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L'oeuvre
de Michel El Baze: Les guerres du XXe siècle à travers
les témoignages oraux |
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071 |
Raymond
TRIAI
I - Préambule Carte n° 2 - S.N.C.F. 1944 - Zone de lancement des fusées IV - Les
missions actives 1°)
Retarder la mise en service des V1 et V2 3°)
Les actions de la Résistance locale - Tentative d’empêcher la destruction du pont route
d’Etaples ou Touquet Paris-Plage 18 V
Rétablissement de la situation Annexe à mon récit du 27 Janvier 1990. Affectations imposées par le programme de formation et les besoins du service et actes de Résistance jusqu’en Décembre 1943 24 Résidences et affectations successives MON ACTIVITE DE RESISTANCE DURANT LA GUERRE 1939-1945 I Préambule Au cours de l’Assemblée Générale de la Section de Nice Côte d’Azur de Résistance-Fer, il nous fut demandé, le 25 Novembre 1989, par Monsieur El Baze Président des Décorés de la Croix de Guerre que tout résistant ayant vécu des faits notables ou susceptibles d’être mal connus ou ignorés de l‘Histoire de la Résistance, les fasse connaître. Il faut tout d’abord préciser que cette séance était empreinte de gravité puisque la Présidente de la Section, Madame Jacqueline Thirion, se démettait de ses fonctions pour raison de santé. Nous avons tenu, en présence des hautes autorités civiles et militaires des Alpes Maritimes et plus particulièrement de la ville de Nice, à l’honorer et à la congratuler pour sa vie exemplaire, ses actes héroïques dans la Résistance et pour les nombreuses années consacrées à Résistance-Fer. Afin d’alléger mon récit j’ai reporté sur une annexe le déroulement de ma vie, en m’en tenant principalement à préciser la manière dont avait évolué ma connaissance du problème allemand pour aboutir à mes premiers faits de Résistance. Le récit concerne donc la période de Décembre 1943, date à laquelle je rejoignais Boulogne-sur-Mer où je devais être promu à la tête de la Circonscription Mouvement le 1er Février 1944 dont j’indiquerai brièvement l’importance du fait de sa situation géographique en zone interdite. Table II - Prise de fonction à Boulogne-sur-Mer Entré le 1er Mars 1941 à la S.N.C.F. j’exerçais différentes fonctions de formation dans la Région Parisienne pour me préparer au métier de Cadre des Chemins de Fer, au Service de l’Exploitation. Fin Décembre 1943 je quittais la Région Parisienne pour rejoindre mon poste d’Inspecteur, Chef de la Circonscription Mouvement à Boulogne-sur-Mer. Ma nomination effective eut lieu le 1er Février 1944. Pour la première fois dans ma toute nouvelle carrière de Cheminot, j’allais donc me trouver en " zone interdite " au nord de la Somme donc dans la zone des H.V.D. (Direction Générale des Transports Allemands) de Bruxelles, là où les E.B.D. (Direction de l’Exploitation des Chemins de Fer), c’est-à-dire l’autorité allemande, pouvait prendre toutes les mesures qu’elle jugeait nécessaires pour les besoins militaires. C’est ainsi qu’un important Service de Contrôle était installé à Boulogne-sur-Mer, chacun des Agents de mon bureau était doublé par un Cheminot allemand et un Inspecteur du Service Militaire des Chemins de Fer allemands occupait également mon bureau. Nous étions informés que nous étions soumis aux lois de guerre allemandes qui étaient très dures et prévoyaient la peine de mort ou les travaux forcés à temps ou à perpétuité. C’est dans cet " attrayant " territoire que je me trouvais responsable de 22 gares allant de: (Carte N°1) - Noyelles (St Valery-le-Crotoy) à Wimille Vimereux - Hesdigneul à Desvres - Etaples à Montreuil ce qui occupait environ 800 Agents. Cette zone hautement stratégique de par sa situation géographique était l’objet d’une surveillance intensive de la part des autorités allemandes, militaires, policières, civiles et ferroviaires. Aussi pour pouvoir exercer notre métier de jour, et éventuellement de nuit, recevions-nous tout un arsenal d’ "Ausweiss" de toutes couleurs. Il est vrai que ce territoire comportait de nombreux points plus particulièrement sensibles: - la base sous-marine en cours de finition dans le port de Boulogne-sur-Mer. Les multiples bombardements alliés avec des bombes de 2000 kg empêchèrent sa finition, mais qu’elles étaient bruyantes et traumatisantes! - les tunnels ferroviaires de part et d’autre de la gare de Boulogne Tintellerie où se cachait notamment un énorme canon de l’artillerie lourde sur voie ferrée qui sortait de temps en temps de sa tanière pour tirer vers l’Angleterre, trois ou quatre obus, puis revenait se mettre hors de vue sous le tunnel qui servait de surcroît de poudrière. L’autre tunnel était partiellement transformé en dortoir pour les servants du canon et divers dirigeants artilleurs. Il était accessoirement utilisé de jour comme abri - le port de Boulogne-sur-Mer, le triage d’Outreau, le dépôt de locomotives - les défenses et installations militaires allemandes - la gare d’Etaples avec ses ponts ferroviaires et routiers et son embranchement vers Arras - l’ensemble du dispositif ferroviaire et routier qui longeait la Côte et servait de cibles faciles pour les avions alliés qui bombardaient fréquemment les voies, les trains et mitraillaient les convois routiers sans qu’aucune alerte préalable puisse être donnée. Il convenait d’être très vigilant, les yeux et les oreilles perpétuellement aux aguets pour vite plonger et faire un roulé-boulé sur le bas-côté de la route au moindre danger. Encore convenait-il de ne pas s’écarter du bord de la route car les champs alentour étaient minés (ou réellement ou signalés "attention mines"). Table III - Notre vie à Boulogne Toutes ces installations étaient bien connues et le nouveau dirigeant que j’étais les avait bien identifiées dès les premières tournées. Ce qui est tout à fait normal. Mais avant de poursuivre mes découvertes car j’ignorais encore bien des points capitaux, il me faut évoquer ce qu’était notre vie et celle de nos compagnons durant toute cette période qui dura jusqu’à notre libération en Septembre 1944. A mon arrivée la ville de Boulogne avait déjà bien souffert des bombardements et nombreux étaient les habitants qui s’étaient repliés, soit dans les campagnes en retrait de la Côte soit dans des familles demeurant bien plus loin. Tout comme le Chef de Gare, Mr François un excellent dirigeant qui devint vite un ami, je demeurais dans la partie de la ville proche de ce qui restait de la gare et aussi de mon bureau. Un semblant de sécurité régnait, les nuits étaient relativement calmes et les bombardements de jour, en ville, très exceptionnels. A proximité du bureau nous disposions d’un énorme blockhaus pour la soixantaine de personnes utilisées par les services français et allemands. A l’intérieur un standard téléphonique était installé. Le calme ne dura pas, un après-midi un sévère bombardement s’abattit sur la gare, nos bureaux furent très éprouvés mais, pas de blessé, tout le monde avait pu rejoindre, à temps, notre fameux abri. J’avais repris, depuis l’abri, la conversation téléphonique avec mon Chef d’Arrondissement dont les services installés avant-guerre à Boulogne, étaient maintenant repliés à St Omer (environ à 50 kilomètres de la Côte) et je lui faisais part de l’intensité exceptionnelle du bombardement en cours lorsque nous fûmes brutalement interrompus. Bien vite nous dûmes nous rendre compte que les deux portes de l’abri (qui ouvraient vers l‘extérieur) étaient bloquées par l’énorme quantité de terre et matériaux divers que les bombes avaient projetés. Nous étions prisonniers, enterrés vivants et nous commencions à être très inquiets et à respirer péniblement quand le bruit de sauveteurs, rapidement alertés par mon patron, qui avait compris la situation, nous rassura. Les portes en fer très épais purent enfin s’ouvrir. Notre délivrance nous la devions à notre Chef d’Arrondissement, Mr Tisnés, très sévère et autoritaire mais toujours présent dans les coups durs. La gare avait beaucoup souffert, la cabine (nous dirions maintenant le poste) d’aiguillage jusque-là épargnée était réduite à un amas de ferraille… et notre pauvre aiguilleur, enfermé dans son abri individuel en béton, put être délivré à son tour. Ce qui restait, dans les décombres du bureau, comme documents et matériel fut transféré dans un local en gare de Tintellerie, entre les deux tunnels cités plus haut, dont l’un, le sud pouvait, à titre exceptionnel être utilisé comme abri. Mais les bombardements de nuit, avec fusées éclairantes s’intensifièrent, le dépôt de locomotives sévèrement touché, aussi avec Mr François nous décidâmes de chercher à coucher dans la haute ville, près de la cathédrale. Un abri pour 77 personnes était particulièrement renommé, on pouvait y coucher. Nous n’avions pas pensé qu’il était aussi connu, quand nous arrivâmes il y avait trop de monde et nous dûmes repartir, nous étions de trop! Mr François, eut la riche idée de demander asile, pour nous deux, à une de ses connaissances qui tenait, à proximité, une bonne boulangerie. Nous fûmes hébergés au 2ème sous-sol de la boutique et passâmes une nuit parfaitement tranquille couchés par terre sur des matelas. Le matin réveillés avec un bon café au lait et des croissants (choses rares à l’époque) notre joie céda vite la place à une grande tristesse et à une terrible angoisse, une bombe était tombée sur l’abri que nous convoitions la veille et les 77 occupants avaient tous été tués. Inch Allah!! Ce jour-là tous les dirigeants décidèrent de se regrouper dans un immeuble de la haute ville et notre Chef de Section de la Voie et des Bâtiments, Monsieur Pieffort; qui était déjà mon ami, (et qui après une brillante carrière est devenu Directeur Général Adjoint de la S.N.C.F.), installa, pour la communauté, un bon abri avec force traverses… qu’aucune bombe, heureusement, ne mit à l’épreuve. Ce fut notre demeure jusqu’aux environs de la mi-Mai quand nous reçûmes un " oukase " des autorités allemandes nous enjoignant de quitter Boulogne avec ordre de s’installer à Etaples. C’était peu après que les premiers V1 ne nous survolent provoquant la même surprise chez les Français et les Allemands. Ces derniers ne tardèrent pas à être informés et se réjouissaient de voir passer isolément d’abord, puis par grappes, ces " cigares pour Churchill ". Tous les dirigeants, à l’exception du Chef de Dépôt, durent quitter la ville. En ce qui concerne l’exploitation je dus me transporter avec mon collègue du Trafic, Mr Rembry, le Chef de Gare Mr François son adjoint Mr Focheux et nos collaborateurs immédiats: secrétaires, répartiteurs et contrôleur. L’installation provisoire s’effectua dans la gare d’Etaples, gérée par Mr Delobel, le Chef d’établissement. Table IV - Les missions actives Les dangers de toutes sortes, ainsi que les problèmes qui nous assaillaient: ravitaillement, situations familiales perturbées, exigences de l’Occupant, entraînaient un rapprochement entre tous les dirigeants et aussi tous nos collaborateurs. Pour maintenir le moral il fallait s’entraider, une grande solidarité et une grande complicité dans la lutte contre l’Occupant. C’est dans cet état d’esprit que mon Chef de Gare d’Etaples, Mr Delobel, me présenta, en grand secret, aux responsables locaux de la Résistance: - Mr Landas, Directeur de l’usine à gaz - Mr Hennequin, Ingénieur des Ponts et Chaussées à Paris-Plage. Table 1°) Retarder la mise en service des V1 et V2 Après plusieurs rencontres, vint le jour où Mr Delobel me demanda de remplir une mission qui me parut bien extraordinaire, voici sensiblement les termes qu’il utilisa: - " Vous observant et vous connaissant bien, maintenant, je voudrais que vous remplissiez une mission que vos fonctions d’Inspecteur, Chef de Circonscription Mouvement, vous permet de remplir. Il faudrait visiter l’embranchement militaire dépendant de la gare de Rue d’où partent quotidiennement deux trains complets acheminant des wagons bâchés et des wagons de matériaux pour les installations militaires, ultra secrètes, en cours de construction dans la zone strictement interdite au Nord Est de la petite ville de Desvres (donc hors du territoire de ma circonscription). (Voir carte n° 2 ci-dessus). Au cours de la visite il faudrait déceler les points sensibles à bombarder pour ralentir l‘expédition de ces trains et faire ensuite un plan schématique situant cette zone pour la rendre parfaitement repérable par l’aviation alliée ". Il était bien dans mes attributions de visiter les gares et leurs embranchements particuliers pour contrôler la situation des wagons et rechercher les " wagons qui dorment " surtout dans la période de pénurie dans laquelle nous nous trouvions. Mais jusqu’alors jamais je n’avais pénétré dans une installation " verboten " gérée par des militaires allemands. Dès le lendemain, nanti des états réglementaires utilisés pour le contrôle du matériel roulant je me présentais avec l‘air le plus ingénu possible, et, nullement inquiété, j’entrepris un fastidieux travail de relevé des wagons présents. Pour donner le change je procédais au rapprochement des renseignements recueillis avec les états du matériel tenus par la gare. De retour à Etaples je fis de mémoire, en présence du Chef de Gare un plan sommaire des installations sensibles (mini centrale électrique, silos de stockage et de tri, transformateur, hangar) en situant leurs positions par rapport à l’orée d’un petit bois, à l’éloignement du bord le plus au Nord du lac d’où se faisait l’extraction des sables, graviers et pierres, au clocher du village, à la voie ferrée et à la gare. Je m’imaginais aviateur et je renseignais en conséquence le dessin. Quelle ne fut pas ma surprise de me voir présenter par Mr Delobel à un inconnu, petit de taille, béret basque, qui prit mon plan et avec une grande aisance l’enfila dans le cadre de son vélo après en avoir retiré la selle. L’inconnu m’informa que le plan serait dans 48 heures à Londres et que le bombardement aurait lieu avant quatre ou cinq jours. Il était très sérieux, très simple, mais malgré son assurance je ne pouvais m’empêcher d’une certaine incrédulité. Incrédulité qui ne dura pas longtemps car quatre jours après mon Chef de Gare de Rue, affolé m’annonça, par téléphone, qu’il y avait eu un bombardement dans l’embranchement militaire. En ce qui concernait la gare, il n’y avait ni mort, ni blessé ce qui me soulagea mais toutes les vitres de la gare avaient été brisées ce qui était un moindre mal. Le trafic des trains ne reprit de façon très réduite que quelques jours plus tard mais d’autres actions de la Résistance locale le perturbèrent à nouveau j’en ferais état dans le paragraphe 3 ci-après relatant les actions conjointes avec la Résistance locale qui avaient toutes pour but de ralentir, puis finalement d’interdire l’acheminement aux installations hautement stratégiques. Sur ces entrefaites je dus prendre 4 jours de congé pour transférer ma femme et mon fils de Paris, où nous habitions, dans la Creuse où demeuraient, à Cressat, mes parents, la soeur de ma femme son mari et leur fils: les Lagrange, Directeurs de l’école communale qui nous avaient rendu déjà tant de services. D’ailleurs c’est chez eux que mon fils était né en Mars 1940 lorsque ma femme avait dû se réfugier pour fuir les problèmes de la capitale. Ce voyage fut difficile, il nous fallait prendre qu’un léger bagage car les transports ferroviaires commençaient à être fortement perturbés du fait des sabotages et des bombardements. Notre voyage, via La Souterraine fut relativement serein jusqu’à Busseau-sur-Creuse où nous dûmes emprunter à pied le viaduc, saboté par la Résistance, en poussant les bagages sur un lorry puis poursuivre en draisine poursuivre notre parcours jusqu’à la gare de Cressat. Ma femme était enceinte et nous étions bien chargés encore que nous ayons laissé la layette à Paris. Il était prévu que je l’emmènerai en Juillet, le planning des congés de l’Arrondissement en avait tenu compte. Ce voyage m’ôtait un grand souci, ma femme n’était plus isolée et se trouvait en famille au moment où les événements, c’était prévisible, allaient se précipiter. Table 2°) Missions de reconnaissance d’objectifs militaires De retour à Etaples la vie devenait de plus en plus difficile, les bombardements devenaient plus fréquents et plus meurtriers. Je me réjouissais de savoir ma petite famille, dans la Creuse loin de tous les dangers et des terribles événements qui allaient survenir. Nous attendions, nous souhaitions le débarquement allié, mais nous savions bien les souffrances et les deuils qu’il nous faudrait endurer. Tout le harcèlement acharné que nous subissions nous faisait présager un débarquement sur nos côtes du boulonnais et nous ne savions pas que c’était un leurre destiné à tromper l’ennemi. Une nouvelle mission m’était demandée: il me fallait repérer avec précision la position d’une batterie antiaérienne allemande qui se trouvait sur la colline au Nord Est de la gare d’Etaples et qui rendait difficile l’action de l’aviation alliée. J’allais donc, pour la première fois, opérer hors des emprises de la S.N.C.F. Muni d’une canne, transformé en promeneur du Dimanche, mais tout de même nanti de tous mes " Ausweiss ", donc parfaitement en règle, je me mis à arpenter un domaine qui m’était totalement inconnu. La journée était bien ensoleillée et le paysage très agréable. Je ne fus arrêté par une sentinelle allemande qu’aux environs du sommet. Après avoir satisfait sans problème, à la fouille systématique que nous subissions très fréquemment soit en ville, soit au cours de nos déplacements à pied, en moto ou en vélo je me consacrais au paysage et j’admirais la vue sur la Canche qui coulait à mes pieds et, en fait, je recherchais les repères possibles. Les objectifs, vus du ciel, ne pouvaient être dans cette zone que: - les installations ferroviaires, la gare, ses dépendances, son viaduc sur la ligne Paris-Boulogne-Calais, son embranchement vers Arras, le pont ferroviaire, à une voie, construit sur pilotis de bois pour être utilisé en cas de destruction du viaduc - le pont routier reliant Etaples à Paris-Plage. En page suivante la carte n° 3 de cet ensemble. Le raccordement ferroviaire créé par l’Occupant était bien la preuve de sa crainte de voir les voies d’accès aux installations stratégiques et aux ports de Boulogne, Calais, et Dunkerque interrompues pour les convois en provenance de l’Ouest et du Sud. Comme la fois précédente je remis mon plan au même cycliste, toujours aussi discret. Mais je compris que mon schéma était parvenu à destination le jour où je faillis être victime du bombardement qui acheva le viaduc ferré. Je fus légèrement blessé par un éclat de bombe alors que je regagnais en courant l’abri, que je savais très sûr, qui se trouvait en face de la gare. J’eus le temps d’admirer, tout en détalant à toute vitesse le calme olympien de mon Chef de Gare, Mr Delobel qui, sur le pas de sa porte, me faisait signe de le rejoindre. Il savait, m’a-t-il dit ce jour-là que jamais sa gare serait bombardée, et il en a bien été ainsi. Ce jour est d’autant plus présent à mon esprit, c’était le 4 Août 1944, veille de mon départ en vacances (si l’on peut dire!) que j’avais obtenu de haute lutte, et pour des raisons familiales impératives, de mon Chef d’Arrondissement. Après un voyage en bicyclette de plus de 1000 kilomètres à travers la France en pleine guerre de mouvement où je rencontrais, en Creuse les F.T.P. (Francs-Tireurs Partisans) ; les Allemands en déroute, notamment à Sully-sur-Loire où le pont route ayant sauté, je dus traverser la Loire sur une barque, les Américains près de Malsherbes, j’assistais pratiquement à la Libération de Paris puisque je participais à l’établissement de barricades pour piéger les chars allemands puis me présentais à Mr Degardin le Chef du Service de l’Exploitation au Dépôt de la Chapelle avant de reprendre la route toujours en bicyclette au milieu des convois d’unités allemandes plus ou moins en pagaille sous l’effet des mitraillages par les avions alliés. Après un arrêt de quelques minutes à Amiens pour rendre compte, comme me l’avait prescrit mon Chef de Service, de mon voyage au Chef d’Arrondissement. J’en profitais pour téléphoner, toujours par le réseau S.N.C.F. qui a toujours tenu le coup, malgré les événements, à mon Chef d’Arrondissement à St Omer et lui annoncer mon retour le lendemain 26 Août. J’étais un peu en retard mais il avait appris par Paris et Amiens dans quelles conditions j’avais effectué ce voyage de retour. Pour ma part j’étais fatigué, mais heureux car ma famille était en sûreté dans sa famille, et en Creuse, et j’étais revenu dans ma Circonscription pour participer à sa libération, et à l’arrivée des libérateurs, une formidable armée canadienne. Table 3°) Les actions de la Résistance locale Les événements se précipitaient et la Résistance locale faisait des merveilles: - le pont sur une petite rivière à Quend Fort Mahon sautait en pleine nuit avec les deux sentinelles qui en assuraient la garde pour que la circulation ferroviaire soit maintenue. Les deux résistants étaient parvenus en barque - le pont de bois du raccordement ferroviaire d’Etaples s’effondrait par une nuit d’orage au passage d’un train de marchandises: le mécanicien et le chauffeur tous deux Allemands, étaient écrasés. La circulation s’est bien sûr trouvée interrompue, mais les services ferroviaires allemands entreprirent rapidement de retirer la locomotive et son tender pour constater qu’il s’agissait bien d’un sabotage et non d’une malfaçon. (Croquis ci-après). Etaples - Août 1944 S.N.C.F. - Montreuil - Août 1944
V Rétablissement de la situation A partir de ce moment ma Circonscription était complètement isolée du reste du réseau ferré. La carte 4, page suivante, reprend la liste des interceptions: Mais ce bilan des interceptions traduit mal les difficultés qui nous attendaient pour reprendre un service acceptable. Outre les ouvrages d’art à reconstruire, les matériels moteurs à remettre en état, il fallait reconstruire les bâtiments des gares détruites, notamment celle de Boulogne, rétablir les installations de sécurité et de signalisation, les postes d’aiguillage. De plus il fallait faire vite car les alliés désiraient utiliser au plus tôt les installations du port de Boulogne pour le transport des blessés et pour l’approvisionnement des armées. Le P.L.U.T.O. (Pipeline Under The Ocean) était déjà en vue pour ravitailler en essence… Et pour cela il faut féliciter les Services Voie et Bâtiment et Matériel et Traction qui durent faire des prodiges pour que se poursuive dans de bonnes conditions la lutte contre l’Occupant. S.N.C.F. - 1944 Circonscription Mouvement de Boulogne-sur-Mer
VI Conclusion En espérant que notre activité ait pu contribuer, au moins pour une modeste part, au succès des forces alliées il me revient en mémoire les termes d’une conférence tenue par notre Chef de Service de l’Exploitation en 1942: - " Je suis convaincu, dans les semaines qui viennent que le zéle que vous déploierez et votre travail feront de vous, bientôt, de bons chefs aptes à leur mission, convaincus de son importance et dévoués aux chemins de fer et au pays qui, l’un et l’autre, requièrent l’application et le service de tous." Je souhaite qu’il en ait été ainsi. Table
Notes et Documents
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