments très modernes à usage industriel et à usage d'habitation sillonnés de routes larges et bien tracées. Nous longeons ensuite l'immense forêt de l'Alagna et à la tombée de la nuit, nous nous situons au-dessus des vastes et fécondes rizières, bien quadrillées dans le delta du Mékong. A la fin du crépuscule "notre" Dakota se pose sur une pistes du grand aéroport cochinchinois de Tan Son Nhut parsemé de nombreux avions de guerre, dont certains sont gravement endommagés.    

Le 31 Décembre 1945

Arrivée en Cochinchine pour remplir une nouvelle mission:

Installation à Saigon et création d'une nouvelle administration publique des services financiers démantelés depuis le 9 Mars 1945

  Nous sortons de la carlingue d'où nous sommes dirigés sur les locaux de la douane franco-vietnamienne. Après avoir accompli les formalités d'usage du contrôle des changes, une voiture automobile venue de Saigon à notre rencontre nous prend en charge et nous amène dans la plus grande ville de la Cochinchine reliée à l'aéroport par une route longue d'une dizaine de kilomètres, plongée dans l'insécurité et l'obscurité la plus totale, la centrale électrique de Cochinchine, sabotée par les terroristes de Viet Minh, étant dans l'incapacité totale de produire la moindre quantité d'énergie nécessaire à l'éclairage de la ville et de la zone suburbaine. Il y avait à peine une heure que notre voiture roulait lentement dans les ténèbres lorsque nous arrivons, sans incident, devant le bâtiment de la rue Catinat où fonctionnaient, avant le 9 Mars 1945 la Direction des Services Economiques et Financiers locaux de la Cochinchine. L'auto s'arrête, nous sommes priés de descendre, tandis que deux de mes compagnons de voyage revêtus de l'uniforme de l'armée française pourvu de cinq galons blancs argentés pour le Directeur du Trésor Bloch-Lainé et de quatre galons blancs argentés pour monsieur l'Inspecteur Général des Finances Granval, me fixent un rendez-vous dans ce bâtiment, pour le lendemain à 8 heures du matin. En descendant au bas de la rue Catinat, j'aperçois une série de baraquements en bois, du type des baraques "Vilgrain" de la guerre 1914-18, surpeuplées, dans lesquels sont parqués les réfugiés français, eurasiens et vietnamiens, qui me refusent l'hospitalité pour la nuit du 31 Décembre 1945. A la veille du jour de l'an 1946 Je recherche un refuge qui serait plus disponible que celui des baraques de réfugiés. Après des heures de recherches infructueuses, j'entre dans les décombres du grand théâtre municipal sinistré et complètement abandonné. Je trouve une des loges d'artistes à peine habitable en temps de guerre. Malgré l'insécurité totale, le délabrement et absence d'eau potable et d'éclairage électrique, je décide d'élire domicile en ces lieux sinistrés. J'installe un lit de fortune sur un divan désarticulé de la loge d'artiste. Pris de fatigue, je m'écroule sur ce grabat et m'endors du sommeil d'un gendarme aux aguets, jusqu'au lendemain. De bonne heure le 31 décembre, je rejoins le lieu du rendez-vous, dans les bureaux de la rue Catinat. Là étant, l'Inspecteur Général des Finances Granval me notifie verbalement le but de ma nouvelle mission et les tâches à accomplir immédiatement, qui consistent à recruter d'urgence un secrétaire et un dactylographe viet-namien et un aide-comptable français, et à nous procurer les gros registres comptables réglementaires, et faire imprimer très rapidement des mandats de paiement et d'organiser dès les premiers jours de 1946 la comptabilité du "Service des Dépenses Budgétaires" et du "Service de l'Ordonnateur des dépenses engagées" au titre des divers paiements, en première urgence, des émoluments ou salaires des personnels militaires qui commençaient à arriver par centaines de France au port de Saigon par cargos et paquebots, à un rythme accéléré, et qui n'auraient pas été payés au départ de la métropole, depuis trois ou quatre mois. La plupart de ces personnels étant des a.f.a.t., des techniciens divers, des infirmières, des assistantes sociales, des officiers temporaires de toutes catégories portant des galons blancs argentés, notamment des médecins et des intendants. J'étais chargé, complémentairement, d'établir les titres de paiement très difficiles à rédiger correctement, les intéressés étant généralement dépourvus de pièces justificatives des sommes dues. Je me mets résolument au travail, tous les jours de la semaine y compris des Dimanches et fêtes, huit heures le jour et trois ou quatre heures supplémentaires non payées, effectuées la nuit, éclairé seulement par un lumignon fabriqué par moi-même à l'aide d'un grand verre à boire, rempli aux 2/3 d'eau sur laquelle surnageait une couche d'huile de poissons d'une épaisseur de 2 cm, sur laquelle baignait une rondelle de bouchon de liège, percée au centre, d'un trou au travers duquel je passais une mèche confectionnée avec un lambeau de tissus tressé, découpé au bas de ma chemise usée et hors d'usage. En considérant le pénible climat tropical, la chaleur excessive, le terrorisme exercé en permanence par le Viet Minh sur les éléments restreints de la population indigène restée fidèle aux Français et les pressions du Viet Minh sur toutes les entreprises françaises qu'il boycotte, il est possible de convenir des difficultés énormes pour accomplir les lourdes tâches que j'ai à accomplir personnellement. Après quelques semaines d'habitation dans la loge délabrée d'artistes du grand théâtre municipal de Saigon, je fais la connaissance de Monsieur Bardouillet, p.d.g. De la Société Française des Distilleries d'Indochine, qui m'offre de me recueillir dans sa somptueuse et vaste villa de la rue Tabert déjà co-habitée par des familles de réfugiés, si je veux bien accepter d'être couché la nuit, provisoirement, sur un lit de fortune, placé dans une véranda ouverte sur l'immense parc entourant sa villa. J'accepte avec joie et je couche pendant plusieurs semaines, presque à la belle étoile, sous cette véranda où je ne peux dormir que d'un oeil, mon sommeil étant constamment troublé par des rafales de fusils mitrailleurs, d'éclatements de grenades et de fusillades provenant de la périphérie du parc de la villa. Durant les premières semaines passées à dormir la nuit sous cette véranda très exposée aux dangers de la révolution, Monsieur Bardouillet ayant vite sympathisé avec moi, fait réparer à ses frais une chambre délabrée au premier étage de son immense villa et m'offre d'y loger plus confortablement. J'accepte avec empressement d'occuper ce local où je peux désormais travailler la nuit, avec commodités et plus de sécurité. Dès lors je suis admis à la table familiale des Bardouillet à laquelle mes hôtes invitent aussi, chaque jour, à tour de rôle, entièrement bénévolement, un officier, un sous-officier et un simple soldat de l'armée du général Leclerc récemment débarquée, les crânes bourrés en France d'idées préconçues sur la mentalité et les activités des gens d'Indochine. L'attitude, d'abord très réticente et très réservée des nouveaux hôtes, devient progressivement plus confiante. Peu à peu ils finissent par reconnaître, très sincèrement, qu'une propagande insidieuse et sournoise exercée en métropole au service de la haine et de l'envie, systématiquement hostile à l'oeuvre civilisatrice entreprise et accomplie par les Français d'Indochine, les avait désinformés et mystifiés, ainsi que la majorité de la masse du peuple français. Quelques mois après leur arrivée sur la terre d'Indochine, après avoir été témoins des grandes oeuvres civilisatrices accomplies dans ce pays et après avoir interrogé et entendu sur place des Indigènes et des personnes impartiales de toutes races, ils ont fini par comprendre qu'ils avaient été leurrés en métropole et qu'ils ne pouvaient plus longtemps admettre que l'on puisse continuer à glorifier les crimes et spoliations commis en Indochine par le Viet Minh contre leurs frères d'Indochine innocents et valeureux, bien décidés à repousser désormais avec véhémence toutes nouvelles tentatives de bourrage de crâne qui pourraient être exercées sur eux. Le 6 Janvier 1946 En exécution d'un décret en date du 8 septembre 1945 signé Ho Chi Minh ont lieu des élections législatives sur tout le territoire du Viet Nam pour mettre en place le première Assemblée Nationale vietnamienne. Selon des affiches placardées sur tous les murs de Saigon, 90 % des populations indigènes se sont rendues aux urnes et ont élu 300 députés appartenant à toutes les couches sociales, partis politiques, groupes éthniques et religieux. La majorité des électeurs à voté en faveur des candidats du Viet Nam doc lap dong ming hoi (Ligue pour l'Indépendance du Viet Nam).

Le 8 Janvier 1946

Le général de Gaulle proclame un nouveau manifeste promettant une certaine autonomie à l'Indochine qui permettrait de maintenir la présence Française au sein d'une Union dés Etats Associés.

Le 17 Janvier 1946 Vo Nguyen Giap général en chef des armées de la libération du Viet Nam fait cette déclaration diffusée sur tout le territoire du pays: "La préparation d'une longue résistance et l'envoi de nos renforts au sud, sont les préoccupation majeures du gouvernement du peuple vietnamien tout entier. Nous devons nous sacrifier pour renforcer la résistance dans le Nam-Bo (sud cochinchinois). si jamais le Nam-Bo est détaché du pays, le peuple vietnamien emploiera toute son énergie à lutter pour son retour dans un Viet Nam unifié". Cette déclaration est immédiatement suivie d'une proclamation du président Ho Chi Minh ainsi exprimée: "Nos frères du Nam-Bo sont citoyens du Viet Nam, les fleuves pourront tarir, les montagnes s'user que cette vérité toujours demeurera". Le 31 Janvier 1946 La copie d'un décret du gouvernement du Viet Minh promulgant l'émission des premiers "dongs" (nouvelle monnaie vietnamienne) mise en circulation, en priorité à Hué, m'est communiquée. Nul ne savait sur quoi était gagée cette monnaie. A cette date l'Etat vietnamien n'était pas reconnu par aucune nation étrangère et n'entretenait aucune relation commerciale extérieure. Le gouvernement provisoire vietnamien n'avait ni réserves financières et ne disposait d'aucune devise étrangère. Le "dong" était échangé, sur place au Viet Nam, au pair avec la piastre indochinoise. Le 22 Février 1946 Harassé de fatigue, miné par quatre années de luttes permanentes contre les envahisseurs japonais et leurs séides, au cours desquelles j'ai contracté notamment paludisme et dysenterie amibienne graves, terrassé et annihilé par les fièvres, anémié et décalcifié profondément, à bout de forces, je suis contraint à m'aliter. Amaigri de seize kilos, dans un état cachectique je suis transporté en ambulance à l'hôpital Grall de Saigon où je suis admis au pavillon des officiers et placé sous la surveillance médicale directe de médecin-colonel, chef de cet établissement, le célèbre docteur Maurice Alain, grand spécialiste des maladies tropicales. Le 6 Mars 1946 Le Président de la République du Viet Nam, Ho Chi Minh et le commissaire de la république Sainteny représentant le gouvernement français signent un accord dont les trois principales clauses sont: 1°) - Le gouvernement français reconnaît la république du Viet Nam comme un état libre ayant son gouvernement, son parlement, son armée et ses finances faisant parties de la fédération indochinoise et de l'union française. En qui concerne la réunion des trois "ky" (le nord Bac-Bo, le centre: Trung-Bo, le sud: Nam-Bo), le gouvernement français s'engage à entériner les décisions prises par la population consultée par référendum. 2°) - Le gouvernement du Viet Nam se déclare prêt à accueillir amicalement l'armée française lorsque, conformément aux accords internationaux, elle relèvera les troupes chinoises. 3°) - Aussitôt après l'échange des signatures, chacune des hautes parties contractantes prendra toutes mesures nécessaires pour faire cesser sur le champ les hostilités, maintenir les troupes sur leurs positions respectives et créer le climat favorable nécessaire à l'ouverture immédiate de négociations amicales et franches. Les négociations porteront instamment sur les relations diplomatiques du Viet Nam avec les Etats étrangers, le Statut futur de l'Indochine, les intérêts économiques et culturels français au Viet Nam. Cette convention préliminaire permet au général Leclerc d'entrer à Hanoi. A partir de la date de signature de ces accords, une lutte complexe pour les faire respecter commence: lutte militaire, politique et diplomatique. Les négociations engagées entre les autorités françaises et vietnamiennes marquent le début d'une longue bataille qui apparaît sans issue. Le Haut Commissaire de la République française Thiérry d'Argenlieu à Saigon, crée le gouvernement de la république autonome du Nam Ky à Dalat. Le général en chef de l'armée vietnamienne Vo Nguyen Giap déclare: "Si jamais le Nam Bo est détaché du pays, le peuple vietnamien emploiera toute son énergie à lutter pour son retour dans le Viet Nam unifié".   Le 18 Mars 1946 Le général Leclerc, connu en Indochine pour son glorieux passé militaire et pour son entrée triomphale à Paris le jour de la libération du territoire métropolitain, fait une entrée spectaculaire dans Hanoi. L'accueil des populations franco-indochinoises est délirant. Tout au long de son parcours, notamment dans la rue Paul Bert, sur la grande place Ba Dinh du théâtre municipal, et sur la périphérie du magnifique lac Hoang Kiém c'est l'allégresse. des femmes, des enfants, et aussi des hommes pleurent de joie. Après tant d'années de souffrances, de caucheMars, renaissait l'espoir de voir s'améliorer la présence française au Tonkin. l'armée française allait ramener la confiance en péril et la sécurité gravement compromise. mais, peu de temps après son entrée triomphale dans Hanoi, le prestigieux général Leclerc est rappelé en France pour recevoir une autre importante mission à accomplir. La population française au Tonkin est cruellement déçue. A partir du jour du départ du Tonkin du glorieux général, le pourrissement de la situation s'accentue. La guerre change de visage et la présence des Français devient de plus en plus périlleuse. Les assassinats, les tortures, les cambriolages, les incendies criminelles, les massacres se multiplient au Tonkin semblables à ceux particulièrement horribles commis le 25 septembre 1945 à la cité Hérault de Saigon où, environ cent trente femmes et enfants français furent sauvagement torturés, tués, dont on ne trouvera plus que quelques cadavres déshabillés, crucifiés sur la porte de leur logement, les yeux crevés, les dents arrachées, les seins coupés, les parties génitales enfoncées par des bouts de bambous pointus et leurs domestiques annamites scalpés, frappés à mort et jetés à la rivière, les pères catholiques Tricoire et Soullard, très âgés, sauvagement assassinés dans la cathédrale. Le Viet Minh glorifiera publiquement toutes ces atrocités le jour du 1er Mai 1946. Le 15 Avril 1946 Après deux mois de soins assidus reçus dans cet hôpital militaire, mon état de santé donne des signes d'aggravation inquiétants. Le médecin colonel Alain estime que les lésions résultant de l'infection persistante des intestins et de la vésicule biliaire par les amibes, nécessite une intervention chirurgicale et que cette intervention ne peut être pratiquée qu'en France, après avoir amélioré l'état physique et le moral du malade que j'étais devenu. Le 11 Mai 1946 Je suis présenté devant une commission militaire spéciale de rapatriement présidée par le médecin général inspecteur Fabry assisté du médecin colonel Marchat qui constatent après m'avoir minutieusement examiné, plusieurs affections endémiques et lésions d'organes, contractées en service sur le théâtre des opérations militaires effectuées en Indochine, nécessitant mon rapatriement en première classe et en première urgence sur le paquebot "Maréchal Joffre" transformé en transport de troupes, qui quitte le port de Saigon le 14 Mai à destination de la Métropole. Le 12 Mai 1946 Mon épouse et ma fille dont j'ai dû, plusieurs fois, être longuement séparé pour me permettre de remplir dans la résistance, certaines missions pour l'exécution desquelles j'étais volontaire, sont autorisées à prendre place à Hanoi dans une auto blindée de l'armée française qui les ont transportées en baie d'Along où, transbordées par un l.s.d., elles sont admises, exceptionnellement, comme passagères civiles sur le grand porte-avions "Béarn" de la marine nationale française, à bord duquel elles ont navigué jusqu'au large de Saigon, l'énorme porte-avions ne pouvant remonter la rivière et arriver jusqu'aux quais.

 

 


Table
Retour en Métropole

  Le 14 Mai 1946 Je suis transporté en voiture automobile à bord du s/s/ "maréchal Joffre" transformé en navire hôpital où sont entassés plus de deux mille: blessés, malades et victimes de guerre. Une demi-heure avant que le Commandant de bord ordonne à l'équipage de son navire de lever l'ancre, ma femme et ma fille transbordées en toute hâte du porte-avions "Béarn" arrivé de la baie d'Along, au large du port de Saigon, me rejoignent sur le navire hôpital. La surcharge du paquebot est une mauvaise augure d'un long et pénible voyage, ressentie par tous les passagers de retour en métropole, mais tous sont résolus à l'affronter. Un rayon de joie éclaire tous les visages sur lesquels on voit apparaître l'espoir qu'ils avaient perdu de revoir la mère patrie. Dans ce paquebot de luxe, transformé en navire ambulance, il n'existe plus ni cabine familiale, ni salle à manger-réfectoire, ni salle commune réservée aux loisirs, pas même un seul siège pour s'asseoir. La minuscule infirmerie est archi-pleine de blessés grièvement et d'infirmes impotents, dès le départ. Aux heures des repas, un seul self service fonctionne. On mange debout une nourriture quelconque strictement rationnée. Dans les coursives il n'y a, pour l'usage des milliers de rapatriés, que deux cabines de douches pour les hommes et deux autres pour les femmes, constamment occupées et à peine utilisables une fois tous les dix jours. Pour cette multitude de passagers, il n'existe que deux vastes salles de w.c. communs: l'une pour les hommes, l'autre pour les femmes. Celui réservé aux hommes est équipé d'une vingtaine de cuvettes monobloc alignées par rangées de dix, non séparées par des cloisons, sur lesquels ils sont contraints de s'extérioriser, en commun, par séries de dix à vingt et simultanément, lorsque le besoin impérieux les y oblige. Pour dormir, il n'existe par de couchettes mais de simples hamacs individuels pour tous: hommes, femmes ou enfant, alignés en cinq couches superposées, pour les colonels comme pour les simples soldats. Les cinq hamacs situés au-dessus de celui qui m'a été attribué, dans les soutes, à la proue, à plusieurs mètres au-dessous de la ligne de flottaison du navire, sont occupés par cinq colonels ou lieutenant-colonels en uniforme. Avec la chaleur torride qui sévit à l'approche de l'équateur en arrivant à Singapour, les odeurs qui se dégagent du troupeau humain en exode, privé de moyens d'hygiène suffisants, sont péniblement respirables. Le 15 Mai 1946 Le "Maréchal Joffre" mouille ses ancres dans une vaste baie au large de Singapour pour y faire hâtivement le plein de mazout avant d'entreprendre la traversée du grand Océan Indien. Du haut de la passerelle le commandant de bord interdit formellement de tenter de descendre à terre en raison des risques que fait courir le vent mortel de xénophobie qui souffle fort sur le port britannique depuis l'occupation japonaise. L'atmosphère est lourde à bord, les passagers encore suffisamment valides espéraient pouvoir se décontracter une heure ou deux sur le plancher des vaches, mais ils doivent y renoncer et se résignent. Les 16, 17 et 18 Mai 1946 Après avoir levé ses amarres dans la baie de Singapour, le navire ambulance "Maréchal Joffre" poursuivant son voyage cap au sud, pénètre dans le détroit de Sumatra et de Malacca. A bord, nous entendons les bruits lointains des tirs d'artillerie provenant des batteries côtières de canons de gros calibres, pointés en direction de la mer où nous voguions. Par haut-parleur le commandant de bord ordonne à l'équipage de verrouiller toutes les portes blindées et étanches des coursives et, à tous les passagers, de revêtir immédiatement et de la garder en place, nuit et jour, leur ceinture individuelle de sauvetage, jusqu'à nouvel ordre. Il ordonne également l'extinction de tous les feux du bâtiment dès la tombée de la nuit et, à tous, de monter sur les ponts de la superstructure du navire. C’est dans ces conditions que je passe la nuit à la belle étoile, couché sur le plancher du pont supérieur, pêle-mêle les uns à côté des autres, ceints de leur ceinture de sauvetage en liège, très incommode pour essayer de dormir. Habitués depuis plusieurs années à toutes sortes d'alertes, les passagers ne se départissent pas de leur bonne humeur entretenue par l'espoir qu'ils ont de revoir bientôt la mère patrie. Dans l'après- midi du 18 Mai la zone dangereuse est franchie sans avoir heurté une des nombreuses mines mouillées dans le détroit. Nous n'avons pas essuyé un seul coup de canon tiré depuis les multiples batteries côtières de Sumatra. Du haut de sa passerelle le commandant donne le signal de fin d'alerte. Il félicite l'équipage et tous les passagers pour la discipline, le bon ordre et la bonne humeur qu'ils ont observés tout au long du passage dangereux du détroit. Chacun reprend sa place normale et ses habitudes, tandis que le paquebot escorté par une bande de requins fait son entrée dans les eaux plus agitées de l'Océan Indien. Le 5 Juin 1946 Après avoir navigué pendant vingt quatre jours à travers l'Océan Indien, un peu agité par la mousson d'été, avoir pénétré dans la Mer Rouge et brûlé les escales habituelles de Colombo et de Djibouti, sans mettre les pieds une seule fois sur le plancher des vaches, nous voyons, à notre grande surprise, le navire qui nous transportait s'approcher très près des côtes africaines et stopper à la hauteur d'une rade minuscule, désignée en Erythrée sous le nom de Ataka. Les quelques passagers qui, comme moi, se sentent suffisamment valides sont autorisés à débarquer sur un quai sommairement construit au bout duquel stationnait une rame de vieux wagons de marchandises à l'extrémité d'une vieille voie ferrée construite naguère par les troupes italiennes au moment de la guerre contre le Négus. Les deux seuls humains visibles sur les lieux désertiques de notre débarquement sont deux officiers hollandais en uniforme qui nous font un chaleureux accueil et nous invitent à prendre place dans les deux seuls wagons de marchandises d'un petit train qui nous emmènent jusqu'aux confins du désert de l'Erythrée où nous apercevons, implantés dans les sables, un vaste camp militaire provisoire, composé de plusieurs grandes tentes de toiles bleues de nomades, bien alignées sur toute l'étendue de sable blanc étincelant dépourvue de la moindre végétation. Arrivé à la hauteur de ce village de nomades, situé à l'autre bout de la ligne de voie ferrée, notre train stoppe. Au moment où nous débarquons de ce train, un autre groupe d'officiers et de sous-officiers hollandais, suivis d'une infirmière vêtue de blanc portant les insignes de la Croix Rouge, nous accueillent chaleureusement, et très courtoisement nous conduisent vers la plus grande tente bleue. A l'intérieur de cette grande tente, des représentants de l'armée et de la Croix Rouge hollandaise nous réservent une merveilleuse surprise. Alors que nous étions tous rassemblés au seuil de cette vaste tente bleue, un officier hollandais tire le grand rideau qui en masquait l'entrée, et notre surprise est immense en apercevant au fond de la tente, drapée de drapeaux français, une estrade sur laquelle est installé un orchestre symphonique composé de cinq musiciens prisonniers allemands: l'un violoniste, les autres: flûtiste, haut-boïste et saxophoniste qui, au signal donné, exécutent de manière parfaite la marseillaise que nous écoutons, très émus et avec recueillement, au garde à vous, avant de pénétrer plus profondément à l'intérieur. Nous n'avions plus entendu notre hymne national depuis quatre années et nous n'avions plus revu l'apparition fugitive de notre drapeau tricolore depuis le 18 mars 1946, date de l'arrivée du général Leclerc à Hanoi. C'est dire toute l'allégresse que nous avons ressentie. Aussitôt après l'exécution en choeur de notre chant national, des infirmières de la Croix Rouge hollandaise installent des gâteaux et des bouteilles de vin blanc champagnisé rafraîchi, sur une table. Elles servent ensuite à chaque Français et Française une coupe de ce vin pétillant dont nous avions perdu le goût depuis plus de quatre ans, et nous distribuent des petits gâteaux succulents et des cigarettes. Nous trinquons dans la joie en l'honneur de nos alliés hollandais tandis que l'orchestre allemand entonne des airs de danse variés. Quelques couples de rapatriés tentent d'esquisser quelques pas de danse, plus ou moins adroitement, il y avait si longtemps que nos compatriotes, évacués sanitaires, n'avaient plus eu l'occasion de danser en Indochine, tous sont si fatigués. Tandis que l'orchestre allemand donnait à cette réception imprévue un air de fête, les membres de la croix Rouge hollandaise offraient discrètement dans une tente voisine, des chaussures neuves de pointure approximatives et des vêtements chauds de dimensions approximatives, à troquer avec nos sandales éculées et nos tenues vestimentaire loqueteuses, pour nous permettre de débarquer décemment sur la terre de France, quelques jours plus tard. Après nous avoir ainsi réconfortés et nous avoir souhaité très cordialement un bon retour vers la mère patrie, nous sommes reconduits gentiment dans les wagons de marchandises qui nous ramènent au quai. Nous réembarquons sur le navire qui lève l'ancre et prend la direction d'Ismaèlia, Suez et Port-Said. Tout au long du canal de Suez le cheminement du n/n "maréchal Joffre" s'effectue normalement, malgré la chaleur accablante pour les passagers en surnombre. Le 6 Juin 1946 Au lever du jour nous entrons dans la rade de Port-Said où le navire mouille ses ancres et fait escale pour renouveler sa provision de mazout. Par haut-parleurs, le commandant de bord notifie à tous les passagers l'interdiction formelle de descendre à terre pour éviter des incidents avec les arabes dont l'état d'esprit est fortement influencé par la propagande subversive de certains agents étrangers, particulièrement hostiles à tous ceux de race blanche provenant des Territoires d'Outre-Mer. L'équipage travaillé par cette propagande se met en grève sous prétexte qu'il n'est pas ravitaillé en tabac et cigarettes et menace de cesser le travail jusqu'à ce que cette revendication soit satisfaite. Après une journée de discussions et tergiversations, une ample distribution de nicotine manufacturée lui est accordée. Satisfaits, chaque marinier reprend son poste. Les ancres sont levées et le navire sort lentement et prudemment du canal de Suez dont les eaux recèlent encore un certain nombre de mines sous-marines qui n'ont pu être draguées. Le 10 Juin 1946 Nous croisons quelques unités de la marine nationale française patrouillant dans les eaux de la méditerranée aux alentours de l'île de volcan en irruption Stromboli, du cratère duquel s'échappent des colonnes de fumées blanches, et nous apercevons peu après, dans le lointain, les côtes de France, après cinq jours de traversée d'une mer agitée, pénible à cause de l'hostilité, envers les rapatriés, de certains membres de l'équipage qui, pour manifester leur haine envers eux, ne manquent pas, dès qu'ils les voient apparaître sur le pont, de les arroser copieusement d'un jet d'eau sous pression en leur criant narquoisement: "Attention à la manche"! avec l'accent marseillais très prononcé. Le navire entre en rade de Toulon, tiré par le puissant remorqueur du pilote du port. Nous accostons enfin au grand môle. Quelques maigres bagages des rapatriés sont rassemblés pour être débarqués. Beaucoup de bagages contenant de rares objets ou vêtements de rechange ont disparu, volés au cours de la traversée. Les grues de déchargement, dont les palans volumineux sont remplis par les bagages subsistants, sont actionnées. Nombreux de ces bagages ne sont pas descendus à quai. Plusieurs palanquées entières sont méchamment précipitées à la mer, et demeureront irrécupérables. Les rapatriés sont consternés. Les premiers contacts avec la mère patrie sont de mauvais augure. Quelques militaires français viennent nous accueillir sur le pont et nous conduisent au camp Galliéni de Toulon où nous sommes retenus pour y accomplir diverses formalités. Ayant cotisé pendant plus de vingt ans, très régulièrement à la croix Rouge Française, je suis étonné de constater son absence totale lors du débarquement. Piloté par un soldat, je suis introduit dans un premier bureau du camp militaire où je suis reçu par un officier français qui, après un long interrogatoire très cordial, me soumet un long questionnaire, à remplir immédiatement, devant lui. Ce questionnaire est axé sur une partie de mes activités exercées durant mon séjour au Tonkin, entre le 30 octobre 1938 et le 1er juin 1946. Quelques lignes seulement de ce questionnaire étaient réservées au coup de force japonais du 9 mars 1945, aux camps japonais de concentration et aux internements dans la citadelle de Hanoi. Après avoir rempli succinctement et signé ce questionnaire, et avoir répondu à toutes ces questions, je suis conduit dans un autre bureau dirigé par un officier médecin major qui me soumet à une visite médicale approfondie, remplit une fiche médicale sur laquelle il inscrit mon nom et me prescrit un long repos immédiat dans l'hôpital militaire de la station thermale d'Amélie les Bains. Dans un autre bureau, un officier de renseignement du ministère de l'intérieur, après avoir examiné le passeport provisoire n° 867 qui m'avait été délivré à mon départ de Saigon, fait établir, sous son contrôle, par un secrétaire, une carte de rapatrié, dactylographiée sur un imprimé du ministère des prisonniers, déportés et réfugiés portant deux numéros: l'un imprimé en gros caractères n° 2435342, l'autre perforé n° 70.10.646 et portant également deux cachets: celui de la préfecture de police et celui du Secrétariat Général des Prisonniers de Guerre, Déportés et Résistants. Depuis le 6 Juillet 1946 Des négociations difficiles, ouvertes en France à Fontaineeau près de Paris, en présence du président Ho Chi Minh, traînent en longueur, semblent bloquées, et ne pas aboutir. Mais le 18 Août 1946 Le ministre socialiste de la France d'Outre Mer Marius Moutet (qui m'a plusieurs fois convoqué en 1939 à son cabinet ministériel à Paris pour converser sur les affaires de l'Indochine auxquelles il s'intéressait particulièrement) a notifié catégoriquement au président Ho Chi Minh que: "la Cochinchine était une colonie française". Conciliant, Ho Chi Minh a accepté de signer ultérieurement avec le Ministre Marius Moutet un très important "modus vivendi". Quelques jours auparavant, le 1er avril 1946 le Haut Commissaire de la République Française en Indochine Thierry d'Argenlieu avait, à Dalat, au cours d'une réunion du Trung Bo, jeté les bases d'une future fédération des pays indochinois, en accord avec tous les principaux "leaders" politiques du Viet Nam. Le 14 Septembre 1946 Le très important "modus vivendi", applicable dès le 30 octobre 1946 comportant onze articles, est signé bilatéralement à Paris, d'une part, par le Ministre de la France d'Outre Mer Marius Moutet et d'autre part, par le Président du gouvernement Ho Chi Minh, pour le gouvernement de la république démocratique du Viet Nam. L'article neuf comporte sept clauses dont les deux principales sont ainsi libellées: a) il sera mis fin de part et d'autre à tous actes d'hostilité et de violences b) il sera mis fin aux propagandes inamicales de part et d'autre. Mais en Octobre 1946 L'Assemblée Nationale du Viet Nam mit dans l'obligation le Président Ho Chi Minh de constituer un nouveau gouvernement sur la base d'une large union nationale. Au cours de cette même session, l'Assemblée Nationale adopte une première Constitution, affirmant que: "Le Viet Nam est un pays unifié du nord au sud", ce qui provoqua de graves incidents et de violentes actions de feu à Haiphong comme à Lang Son. Le 23 Novembre 1946 De nombreux accrochages ont lieu entre les troupes françaises et des unités Viet Minh. A Haiphong un très grave incident se produit. Les provocations vietnamiennes s'intensifient. L'ordre est donné à l'artillerie et à la marine française ancrée au port d'ouvrir le feu. Une canonnade fait rage et plusieurs milliers de morts vietnamiens et français. Et le 19 Décembre 1946 Dès le matin, le Gouvernement français en Indochine a envoyé au Gouvernement vietnamien un ultimatum, exigeant: "La démolition des barricades, le désarmement des milices d'auto-défense et la remise aux troupes française du droit de maintenir l'ordre dans Hanoi, capitale vietnamienne. En réponse, le même jour à 20 heures, le président ho Chi Minh lance un véhément appel à la nation vietnamienne en ces termes: "Compatriotes! " "Nous voulons la paix, mais les colonialistes français sont décidés à reconquérir notre pays. Que celui qui possède un fusil se serve de son fusil, celui qui a un coupe-coupe, se servent de son coupe-coupe, que ceux qui n'ont ni fusil, ci coupe-coupe, se servent de pelles, de pioches, de gourdins. Que tous se lèvent pour s'opposer au colonialisme français. L'heure est venue de nous soulever. Nous devons nous sacrifier jusqu'à notre dernière goutte de sang pour défendre notre indépendance. Notre peuple vaincra". Cet appel a été entendu et immédiatement suivi de nombreux coups de feu dirigés contre les troupes françaises en position d'alerte aux alentours de Hanoi qui ont riposté. De très violents combats de rue appuyés par l'artillerie ont été engagés durant toute la nuit et tout le jour des 19 au 20 décembre faisant l'importants dégâts matériels, de nombreux morts et blessés dans les deux camps. Depuis ce nouveau carnage, le gros des forces armées françaises, constamment en état d'alertes, sont demeurées immobilisées tout autour de Hanoi, pendant plus de deux mois, jusqu'au retour à un calme relatif dans les quartiers indigènes. Mettant à profit cet abcès de fixation des troupes françaises à Hanoi, Vo Nguyen Giap ordonne aux guérillas qui, à l'intérieur de toutes les provinces du nord et du sud du Tonkin, harcelaient les Unités françaises, de redoubler leurs attaques. Les combats se multiplièrent parfois à l'avantage des Viet Minh. Le 21 Décembre 1946 Ho Chi Minh fait un vibrant appel au peuple vietnamien lui intimant l'ordre décisif de l'insurrection générale. Le commandant Sainteny, qui venait d'être promu Commissaire de la République française dans le Tonkin et le nord Annam, est grièvement blessé par éclats de grenades et une guerre acharnée s'étend depuis le 19 décembre 1946 sur tout le territoire du Viet-Nam.   Ainsi s'achève la longue et triste épopée d'un humble Français d'Indochine, bon serviteur de la France, satisfait d'avoir accompli pendant cinq ans en Indochine de 1939 à 1946 son devoir de résistant acharné contre la barbarie asiatique et les envahisseurs agressifs Japonais en Extrême orient, signataires du pacte: "Allemagne-Japon-Italie", endoctrinés par le parti fondé par Hitler, co-auteurs et responsables des agissements nazi, ignobles et odieux, pratiqués en tous lieux, en Europe comme en Extrême Orient pendant toute la durée de la seconde guerre mondiale de 1939 à 1945. Mes services estimés éminents et mes actes reconnus méritoires par des autorités supérieures accomplis dans l'ombre, durant les années tragiques vécues au Tonkin de 1939 à 1946 en qualité d'ancien officier de police, combattant volontaire isolé, interné, de la Résistance Extramétropolitaine, non homologués par suite des circonstances exceptionnelles, ont néanmoins été sanctionnés par l'attribution de: la Carte du Combattant, la Carte de Déporté "Politique" et par les témoignages de plusieurs hauts fonctionnaires civils et militaires, exprimés comme suit:   "A monsieur a.r. Veyrenc, enfant de Hanoi, en témoignage de sa fructueuse et courageuse action au cours des événements"

signé: Jean Sainteny

Gand Officier de la Légion d'Honneur

Compagnon de la Libération

Fondateur du réseau "Alliance" chargé par le Général de Gaulle de l'exécution de la "mission 5" à Kun-Ming (Yunan) et Hanoi (Tonkin) Ancien Commissaire de la République pour le Tonkin et le nord Annam Ancien Ministre des Anciens Combattants et Victimes de Guerre.

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Epilogue     Table

Par délégation de l'Amiral Thiérry d'Argenlieu Haut Commissaire de France pour l'Indochine: "Monsieur le Commissaire de la République pour le Tonkin et le nord Annam a attiré mon attention sur les services que vous lui avez rendus après vous être mis spontanément à sa disposition et sur la manière digne d'éloges dont vous vous êtes acquitté de votre travail. Il m'est agréable de vous adresser toutes mes félicitations. Une copie de la présente lettre sera classée à votre dossier personnel".

Signé: Longeaux

Ingénieur en Chef des Mines

Chef des Personnels des Administrations

Adjoint au Général en Chef Mordant

responsable de la résistance officielle en Indochine

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"Monsieur a.r. Veyrenc a apporté une précieuse collaboration au commissaire de police spéciale de sûreté Molins au moment de la tension franco-japonaise et du débarquement à Haiphong des troupes japonaises en septembre 1940. Il a également rendu des services signalés comme traducteur à la Commission de contrôle postal militaire à Haiphong. Volontaire il a accepté la mission de Chef de Secteur d'informations spéciales sur le territoire de la province frontière de Lang Son au moment où furent entreprises les opérations militaires de répression contre les bandes rebelles armées par les japonais. Il s'est entièrement dévoué à cette tâche difficile et dangereuse, qu'il poursuit actuellement avec succès".

Hanoi 1er juillet 1941

signé: Paul Pujol

Contrôleur Général de Police Spéciale au Tonkin

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Monsieur a.r. Veyrenc dont la famille a tant fait pour l'Indochine française, a lui-même subi la haine des Japonais et a connu leurs prisons et leurs tortures. A lui mes sentiments de bien vive sympathie et de reconnaissance

signé: Raoul Salan

Grand Officier de la Légion d'Honneur

- nommé en 1938 chef du "Service de Renseignements Intercolonial" par décret signé par Georges Mandel

- Général de brigade exerçant le commandement des troupes opérationnelles au Tonkin et Yunnan en Chine

- Récipiendaire de la Médaille Militaire, la plus haute distinction honorifique accordée à un officier ayant grade de général, à lui conférée par le Général de Gaulle qui, plus tard, le fera condamner à l'emprisonnement perpétuel par Haute Cour de Justice.

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Vous (monsieur a.r. Veyrenc) "étiez de ceux qui ont lutté pour que notre patrie soit libérée. C'est du courage de ses combattants que la France à pû se retrouver honneur et dignité et de participer à la victoire finale. Le diplôme que j'ai l'honneur de vous faire parvenir témoigne de la reconnaissance de la nation et de la permanence des valeurs que tout peuple qui ne veut pas mourir doit toujours rester prêt à défendre.

Signé: André bord

Secrétaire d'Etat aux Anciens Combattants

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"Monsieur Arsène René Veyrenc, dirigeant départemental de notre Union, particulièrement actif, nous paraît remplir toutes les conditions exigées par la réglementation en vigueur pour être nommé dans l’Ordre National. En effet monsieur Veyrenc aux services parfaitement glorieux est titulaire d'une pension d'invalidité définitive au taux de 100 % à la suite de sa déportation". ....................... "Souhaitons qu'il soit possible d'examiner avec la plus grande bienveillance la présente candidature d'un grand serviteur de notre pays.

Signé: André Bonny

Président Départemental de l'u.n.c/u.n.c. A.F.N.

Dans les alpes maritimes

Chevalier de la Légion d'Honneur

Commandeur de l'Ordre National du Mérite

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Cher ami, cher dirigeant, Nous avons le plaisir de te faire connaître que le 9 avril 1989 à l'issue de notre premier congrès départemental depuis la fusion de l'union nationale des combattants (u.n.c. - A.f.n.) tu as été réélu au Comité Départemental qui t'a nommé Vice Président Départemental honoraire en tant que doyen d'âge des dirigeants de l'u.n.c. et en récompense des mérites éminents que tu as acquis, à titre civil, au service de la nation. A cette occasion nous t'adressons nos vives félicitations pour cette nomination bien méritée par l'un des artisans les plus actifs de la fusion u.n.c/u.n.c a.f.n que tu as été et qui, depuis avril 1949 soit depuis quarante ans, n'a cessé de cotiser à Nice et d'oeuvrer avec droiture, conscience et dévouement dans les Alpes Maritimes, dans l'intérêt des anciens combattants membres de notre union nationale. En toutes circonstances tu seras toujours accueilli chaleureusement parmi nous. Bien amicalement.

Signé: colonel Yves Akiline

Chevalier de la Légion d'Honneur

Ancien Président Départemental de l'u.n.c.

Président Départemental Adjoint de l'u.n.c./U.n.c.a.f.n

Chargé des questions administratives

   

Le 3 Octobre 1970  
Table
Je reçois la notification d'un arrêté interministériel m'admettant à la retraite d'ancienneté après avoir accompli quarante annuités de Services exeptionnels dans la fontion publique (y compris services militaires, paramilitaires campagnes doubles en temps de guerre en Indochine et services hors d'Europe) et m'accordant une pension civile d'ancienneté d'Agent Supérieur de 1ère classe des Administration Centrales des Ministères, inscrite au Grand Livre de la Dette Publique sous le n° b/70600407 au titre des effectifs des personnels du Ministère du Budget et de la Comptabilité Publique, auxquels j'ai appartenu.
  Au moment où je m'apprête à achever ma longue carrière mouvementée, marquée par une série d'éminents services et d'actions estimés méritoires par des Hautes Autorités Civiles et Militaires compétentes, au profit de la Résistance Civile, Isolé pendant la guerre d'Indochine de 1940 à 1946, en signe de respect pour ceux de ma famille, pour tous mes camarades qui sont morts nombreux tout près de moi en Indochine et, pour mettre en garde contre la désinformation, et pour tous les citoyens qui ont droit à la vérité, en dépit des médias, de la presse, des journaux, des radios, des télévisions et des livres scolaires, qui trop souvent, propagent des fausses informations provocatrices aux désordres et proposent la désinformation simpliste et insidieuse à nos enfants, et à toutes les générations futures, je tiens à clamer très haut que: - La désinformation est une entreprise de manipulation de l'opinion publique. Ce n'est pas seulement le manque ou la privation d'information mais, selon l'Académie Française: "l'action particulière ou continue qui consiste, en usant de tout moyen, à induire en erreur ou à favoriser la subversion. Elle revêt diverses formes et emploie des procédés abjectes multiples, dont la plus connue est le mensonge". - La tolérance et la liberté de la presse, sont incompatibles avec le mensonge. - De 1940 à 1954 les Français civils et militaires en Indochine ont mené un combat héroïque pour la défense de l'homme contre des forces du mal coalisées. - Nombreux sont ceux qui ont connu dans les camps japonais de la mort lente à Hanoi et à Hoa Binh, les mêmes souffrances physiques et morales que celles de nos compatriotes de l'hexagone internés dans les camps d'extermination de Dachau, Auschhwitz ou Mathausen et d'autres. - Courageusement les Français d'Indochine ont, entre 1940-1946, résisté de leur mieux à l'occupation japonaise et aux drames engendrés par cette occupation. - Le Viet Minh a imposé par la terreur la dictature marxiste en Indochine. - Le corps expéditionnaire français s'est bien comporté, souvent dans des circonstances très difficiles, il a aidé avec humanité le Viet Nam a organisé peu à peu son indépendance. - Un parti politique et son syndicat ont gangrené dans la Métropole, l'opinion des français perfidement trompée. - Malgré tout, il existe encore des affinités indiscutables entre l'Indochine et la France. - La présence française en Indochine fut une épopée. - La France peut et doit être fière de son oeuvre en Indochine. - S'il est un domaine où la réalité historique a été profondément et honteusement travestie, truquée et bafouée c'est bien l'Indochine. - Les Combattants Français d'Outre-Mer disent non aux mensonges et s'opposent à ce que l'histoire soit falsifiée par la désinformation pratiquée parfois par des gens pourvus de diplômes et hauts placés ; imbus de préjugés philosophiques, qui imaginent tout bien concevoir sans avoir été présents sur les lieux aux moments des faits et sans avoir consenti à se mettre impartialement à l'écoute des témoins oculaires authentiques et irréfragables qui ne demandent qu'à se manifester. Il faut que l'esprit des jeunes générations soit pénétré de ces vérités essentielles et rejettent catégoriquement les assertions mensongères des propagandistes politiques politiciens. On ne peut oublier qu'en septembre 1920 se tint à Bakou le "Congrès des Peuples Opprimés de l'Orient". La même année Nguyen Van Thanh alias Nguyen Ai Quoc, alias Ho Chi Minh, membre dirigeant de la c.g.t.u., Ancien élève du Dong Duong Cong San Chu Nghia Dai Hoc Duong (institut dés Travailleurs Orientaux) à Moscou, prit une part prépondérante aux travaux du congrès mondial de la Troisieme Internationale Communiste siégeant à Tours. A l'époque des congrès de Bakou et de Tours, la France avait déjà contre elle le soutien logistique et diplomatique.  


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L'histoire falsifiée L'incompréhension

Le mal qui frappe la communauté des anciens militaires et civils, combattants, résistants et autres, ayant oeuvré en Indochine, loyalement et courageusement, le bât qui les blesse, a pour nom: Incompréhension
- Incompréhension, lorsque après tant d'années de témoignages, notre histoire coloniale demeure déformée, caricaturale: le "blanc" exploiteur et brutal, avide, aiguillonné par la seule quête du lucre, le trafiquant de piastres, face au bon "nha-qué" sauvage, innocente victime. - Incompréhension, lorsque la moindre allusion à la vie courante outre-mer, évoque immanquablement pour les interlocuteurs métropolitains: le palanquin, le chasse mouche, la pipe à opium, le "becone pan-ka" et l'armada des "boys" à tout faire.. - Incompréhension lorsque la haine du terrorisme aveugle conduit les anciens d'Indochine, a condamner sans nuances les lâches attentats, meurtres et sinistres prises d'otages perpétrés par les Viet Minh. - Incompréhension encore, lorsque la révolte loyale d'officiers civils ou militaires bernés et trahis, ne suscite chez ceux d'Indochine qu'admiration et respect.. - Incompréhension enfin, lorsque l'hommage quasi- national rendu ou, à rendre en perspective, à quelque adversaire de notre pays, nous étonne et nous choque... - Incompréhension... Et pourtant! Les lueurs d'espoir ne sont pas toujours rares: souvent une conversation, un échange d'idées nous laissent l'impression réconfortante d'avoir vaincu l'hostilité, entamé la conviction, éveillé l'intérêt. Il arrive parfois, mais si rarement, qu'un film objectif projeté sur le petit écran éveille la sensibilité des spectateurs auditeurs et la recherche de la vérité et que ce film vienne rompre les litanies tendancieuses ou mensongères périodiquement télévisées. Ces rares occasions, ces moments privilégiés, contribuent à rétablir la vérité, cette vérité qui n'est pas une, mais multiple. A défaut d'approbation nous ne demandons pas autre chose que la compréhension. Il nous faut saisir les opportunités et chaque occasion d'apporter nos témoignages incontestables et nos explications. C'est ainsi que peu à peu sera levé le voile de l'incompréhension.   Communisme international qui avait trouvé sur notre sol national des assises déjà solides. On ne peut oublier que la France a eu aussi, contre elle, les Américains que Graham Green a si bien caricaturés et qui ont exprimé nettement leurs opinions défavorables à la France par la voie du Président des u.s.a. Roosvelt, notamment lors de la conférence internationale de Yalta. Il n'est pas sur que, dès ce moment, la France et d'autres démocraties aient mesuré l'importance du danger en puissance. Il ne sortira pas de ma mémoire, qu'après le coup de force du Viet Minh du 19 décembre 1946 qui a ensanglanté Hanoi, dont Vo Nguyen Giap porte l'entière responsabilité, le président Ho Chi Minh a prononcé ces paroles: "Il nous faudra huit ans pour battre définitivement les Français. Ils nous connaissent bien mais ils sont mal équipés et ils ne s'aiment pas. Ils nous en faudra peut être dix pour battre les Américains. Ceux-ci sont bien équipés mais ils nous connaissent mal, tandis que nous Vietnamiens, nous sommes, naturellement étroitement unis". A l'issue des affrontements du 19 décembre, tout laissait à prévoir l'acheminement de la France vers une guerre sanglante, sans merci, longue, dispendieuse et fratricide. A cette époque et au lendemain de la signature du "modus vivandi" signé bilatéralement par notre ministre Marius Moutet et le président Ho Chi Minh, n'avons-nous pas manqué l'occasion, bien que peu favorable, de rétablir encore une fois la paix sur le territoire indochinois, en accordant généreusement des concessions, bien étudiées, aux revendications paraissant légitimes, de l'indépendance immédiate du peuple vietnamien, dont le refus par la France à toujours été le véritable prétexte de l'hostilité du Viet Nam. Le principe du juste milieu qu'a professé le grand sage Confucius, incrusté depuis des décennies dans la mémoire collective des Vietnamiens, aurait probablement influé sur l'attitude intransigeante des Viet Minh extrémistes et évité l'extension du conflit qui nous a divisés. - La France des Droits de l'Homme aurait pu demeurer l'amie tutélaire et libérale du Viet Nam, celle des grands principes d'égalité et de fraternité qu'elle a, la première répandue dans le monde.     Quoi qu'il en soit, soyons les témoins impartiaux et les messagers d'une époque exaltante que nous avons connue en Indochine, afin que les jeunes générations la retrouvent dans les manuels d'histoire. Il nous faut plus que jamais rétablir les faits authentiques. Ne laissons pas à d'autres le soin de refaire l'Histoire, pour ne pas perpétuer les haines et les rancoeurs. Etalons la vérité au grand jour, avec autant d'acharnement que d'autres s'ingénient à la détruire. Notre silence serait complice de l'oeuvre de démolition entreprise par les fanatiques d'une doctrine que nous avons toujours combattue. Soyons, conscients de la grande différence qui existe entre la propagande et l'information, et très vigilants face aux médias qui, aujourd'hui plus qu'hier envahissent le monde, notamment par la télévision qui rythme la vie quotidienne des masses populaires. Souhaitons que le monde des générations nouvelles lutte impitoyablement contre la désinformation et contre les injustices, que le monde de ces nouvelles générations devienne plus humain et applique en toutes circonstances et sans défaillance le grand principe du "juste milieu" professé par le sage Confucius. Les haines finiront par s'émousser, une seule subsistera: celle de la guerre. Le principe est défini dans les pages précédentes. Une forte personnalité, le Colonel J.J.. Beucler, Commandeur de la Légion d'Honneur qui connaît bien l'Indochine et les Indochinois, 3 fois blessé et prisonnier pendant quatre ans par les Viet minh sur la r.c.4. En bordure de la frontière sino-tonkinoise, où j'ai combattu, a émis objectivement cette pensée très réaliste: "Malgré les trahisons d'une minorité extrémiste, entre l'Indochine et la France, il y a une grande histoire d'amour. Si l'on en doute, il suffit d'interroger les nombreux réfugiés qui continuent à fuir l'enfer communiste pour trouver en France liberté et amitié". Souhaitons que les jeunes générations qui nous succèderont ne laisseront pas ternir, par le temps, ce qui reste encore des affinités et de l'amour des Indochinois qui nous ont compris, amitié acquise par près d'un siècle de vie collective et de comprèhension. Admis à la retraite, je continuerai le plus longtemps possible à exercer activement et positivement des activités en faveur des anciens combattants, résistans et internés durant la guerre d'Indochine de 1939 à 1946, pour défendre en commun leurs droits respectifs, exalter le souvenir des sacrifices consentis, la mémoire de leurs morts, rétablir et diffuser l'histoire réelle de la France en Indochine et oeuvrer pour la paix, la sauvegarde des libertés et l'intégrité des territoires français. Nul de devrait oser nier sciemment que cent années de présence française sur le territoire indochinois, que cent années de travaux en commun ont fait naître l'estime, voir l'amitié de la majorité des autochtones, que le marxisme n'a pas encore réussi à détruire complètement. L'Indochine française est née de vastes travaux d'utilté publique incontestables, exécutés en commun. L'espace d'une seule page d'histoire est insuffisant pour permettre de tracer l'énumération de tous les travaux exécutés en commun. Des prodiges français ont été accomplis sur toute l'étendue de la péninsule indochinoise et dans des domaines les plus divers. Peuvent en témoigner notamment l'ingéniosité de l'aménagement du territoire par la création d'un immense réseau routier de qualité exceptionnelle ; la construction du gigantesque pont Doumer à superstructure métallique du type Eiffel, tout au long de deux kilomètres enjambant le Fleuve Rouge à hauteur de Hanoi, cet ouvrage faisant l'admiration des techniciens visiteurs venus de l'étranger ; l'implantation d'un vaste réseau ferroviaire comprenant notamment le transindochinois reliant par 1.500 kms de voies ferrées Hanoi à Saigon, les ouvrages d'art titanesques des chemins de fer du Yun-An reliant Hanoi à Kun-Minh en Chine avec plus de mille kilomètres de voies ferrées depuis le delta tonkinois jusqu'aux hautes régions montagneuses du Yu-Nan ; la construction des gigantesques aéroports de Tan Son Nhut, de Gia Lam et de Bach-Mai qui ont perfectionné les voies aériennes de communications internationales ; les travaux herculéens de l'hydraulique agricole pour l'irrigation des rizières dans les deltas du Mékong et du Fléuve Rouge ayant exigé un pelletage colossal de terrassements pour l'élévation de hautes digues de protection contre l'inondation, pelletage à main, d'un volume nettement supérieur à celui du creusement du canal de Suez ; la création de très grandes zones industrielles: telles celles des plantations d'hévéas Michelin avec d'immense citées ouvrières modernes sur les Hauts Plateaux: celle du gigantesque complexe industriel des usines de la Société Française des Distilleries installées sur l'arroyo chinois à Binh-Tay-Cho-Lon que mon frère Marcel, ingénieur chimiste, a dirigé pendant une vingtaine d'années jusqu'à leur destruction partielle par les bombardements aériens américains; celles des vastes périmètres miniers de la Société des Charbonnages de Hong-Ay avec sa super centrale électrique du km 5, l'électrification de sa voie ferrée, ses modernes installations portuaires de Cam-Pha aux travaux neufs desquelles j'ai amplement participé, celles des aménagements de la Compagnie des Navigations fFuviales sur le Mékong ; celle des très importantes pêcheries industrielles de Bén-Cat et du Ton Lé Sap ; celles des vastes rizières de Cho-Lon, des cimenteries de Haiphong, des ateliers de tissage de la cotonière de Nam- Dinh, les usines frigorifiques et brasseries de Hanoi et de Saigon, les papeteries de Dap-Cau, les briquetteries et tuileries de Hanoi, de Dap-Cau, les grands ateliers de transports routiers automobiles, le bassin de radoub et les ateliers de challendage, des chaloupes du Fleuve Rouge et l'arsenal de Haiphong; les deux super centrales électriques de Hanoi, Saigon, complétées par les petites centrales secondaires de Phnom-Penh, Vientiane, Lao-Kay, Bac-Ninh, Dap- Cau, Tourane et Quinh-Nhon etc, etc ... Tous ces établissements industriels et commerciaux ont fait naître sur des terres incultes, un essor, un développement économique considérable et la prospérité des populations. L'ampleur de l'équipement des grands hôpitaux de Lanessan à Hanoi, Grall à Saigon, les constructions de multiples bâtiments des maternités pourvus d'équipements très modernes à l'usage exclusif des Indigènes dans de nombreux chef lieux de provinces ; la construction et la mise en activité des fameux Instituts Pasteur à Hanoi et Yersin à Nha-Trang qui ont permis d'enrayer les ravages de l'amibiase, du paludisme et notamment de la rage, maladies endémiques, ces établissements ont nettement favorisé l'hygiène et la recherche médicale. Les constructions des bâtiments de la Faculté de Droit et de Médecine, du Lycée Albert Sarraut de Hanoi, du Lycée Chasseloup Laubat de Saigon, du Lycée Yersin de Dalat; la célèbre Ecole Francaise d'Extréme Orient (peinture, sculpture, laque artistique, architecture) de Hanoi avec son musée d'une richesse exceptionnelle ont permis d'enseigner et de diffuser la langue française, d'élever l'éducation des populations, de répandre largement la culture française, sur tout le territoire indochinois et de former des artistes de grande valeur mondiale. L'évolution malheureuse de l'Extrême Orient après le départ des Français de l'Indochine et la fidélité des milliers de réfugiés indochinois en France dès 1954 et après 1975, donnent à penser que les sacrifices de la France ont été compris. Je souhaite vivement que les malheurs des peuples d'Indochine que nous avons appris à respecter et à aimer, verront un jour prochain, une forme nouvelle d'amitié fleurir et se développer entre eux et le peuple de notre vieille, fière et grande nation.

Certifié sur l’honneur

René Veyrenc

  Veyrenc René Industriel et commerçant en Indochine reconverti dans la fonction publique par suite des événements survenus depuis la déclaration de la guerre mondiale 1939-1945. Ni opprobre, Ni oubli. - ACTIVITES PROFESSIONNELLES EXERCEES EN EX-INDOCHINE FRANÇAISE ET EN FRANCE-METROPOLITAINE "AVANT ET "APRES" LA PERIODE DU TEMPS CONSACRE EXCLUSIVEMENT A MA PARTICIPATION ACTIVE AUX MOUVEMENTS CLANDESTINS DE LA RESISTANCE, DU 20 SEPTEMBRE 1940 AU 14 MAI 1946   ACTIVITES PROFESSIONNELLES EXERCEES EN INDOCHINE ET EN FRANCE METROPOLITAINE Deux événements importants ont modifié profondément le cours de ma carrière professionnelle. Ce sont: - l’expiration de la durée du contrat de 25 ans, pour la production et la distribution de l’énergie électrique dont j’étais bénéficiaire sur le territoire des deux provinces tonkinoises de LAO-KAY et de BAC-NINH-DAP-CAU (INDOCHINE FRANÇAISE) et - La seconde guerre mondiale durant laquelle, interrompant mes activités professionnelles, je me suis engagé en 1940 en qualité de combattant volontaire de la Résistance Extramétropolitaine, isolé, en INDOCHINE, d’abord contre les Japonais sur la frontière sino-tonkinoise, et ensuite contre le VIET MINH dans le delta tonkinois, et finalement à SAIGON et sa périphérie. - Avant la guerre, de 1923 à 1937, j’ai exercé ma profession dans le secteur privé en INDOCHINE. - Après la guerre, de 1946 à 1970 je me suis converti dans le secteur public en INDOCHINE et en FRANCE METROPOLITAINE.

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A - ACTIVITES PROFESSIONNELLES DANS LE SECTEUR PRIVE EN INDOCHINE - Au début de ma carrière professionnelle, avant d’entrer en activité dans les grandes Administrations Centrales publiques (Ministère de l’Economie et des Finances, Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme), j’ai exercé d’importantes fonctions dans le secteur privé de l’industrie et du commerce en Indochine. - De 1923 à 1937 j’ai assumé, dans des conditions particulièrement difficiles, successivement, les fonctions de: • Directeur Gérant des usines électriques et frigorifiques de la SOCIETE TONKINOISE D’ELECTRICITE et D’INDUSTRIE (S.T.E.I.N.) "VEYRENC et Cie" jusqu’à la fin du contrat de 25 ans de concession de la production et de la distribution de l’énergie électrique dans la province de LAO-KAY (Haute région tonkinoise réputée la plus malsaine de l’Indochine). • Directeur des travaux de remaniement de l’implantation des réseaux électriques et des voies ferrées de la SOCIETE FONCIERE DES TRAMWAYS ELECTRIQUES de HANOI, à la suite d’importantes modifications d’un nouveau tracé de la voie ferrée et de la section des nouveaux câbles des lignes électriques d’alimentation, subséquents au changement du lieu de la source d’énergie et du mode de production de la force motrice nécessaire au transport des voyageurs (remplacement de la centrale thermique initiale devenue trop vétuste située dans la zone suburbaine du Village de Papier, par un très puissant groupe convertisseur de courant, installé au Centre Ville de HANOI). • Directeur des travaux de remise en état de fonctionnement d’une ancienne Centrale électrique thermique désaffectée et vétuste, pour suppléer provisoirement à l’insuffisance de la capacité de production d’énergie électrique de la Super Centrale électrique de HANOI, résultant d’une grave avarie ayant mis hors d’usage pendant plusieurs mois d’un puissant groupe turbo-alternateur-générateur qui alimentait en énergie lumière et force motrice les vastes quartiers résidentiels de la ville de HANOI englobant le Palais du Gouverneur Général et le Lycée Albert SARRAUT, privés momentanément d’éclairage et de ventilation électrique, travaux minutieux et urgents, ayant nécessité ma présence effective nuit et jour sur le chantier. - En ma qualité d’Ingénieur divisionnaire, placé sous l’autorité directe de l’Ingénieur en Chef Polytechnicien A. BASCOU, j’ai procédé personnellement au piquetage à la théodolite et à l’implantation d’un réseau électrique sur l’ensemble du vaste territoire des concessions minières d’anthracite de la SOCIETE des CHARBONNAGES de HONGAY (TONKIN), de plus de 100 km de lignes électriques triphasées à HAUTE TENSION (60000 et 3000 volts) et BASSE TENSION (220 et 380 volts) et 250 km de lignes téléphoniques, ainsi qu’à l’électrification de 60 km de voie ferrée et à l’équipement électrique des aménagements portuaires (ponts roulants, énormes grues de chargement des cargos, usines de criblages des charbons, centrale de secours, ateliers de réparation, éclairage des voies publiques) du nouveau port charbonnier en voie de construction à CAM-PHA sur la Côte de la Mer de CHINE. - Mes activités professionnelles dans le secteur privé en INDOCHINE m’ont apporté quelques satisfactions notamment: - Celles d’avoir contribué énergiquement à l’expansion économique du TONKIN et d’avoir apporté des améliorations substantielles aux conditions d’existence des populations indigènes de la vaste région minière de HONGAY à CAM-PHA en ayant dirigé efficacement d’importants travaux d’électrification de ces deux ports charbonniers. - Celles d’avoir collaboré étroitement, dans la province de LAO-KAY à l’assainissement des lieux par l’installation et le développement de l’eau potable et de l’électricité et par la production de glace et de boissons hygiéniques, ayant ainsi contribué dans une large mesure, à la régression des maladies endémiques telles que la dysenterie amibienne et l’hépatite ou bilieuse hématérite qui décimaient les populations indigènes dans cette région la plus insalubre du Haut-Tonkin.
 

ACTIVITES PROFESSIONNELLES EN INDOCHINE

DE VEYRENC RENE

DANS LE SECTEUR PRIVE:

- Directeur Technico-commercial Co-Gérant de la S.T.E.I.N. (Société Tonkinoise d’Electricité et d’Industrie VEYRENC et Cie) Chef d’Exploitation Gérant de la Centrale Electrique de LAO-KAY pour la production et la distribution de l’énergie électrique à COC-LEU, PHO-MOI, LAO-KAY (TONKIN) et HO-KEOU en Chine (YONNAN) de 1923 à 1937. (Pages 9 à 19 et 30 à 38). DETACHE SUCCESSIVEMENT: - Ingénieur Divisionnaire, Chef des Services Electriques Extérieurs de la Super Centrale Electrique de la Société Française des Charbonnages du TONKIN à HONGAY-HATOU-HALAM-CAMEHA et CAMPHA-PORT (Pages 20 à 25) - Conducteur des travaux de rénovation du réseau électrique et ferroviaire de la Société Foncière des tramways électriques de HANOI-VILLAGE du PAPIER et HA-DONG (Pages 26 à 29) ET APRES EXPIRATION DES CONTRATS DE CONCESSIONS ET PERMISSIONS DE VOIERIE ATTRIBUES A LA S.T.E.I.N.: - Co-Associé, co-propriétaire de la Société Familiale "A.VEYRENC et Fils IMPORT-EXPORT" à HANOI (TONKIN).    

ACTIVITES PROFESSIONNELLES EN FRANCE

DE VEYRENC RENE

DANS LE SECTEUR PUBLIC:

- Chef de Bureau HORS-CLASSE de la Direction Générale des Finances de l’Indochine à HANOI muté en qualité d’Agent Supérieur de 1ère classe des Administrations Centrales du Ministère de l’Economie et des Finances à PARIS (Budget et Comptabilité Publique) - (Pages 49 à 59). - DETACHE au Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme successivement en qualité de: - Chef de Service Départemental des Dommages de Guerre et de l’Administration Générale à DIGNE (Basses-Alpes) à GAP (Hautes-Alpes) et à NICE (Alpes-Maritimes). (Pages 50 à 60). - Chef des Services Départementaux à NANCY (Meurthe-et-Moselle) où j’ai terminé ma carrière de fonctionnaire de l’Etat français (Page 60). - Chef de Bureau à la DIRECTION du BUDGET FEDERAL de l’INDOCHINE à SAIGON. (Pages 61 et 62). B - ACTIVITES PROFESSIONNELLES DANS LE SECTEUR PUBLIC a) EN INDOCHINE FRANÇAISE Aussitôt après la date de l’expiration (1939) du contrat de concession de longue durée (25 ans) dont j’étais bénéficiaire pour la production et la distribution de l’énergie électrique dans deux provinces indochinoises (LAO-KAY) et BAC-NINH-DAP-CAU et après un séjour de deux ans (1940 à 1942) effectué volontairement dans Résistance Extramétropolitaine sur la frontière sino-tonkinoise, dans la 3ème zone des opérations militaires, contre les armées de l’envahisseur japonais et de plusieurs mois dans les hôpitaux militaires de HANOI et DALAT, je suis admis au début de 1943, après concours, parmi les personnels de la Direction Générale des Services Economiques et Financiers de l’Indochine où j’ai exercé successivement jusqu’au 9 Mars 1945 les fonctions de: - Sous-Chef et Chef du 3ème Bureau (Contrôle des projets financiers des grands travaux en Indochine). - Chef du 4ème Bureau (Etablissement et Contrôle de l’exécution du Budget Général de l’Indochine). - Chef du 7ème Bureau (Etude des projets de contrats et marchés administratifs et surveillance de l’exécution de ceux-ci). Cumulativement, j’ai été chargé des fonctions de: - Délégué de l’Inspecteur Général des Finances, à L’Ordonnancement des dépenses des Budgets Fédéral et annexes, de l’INDOCHINE, - Délégué de l’Inspecteur Général des Finances aux Commissions d’Appels d’Offres et aux Adjudications, - Régisseur comptable d’une importante Caisse de fonds de Régie d’Avances, - Liquidateur des dépenses des personnels de la fonction publique. A la fin des services accomplis dans la fonction publique en Indochine, interrompus par suite des événements, l’honorariat de mon dernier grade de Chef de Bureau Hors-Classe m’a été conféré par Arrêté Ministériel. CERTIFIE SUR L’HONNEUR A.R. VEYRENC  

ACTIVITES EXTRAPROFESSIONNELLES BENEVOLES AU PROFIT DES ANCIENS COMBATTANTS, DEPORTES, RESISTANTS, INTERNES POLITIQUES

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- Successivement Membre actif à Paris, Digne et Gap, Vice-Président et Président de Section à Nice, Vice-Président et Administrateur Départemental des A.-M. de l’U.N.C., de l’U.N.C.-A.F.N. et de l’U.N.A.D.I.F., globalement pendant une quarantaine d’années. (Pages 66, 68, 69, 75, 80 à 85). - Vice-Président Départemental à Nice, Conseiller Juridique,????? fondateurs de l’Association "CEUX D’INDOCHINE" pendant vingt-cinq ans. (Pages 66, 102 à 122). - Membre actif depuis 30 ans à PARIS et Administrateur de la Section Départementale des A.-M. de l’A.N.I.F.O.M. depuis 1989. (Page 101). - Président des Œuvres Sociales et Président de la Mutuelle des Fonctionnaires des M.R.V. à NICE et Délégué au Conseil d’Administration à PARIS pendant quinze années. (Page 126). - Président de la Section Départementale des A.-M. des fonctionnaires A.C. du M.R.U. pendant une quinzaine d’années.   MISSIONS OFFICIELLES ACCOMPLIES AU TONKIN ET EN COCHINCHINE: AVEC MA PARTICIPATION ENTIERE AUX NOMBREUSES OPERATIONS EFFECTUEES DE 1940 A 1946: - Surveillance étroites des troupes japonaises depuis l’invasion du TONKIN au mois de Septembre 1940. Lutte intensive contre leurs activités pour saper l’autorité française établie sur le territoire indochinois jusqu’à leur reddition (Août 1945). -????? des populations indigènes sur les territoires envahis. (Pages n° 1 à 30). -????? de l’apparition, la création du Parti et des premiers éléments des troupes de guerillas VIET MINH. Lutte intensive contre l’action subversive. (Pages n° 28 et 29). - Coup de force japonais. Très violents combats du 9 Mars 1945 et jours suivants. (Pages n° 32 à 49). - Ma capture pour la????? et mon internement au camp concentration de HANOI. (Pages 53 à 63). - Prise de contact et collaboration étroite avec un important noyau de la RESISTANCE articulé par le Commandant SAINTENY, parachuté à GIA-LAM en AOUT 1945, fondateur du RESEAU "ALLIANCE" chargé par le Général DE GAULLE d’exécuter la "MISSION 5" à HANOI (TONKIN) aussitôt après la capitulation japonaise. (Pages n° 64 à 80). - A SAIGON, création organisation et mise en activité d’une nouvelle Administration Publique Française: La DIRECTION CENTRALE DES FINANCES FEDERALES en remplacement de l’ancienne DIRECTION LOCALE DES FINANCES, totalement démantelée et saccagée par les VIET MINH. (Pages n° 81 à 90). - Mon rapatriement sanitaire en première urgence sur le navire-hôpital "PASTEUR" et ma pénible réinstallation en métropole. (Pages n° 91 à 126).  

IMAGE SYMBOLIQUE

SCULPTEE AU CENTRE DU

MONUMENT AUX MORTS

POUR LA FRANCE

EN INDOCHINE

CONSTRUIT A FREJUS A PROXIMITE

DE LA PAGODE VIETNAMIENNE

(J’ai participé au financement de la construction de ce monument)

La Rencontre du confucianisme, du bouddhisme, et du christianisme au Viet-nam

Extraits de la conférence de Mr Jean Catala du 23 octobre 1965

  Confucius qui mourut désespéré de son impuissance à faire appliquer sa doctrine, est appelé par les Chinois "l'Instituteur de tous les Siècles". Une inscription écrite de la main même d'un empereur de Chine et qui orne le fronton des temples dédiés au maître à Pékin et à Hanoi, en vietnamien "van the su biàù", est l'exemple d'une des plus grandes réussites posthumes que le monde ait connues. C'est son influence, dont nul Asien de civilisation chinoise n'a été soustrait, qui est la base de l'enseignement et de l'organisation politique et sociale de l'ancien Viet-nam. Et c'est pourquoi, j'ai pensé qu'à l'heure où la guerre gronde au Viet-nam, où les Vietnamiens, partagés entre des idéologies différentes, se livrent les uns contre les autres un combat sans merci, aidés en cela par des nations étrangères, il serait bon de remonter aux sources du passé et d'interroger encore le grand sage qui avait pétri de ses mains puissantes l'âme des peuples jaunes. Le vieux maître de nos pères pourrait encore, à mon avis, dans la crise grave, pour ne pas dire le malheur qui frappe le Viet-nam, nous donner d'utiles leçons de vie et de sagesse. Mais qu'elles sont les grandes lignes de cette doctrine pratique et laïque qui, pendant 25 siècles, a été le fondement de nos sociétés d'Extrème-Orient? car, malgré l'apport du taoisme et du bouddhisme qui sont venus l'enrichir sans l'altérer, le confucianisme n'a presque pas évolué et l'on peut dire qu'avant l'avènement du communisme en Asie, il était resté assez pur dans ses données essentielles L'importance de cette doctrine, c'est l'idéal du sage qui est l'amélioration de soi-mème d'abord et des autres ensuite. Chacun doit travailler à acquérir la sagesse pour ensuite l'enseigner à l'humanité toute entière. L'étude de la sagesse, son application dans les différentes circonstances de la vie privée et sociale, son enseignement à tous les hommes en vue de préparer une humanité meilleure, voilà à quoi se réduit toute la philosophie de Confucius. Le grand principe enseigné par le Sage fait l'objet du trung- dung ou la doctrine du juste Milieu. Il pose comme postulat une loi naturelle que le ciel a donné à la nature humaine et qui règle la conduite de l'homme et dont la manifestation est un parfait équilibre. L'homme qui, par l'étude, par la réflexion, connaît cette loi et s'y conforme sait régler d'après son rythme sa conduite et jusqu'aux mouvements de son coeur, se maintient dans ce parfait équilibre, ce juste Milieu, éloigné de tous les extrèmes est un sage. Cette loi d'harmonie, d'équilibre, ne régit pas seulement l'homme, elle est la grande loi de l'Univers, de sorte que l'homme, en s'y conformant, ne se conforme pas seulement à sa loi, mais à la loi universelle. "Quand l'équilibre et l'harmonie atteignent leur degré de perfection, chaque chose est à sa place dans le ciel et sur la terre ; tous les ètres se propagent et se développent harmonieusement". Le juste Milieu n'est pas, comme on pourrait le croire, cette attitude commode, cette neutralité passive de l'homme timoré et prudent qui se maintien volontiers dans la voie moyenne, sans avoir à prendre parti dans un sens ou dans un autre. Il n'est pas non plus ce sage eclectisme ou cette opportunité qui, entre les opinions différentes, en réalise la moyenne. Le juste Milieu, loin d'etre le symbole de la médiocrité est en réalité le signe par excellence de la perfection, seuls les meilleurs y atteignent à force d'étude, de méditation, de volonté et d'énergie. Confucius a dit au soir de sa vie: "Se tenir dans le juste Milieu oh! c'est la plus haute perfection. Peu d'hommes sont capables de le garder longtemps!. Un homme peut être sage pour gouverner l'Empire, assez désintéressé pour refuser les dignités et les revenus, assez courageux pour marcher sur des épées nues, et n'être pas capable de se tenir dans le juste Milieu!. Scruter les secrets les plus impénétrables, accomplir des prouesses les plus extraordinaires pour être loué dans les siècles à venir, avoir la richesse, la gloire et les honneurs, c'est ce que je ne veux pas!. Le sage marche dans la voie de la vertu et il ne s'attache qu'au juste Milieu!. Cette loi naturelle, tous les hommes de bonne volonté la possèdent. Elle est simple en elle-mème, elle est la même dans tous les hommes; les passions l'obscurcissent, mais quand on peut s'en dégager, elle apparaît aussi lumineuse chez le dernier homme du peuple que chez l'Empereur. Elle n'est pas comme dit le Maître "loin de l'homme, elle est dans l'homme même". En tant qu'homme, nous avons tous la même responsabilité envers les valeurs spirituelles et morales reconnues par tous les hommes et nous devenons les dépositaires de toutes les religions comme un héritage commun à tous les peuples. Malgré les différences doctrinales, il y a entre tous les hommes de tous les peuples un lien qui les unit intimement. L'Orient et l'Occident ne se sont pas rencontrés, mais ils sont maintenant liés, soudés l'un à l'autre, perdus ensemble ou sauvés ensemble. Face à la montée grandissante des périls du matérialisme, face à l'immense problème de la faim, face aux misères entraînées par la guerre, répondons par la solidarité des familles spirituelles dans une fraternité et une compréhension réciproques afin de bâtir un monde meilleur, fondé sur le besoin de l'espérance et sur l'amour de la paix. Ces quelques lignes permettent d'espérer que les religions, au Viet-nam et dans toute l'Asie, poursuivront courageusement et patiemment leur effort en vue de s'unir fraternellement et de s'aider mutuellement contre la faim, la pauvreté, la maladie, l'analphabétisme, la guerre et aussi en vue de favoriser une compréhension plus grande entre croyants et incroyants afin de bâtir un monde meilleur, un monde plus juste et plus fraternel, un monde fondé sur l'Amour.

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