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L'oeuvre
de Michel El Baze: Les guerres du XXe siècle à travers
les témoignages oraux |
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Chef
de Bataillon H. Teisseire Aimé
It is extraordinary destinies, and others surprising because the one wonders where the Witness has been able to draw a such energy, a such tenacity to realize what dictate him his conscience and the love his Country. To read the account of life of Teisseire one has the impression that he is left entailed by events then, in fact, is he that he has been integrated there and what heroic manners, by the alone power of his surly will to defend his Homeland in all circumstances and on all fronts. His superiors judge him, to the chance of nine quotation whose he is incumbent:
Ancien adjoint puis Commandant de la l0ème Compagnie du Régiment de Marche du Tchad à la 2ème Division Blindée Il y a cinquante ans nous étions ensemble dans la tourmente de la lutte contre les nazis. Notre honneur fût de ne pas cesser le Combat et de rejoindre le Général de Gaulle. Ainsi, vous avez réussi à arriver au Tchad et vous vous êtes engagé dans "Les Forces Françaises Libres" Vous avez été de ceux qui n’ont jamais accepté l’armistice de Juin 40. Je suis heureux, en souvenir de notre Combat, de vous exprimer ma profonde et très fidèle amitié.
Compagnon de la Libération POSTFACE_de_Michel_EL_BAZE Général
de Division (cr) Charles Deschênes
La "drôle de guerre"
20
Avant guerre Travaillant dans une banque à Monte-Carlo, mais aspirant à une vie plus active et désirant voyager, je veux m'engager pour le Service Général des Troupes Coloniales et au titre d'un régiment stationné au Levant (Syrie ou Liban, je ne me souviens plus). Refusé à la visite médicale à cause de l'indice de Pignet (rapport taille-poids-tour de poitrine); j'étais trop maigre, paraît-il, alors que j'étais en excellente santé et très sportif... Une autre demande peu après, au titre d'un régiment du Maroc, a le même insuccès pour le même motif. Peut-être, si j'avais demandé un Régiment en Métropole, le Médecin aurait été moins strict ? J'avais dix huit ans depuis peu. Je pars comme civil au Gabon, comme caissier dans un café à Port-Gentil et éventuellement remplaçant du patron pendant ses absences. J'arrive le 23 Mars 1933. Par la suite, j'irai tenir un petit magasin en brousse, près des grands lacs du Fernand Vaz. C'est peu rentable et je reviens en France. J'avais failli entrer dans l'exploitation des bois; un directeur de société voulait acheter pour sa maison une concession de bois d'okoumé à abattre et m'aurait pris comme agent de coupe; mais finalement l'affaire ne s'était pas faite. Je redemande à m'engager dans les Troupes Coloniales, pour le 8ème Régiment de Tirailleurs Sénégalais à Toulon. Cette fois, je suis accepté à la visite médicale. Je signe le 26 Mars 1934 un engagement de 5 ans et j'arrive au Corps le 27. Peloton d'élève-caporal (6 mois), d'élève-sergent (9 mois) à Aix-en-Provence, au Régiment d'Infanterie Coloniale du Maroc (R.I.C.M.) le Régiment le plus décoré de France. Sous le commandement du Colonel Deslaurens, militaire dans l'âme, l'entraînement est intensif, la discipline sévère et le règlement est appliqué à la lettre: ainsi, j'aurai quelques jours de consigne car j'avais porté en ville mon képi légèrement incliné et non droit... Devenu Général, commandant une division décimée près de Dunkerque en 1940, il aurait pris un fusil et aurait tiré jusqu'à la mort... Je salue sa mémoire et j'aimerais qu'il ne soit point oublié. Étant a Marseille, l'on demande des volontaires, par ordre de la Direction des Troupes Coloniales, pour la Côte Française des Somalis, au moment de la Guerre Italo-Ethiopienne. Je le suis, mais le Chef de Bataillon ne désire pas me lâcher et ma candidature n'est pas retenue. Les primes ayant été sérieusement augmentées, je signe le 12 Novembre 1936 un rengagement de 4 ans pour compter du 26 Avril 1939. Je suis des cours à Toulon, à la caserne du 4ème R.T.S., préparatoires à l'École de Saint-Maixent. Mais je suis désigné pour l'Afrique Équatoriale Française. Peut-être, et mon commandant de compagnie m'aurait probablement aidé, aurais-je pu me débrouiller pour ne pas partir, mais je ne le cherche pas et j'effectue un séjour au Congo. TABLE La "drôle de guerre" Au moment de la déclaration de guerre Franco-Allemande, je suis sergent et j'appartiens au 3ème Régiment d'Infanterie Coloniale basé à Rochefort, mais je suis détaché à la base aérienne de Rochefort (qui comprenait surtout une école de mécaniciens d'aviation) où, ainsi qu'un adjudant et un autre sergent européens, nous encadrons un détachement de Sénégalais préposés à la garde des avions, bâtiments et à divers travaux. A propos de "Sénégalais", il faut spécifier que dans les Troupes Coloniales étaient dits tirailleurs (ou gradés) Sénégalais les ressortissants de l'Afrique Occidentale ou de l'Afrique Équatoriale Françaises n'ayant pas le statut de "citoyen français". A la suite de la guerre 14-18, qui vit combattre beaucoup d'originaires du Sénégal, les enfants nés à Dakar, Saint-Louis, Rufisque et Thiès (si je ne me trompe, ceci étant à vérifier éventuellement) étaient citoyens français et étaient classés dans les Troupes Coloniales comme Européens, tout comme par exemple les Antillais, alors que les militaires venus du Soudan Français (le Mali maintenant), de la Côte d'Ivoire, du Dahomey, de la Guinée, de l'Oubangui-Chari (devenu République Centre Africaine), etc. étaient dits "Sénégalais"... Estimant que ma place était dans une unité combattante, étant sergent d'active, alors qu'il y avait la guerre et que je pourrais être remplacé par un sergent de réserve, je demande avec insistance mon retour à mon régiment. C'est refusé. Il n'y a rien à faire par demandes normales. J'ai un petit litige par ailleurs. Je l'amplifie et je me rends insupportable et tout à fait indiscipliné jusqu'à ce que le commandant de la Base Aérienne, excédé, téléphone au Commandant d'Armes de Rochefort. Je suis renvoyé à mon Corps où je couche à la salle d'arrêts. Le lendemain matin, je suis convoqué par l'Officier Supérieur Chef du Dépôt arrière du 3ème R.I.C. (le gros du Régiment étant parti). Il me dit : - Alors tu as fais le con pour rejoindre la Coloniale. Il lève l'exécution de mes nombreux jours d'arrêts de rigueur restants. Mais je ne rejoins pas la zone des Armées; je suis affecté à un bataillon d'instruction dans la région de Fouras (Charente-Maritime). Je ne suis pas entièrement satisfait mais j'espère bientôt aller au front et je trouve que je fais un travail militaire plus utile qu'à la base aérienne. C'est la "Drôle de guerre". Nous partons pour la zone des Armées par chemin de fer. Intercalé entre les wagons, il y a une plate-forme découverte avec des mitrailleuses en batterie pour la défense contre avions. Je me porte volontaire pour, avec mon groupe, assurer celle-ci. Il fait très froid. Nous avons installé des toiles de tente pour nous abriter quand nous ne sommes pas de garde. Il y a de la glace dans nos gourdes. Mais le moral de mon groupe (des Européens) reste élevé. Le 2 Janvier 1940, nous arrivons dans la zone des Armées. Le convoi ne va pas très vite. Nous occuperons divers cantonnements. Le 16 Avril 1940, je suis, ainsi que d'autres cadres Européens, muté au 6ème Régiment d'Infanterie Coloniale Mixte Sénégalais en formation et qui a reçu des Sénégalais du 6ème Régiment de Tirailleurs Sénégalais, ainsi d'ailleurs que des cadres européens (et soldats ?) de ce régiment. TABLE Combats de Mai-Juin 1940 Le 15 Mai 1940, la Compagnie à laquelle j'appartiens, (2ème Compagnie commandée par le Capitaine Farcet) et qui était cantonnée à Ernecourt (Meuse), est transportée par camion jusqu'à Bayonville (Ardennes). Le mouvement se poursuivra à pied. Le 16, le gros de la 2ème Compagnie est à Fontenois (Ardennes); la section à laquelle j'appartiens est à Saint Pierremont, légèrement au nord. Le chef de cette section est le Sous-Lieutenant de Grand Maison. Son adjoint est en permission; étant le sous-officier le plus ancien, je cumule donc les fonctions de chef de groupe et d'adjoint au chef de section. Des avions stukas ont attaqué en piqué dans les environs. Les roulantes (cuisines ambulantes) semblent particulièrement visées. Mon groupe n'a pas de support pour tir contre avions du fusil-mitrailleur. J'avais exercé mon tireur, un grand tirailleur de race Bambara. En cas d'attaque aérienne, il était convenu que je prendrais le fusil-mitrailleur sur mon épaule étant debout, le maintenant par le bipied, mon tirailleur tirant, un genou à terre. Le chef de section a dû s'absenter, étant probablement allé prendre des consignes auprès du commandant de compagnie. Je reste de garde, près de mon fusil mitrailleur. Soudain, trois avions allemands "Dornier 17" surgissent, mitraillant en rase-mottes. Comme prévu, étant sur le talus, je prends le F.M. sur mon épaule, mon tireur, dans le fossé, un genou à terre, tire comme je lui avais appris. L'avion visé passe à une dizaine de mètres de hauteur et à une trentaine de mètres, au maximum, de distance. Il passe latéralement devant nous. Il est touché, tangue fortement, mais n'est pas abattu. Les avions reviennent. Mon F.M. touche encore. Le tireur d'un autre groupe de ma section, commandé si mes souvenirs sont exacts par le Sergent Garin, tire aussi; il est muni d'un support de tir contre avions qui était installé sur un pieu de clôture. Un avion sera abattu; un autre perdra sa tourelle avec une mitrailleuse. J'apprendrai qu'un autre tireur, le Tirailleur Boke Diarra, qui était à Fontenois avec le gros de la compagnie, avait tiré aussi, en maintenant son fusil-mitrailleur à bras-francs. Après l'armistice, un livre, le "Mémorial de l'Empire" relate cette affaire mais ne parle que de Boke Diarra. A un paragraphe, il relate la perte de la tourelle supérieure d'un avion avant l'autre avion abattu. Plus loin, il situe l'avion abattu avant l'autre épisode raconté ainsi : "...il en atteignait un autre, dont on put voir à vingt mètres du sol, l'observateur s'écrouler dans la carlingue en lâchant une mitrailleuse qui se cassa en tombant à terre". D'après le récit, Boke Diarra aurait tiré au second passage. Par lettre du 11 Août 1985, l'ex-Capitaine Farcet m'écrira à ce sujet, confirmant qu'il avait vu Boké Diarra, tirant à balles traçantes et perforantes, avoir atteint la tourelle supérieure du premier avion qui fut arrachée et projetée avec la mitrailleuse mais il me dit que le 2ème avion a été descendu par le tir de la Section de Grand Maison. Cependant, les souvenirs de Farcet ont pu s'émousser et il reste possible que Boké Diarra soit l'auteur des deux exploits. Il me semble me souvenir, mais c'est moins net dans mon esprit que le premier passage, que nous avons vu au 2ème passage, un avion lâchant une fumée un peu plus loin puis s'abattre après avoir viré à gauche. Je reste près des F.M. de la section. Garin va reconnaître. Il me dira qu'il y avait dans l'avion abattu plusieurs balles perforantes; les trois F.M. ont tiré avec ces balles. Des recoupements faits après la guerre, il ressort que les avions ennemis ont survolé la compagnie de mitrailleuses du bataillon installée dans des bois, puis ont mitraille le gros de la 2ème Compagnie à Fontenois, puis après une boucle, nous ont mitraillés à Saint-Pierremont. Après un trajet indéterminé, les avions ont effectué un deuxième passage sur ces deux localités. Boké Diarra avait à Ernecourt gagné un concours de tir et avait été chargé par le capitaine de la défense aérienne du P.C. de la compagnie a Fontenois. Il fut tué peu après. A titre posthume, il eut une citation à l'ordre de l'Armée. J'ai demandé à mon chef de section de proposer mon tireur et celui du Groupe Garin pour une citation. Je crois qu'ils l'ont eu. Peu après cette affaire, une rue de Saint-Pierremont fut mitraillée par un avion à cocarde tricolore, sans doute par erreur et heureusement sans pertes. Le 16, nous montons en ligne. Dans la nuit , nous relevons une unité. Mon groupe est en première ligne, à la lisière nord des bois au nord de Sommauthe. Vu les recoupements effectués après la guerre, je pense avoir situé notre emplacement. Les consignes sont vite passées : "l'ennemi est par là". Le 17, nous subissons un violent bombardement d'artillerie. Je maintiens mon groupe en place. Puis une puissante offensive allemande a lieu. Je suis près du fusil-mitrailleur. M'étant déplacé en rampant à un autre endroit pour compléter mon observation, une rafale d'arme automatique ennemie coupe des herbes à un demi mètre au dessus de ma tête. Les tirs allemands sont intenses. Je reçois un ordre de repli. Une section en retrait et un peu à droite a déjà décroché. Nous nous mettons en position à la lisière d'un bois un peu au sud, une clairière devant nous, pour arrêter l'assaut ennemi, mais nous recevons l'ordre de nous replier encore un peu. Les combats sont violents. Avec mon groupe, je suis coupé de ma section. Un canon de 25 est en batterie pouvant prendre de ses feux la route vers la Besace. Il ne semble pas protégé. Je prends l'initiative de le couvrir plus au Nord, me mettant à la disposition du plus haut gradé présent. Puis le canon de 25 se replie. Je retrouve ma section. L'ennemi est finalement stoppé. La section de mitrailleuses du Sous-Lieutenant Deschènes avait été encerclée. Elle était restée sur ses positions, l'ordre de repli ne lui étant pas parvenu et avait magnifiquement résisté. Le 18, une contre-attraque locale est décidée pour la dégager. La Section De Grand Maison, appuyée par trois chars, doit progresser le long de la route vers la Besace. Le chef de Corps, le Colonel Lelong, nous voit avant le départ, fait prendre nos noms... Au cours de la progression, un char tombera en panne. Sur la route, les Allemands avaient déposé des mines antichars sous des branchages; nous les enlevons. Nous arrivons à la lisière nord du bois, face à la Bagnole. Je prends le fusil-mitrailleur de mon groupe, mon tireur étant terrorisé par le feu adverse. Les deux chars restants, le chef de notre section et quelques gradés ou hommes dont je suis, dépassons la lisière et nous tirons vers l'ennemi, face à l'est. Puis, nous décrochons. Je pars avec le dernier char, continuant à tirer, mon F.M. posé sur celui-ci. Le feu ennemi est intense`. La Section Deschènes a pu rejoindre. Elle avait tiré 80.000 cartouches... Les jours suivants, nous sommes en position dans la forêt. La section forme, soit un point d'appui fermé, à l'ouest de la route, soit deux petits points d'appui fermés à cheval sur la route et près l'un de l'autre; je commande alors le deuxième. Nous effectuons des patrouilles. Nous subissons des bombardements. Nous repoussons des éléments ennemis qui nous tâtent. Nous occupons une nouvelle position. Nous sommes près du carrefour route Sommauthe-La Besace et chemin qui, de la côte 194 va vers 182-185-189. Elle forme deux points d'appui, à l'Est et près de la route Sommauthe- La Besace. Le chef de section est au sud du chemin allant vers 182; je commande le point d'appui au Nord. Nous subissons un très violent bombardement qui va en s'amplifiant dans la nuit du 22 au 23 et se prolonge au petit jour. Le chef de section regroupe la section au sud du chemin. Je suis dans un trou "Gamelin", près d'un tireur au F.M. (un Dahoméen, il me semble); c'était, je crois, le seul fusil-mitrailleur restant en service à la section. Près de nous, à notre Sud, elle aussi à l'Est de la route Sommauthe-La Besace et près de celle-ci, il y a une unité de mitrailleuses. Je croyais qu'il y avait une section (Adjudant Ferrer) mais le S/Lieutenant. Deschènes, devenu Général, m'assurera après la guerre qu'il s'agissait d'un groupe commandé par le Sergent Bigotte. L'ennemi arrive, le chemin leur servant d'axe de marche. A plusieurs reprises, ils donneront l'assaut. Le scénario : ils se regroupent à une quarantaine de mètres (la végétation est dense); ils s'excitent: "Ein Volk - Ein Reich - Ein Führer"; ils se lancent à l'assaut. A 25-30 mètres, nous ouvrons le feu. A 10-15 mètres, ils sont stoppés. Puis l'on recommence. Un intermède : les Allemands ayant hurlé leur slogan, l'un de nous crie d'une voix puissante : "Ta gueule, eh, con". Ce n'était pas très poli; ça rappelait Cambronne; mais cela a détendu l'atmosphère de notre côté... Mais la situation devient intenable. Après un commun accord des deux chefs, l'unité de mitrailleuses décroche, emmenant ses armes. Elle a tiré un nombre impressionnant de cartouches. Notre section tient encore un peu, puis décroche à son tour. Nous sommes obligés de laisser nos blessés. En 1944, au Maroc, j'aurai connaissance d'un article paru dans un journal, qui m'avait été transmis par le Commandant Larroque (capitaine en 1940 au 6ème R.I.C.M.S.). Le Colonel Merglen (devenu Général), qui avait été l'auteur de cet article, fit paraître en 1967 un livre : "La Guerre à la Française" où il reprenait cet article. Il est relaté un rapport relevé dans un ouvrage établi sous la direction de l'état-major général de l'Armée de Terre allemande. Le combat du 23 Mai 1940 sur notre régiment est exposé; le récit montre la belle résistance du 6ème R.I.C.M.S. A signaler cependant: Le récit Allemand se rapporte indiscutablement à l'attaque du 23 Mai. Il indique qu'il est mené par le 118ème R.I. Il dit que le 21, ce régiment est dans une position défensive. Au Service Historique de l'Armée de Terre Française, à Vincennes, sont déposés un rapport du Colonel Lelong sur les combats de Mai 40 et le Journal de Marche de la 6ème D.I.C. (Division à laquelle nous appartenions). Le rapport au Colonel Lelong, parlant du 21 Mai, où il y avait eu aussi une attaque Allemande, indique : "...Des prisonniers faits sur le front, il ressort nettement que trois bataillons, un de chaque régiment, de la division, attaquent: ... un du 118ème à sa droite..." Ceci ressort aussi du Journal de Marche de notre division qui, d'autre part, indique pour le 23 Mai: "L'attaque ennemie menée par 4 Régiments (60e R.I. - 79e R.I. - 70e R.I. et 87e R.I.) se prononce vers 4 heures du matin sur l'ensemble du front de la Division..." Le récit allemand mentionne : "A 4h42, notre artillerie ouvre le feu, un feu d'enfer...". Le bombardement sur nos positions a commencé bien plus tôt; ceci est d'ailleurs confirmé par le rapport du Colonel Lelong. Le bombardement devait devenir ensuite d'une violence extrême. J'aurai connaissance d'une traduction d'un manuel d'instruction militaire britannique de 1942. A la page 79, il se rapporte à l'article allemand Nous participons encore à des actions d'abord dans les bois de Sommauthe, puis prenons position sur une colline un peu à l'Ouest, face au Nord. Au cours d'un bombardement ennemi, le Capitaine Farcet, commandant la compagnie et l'Adjudant de Compagnie Barbeaux Chef de la section de Commandement, sont blessés le 26 Mai. Relevés peu après, nous participons à l'établissement d'un fossé antichars. Dans la nuit du 10 au 11 Juin, nous faisons mouvement pour occuper une position face à l'Ouest et Nord-ouest. C'est le Lieutenant Charoy (ou Charroy) qui commande maintenant la 2ème Compagnie. J'ai été nommé sergent-chef à titre exceptionnel et suis passé chef de la section de commandement. Les règlements militaires de l'époque prévoyaient que l'adjudant de la compagnie devenait en temps de guerre chef de la section de commandement de la compagnie était chargé du ravitaillement en munitions, fonction tout à fait théorique à ce moment. En pratique, vu la pénurie en officiers, je serai pratiquement adjoint au commandant de la compagnie dont les effectifs en personnel s'amenuiseront très rapidement. Le P.C. de la compagnie s'installe sur une colline à l'est de Manre (région sud Ardennes), près du carrefour route D6 Ardeuil-Manre et embranchement allant vers Grateuil, au sud de la première route et un peu à l'ouest de la seconde. Le 12 Juin, nous assistons au repli général : l'artillerie, l'infanterie, puis en dernier, le groupe de reconnaissance divisionnaire à cheval qui nous prévient de l'arrivée imminente de l'ennemi. En effet, peu après des blindés allemands apparaissent sur la crête en face, près de Manre. Puis leur infanterie arrive. Nous sommes canonnés et mitraillés avec générosité. L'ennemi attaque. Nous résistons avec nos moyens. Vers le soir, arrive au P.C. de la compagnie l'ordre de repli. Une section de la compagnie, commandée par le Sergent Giovanelli, ainsi qu'une pièce de canon de 25, commandée par l'Adjudant-chef Cantera, en position plus à l'ouest et non loin de la voie ferrée, n’ont pu être touchées par cet ordre. L'ennemi a déjà débordé. Je propose à mon commandant de compagnie d'aller les prévenir de l'ordre de repli; il me donne son accord. Je progresse à quatre pattes à travers les champs de céréales. Les balles traceuses m'encadrent. A un moment, je rencontre un tirailleur cheminant lui aussi à quatre pattes en sens inverse. Je crois d'abord que c'est un fuyard, mais au moment où je vais le lui reprocher, je m'aperçois qu'il est sérieusement blessé au cou; je lui indique le cheminement de repli. J'arrive aux éléments amis, bien aisés de me voir. L'adjudant-chef me demande de tenir encore une dizaine de minutes avec la section afin de protéger le repli de sa pièce; je lui donne mon accord. Après avoir tenu ainsi que prévu, nous décrochons à notre tour. Nous arrivons sous un talus de 2 mètres de haut, vertical avec des arbustes sur le haut. La nuit est tombée. La pièce de 25 est stoppée à proximité. Les Allemands nous ont complètement encerclés mais ne nous ont pas encore repérés grâce à l'obscurité. Je demande à l'adjudant chef s'il rend sa pièce inutilisable; il me répond par l'affirmative. Je crois, sans certitude, qu'il sera fait prisonnier. Nous sommes, les éléments de la section et moi-même, au bas du talus. A voix basse ou par signes, je prescris de se préparer à un feu de salve. L'ennemi s'est approché du bord du talus, écarte les branches des arbustes pour voir ce qui se passe. Malheureusement, un de nos tirailleur tire intempestivement; les Allemands s'aperçoivent qu'ils ont sous eux des Français. Dès lors, fusillades à bout portant, courses effrénées, épisodes tragiques et parfois comiques; ainsi, alors que nous courrons vers les lignes allemandes en vue d'échapper ensuite à l'encerclement, Giovanelli tombe sur un gradé adverse qui, dans la nuit, le prenant pour un fuyard de sa nationalité l'engueule, le menace et lui montre la direction des Français; inutile de dire que le camarade a fait un demi-tour rapide avant d'être reconnu. Je me rappelle d'un thalweg où nous étions descendus croyant trouver un défilement protégé mais où il y avait des éléments ennemis. Finalement, le chef de section, des éléments de la section (je ne me souviens plus du nombre) et moi-même franchissons l'encerclement ennemi. Nous rejoindrons ensuite la Compagnie, après avoir marché la nuit. Il me semble, ainsi que je l'ai écrit dans mes souvenirs, que nous n'avons pu la rejoindre que le lendemain dans la journée, mais mes souvenirs sont imprécis à ce sujet et je ne peux certifier l'heure approximative de notre jonction (début de matinée peut-être ?) La section de l'Aspirant Deuve, de notre compagnie, a été pratiquement anéantie. Le 13 Juin, notre Bataillon subit de très lourdes pertes. Son chef, le Chef de Bataillon Cordier, est perdu. Je suis parmi les éléments qui ont pu passer. Nous avons en particulier été attaqué par des automitrailleuses. Dans les 24 heures, nous avons parcouru environ 55 km. Passant près du Moulin de Valmy, nous avons espéré un redressement. La retraite continua pour le régiment. Les replis ne se font toujours que sur ordre. Généralement, marche de nuit et une partie de la matinée. Installation sur des positions; trous "Gamelins". Les Allemands, transportés en camions, arrivent frais. Combat défensif pour plusieurs Unités jusqu'à l'ordre de repli... Après les combats du 13, le 1er Bataillon est dissous; la 2ème Compagnie est rattachée au 3ème Bataillon. Le 19 Juin, elle est rattachée officiellement à la 10ème Compagnie. (Capitaine Larroque), mais déjà auparavant l'on ne peut guère parler de compagnie, mais plutôt d'assez grosse puis de petite section... Le 14 Juin, le Régiment livre des combats très durs en forêt de Belval, un peu au sud de Villers en Argonne et dans la région de Bournonville. Le 15 Juin, nous sommes en position en première ligne, face en gros à l'Ouest, un peu au sud-ouest de Vaubecourt (Meuse). Je pense que notre emplacement est à peu près celui indiqué sur la carte en annexe 5. Un Bataillon du 21ème Régiment d'Infanterie Coloniale est à côté de notre Bataillon. Nous sommes bombardés. Les Allemands se concentrent, nombreux. Étant à l'échelon le plus avancé, nous les voyons nettement et essayons de leur infliger des pertes. L'attaque allemande est massive. Nous tenons et résistons jusqu'à l'ordre de repli, partant parmi les tout derniers. Nous sommes largement débordés. Nous essuyons des feux extrêmement nourris; il y a notamment une montée dénudée à passer. Les balles arrivent tout autour de nous. Ce jour là, j'ai subi une des plus vives, voire même, je crois la plus vive fusillade de ma vie. Les pertes sont lourdes. Avec quelques hommes, nous arrivons à une route qui est prise en enfilade (voir annexe 5). Nous nous heurtons encore à d'autres unités allemandes. Plus loin, nous subissons le tir d'un fusil-mitrailleur français qui est plus au Sud; les balles tapent près . Nous sommes coupés. Je suis avec trois soldats européens, je ne me rappelle plus de quelle unité. Nous arrivons près d'un village où arrive un important détachement allemand. Un guetteur allemand tire sur nous et donne l'alerte. Un soldat préfère se rendre. Avec les deux autres et après d'autres péripéties, je rejoindrai finalement l'armée française. Je communique au Commandement des Troupes rejointes tout ce que j'avais pu observer. Je rejoins mon Unité. Nous passons la Meuse à Lerouville, allant vers l'Est. Le 17 Juin, près de Vertuzey, nous sommes mis à la disposition d'un Chef de Bataillon des Troupes Coloniales, mais non du régiment, le Commandant Lauzier, figure très originale. Il avait auparavant attaqué des blindés avec des bouteilles d'essence. Le chef du bataillon, avec sang-froid et un grand calme, propose à un général de remplir telle ou telle mission. Finalement, il reçoit l'ordre de tenir un point. Il constitue trois éléments pour une défense à contre pente, tandis qu'un autre élément, dont je suis, est formé, à qui il dit :"...et nous, nous contre-attaquerons, moi le premier, la canne à la main". Puis, il nous prescrit d'aller chercher à manger; il me semble que des lapins ont été trouvés... Il nous avait galvanisés; lui et je crois certains d'entre nous sont déçus de devoir se replier avant l'arrivée de l'ennemi sur notre position. Notre mise temporaire à sa disposition se termine. Le 20 Juin, ce qui reste de l'ex-2ème Compagnie se réduit à un officier, le Lieutenant Charroy, un sergent-chef européen (moi-même) deux sergents (ou caporal-chef) européens, un soldat européen, une vingtaine de Sénégalais. Dans la matinée, étant dans le bois de Chanois (un peu au Nord-est de Barizey-au-Plain, sud de Toul), nous recevons l'ordre de nous porter vers l’ennemi pour essayer d’enrayer sa progression. Le P.C. du chef de corps, près de nous, est menacé d'encerclement. Le terrain et très légèrement ondulé. Le Lieutenant. Charroy, les deux chefs de groupe et moi, nous nous portons à la crête puis je vais chercher le restant de l'unité. Nous sommes fortement mitraillés par l'ennemi qui est retranché derrière une voie ferrée et semble avancer sur les ailes. Je tiraille, tout en surveillant et encourageant les Tirailleurs. Je suis couché, la cuisse droite repliée sur la jambe gauche. Un fusil-mitrailleur est mal placé; je lui fais signe d'avancer, avec un mouvement du bras. Pour ceci, je déplace un peu ma tête. C'est ce qui me sauve. Une balle d'arme automatique, me frôlant le corps, passe entre le haut de mes cuisses, me blesse à la droite, près de l'aine. Une autre balle m'atteint par ricochet à la cheville gauche. L'on s'apercevra par la suite qu'une balle, trouant le pantalon m'a atteint très légèrement dans la région du genou gauche. Je ne m'en aperçois pas sur le moment et je ne sais si cette balle m'a touché en même temps que les autres ou pendant mon évacuation qui est difficile. Le Lieutenant Charroy a désigné le soldat européen pour me soutenir jusqu'au premier poste de secours. Je suis couché dans une grange, avec d'autres blessés. Des camarades blessés mais pouvant marcher me racontent ce qui se passe. Il y a un différent entre des artilleurs et des médecins. Les premiers veulent tirer leurs derniers obus, les médecins s'y opposent arguant qu'ils sont à côté des blessés. Un accord est trouvé. Nous sommes évacués. Les artilleurs attendent notre départ pour ouvrir le feu. Nous sommes évacués au poste de secours divisionnaire sur une colline, le Mont Anon. De grandes croix rouges sont installées. Les Allemands respectent l'emplacement des blessés. Des combats font encore rage autour du mamelon, le 22 Juin. Il parait, en particulier que des légionnaires s'y distinguent. Les Allemands arrivent au poste de secours ce jour-là et nous sommes faits prisonniers. TABLE Captivité et évasion Je suis soigné dans un hôpital à Nancy, puis envoyé à l'Institut de Santifontaine et des jeunes aveugles, transformé en centre de convalescence pour blessés. Deux anecdotes: - La quantité de nourriture laisse beaucoup à désirer. Je garde un peu de pain pour le lendemain matin. Il m'est volé par un autre prisonnier. - Avec de très jeunes filles nancéennes qui ont une balle, nous jouons comme des gosses à nous envoyer celle-ci par dessus la grille et la sentinelle allemande. Celle-ci excédée, finit par confisquer la balle. Sur le moment, j'enrage, mais je dois reconnaître ensuite en mon for intérieur qu'à sa place j'aurais peut-être gratifié les prisonniers de mon pied quelque part... Je suis envoyé à l'ex-caserne d'aviation d'Essey-Les-Nancy transformée en camp de prisonniers. Le commandant allemand nous dit quelques paroles : - Je sais ce que c'est d'être prisonnier; je l'ai été à la dernière guerre; je ferai tout pour votre bien-être... J'ai pris toutes précautions pour empêcher des évasions... Nous sommes traités correctement. Nous mangeons souvent de l'avoine, mais la nourriture est plus abondante qu'à l'hôpital ou à Santifontaine. Nous touchons la solde prévue par les accords de Genève. Il y a une cantine où nous pouvons faire quelques achats. Parmi les prisonniers que je vois (il n'y a que des sous-officiers ou hommes de troupe) aucun ne parait vouloir s'évader. Les plus pessimistes pensent que nous serons libérés pour la Noël. Certes, je pense aussi qu'en ce qui concerne, sous-officiers et hommes de troupe, seule l'armée d'active sera maintenue en captivité; je déclare être de réserve et que mon domicile habituel est à Tchonga-Tchiné, au Gabon. Mais je veux m'évader; l'on ne sait jamais et je trouve d'ailleurs cela plus élégant... Les sous-officiers ne travaillent pas et restent à la caserne. J'examine les possibilités. C'est difficile: armes automatiques en position sur miradors, sentinelles à l'intérieur et à l'extérieur des murs, interdiction de sortir la nuit des bâtiments.Le 14 Août, j'enlève mes galons et je me joins à un détachement effectuant des corvées d'intendance. A la gare de Nancy, je commence à partir discrètement mais je tombe sur des Allemands. Je fais demi-tour, l'air innocent. C'est bourré d'uniformes d'outre-Rhin. Mes gardiens m'ont sous le regard. L'on demande un sous-officier pour le lendemain 15 Août afin de répartir équitablement les repas entre les diverses corvées extérieures. Je me porte volontaire et remets mes galons. Au cours d'un trajet, vers midi le garde allemand étant assis près du chauffeur d'un gros camion découvert, je suis seul derrière. Je compte sauter sur une grande route; un cycliste allemand s'accroche derrière. Il nous abandonne quand nous prenons un chemin de terre bordé de forêt, allant à un champ de tir. Au carrefour, un groupe d'Allemands est à la terrasse d'un café. Puis, nous disparaissons de leur vue après un tournant. Le gardien ne me regarde pas. Je saute. Vu la vitesse, je m'écorche assez profondément aux mains et aux genoux (je conserve à l'heure actuelle une cicatrice à la paume de la main gauche), après être tombé. Je me relève, cours. Le soleil est invisible; il faut m'orienter. Je pense aux scouts; la mousse autour des arbres; las! ce n'est pas du tout évident... Je pense aller d'abord vers l'Ouest jusqu'à Ernecourt où j'ai une marraine de guerre, puis, toujours a pied vers la zone non occupée. Il faudrait que je trouve des vêtements civils. Mon pantalon militaire est déchiré, plein de sang. Je vois deux femmes qui cherchent des champignons dans la forêt. Le premiers mots de l'une : - Mon pauvre monsieur, vous ne savez pas que tous les prisonniers évadés que l'on rattrape, on les fusille. Ce qui est d'ailleurs faux. Puis - D'habitude, nous venons avec un pantalon; nous en apporterons la prochaine fois. Ces bonnes paroles n'apportent pas une solution à mon problème. Plus loin, un bucheron m'offre du café mais pas de vêtement. J'arrive près d'un village; j'attends la nuit pour y aller. Une femme et son mari (affecté spécial pendant la guerre) arrivent. Nous causons mais ils repartent. Ils reviennent; la femme a décidé son mari. Ils partent devant en éclaireurs et doivent siffler en cas de danger. Je les suis jusque chez eux où ils m'hébergent. Mes habits militaires sont enfouis et ils me fournissent de vieux habits de paysans, ainsi qu'une paire de souliers de rechange.Je chemine, un sac sur l'épaule, contenant les souliers. La ligne de démarcation entre la zone dite "interdite" et le restant de la zone occupée est bien gardée (même mieux me semblera-t-il que la ligne entre zone occupée et non occupée). Grâce à des renseignements d'habitants, je passe sans être intercepté. J'arrive à Ernecourt. Ma marraine de guerre me passe 50 fr.. (que je lui rembourserai ensuite par mandat); j'ai d'autre part un peu d'argent mais je ne dépenserai rien en zone occupée à part un pot payé à des prisonniers; je ne sais s'ils ont donné leur parole de ne pas s'évader; ils travaillent sans surveillance et n'ont pas l'air d'avoir le désir de partir. Je suis généralement bien reçu. Une seule exception : un cultivateur me refuse l'hospitalité. Il pleut. Je coupe une grande quantité de céréales dans son champ, me glisse sous le gros tas d'épis qui me protège. Je progresse dans un champ. Viennent en sens inverse sur le chemin des militaires allemands à cheval. Arrivés à ma hauteur, ils tournent leurs chevaux vers moi. Ils sont à une trentaine de mètres. La forêt est trop loin pour que je puisse l'atteindre avant eux; je continue le plus naturellement possible. Les Allemands reprennent leur route... Je rencontre des troupes allemandes manoeuvrant. Dans un thalweg, je tombe sur quelques soldats allemands qui paraissent avoir plutôt une position de farniente que celle d'un guetteur ou d'un éclaireur. Ils paraissent surpris mais soulagés. J'ai l'impression qu'ils sont plus heureux de me voir que d'être surpris par un de leur gradés... Du sommet d'une colline, je vois dans la plaine des isolés marchant vers le Sud. Je crois bien que c'est des prisonniers évadés. Je m'arrête dans une ferme tenue par des Alsaciens. Ils ne parlent pas le français, à l'exception d'une des filles. Je dis que je vais chercher du travail dans le Sud. La fille me fait comprendre qu'elle a deviné que je suis un prisonnier évadé cherchant à rejoindre la zone non occupée. Après dîner, il m'est proposé une place dans la paille au fond d'une grange profonde. La fille me dit qu'elle doit aller dans le village le plus proche pour divers achats. Dans celui-ci, il y a des Allemands. S'ils arrivent, je ne peux m'enfuir, la grange n'a qu'une entrée. Je me dis : il faut choisir: fuir de suite ou me reposer. Je décide que la fille est sympathique et je m'endors. Le lendemain, je vois la jeune fille revenue; un petit déjeuner puis des provisions me sont offerts. Après le passage en zone non occupée, je serai présenté au 2ème Bureau, à Bourg-en-Bresse, qui continue son travail, estimant que nous sommes toujours en état de guerre avec l'Allemagne. L'Officier me dira que des prisonniers évadés lui ont signalé cette ferme d'Alsaciens comme suspecte; je ferai rectifier ce jugement... Près de Chalon-sur-Saône, un peu avant la ligne de démarcation, je vois d'autres évadés. Nous sommes hébergés par des cultivateurs (et cultivatrices, car il n'y a pas d'hommes en âge de porter les armes). Des guides nous sont fournis bénévolement, des renseignements donnés; nous franchissons la ligne sans encombre. Le comportement général de la population civile change d'une zone à l'autre. En zone non occupée, elle ne nous est pas hostile mais dans l'ensemble plus indifférente qu'en zone occupée. Je veux rentrer chez mes parents à Beausoleil (Alpes-Maritimes) avec mes habits d'évadé; je fais un peu "clochard". Il y a trois classes dans les trains; j'ai droit à la 2ème classe qui à l'époque est fréquentée par beaucoup de gens très aisés. Dans le wagon, des femmes assez huppées ont l'air scandalisé. Les contrôleurs vérifient mon titre de transport; je ne dis rien. Ils discutent entre eux à voix basse. J'entends l'un dire à l'autre d'un ton désabusé : "il y a droit" (à la 2ème classe). A Marseille, près du port, un agent fonce sur moi: "vos papiers": Je lui présente mon ordre de mission et ma permission. Je lui dis: "prisonnier évadé". Il bredouille confus : "je m'en doutais"... Je prends une boisson dans un beau café de Nice. J'arrive chez mes parents que j'avais prévenu auparavant de mon évasion. Quelques anecdotes de Mai 40 et de captivité : - Le 17 Mai, la bataille faisant rage, des vaches abandonnées errent dans la campagne. L'un de mes tirailleurs sénégalais me demande : - Dis, chef, les vaches là-bas c'est pour Français ou Allemands ?. - Nous sommes en point d'appui ferme dans les bois. Un de mes tirailleurs a tiré parce qu'il a entendu un bruit suspect. Je lui explique qu'il faut tirer à coup sûr. Un peu après, je fais une ronde. Mon tirailleur dort du sommeil du juste. Je le réveille, le sermonne. Ah! chef, me dit-il, d'un ton désarmant, si moi y a pas moyen tirer, moi y a moyen dormir. - Dans une unité voisine, soumise à un violent bombardement soudain un tirailleur se lève, pointe un doigt vengeur vers l'ennemi et crie : - Lui y a couillon trop. Lui y a visé moi. - En captivité, les prisonniers font l'objet de différentes listes: ainsi, les Noirs sont sur des listes distinctes, mais à part des Français il y a les Bretons. Il semble qu'au début, les Allemands croyaient et misaient sur un mouvement important autonomiste Breton... - Un camarade prisonnier est juif polonais. Nous n'étions certes pas au courant de la réalité des camps de concentration, mais nous sentions confusément qu'il valait mieux pour lui qu'il ne décline pas ces deux titres. Nous le pressons pour qu'il déclare une autre identité. - Je suis Juif; je suis Polonais, nous dit-il, je le dirai. C'est ce qu'il a fait. L'on peut penser que c'était bête; l'on ne peut nier que c'était courageux et ne manquait pas d'une certaine grandeur. - Le 14 Août, je m'approche de la roulante, car nous avions droit au café (ou au breuvage en faisant fonction). J'avais sur ma capote, la fourragère jaune du régiment. Des Allemands sont intrigués par celle-ci et m'interrogent. J'essaye de leur expliquer les règles d'attribution. Hélas! je ne parle pas l'Allemand et eux pas le Français. Alors, mimant le tir à la mitrailleuse je dis : - En 1914-18, Régiment gut. Tac, tac, tac! Beaucoup Allemands kaput. Alors... Et je désigne la fourragère. Les Allemands hochent la tête. Ah! disent-ils. Et l'un d'eux prend dans la roulante un superbe bifteck et me le donne. -La nourriture n'était certes pas celle d'un restaurant trois étoiles mais ce n'était tout de même pas Buchenwald. Nous déchargeons de la nourriture d'un wagon; un cageot contient des fruits dont certains sont un peu blets. Un officier allemand, du reste sans morgue aucune, nous dit que nous pouvons en prendre. Des soldats français se précipitent, se ruent, d'une façon que je trouve indécente. L'officier et moi, nous nous regardons et, je crois, nous comprenons. - Dans un, camion qui nous transporte, il y a des supports tricolores pour drapeaux. Nous ne sommes ni torturés, ni brutalisés, ni menacés d'aucune sorte. Désirant sans doute s'attirer les bonnes grâces de nos gardiens, un soldat français piétine le support tricolore en disant : "France kaput..." Il eut des regards méprisants des Allemands. Longtemps après la guerre, j'apprendrai que la Médaille Militaire avec Citation à l'Ordre de l'Armée, m'avait été décernée pour les combats de Mai-Juin 40, cette Médaille Militaire annulant des citations dont l'une à l'Armée. La citation accompagnant la Médaille Militaire mentionne les actions du 23 Mai, des 12 et 20 Juin. D'autre part, à Fréjus, le Capitaine Larroque (qui commandait la 10ème Cie) à laquelle les débris de notre 2ème Cie avait été rattachés), m'avait proposé pour une citation à l'ordre du Corps d'Armée pour les 15 et 20 Juin mais, peut-être égarée, cette proposition ne semble pas avoir aboutie. TABLE Dans l’Armée d’Armistice Je suis affecté à Fréjus. je fais de la propagande orale pour la continuation de la lutte, pour De Gaulle et les Forces Françaises Libres que je cherche à rejoindre. L'on m'a oublié au tour de départ colonial. Je le signale dans l'intention de rejoindre les F.F.L. A cette époque, en Métropole, sous réserve de ne pas attaquer la personne du Maréchal Pétain, il est possible dans l'Armée de montrer ses sentiments Gaullistes. On connaît les miens. A la coopérative militaire où je suis affecté, le lieutenant qui la dirige m'interpelle parfois amicalement dans le magasin, en m'appelant de Gaulle. Un jeune homme d'une quinzaine d'années, vivant à Fréjus, apprend au Sergent Ferrer (frère de l'Adjudant Ferrer qui était dans le 3ème Bataillon), et à moi-même, qu'une organisation de résistance à Montpellier était susceptible de faire passer des gens pour l'Angleterre. Vu son âge, à son regret, le jeune ne peut venir. Je préviens mes parents qui ne soulèvent pas d'objections malgré les dangers et la séparation douloureuse. Ferrer et moi demandons une permission de 48 heures. A Montpellier, nous voyons effectivement le chef de rayon d'un magasin que le jeune nous avait signalé. Il appartient à une organisation de résistance. Elle est surveillée (il me semble qu'il nous a été dit que des arrestations avaient été opérées mais je ne suis pas certain de ce souvenir). Il nous présente à un instituteur. Pour notre voeu tendant à rejoindre les F.F.L., ils ne peuvent rien faire pour nous. Au cours d'une discussion amicale avec l'instituteur, celui-ci nous dit qu'il pense que Pétain et de Gaulle sont d'accord. Je lui réponds que je le souhaiterais mais que je ne le crois pas. Le soir, nous allons au cinéma; la salle montre des sentiments anti-allemands et pro-britanniques. Un camarade du Cap-d'Ail (localité où j’ai séjourné une grande partie de mon enfance et de ma jeunesse), a été tué à Monaco par des pro-fascistes résidant dans la Principauté. Ceux-ci criant: "Nissa, terra nostra" (Nice, terre à nous), il aurait dit : "ce n'est pas encore fait". Le meurtre aurait été accompagné d'actes ignobles. La colère et l'émotion sont grandes. Le drapeau du 6ème R.I.C.M.S., enterré en Meurthe-et-Moselle a été ramené en zone occupée par le Lieutenant Deschènes qui s'était dévoué pour aller le chercher. Une cérémonie a lieu à Saint-Raphaêl. La commission d'armistice italienne regarde un peu plus loin. A Saint-Raphaël-Fréjus, des femmes portent une épingle de sûreté sur leur vêtement, avec quatre boutons ou quatre pièces de monnaie. C'est l'épingle anglaise avec quatre roues (avec Catroux)... Elles montrent ainsi leurs sentiments pro-gaullistes et pro-britanniques. L'intervention des Troupes Gaullistes en Syrie contre les forces françaises de Vichy m'atteint douloureusement. Tout en pressentant les raisons de celle-ci, je n'approuve pas. Je me demande où est mon devoir. Finalement, voulant combattre contre les forces de l'Axe et les Forces Gaullistes étant à ce moment les seules françaises à se battre contre les occupants, je maintiens mon projet d'évasion. Je suis désigné pour l'Afrique Occidentale Française. J'embarque pour Oran le 4 Septembre 1941. J'espère passer par le détroit de Gibraltar, mais c'est par le train que je dois rejoindre Casablanca. J'embarque à Casablanca le 14 et débarque à Dakar le 24 Septembre. Beaucoup plus qu'en Métropole, en Afrique du Nord et plus encore en Afrique Noire, il est préférable de ne pas afficher des désirs de rejoindre les Forces Françaises Libres. A Dakar, les sentiments anti-Gaullistes et anti-Britanniques semblent prédominer, mais à vrai dire beaucoup plus dans la Marine que dans les Troupes Coloniales. Je suis désigné pour le Dahomey (le Bénin actuellement). J'embarque le 20 Octobre 1941 et j'arrive à Bohicon, au Dahomey, mon lieu d'affectation, le 16 Novembre. Le Bataillon est commandé par le Commandant Lauzier auprès de qui nous avions été temporairement détachés en Juin 1940. Il prépare son unité pour le combat mais n'est pas Gaulliste. Je me souviens d'une de ses allocutions devant le front des Troupes. Après nous avoir décrit les combats en cours, il continue : - En Russie, les Allemands continuent à étriper des Russes et les Russes continuent à étriper les Allemands. Tout cela est excellent pour nous. Il faut être prêt. Nous battrons-nous au Nord, à l'Ouest, à l'Est, je ne sais pas. Irons-nous piquer les fesses des Allemands avec nos baïonnettes, je l'espère. TABLE Je m’évade pour rejoindre les Forces Françaises Libres Je suis chargé d'achat de boeufs à Parakou, dans le nord-Dahomey. L'on m'a confié de l'argent, pour acompte éventuel. L'affaire sera faite sans que j'ai à en verser. Je ne m'évade pas, ne voulant pas faire croire que je suis parti pour m'approprier ces sommes Un lieutenant a été arrêté pour "gaullisme" à Bohicon. J'examine la possibilité de le faire évader, mais il est trop bien gardé. Vu le climat de suspicion qui règne, je me garde d'éveiller les soupçons en recherchant des renseignements géographiques et j'ignore l'emplacement des villages en Nigeria Britannique. J'accompagne un détachement à Parakou. Avant le départ du train à Bohicon, je donne un pourboire au conducteur africain du train pour qu'il retarde le départ jusqu'à ce que le postier regarde si j'ai du courrier. Au retour de Parakou, je descends, le 18 Décembre 1941, un peu avant le lever du jour, à Tchaourou et je me dirige vers la frontière. Mon père étant brusquement décédé le 31 Mai 1941, j'avais fait une délégation de solde en faveur de ma mère demeurant à Beausoleil (Alpes-Maritimes). Afin que l'on puisse me porter "disparu" et non "déserteur", je laisse volontairement dans le train tous mes bagages, y compris mon bidon d'eau. Je n'ai que quelques photos, la relation des combats de Juin 40 faite par le Lieutenant Colonel Bédouin après son évasion et une aiguille aimantée que je fais tenir en équilibre sur une épingle pour avoir le Nord. Malgré cela, je serai porté "déserteur" et condamné par contumace par le Tribunal militaire de Dakar. La délégation à ma mère sera supprimée (je crois qu'elle a dû même rembourser le dernier mois). Je pourrai lui faire parvenir de l'argent par le Vatican et la Croix Rouge du Caire. Étant allé à Alger rendre visite à ma soeur et mon beau frère partis là-bas, elle devra y rester à cause du débarquement allié de 1942. La délégation lui sera à nouveau versée avec rappel; je crois qu'à ce moment le Général Giraud avait encore des pouvoirs politiques. Évitant les sentiers, je marche à travers la savane haute et très dense. Le temps est couvert et le soleil invisible. Il faut que je me repère avec mon aiguille aimantée et ceci me fait perdre du temps. A un endroit, je trouve un peu d'eau. La nuit, je ne suis pas encore arrivé au cours d'eau servant de frontière. Le lendemain matin, après avoir léché la rosée sur les feuilles, je continue ma route et arrive au cours d'eau. Alors que je me repose, un fauve et une antilope, l'un bondissant après l'autre, passent près de moi. Je traverse à la nage. De l'autre côté, en Nigeria, dilemme: faut-il suivre le cours d'eau ou piquer vers l'Est? Le long de celui-là la forêt est épaisse; une vague carte générale entrevue avant de partir n'indique des localités qu'à l'intérieur; d'autre part, l'eau... J'adopte une solution de moyen terme : je prends une direction en gros vers le Sud-sud-est qui me permet de quitter la proximité du cours d'eau mais doit me permettre d'y revenir en cas de péril par soif... Plusieurs traces de gros animaux sauvages. J'arrive à un sentier fait par la main des hommes. Je le suis vers le Nord. Il s'arrête dans la nature; je ne vois pas de prolongement. Je le parcours dans l'autre sens. Il aboutit au cours d'eau; quelques vieux instruments de pêche abandonnés sont là. Pas d'autre sentier aux alentours. En brousse, un sentier d'hommes doit aboutir dans un village; je refais le chemin parcouru; à l'endroit où le sentier s'arrête inopinément je cherche et, enfin, je le retrouve plus loin; les hautes herbes avaient envahi et fait disparaître une de ses portions. Je continue la trace; elle est plus visible plus loin. J'arrive dans un village africain où je suis hébergé. Départ le lendemain matin avec un autochtone qui me sert de guide. Heureusement que je suis bon marcheur... L’accueil et l'hospitalité sont très bons dans les villages rencontrés. Nous arrivons à Shaki où se trouve un administrateur britannique. Il a fini son repas. Il m'offre le thé. Je me restaurerais volontiers mais il me donne d'abord de quoi me raser. Ensuite, il me fait servir un repas. Sa voiture, accidentée est temporairement inutilisable. Nous passons la veillée de Noël avec deux familles de missionnaires américains protestants. Après réparation de sa voiture, il m'emmène à Lagos; je vois la mission française représentant le Général de Gaulle. Deux Français, un sergent et un caporal, viennent de s'évader en passant par la lagune de Porto-Novo. Je signe un engagement dans les Forces Françaises Libres (F.F.L.) le 28 Décembre 1941, pour compter du 19 Décembre, date du franchissement de la frontière. Je demande à être affecté d'urgence au Tchad, ayant entendu parler d'opérations au Fezzan. TABLE Dans les Forces Françaises Libres J'arrive à Fort-Lamy (Djamena actuellement) le 14 Janvier 1942. Je suis reçu par le Colonel Ingold, en l'absence du Général Leclerc. Il m'indique que, malgré mon vif désir, je ne peux participer de suite à des opérations. Il m'affecte à Chedra (nord de Fort-Lamy-Djamena) à la 1ère Compagnie du Régiment de Tirailleur Sénégalais du Tchad. Il me dit que ce sera la première compagnie à entrer dans la composition d'un bataillon de marche pour des opérations. Le Capitaine Baylon, commandant cette compagnie, me demande de faire un exposé devant un auditoire sur les combats de mon régiment en Mai-Juin 1940. Contrairement à mon espoir, la compagnie ne part pas au combat. Je fais de nombreuses demandes pour aller dans des formations qui se battent, en particulier pour être affecté dans une compagnie de découverte et de combat, mais c'est sans succès. Le Bataillon de Marche n°8 est formé. Mais il reçoit l'ordre de partir à Garoua (Nord-Cameroun). Nous quittons Chedra le 7 Juin 1942 et arrivons à Garoua le 14 Juin. Je ne sais pas conduire. Un adjudant nous sert de moniteur sur des camions. En vue de traverser le dessert, il s'agit surtout de savoir passer rapidement les vitesses et particulièrement de bien maîtriser le double rétro débrayage. Un jour, le Lieutenant Bonnet, commandant la Compagnie, me fait appeler : - Teisseire, nous risquons de manquer de chauffeurs; il faudrait former des Africains. - Oui, mon lieutenant, mais par qui? - Par vous. - Je ne suis pas très qualifié; il m'arrive de faire encore grincer les vitesses. - Bof! Et je suis professeur de conduite; je forme des chauffeurs africains, sans avoir de permis de conduire... En 1943, nous rejoignons la Tripolitaine par le Tchad et le Fezzan (Fort-Lamy - Moussoro -Koro-Toro - Largeau - Zouar - Sebha). Nos camions (véhicules commerciaux) sont à rude épreuve... Quelques uns restent le long du trajet. Dans un village en Lybie, nous sommes horrifiés par l'état sanitaire des autochtones. A peu près tous sont malades, souffrant en particulier de maux d'yeux; plusieurs sont aveugles. Le régime fasciste ne semble pas avoir fait beaucoup pour la protection sanitaire des Indigènes. Quelles que soient les critiques que l'on peut faire au régime colonial français, il faut reconnaître que nos médecins ont bien oeuvré dans nos possessions... La première voiture alliée rencontrée est occupée par des Indous. Elle saute sur une mine. Pas de perte heureusement, sauf une roue du véhicule arrachée. Nous arrivons à Sabratha le 4 Juillet 1943. L'on me propose d'aller dans une école d'aspirants. Je refuse, ne voulant pas être retardé pour les opérations. J'ai une permission pour Alger en vue de revoir ma mère et ma soeur. Je me présente à la gendarmerie, ainsi que le Règlement l'exige, afin de faire enregistrer mon titre. Le gradé gendarme sort un exemplaire d'un avis de recherche de Vichy, suite à ma condamnation; il est en bonne place. Quand ma mère est partie de Beausoleil pour Alger, un exemplaire a suivi. Le gradé me dit : - Savez-vous que je pourrais vous arrêter? Je prends la table à deux mains, prêt à la renverser sur le gendarme et à bondir jusqu'à la résidence du Général de Gaulle. - Essayez donc, dis-je. Le gradé de gendarmerie fait marche arrière, ne sait plus comment s'en tirer, me dit que j'ai du caractère... Les Africains, ainsi que quelques cadres européens, sont mutés. Je le regrette un peu; l'on m'avait très vite donné le commandement d'une section et je crois que j'en avais fait un bel outil de combat. Après un séjour près de Djidjelli (Algérie) nous allons au Maroc. La 2ème Division Blindée (Division Leclerc) est crée. J'appartiens à la 10ème Compagnie du Régiment de Marche du Tchad, commandée par le Capitaine Sarazac. Le Bataillon, sous le commandement du Chef de Bataillon Putz est à Skirat. Nous nous morfondons, ne participant pas à la campagne d'Italie. Je vois un aumônier qui serait en contact avec le B.C.R.A. (Bureau Central de Renseignements et d'Action). Il me dit de me présenter à M. de Boissoudy, membre de l'Assemblée Consultative à Alger. Je vois celui-ci au cours d'une permission. Je vais de sa part au bureau de recrutement pour le B.C.R.A. Je demande la section "sabotage". Je suis volontaire pour être parachuté en France après un stage en Grande-Bretagne. Ça marche; la visite médicale est sommairement passée; dire qu'en 1938, étant volontaire pour les parachutistes, dénommés à l'époque infanterie de l'air, l'on m'avait refusé à cause d'un taux de vision insuffisant (il fallait 9/10e minimum de chaque oeil sans correction de verres); maintenant, je suis apte sans problèmes. De retour, je préviens mon commandant de compagnie de mon prochain départ. Je ne vois rien venir. J'écris à un ami à Alger. Il m'indique qu'il y a eu effectivement une décision de M. le Troquer, Commissaire à la guerre dans le gouvernement, mais elle ne me sera jamais notifiée; il est à supposer qu'elle a été jetée au panier à son arrivée à la 2ème D.B. La Division doit partir pour la Grande-Bretagne. Tout s'éclaire. Je suis satisfait. Nous embarquons à Oran le 20 Mai 1944 et, après un grand crochet dans l'Atlantique, débarquons à Glasgow (Écosse) le 30 Mai. La compagnie rejoint Pocklington (Yorkshire) où elle cantonne. M. et Mme. Harry et Irène Rowley me reçoivent. C'est le début d'une amitié qui ne s'éteindra pas. Elle continuera aussi avec leur fils et leur belle-fille Steven et Pauline; ceux-ci, en 1992, habitent Waterlooville, près de Portsmouth. Campagne de France avec la Division Leclerc Je commande une section, la 3ème Section de la 10ème Compagnie du Régiment de Marche du Tchad. Au Maroc, j'ai poussé son instruction du mieux possible et je continue en Grande-Bretagne. Elle dispose de cinq half-tracks (véhicules légèrement blindés à roues avant et chenilles arrières). Elle est composée de volontaires d'origine diverse. Ceux provenant d'Afrique du Nord, où beaucoup étaient nés, avaient fourni un apport important. Le Sergent-chef Le Goff était un de ces jeunes Bretons qui avaient rejoint l'Angleterre en Juin 40; il avait ensuite été envoyé en Afrique Équatoriale Française; le Sergent Leroy, qui me sera affecté en cours de campagne était dans la même situation. Beaucoup venaient des glorieux Corps Francs d'Afrique; certains s'étaient distingués au cours de la Campagne de Tunisie et il faut saluer leur courage; le Sergent-chef (Adjudant par la suite) Touati, le Sergent-chef Beck, le soldat Sarmiento (caporal par la suite) avaient été cités pour cette campagne (Il n'est pas impossible que je commette des omissions). Touati et Beck avaient déjà combattu en France et Beck avait eu une citation à l'ordre de la Division en Juin 1940. Des patriotes, de la Métropole, pour pouvoir participer aux combats; avaient rejoint l'Afrique du Nord en passant par les Pyrénées et après avoir été internés dans les prisons et/ou le camp de concentration franquistes (sauf erreurs ou omissions: les Sergents Lévy, Marchive Aimé, Stam (celui-ci après avoir combattu en France), les soldats Augros (qui deviendra sous-officier), Jaouen, Parker. Après le débarquement, il y aura des apports d'engagés en Métropole qui adoptèrent l'esprit de la section et sa combativité et contribuèrent souvent à ses succès. Nous embarquons le 30 Juillet 1944 à destination de la France. La 2ème Division Blindée fait partie de l'Armée Patton qui doit réaliser la percée. Nous ne débarquons à Grand camp (Calvados) que le 4 Août. Le 12 Août, avant Sees (Orne), la section fait des prisonniers. Un peu après la sortie de Sees, notre canon de 57 - chef de pièce: Sergent Marchive, Aimé - tire sur des résistances ennemies situées au nord de la route D908 (Sees - La Ferrière Béchet - Carrouges). A partir du carrefour de la D908 (N808 suivant d'autres cartes, et de la D26, la section fait partie du dispositif de tête qui attaque en forêt d’Écouves du Nord au Sud. Le détachement est sous les ordres du Chef de Bataillon Putz. Il devra faire jonction avec des éléments de la Division venant du Sud. La 9ème Panzer Allemande est dans la forêt. Nos half-tracks sont intercalés avec les chars moyens du Lieutenant de la Bourdonnaye (section de la 2ème Cie. du 501ème Régiment de Chars de Combat). Je suis dans le premier H.T. derrière le char de tête. Une reconnaissance ennemie se heurte à nous. Je ne me rappelé plus le nombre exact de véhicules; il y avait un genre de "command-car", une autre voiture légère peut-être. Ils sont capturés; des prisonniers, dont des officiers, sont faits. Je renouvelle mon offre de reconnaître à pied les tournants dangereux; mais les chars préfèrent aller vite. Peu avant le carrefour "La Croix de Médavi", le char de tête est détruit par un char lourd allemand qui est aux aguets, en position à ce carrefour. Bonhomme, le chauffeur de l'half-track de tête, effectue la marche arrière la plus rapide de sa carrière afin de mettre son H.T. à l'abri dans la forêt. La section met pied à terre. Je laisse mon adjoint, le Sergent-chef Touati, rassembler rapidement la section et je vais reconnaître avec deux ou trois hommes. A un moment, je suis coupé d'eux par le tir venant de nos chars. Notre Commandant de Compagnie, le Capitaine Sarazac est venu prendre des nouvelles et Touati lui a rendu compte de la situation. Je reviens chercher ma section qui a commencé à avancer. Augros a pris le commandement du groupe du Sergent-chef Girma qui a été blessé. La section progresse jusqu'au carrefour. Face à celui-ci, à droite de la route D 26, elle se met en place pour l'assaut, le plus discrètement possible. Un fossé existe près du carrefour et protège les éléments les plus avancés de la section. Les chars allemands se sont légèrement repliés vers le Sud, sur la route D 26 allant vers Alençon, mais il reste encore au carrefour divers véhicules. Tir au lance-roquettes; jets de grenades. Après les explosions, nous nous élançons et atteignons l'autre côté du carrefour. La section est bientôt rejointe par d'autres éléments à pied. Des actions dans la forêt ont lieu, souvent par de petits groupes de combat. Je vais un peu vers le Nord, puis revient vers le Sud. Sous la pression de nos unités, l'infanterie allemande s'est séparée de ses chars. Je vais en reconnaissance vers ceux-ci, étant à gauche de la route allant à Alençon. Je m'approche à quelques mètres de l'un d'eux, celui qui est le plus rapproché du carrefour, utilisant tous les accidents de terrain. Je n'ai pas de grenades antichars ni des cocktails "Molotov". Dépité, je tire au pistolet-mitrailleur dans les fentes de visée. Énervé par le moustique que je suis, le char tire d’une manière désordonnée et recule un peu. Je reviens vers ma section. Je récupère le Sergent-chef Legoff, chef de l'un de mes groupes, armé d'un lance-roquettes, accompagné du soldat Borinov (de son vrai nom Roux Pierre) qui porte des roquettes, alors qu'il cherche aussi à s'approcher des chars. Laissant le gros de la section presser les fantassins adverses, nous approchons du char ennemi. Tirs de Legoff, tandis que je sers de chargeur. Incident technique entre les tirs, vite réparé (mauvais contact). Au premier tir, la roquette passe trop haut; erreur de hausse. Au deuxième, à la base de la tourelle, la roquette ricoche. Au troisième, la région du moteur étant visé, le char est mis hors de combat. Le Lieutenant Carage, chef de la 2ème section de la compagnie, arrive avec ses hommes et peut-être des éléments de la C.A.3, de l'autre côté de la route. Le Lieutenant Silvy, avec la 1ère Section, arrive de notre côté. Il me demande de le laisser passer en tête et de lui "prêter" Legoff avec son lance-roquettes. J'accepte. Accompagné de Borinov et de Quille, agissant suivant son initiative, Legoff attaque un autre char lourd, le rendant inutilisable en détériorant son train de roulement. Il sera blessé peu après. Après la destruction du premier char ennemi, j'avais fait dire à nos propres chars qu'ils pouvaient avancer jusqu'à celui-ci, en leur recommandant de ne pas le dépasser. Nos chars préféreront continuer et un deuxième char du 501e sera mis "en flammes" par un char allemand. Le Lieutenant Silvy sera lui aussi blessé. Ma section reprend alors la tête de tout le dispositif dans la progression. La nuit tombée et suivant les ordre reçus, elle reste en protection avancée. Elle repart le lendemain matin de bonne heure vers les spahis qui remontent du Sud (Groupement Roumianzoff). L'ennemi semble désemparé. De nombreux prisonniers sont encore faits. des chars, sabotés, ont été abandonnés par l'adversaire. La liaison est un moment délicat, mais tout ce passe bien. Étant dans le fossé près de la route, nous entendons les bruits de moteur et voyons apparaître les spahis; nous agitons nos mouchoirs; pas de bavures. Très peu de temps ensuite, la section de reconnaissance du Bataillon arrive. Alors que le gros de la 10ème Compagnie est dirigé vers Argentan, ma section est envoyée à Bouce. Le lendemain 14 Août, près d'Avoine, nous essuyons, dans une plaine, un feu nourri de l'ennemi. Avec d'autres éléments, nous le mettons en fuite, mais nous avons eu le premier mort de la section, le soldat Amsellem, un père de famille, engagé volontaire. A Bouce, un groupe de la section est en protection à une sortie de village; le commandement nous a fait reconnaître qu'il ne peut, par cette route, arriver que des ennemis. Un véhicule arrive. Bref engagement; l'adversaire est mis en fuite et nous récupérons... une Jeep de la Division. C'était un petit groupe, commandé par un aspirant artilleur qui s'était trompé d'itinéraire ou qui avait été mal informé. Heureusement, pas de blessés par les coups de feu réciproques. Les artilleurs arriveront à rejoindre leur unité; notre section utilisa la Jeep quelque temps... De Bouce, de profondes reconnaissances sont effectuées. Le 17 Août, nous retrouvons la compagnie à Joue du Plain, puis le soir même ma section est envoyée dans la région d’Écouche en renfort de la 9ème Compagnie. Pour éviter l'encerclement, de nombreuses colonnes ennemies se heurtent à nos unités. Des Britanniques font liaison avec nous. Nous rejoignons le gros de notre compagnie. De nombreux véhicules de la Wehrmacht ont été détruits ou capturés; nous en ramenons plusieurs, y compris un véhicule blindé de transport de troupes, correspondant à nos half-tracks, en état de marche. Je suis adjudant-chef depuis le 1er Janvier 1944, après avoir été nommé adjudant à titre exceptionnel pour compter du 15 Février 1942. Après la Campagne de Normandie, je suis proposé à titre exceptionnel pour le grade de sous-lieutenant; la nomination à ce grade aura lieu pour compter du 25 Septembre 1944, par décret du 23 Décembre 1944. Le Capitaine Sarazac m'a proposé dans ces termes : L’Allemagne Après un séjour à Valençay (Indre), nous partons pour la Campagne d'Allemagne. La frontière est franchie le 26 Avril. Le 3 Mai, près de Tegernsee (environ 90 km à vol d'oiseau à l'ouest de Berchtesgaden), ma section dépasse des Américains arrêtés face à des fantassins allemands qui disposent de tireurs d'élite. Le neige nous rend très visible et ne facilite pas notre progression, qui se fait à pied. Nous commençons cependant à attaquer, cherchant à déborder par un coté, mais nous recevons l'ordre d'arrêter et de continuer par un autre axe qui, par la suite, nous fera arriver à Berchtesgaden. Cramer, caporal-chef au débarquement, chef de groupe et sergent ensuite, est blessé. Ce sera le dernier blessé de la campagne par le fait ennemi et ce sera le dernier engagement de la section. Les Américains sont arrivés les premiers à Berchtesgaden, mais la 2ème Division Blindée est la première à l'Obersalzberg, où se trouve le Berghof, la résidence d’Hitler. Un détachement de la Division est aussi aller planter les couleurs françaises à la maison du Kchistein (ou "Nid d'aigle") qui domine l'Obersalzberg et Berchtesgaden. Ma section reçoit la mission, à l'Obersalzberg, d'assurer la garde du garage. Le Général Leclerc fait prendre la Mercédès blindée d'Hitler (Notre général en fera ensuite cadeau au Général de Gaulle qui la remettra à la République Française). Il fait prendre aussi deux autres Mercédès. Quand la garde est levée, nous récupérons une magnifique Mercédès, munie d'un puissant appareil émetteur-récepteur, qui appartenait à l'Armée de l'Air Allemande. Nous sommes envoyés à Hallein (Autriche). Des prisonniers français libérés, qui semblent avoir bien fêté la fin de leur captivité, discutent à haute voix avec notre commandant, semblent avoir des idées tactiques militaires personnelles... A côté, il y a des Autrichiens, silencieux et dans un ordre impeccable, qui appartenaient à la Résistance contre Hitler. Afin de soulager mes hommes, le commandant me propose d'utiliser les uns ou les autres pour la protection éloignée. J'ai moins de patience que le commandant. Je remercie, plutôt sèchement, les Français et utilise les Autrichiens. En allant à Hallein, un de nos H. T. a été accidenté. Nous revenons à Berchtesgaden. Vers la fin de la guerre, ma section doit quitter Berchtesgaden, de même que la compagnie, et aller à Pahl par les grands axes avec une colonne importante. Il n'y a absolument aucun danger. La 2ème D. B. dépend d'une Armée Américaine et les Américains ont donné l'ordre de reverser toutes les voitures de récupération. Des bruits circulent : des contrôles seraient en place pour faire respecter ce que nous avons tendance à considérer comme un diktat. Je fais part de mes préoccupations concernant la Mercédès au Capitaine Guintini, commandant la compagnie, qui me laisse toute liberté de manoeuvre. Laissant mon adjoint au commandement de la section, je pars par les routes de montagne du Sud avec la Mercédès, le Caporal Lambour, chauffeur, et le soldat Selot, qui peut servir d'interprète. Nous rencontrons des militaires allemands, en particulier deux médecins qui déclarent qu'il y a des troupes allemandes plus loin et que des S. S. résistent encore. Cette dernière affirmation est-elle exacte ? En tout cas, entre la Military Police et les S. S., nous préférons affronter les S. S. Je prescris au chauffeur, au cas où il y aurait une embuscade, de faire demi-tour s'il y a des abattis, de foncer dans le cas contraire. Nous roulons à vive allure. Dans un petit village, il y a encore quelques militaires allemands qui semblent considérer que la guerre est terminée, mais qui confirment les déclarations des médecins. Nous dessinons des Croix de Lorraine sur les ailes avant. Brusquement, un grand nombre d'Allemands est là; un détachement à pied, nombreux et en bon ordre, avance. Nous l'arrêtons. Les Officiers sont intrigués : voiture allemande (sans le fanion, bien entendu), uniformes américains et ont aussi un haut-le-corps quand ils s'aperçoivent qu'ils ont affaire à des Français. Leur commandant déplie une carte et, par l'intermédiaire de l’interprète, m’explique qu'il emmène son détachement à tel endroit. J'approuve doctement. L'officier allemand semble tout heureux de savoir qu'il exécute bien les ordres reçus. Lambour me presse pour ramener des souvenirs. J'acquiesce à son désir. Un peu plus loin, descendant de voiture, nous demandons à deux officiers allemands de nous remettre leurs pistolets. Mais ils s'insurgent, nous disent qu'ils ne se sont pas encore rendus. A ce sujet, nous n'en savons rien mais c'est plein d'Allemands aux alentours. Il ne faut pas perdre la face. Je fais semblant de m'apercevoir qu'ils sont officiers et le leur demande. "Ya", me disent-ils, tout fiers. Je fais traduire : "On laisse leurs armes aux officiers". Ils sont tout contents. Nous nous saluons impeccablement. Aux croisements, la Mercédès est arrêtée, je demande le passage immédiat; la circulation automobile allemande est arrêtée pour nous faire passer. Il semble que nous traversons les débris d'une armée allemande où règne encore un ordre impeccable Des officiers sont blêmes quand ils constatent notre nationalité, surtout un qui est à l’étage d'une maison; ses yeux lancent des éclairs. Dans la maison, il y a une grande salle au rez-de-chaussée, où il y a des militaires allemands. Parmi eux, un soldat de la Wehrmacht, ancien serveur dans un café à Paris. Nous bavardons un peu avec lui. Avant de partir, nous prenons des pistolets sur quelques Allemands. "Vous charriez", nous dit le titi parisien allemand. Quand nous arrivons chez les Américains, il y a un peu de surprise, mais ils ne posent pas beaucoup de questions. La Mercédès sera encore liée à d'autres péripéties. Elle finira au Corps expéditionnaire d’Extrême-Orient. J'ai gardé le fanion. Mon mariage Je connais ma future épouse, Mademoiselle Coste, Marcelle, que j’appellerai Michèle, alors que je suis en permission de départ colonial, étant désigné pour l'Indochine. Nous décidons de nous marier. Je vais à mon Corps, fais signer ma demande par mon Commandant de Compagnie, fais établir par le bureau du Chef de Corps la demande d'enquête réglementaire sur ma future épouse qui est adressée directement à la Brigade de Gendarmerie de Beausoleil. Je la porte moi-même; l'enquête est tapée par les Gendarmes sur mes indications. Je retourne au Corps, à Toulon, fais signer par le colonel son avis favorable. Je vais à Marseille voir le général. Je l’arrête dans l'escalier : - Je suis désigné pour l'Indochine et veux me marier. - Pour un sursis de départ, faites une demande. - Je ne veux pas de sursis; je veux me marier de suite. - Montez !, me dit le général. Il téléphone à son ler Bureau qui est dans un autre bâtiment, me prête sa voiture et son chauffeur. Le Commandant du ler Bureau, croyant probablement que je suis très "pistonné", m'accueille avec égards : - Asseyez-vous, lieutenant; tout autre travail étant délaissé, il fait taper l'autorisation de mariage. Je reviens avec la voiture et fais signer cette autorisation au général. Je m’arrête à Solliès-Pont, pour prévenir ma grand-mère. Je vois à Nice le substitut du Procureur de la République qui m'établit une dispense de publication des bans. Je la donne à la Mairie de Beausoleil. Le lendemain, 29 Novembre 1946, le mariage est célébré. J'embarque pour l'Indochine le 13 Décembre de la même année. J'arrive en Indochine le 31 Décembre 1946 et débarque à Saigon le ler Janvier 1947. Je suis affecté au Cambodge. Je commande par intérim une compagnie à Kompong-Thom. Je vais à Samrong (région Nord Cambodge) avec une compagnie. Au retour, nous tombons dans une embuscade tendue par des rebelles cambodgiens, des K.I. Khmers Issaraks (khmers libres). Tandis que le Commandant de Compagnie m'appuie de ses feux, je prends la tête des troupes descendues à terre, donne l'assaut avec nos Cambodgiens qui constituent l'essentiel de la compagnie. Les adversaires sont mis en fuite. Je suis Commandant de Compagnie et je commande le quartier de Kralanh. Dans ma compagnie, il y a surtout des Cambodgiens. Sous mes ordres, pour ce qui concerne les opérations, il y a aussi un peloton de scouts-cars où le pourcentage d'Européens est élevé. Nous effectuons de nombreuses patrouilles, parfois assez loin. Par ailleurs, je dois parfois fournir des escortes pour des convois. Peu de temps après mon arrivée au Cambodge, je me suis rendu compte qu'il y avait deux choses sacrées : le Roi et les bonzes. Afin de me rendre compte de l'état d'esprit des rebelles, j'autorise le chaufaysrok (chef d'un srok, circonscription administrative intermédiaire entre la province et le canton) de Kralanh, qui nous est très favorable, à correspondre officieusement avec des rebelles par messagers interposés. Nous aurons des correspondances de chefs khmers issaraks : Prak Sarin et Hul. . Elles ne manquent pas d'humour. Prak Sarin (neveu de l’ex-ministre Son Ngoc Thanh) énumère ses griefs contre les Français. Parlant de Sa Majesté le Roi, il écrit :. ** * Je demanderai ma mise à la retraite avant la limite d'âge. Elle me le sera accordée pour compter du 2 Janvier 1961. Je travaillerai dans le civil. Depuis 1961, mon épouse et moi-même habitons Nice.
12 Bld. Jean Mermoz 92200 Neuilly sur Seine |
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