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Maurice PELLISSIER

056

D'une Guerre à l'autre

GUERRE 1939 - 1945

Témoignage

NICE -JUIN 1988

Analyse du témoignage

Libérer Bourges

Résistance

Ecriture : 1985 - 40 pages

POSTFACE de Michel EL BAZE

Après avoir participé en Belgique à la première grande bataille de chars de la guerre, Maurice Pellissier embarque le 29 Mai 1940 à Dunkerque pour Folkestone et de là, réembarque à Southampton pour... Cherbourg où il retrouve la France en pleine débâcle. La Guerre est finie ! Commence la Résistance avec le Groupement Servois des F.F du Cher-Est qui sévit autour de Bourges jusqu'à la Libération du Pays. Quand au style de ce témoignage, le lecteur en jugera selon sa sensibilité politique. Reste un récit peut-être dur mais d'une ardente sincérité, sans doute importante pour l'Historien.

INTRODUCTION DU TEMOIN

Bouleversé, oui je suis bouleversé à la lecture des carnets de guerre 14-18, que mon frère vient de me faire découvrir et que mon père a rédigé en Suisse, revenant d'être prisonnier. Pantelant d'émotion et d'admiration, j'ai lu avec passion ces pages simples et d'un style direct, sans emphase. Officier de carrière, capitaine d'infanterie sorti de St Cyr, mon père fut mobilisé dès les premiers jours de 1914, et aussi loin que remonte ma mémoire, il semble bien me souvenir de ce jour marquant, où à quatre ans, je me suis trouvé sur la bonne jument Léda, assis devant mon père me faisant faire le tour de la place St Césaire en Arles, au moment où il s'apprêtait à partir. Et je riais, et je battais des mains, insouciant, ne sachant pas que ce jour fatidique allait débuter une guerre horrible, guerre qui fut appelée "Grande Guerre". Que de souffrances et quelle hécatombe dès le début de ces combats où nos soldats inadaptés, en bleu horizon, encombrés de lourds paquetages, furent fauchés par cette arme terrible qui faisait son apparition, sur les champs de bataille… la mitrailleuse, répandant une nappe de balles sur nos hommes et tuant nos officiers, stupidement habillés d'habits voyants et du fameux pantalon rouge si visible dans les plaines. Si mon père se souvenait avec tant de force de cette fameuse journée du 20 Août 1914 où il fut douloureusement blessé devant Dieuze puis prisonnier par la suite avec son ambulance, moi-même je garde en mémoire la date terrible du 10 mai, non ce n'est pas ce que vous croyez ! Ce n'est pas le jour où un fantoche socialiste a accédé à la présidence de la France pour la mettre plus bas que terre. Non il s'agit du 10 Mai 1940, date de l'invasion de la Belgique par les Allemands, et le commencement d'une terrible aventure pour moi. Mais je reviendrai plus tard là-dessus. Comme l'écrivait mon père, il pensait très souvent à sa femme Odette, notre mère, dans ses épouvantables heures et aussi à ses trois fils. Trois fils dont, s'il nous voit de La Haut, il peut être très fier. Des fils qui ont formé une grande famille au service de la Patrie. Nous étions trois garçons dont les deux premiers se suivaient de près, faisant pratiquement des études parallèles. Le premier Georges eut une adolescence remarquablement marquée par une préparation intensive à l'entrée de l'Ecole de St Cyr où il réussira sans difficulté. Sorti officier, et après une très bonne carrière militaire, ponctuée par la guerre du Rif où il participa, il fut officier de renseignement clandestin pendant la Résistance, ce qui lui valut d'être arrêté et déporté de 1943 à 1945 terminant sa carrière militaire comme général. Mais je pense qu'il mettra également sur papier les faits marquants de sa vie militaire et ses souffrances de déporté. Le second fils Robert, était tout aussi brillant que l'aîné. Surdoué avec une mémoire prodigieuse, il apprenait facilement tout et se présentant au concours de l'Institut National Agronomique, il y est reçu d'emblée, sort comme Ingénieur Agronome et voulant se spécialiser, il effectue pendant deux ans un séjour à l'Ecole des Eaux et Forêts de Nancy. Il fit une carrière presque complète à Grenoble, pays de montagnes, de forêts et de lacs. Si je parle, hélas, de lui au passé, c'est parce que, conservateur-adjoint des Eaux et Forêts, un stupide accident de voiture devait le ravir à l'affection des siens. Ce "Monsieur" était un sportif accompli, passionné de montagne, tennisman, skieur émérite. En pleine forme, il a fallu une tragédie idiote pour qu'il disparaisse après une carrière formidable marquée, elle aussi, par la guerre pendant laquelle il était commandant de réserve. Et le troisième c'était moi, Maurice, nettement plus jeune que mes frères, j'étais le petit dernier qui aurait dû être, selon mon père une "fille", mais j'étais bel et bien un garçon normalement constitué, et je vais maintenant m'attacher à vous raconter, sans prétention, les différents épisodes de ma vie que je découperai en plusieurs tranches, celles qui m'ont marquées . N'étant pas du genre "flon-flon", ni "moi-je" comme on en a beaucoup vu sur le petit écran, j'ai longtemps attendu avant d'écrire quelques lignes sur ma vie et surtout sur "ma guerre". Puis j'ai assisté à une scandaleuse émission de T.V., cet été sur la Libération, émission qui m'a complètement écoeuré… ... Les F.T.P. ont délivré la France à eux tout seuls, ils ont tout fait !! . Et les autres !. Il fallait que la vérité soit rétablie pour l'édification de nos enfants et pour la gloire de notre Patrie, car ces vantards ont vite oublié le pacte Germano-Soviétique du début, ni qu'ils ont pris le train en marche quand Staline a retourné sa veste. Aussi me suis-je décidé à écrire, la lecture des récits de combats de mon père m'ayant d'autant plus poussé. Dans l'état de déliquescence actuel de la France, et devant la perte des valeurs morales de ce pays, il fallait que je me conforte avec ces quelques lignes sur la défense réelle de la Patrie face à l'Occupant au cours de ce qu'on a appelé par la suite "la Seconde Guerre Mondiale". Le récit qui va suivre ne sera pas complet car "ma machine à remonter le temps ", ma mémoire, est quelque peu défaillante plus de quarante ans après ces événements. Cependant quelques faits m'ont terriblement marqué et je pense les reconstituer. Je dédie ces pages sincères à la mémoire et en hommage à mon père, et à mon frère Robert.

SOMMAIRE

**

INTRODUCTION

ENTREE DANS LA VIE MILITAIRE

- Ma guerre ou 45 jours de guerre ouverte contre les nazis

10 Mai 1940 7

- 13 Mai 1940 - MERDORE 9

- DUNKERQUE 28 Mai 1940 3

- Période transitoire 18

- Ma Résistance 20

- La fin de ma vie militaire 27

- Epilogue 28

LA MEMOIRE

La mémoire : seul bagage incessible

Jacques ATTALI

INTRODUCTION

Bouleversé, oui je suis bouleversé à la lecture des carnets de guerre 14-18, que mon frère vient de me faire découvrir et que mon père a rédigé en Suisse, revenant d'être prisonnier. Pantelant d'émotion et d'admiration, j'ai lu avec passion ces pages simples et d'un style direct, sans emphase. Officier de carrière, capitaine d'infanterie sorti de St Cyr, mon père fut mobilisé dès les premiers jours de 1914, et aussi loin que remonte ma mémoire, il semble bien me souvenir de ce jour marquant, où à quatre ans, je me suis trouvé sur la bonne jument Léda, assis devant mon père me faisant faire le tour de la place St Césaire en Arles, au moment où il s'apprêtait à partir. Et je riais, et je battais des mains, insouciant, ne sachant pas que ce jour fatidique allait débuter une guerre horrible, guerre qui fut appelée "Grande Guerre". Que de souffrances et quelle hécatombe dès le début de ces combats où nos soldats inadaptés, en bleu horizon, encombrés de lourds paquetages, furent fauchés par cette arme terrible qui faisait son apparition, sur les champs de bataille… la mitrailleuse, répandant une nappe de balles sur nos hommes et tuant nos officiers, stupidement habillés d'habits voyants et du fameux pantalon rouge si visible dans les plaines. Si mon père se souvenait avec tant de force de cette fameuse journée du 20 Août 1914 où il fut douloureusement blessé devant Dieuze puis prisonnier par la suite avec son ambulance, moi-même je garde en mémoire la date terrible du 10 mai, non ce n'est pas ce que vous croyez ! Ce n'est pas le jour où un fantoche socialiste a accédé à la présidence de la France pour la mettre plus bas que terre. Non il s'agit du 10 Mai 1940, date de l'invasion de la Belgique par les Allemands, et le commencement d'une terrible aventure pour moi. Mais je reviendrai plus tard là-dessus. Comme l'écrivait mon père, il pensait très souvent à sa femme Odette, notre mère, dans ses épouvantables heures et aussi à ses trois fils. Trois fils dont, s'il nous voit de La Haut, il peut être très fier. Des fils qui ont formé une grande famille au service de la Patrie. Nous étions trois garçons dont les deux premiers se suivaient de près, faisant pratiquement des études parallèles. Le premier Georges eut une adolescence remarquablement marquée par une préparation intensive à l'entrée de l'Ecole de St Cyr où il réussira sans difficulté. Sorti officier, et après une très bonne carrière militaire, ponctuée par la guerre du Rif où il participa, il fut officier de renseignement clandestin pendant la Résistance, ce qui lui valut d'être arrêté et déporté de 1943 à 1945 terminant sa carrière militaire comme général. Mais je pense qu'il mettra également sur papier les faits marquants de sa vie militaire et ses souffrances de déporté. Le second fils Robert, était tout aussi brillant que l'aîné. Surdoué avec une mémoire prodigieuse, il apprenait facilement tout et se présentant au concours de l'Institut National Agronomique , il y est reçu d'emblée, sort comme Ingénieur Agronome et voulant se spécialiser, il effectue pendant deux ans un séjour à l'Ecole des Eaux et Forêts de Nancy. Il fit une carrière presque complète à Grenoble, pays de montagnes, de forêts et de lacs. Si je parle, hélas, de lui au passé, c'est parce que, conservateur-adjoint des Eaux et Forêts, un stupide accident de voiture devait le ravir à l'affection des siens. Ce "Monsieur" était un sportif accompli, passionné de montagne, tennisman, skieur émérite. En pleine forme, il a fallu une tragédie idiote pour qu'il disparaisse après une carrière formidable marquée, elle aussi, par la guerre pendant laquelle il était commandant de réserve. Et le troisième c'était moi, Maurice, nettement plus jeune que mes frères, j'étais le petit dernier qui aurait dû être, selon mon père une "fille", mais j'étais bel et bien un garçon normalement constitué, et je vais maintenant m'attacher à vous raconter, sans prétention, les différents épisodes de ma vie que je découperai en plusieurs tranches, celles qui m'ont marquées . N'étant pas du genre "flon-flon", ni "moi-je" comme on en a beaucoup vu sur le petit écran, j'ai longtemps attendu avant d'écrire quelques lignes sur ma vie et surtout sur "ma guerre". Puis j'ai assisté à une scandaleuse émission de T.V., cet été sur la Libération, émission qui m'a complètement écoeuré… ... Les F.T.P. ont délivré la France à eux tout seuls, ils ont tout fait !! . Et les autres !. Il fallait que la vérité soit rétablie pour l'édification de nos enfants et pour la gloire de notre Patrie, car ces vantards ont vite oublié le pacte Germano-Soviétique du début, ni qu'ils ont pris le train en marche quand Staline a retourné sa veste. Aussi me suis-je décidé à écrire, la lecture des récits de combats de mon père m'ayant d'autant plus poussé. Dans l'état de déliquescence actuel de la France, et devant la perte des valeurs morales de ce pays, il fallait que je me conforte avec ces quelques lignes sur la défense réelle de la Patrie face à l'Occupant au cours de ce qu'on a appelé par la suite "la Seconde Guerre Mondiale". Le récit qui va suivre ne sera pas complet car "ma machine à remonter le temps", ma mémoire, est quelque peu défaillante plus de quarante ans après ces évènements. Cependant quelques faits m'ont terriblement marqué et je pense les reconstituer. Je dédie ces pages sincères à la mémoire et en hommage à mon père, et à mon frère Robert, ces pages que j'intitulerai :

"D'UNE GUERRE A L'AUTRE"

ENTRÉE DANS LA VIE MILITAIRE

Mes études furent beaucoup moins brillantes que celles de mes frères. De retour de guerre, l'Occupation en Allemagne commençait et mon père fut envoyé dans un régiment occupant la Rhénanie à Essen. L'époque était difficile, on sortait d'un cauchemar et n'ayant pas encore terminé mon secondaire, je fus installé dans une institution religieuse les "Lazaristes" à Lyon où j'étais demi-pensionnaire, ayant la chance d'être hébergé et suivi par une grand-mère, et ma tante et marraine à la Demi Lune, banlieue lyonnaise. C'est ainsi que dans cet établissement aux principes religieux très stricts, je fis ma Troisième, ma Seconde et ma Première pour arriver jusqu'au Bac. Il faut dire que mon esprit n'était pas tellement porté vers les études, subissant ainsi le contrecoup de la période agitée de la guerre. Cependant, encouragé par les "Lazzos", je parvins à réussir mon Bac et je me trouvais ainsi en fin de période secondaire. Pendant ce temps-là mon père quittait la Ruhr et était affecté comme Chef de Bataillon dans un régiment d'infanterie à Besançon. Me voici donc à Besançon avec mes parents, mes frères faisant leur carrière de leur côté. Mais nous étions en 1929-1930, en pleine période de réorganisation, la vie était dure et les débouchés difficiles. Assez insouciant (et inconscient) je courais les bals, et sauteries et ne savais toujours pas ce que j'allais faire. Mon père me prend un jour à part et me met en face de la situation car il fallait se décider à faire un métier. C'est alors qu'il me dit : - Ecoute ! Engage-toi dans l'armée, c'est de famille, et après tout… adjudant ce n'est pas si mal que ça ! Aujourd'hui après mes aventures, j'ai toujours cette phrase en mémoire ! J'ai donc préparé mon B.P.M.E. pour pouvoir m'engager par devancement d'appel le 20 Avril 1931 à un bureau de recrutement de Besançon. Le 26 Avril 1931 j'étais envoyé au 5ème Bataillon de Dragons Portés (5ème B.D.P.) à Lyon où je débarquais un beau jour au fort Lamotte. Le 5ème B.D.P. était commandé par le Cel de St Lanmer, assez sympathique ; sachant que j'étais fils d'officier, il m'inscrivit aussitôt au peloton d'Elèves-Brigadiers. Après des classes très pénibles sous la coupe d'un "margi chef" nommé chef Avalée, très sévère et intransigeant, je prenais le premier contact avec des engins chenillés Citroën, type croisière jaune, et très vite passionné par ces mécaniques, j'ai passé mon permis de conduire militaire pour être totalement au service de ces véhicules. J'étais nommé brigadier le 18 Octobre 1931 et comme j'étais dans les premiers, presque immédiatement brigadier-chef le 20 Octobre 1931. J'étais donc sur le bon chemin pour être… adjudant ! Mais muni de mon Bac je pouvais mieux faire et j'appris qu'il existait une solution pour "grimper" plus dans l'armée. Les sous-officiers pouvaient accéder à une Ecole pour devenir officier, Ecole où l'on préparait les "E.O.A.", soit à Saumur pour la cavalerie, dont je faisais partie, soit à St Maixent pour l'infanterie. C'est au 5ème B.D.P. que je devais connaître, deux officiers remarquables ; le lieutenant De Bandreuil, un as de la moto vainqueur de nombreux concours tous terrains en moto avec side-car, véhicule que j'appris à conduire. Puis le lieutenant Sainte Marie Perrin, un cavalier formidable, racé et spécialiste des cross et courses de haie, à cheval. Je devais le retrouver et en parlerai par la suite. J'étais donc adjudant-chef et j'ai commencé à mener une carrière parallèle avec un camarade appelé Desrippes et qui, nommé aussi brigadier-chef, allait préparer le concours d'entrée aux E.O.A. de Saumur. Dès cet instant, dès cette date du 20 Octobre 1931, je ressortais mes bouquins mes cahiers, mes notes du Bac pour potasser ce fameux concours d'entrée à Saumur. Mais pour le faire il fallait être sous-officier et nous n'étions, mon camarade et moi que brigadiers-chefs, et c'est, piaffant d'impatience que nous attendions notre galon de sous-officier de carrière. Nous espérions que cela n'allait pas tarder, lorsque tout à coup nous apprenons que le Ministre Daladier venait de stopper subitement l'avancement et la nomination des sous-officiers. Stupéfaits, mon camarade Desrippes et moi, avons été terriblement déçus. Trois ans, oui trois ans nous sommes restés de 1931 à 1934, sur le carreau, continuant à préparer Saumur sans pouvoir se présenter. Pendant cette période d'attente, je continuais à m'initier à tous les secrets de la vie militaire, et à toutes ses servitudes. Nous partions assez souvent, soit sur nos autochenilles, soit en camions pour des manoeuvres, ou des tirs. Et je me souviens des instants pénibles où, tout le long de notre trajet, les gens nous montraient le poing, nous insultaient en criant : "A bas l'armée !", nous crachaient dessus. C'était déjà la montée du Front Populaire, qui devait nous amener aux événements de 1936, et peu d'années après, vers une guerre abominable où l'armée, si mal considérée, devait partir en lambeaux en 1940. Ivre de fureur je ne pouvais répliquer qu'en leur faisant un "bras d'honneur" Et depuis ce temps-là, je suis devenu ce que l'on appelle aujourd'hui : "un anticommuniste primaire !" Mais on n'arrête pas le destin, et vint un beau jour où, Daladier ayant signé un nouveau décret, j'étais nommé Maréchal des Logis de carrière le 5 Septembre 1936. Tout heureux, Desrippes et moi, nous avons postulé pour le concours de Saumur. Nous partons tous les deux à Evreux, en stage de préparation à l'Ecole, où pendant quelques mois, dans la même chambre, nous "bûchons" tous les jours, souvent jusqu'à 1 h du matin. Nous avions un instructeur très dur, très sévère qui s'appelait le capitaine Lambert ; nous le subissions avec résignation, mais l'on peut bien dire que c'est grâce à lui que nous avons réussi le concours. Admissible à l'écrit, reçu à l'oral c'est avec une joie indicible que je suis admis à Saumur en qualité d'élève-officier de cavalerie par Journal Officiel du 7 Septembre 1937. Il faut dire que j'étais d'autant plus heureux, qu'au cours de mes sorties dansantes de sous-officier célibataire, j'ai connu une jeune fille, charmante d'origine Ardéchoise, qui travaillait comme secrétaire à Lyon et qui devint mon épouse. Très vite naissait un fils Jacques et cette nouvelle responsabilité m'aiguillonnait d'autant plus pour le cours de mes études. Je quitte donc le 5ème B.D.P. et suis pris en compte comme E.O.A. à l'Ecole de cavalerie de Saumur où je suis Aspirant. Je fais l'apprentissage véritable du métier d'officier de cavalerie et aussi de l'arme blindée. De nombreux cours, de nombreuses fatigues jalonnent cette période, où je suis mis "en selle" par un écuyer formidable, mais sévère, le lieutenant Margot qui devait par la suite être le "grand dieu" du Cadre Noir, un cavalier remarquable à qui je dois pas mal de succès dans les concours hippiques que j'ai fait par la suite. Sorti comme sous-lieutenant dans un rang moyen, le 15 Septembre 1938, je demande à être affecté au 18ème Dragons à Reims où j'arrive avec ma femme et mon fils le 7 Avril 1939. 2ème classe, brigadier, brigadier-chef, Maréchal des Logis, Saumur, Aspirant et sous-lieutenant. J'étais content de moi ! ! J'avais perdu Desrippes de vue et je commençais mon métier d'officier dans un régiment d'élite et une ville, capitale du champagne, très agréable. Mais hélas, cela ne devait pas durer longtemps. Le bruit des bottes hitlériennes, retentissait dans toute l'Europe, le "fou" Allemand vociférait devant des foules extasiées par le nazisme. Pendant ce temps la France, profondément déprimée par les menées antimilitaristes de la Gauche, se posait maladroitement des questions. Hitler de plus en plus menaçant, prend les Sudètes, envahit la Tchécoslovaquie et la Pologne avec son armée, sa Wehrmacht déjà bien équipée. Je passe rapidement sur tout ceci jusqu'au jour où l'Angleterre puis la France, déclarent la guerre contre l'Allemagne. On est en Septembre 1939. Dès lors je ne me faisais pas d'illusions, nous irions rapidement au "casse-pipe" et j'étais terriblement inquiet pour ma femme et mon fils. Il fallait que la France se renforce: son armement était terriblement en retard, nous avions surtout peu d'aviation et peu de chars, et nous allions avoir en face une puissance super-armée, riche en avions de tous modèles avec des Panzers dangereux et puissants. Le Commandement Français décide donc de renforcer son armée en construisant des chars à outrance et en formant des unités dites "Divisions Légères Mécaniques" (D.L.M.) qui seront le fer de lance des armées lancées au-devant des troupes nazies. Fort de mes connaissances mécaniques et de mon savoir en ce qui concerne les véhicules blindés à chenilles, je suis affecté au C.O.M.C. à Fontevrault, près de Saumur, le 24 Avril 1939. Là je devrai former tous les éléments susceptibles de servir dans des unités de chars, très rude tâche à laquelle je m'applique avec résolution. Nous avions reçu des blindés flambant neufs, et en particulier un char lourd, dont je dois parler car ce fut sa carapace qui m'a sauvé la vie plus tard. C'était un SOMUA, fabriqué dans les ateliers de Rueil, avec un gros blindage, un moteur super-puissant et chenillé d'une façon remarquable. Facile à conduire, avec un simple volant, c'était un monstre orgueilleux, armé d'un canon de 37 m/m et d'une mitrailleuse rapide. Trois hommes d'équipage, un gradé, chef de char dans la tourelle, un brigadier-radio et un conducteur. Il marchait allègrement sur les routes à près de 50 Kms heure. Il avait une belle tourelle et une porte sur le côté gauche. C'est ainsi que je formais les premiers éléments de ce qui devait devenir la 3ème D.L.M. Nous étions dans la période de ce qu'on appelait "la drôle de guerre". Les adversaires s'observaient, et pendant que nous nous équipions avec rage, il n'y avait que quelques patrouilles qui s'accrochaient dans l'Est de la France et nous occupions et renforcions la ligne Maginot qui, hélas, devait faire piètre figure devant les Allemands. Mon métier d'instructeur terminé, je suis cette fois affecté au 2ème régiment de cuirassiers le 1er Janvier 1940. Voilà la 3ème D.L.M. formée, et nous étions encadrés par la 1ère et la 2ème D.L.M. : divisions légères formées de Somua et de chars plus légers Hotchkiss, qui devaient constituer la base même de l'armée du Général Blanchard. Cette 1ère armée Blanchard devait par la suite jouer un rôle très important dans cette courte guerre. En vertu d'accords que la France avait passés avec les Alliés et la Belgique nous devions être prêts à voler au secours de cette Belgique, si les Allemands violaient (une nouvelle fois) sa neutralité. C'étaient nos D.L.M. qui auraient l' "honneur" de se porter au secours de ce peuple, dont nous espérions qu'il saurait aussi défendre, par les armes, leur propre honneur. Hélas ! Nous avions mis nos meubles dans un garde-meuble à Reims et ma femme et mon fils étaient partis attendre à la campagne en Ardèche, la suite des événements. Quant à moi, j'avais pris le commandement d'un peloton de chars Somua et le régiment était regroupé dans une ville du Nord, à proximité de la frontière belge, un charmant village appelé Candry. Et ce 2ème Cuirassiers, était sous les ordres d'un colonel remarquable, devenu général par la suite, qui se nommait Du Vigier et que je n'oublierai jamais.

MA GUERRE

Ou 45 Jours de guerre ouverte

contre les Nazis

Nous étions donc comme on dit "Aux Armées", répartis dans ce village de Candry. Mon escadron était commandé par le capitaine De Banfort (devenu général par la suite) un officier solide, froid et très compétent. Notre régiment était encadré par d'autres unités mécanisées; un des escadrons nous entourant était commandé par le Capitaine Sainte Marie Perrin, dont j'ai parlé et qui se démenait superbement au milieu de ses chars légers Hotchkiss. Nous entendions de fortes mauvaises nouvelles à la radio: les hordes allemandes, commençaient à submerger l'Europe et nous sentions que notre moment approchait. Nous mettions activement nos chars en état : tension des chenilles, réglage des moteurs, pleins d'essence et d'huile, provisions de munitions. J'ai lu sur les récits de guerre de mon père, qu'avant de partir pour le combat, il s'était consacré à la Vierge Marie et qu'il avait longuement prié. Curieusement, et sans le savoir, de mon côté, je m'étais mis sous la sauvegarde de la Vierge, lui promettant un voyage à Lourdes si je m'en tirais, pèlerinage que je fis par la suite, car elle m'a toujours protégé…

10 MAI 194O

Nous logions mon peloton et moi-même, dans une belle villa à Candry, entourée d'un beau jardin. Mon équipage de chars était dans les chambres voisines. Il faut dire que la notion d' "équipage" a joué un grand rôle dans nos unités. L'équipage, c'étaient trois hommes soudés, réunis par une même pensée "Bien servir son char" et au cours des journées qui suivent, nous formions un seul Corps d'autant mieux que j'avais un brigadier-chef-radio, et un conducteur épatants. Le matin du 10 Mai 1940, vers 6 h, je suis réveillé par de sourdes explosions et des ronronnements de moteurs, innombrables. Je me précipite dehors, il faisait un temps merveilleux, un soleil éclatant un ciel pur et bleu… et dans ce ciel, des nuées et des nuées d'avions, et de planeurs, des avions laissant de grandes traces blanches dans le ciel, des avions… à croix gammées ! J'ai su ce jour-là que la Belgique était à nouveau violée et que les Allemands avaient commencé une offensive d'envergure en attaquant le canal Albert et les forts environnants. Ils avaient en même temps bombardé tous les aérodromes français, belges, clouant ainsi, dès le départ, au sol, de nombreux avions. Notre aviation qui était déjà bien pauvre en appareils, subissait ainsi un coup sévère. Un motard amène une convocation de tous les officiers au Poste de Commandement du colonel, je m'habille et m'équipe en vitesse et saute dans le side-car du motard. Au P.C., le colonel nous explique le "topo" : - Les forces allemandes ayant attaqué le canal Albert, les D.L.M., en vertu des accords passés avec la Belgique, doivent se porter le plus rapidement possible au-devant des nazis et les attendre sur une ligne Wawre-Gembloux (tout à fait théorique d'ailleurs car tout est plat !), afin d'effectuer une mission retardatrice. - Si j'ai bien compris, nos blindés doivent servir de boucliers, pendant que les autres s'organisent tant bien que mal ? - Mission de sacrifice, mais encore heureux qu'on ne nous ait pas donné l'ordre de nous faire tuer sur place ! - En route, les moteurs tournent, nous sommes prêts à partir. Notre colonne s'ébranle et nous fonçons vers la frontière belge. Nous sommes poursuivis par les clameurs enthousiastes des habitants et paysans de la région. Afin d'être plus libre de mes mouvements et pour pouvoir suivre la colonne de chars, j'ai décidé de prendre une moto side-car tandis que mon brigadier-chef s'occupait de mon Somua. Nous marchons à toute allure, toujours dominés par les avions allemands qui, imperturbablement, filent vers le Nord et la mer. Nous sommes littéralement portés par une foule de Belges qui nous applaudissent et nous encouragent : - Allez-y les Français !… Vive la France ! etc. Mon side-car commence à se remplir de tablettes de chocolat, de cigarettes et bouteilles de bière. Nous avions eu cette journée épuisante du 10 Mai et nous cantonnons, très fatigués, dans un village belge, tandis que retentissent toujours les sourdes explosions des bombardements sur le canal Albert. J'allais me reposer lorsque tout à coup mon brigadier-chef accourt tout essoufflé et me dit : - Venez voir mon lieutenant ! Je vais avec lui jusqu'à la mairie et j'entre dans une salle où se trouvaient quelques paysans autour d'une table, je m'approche et je vois sur la table un cadavre de civil, couvert de sang. On me dit : - C'est un type de la 5ème Colonne qui venait d'être parachuté, nous l'avons eu à la chevrotine ! Possible - mais c'était "mon premier cadavre" - Le lendemain 11 Mai, nous nous remettons en route à l'aube et suivons les chemins de Belgique. Les civils encombrent la route avec leur "barda", mais ils sont de moins en moins nombreux, par contre nous voyons venir vers nous des tas de militaires Belges, des "chasseurs Ardennais", poussant leurs bicyclettes, hâves, fatigués qui nous disent : - On est fichus, les forts ont sauté le canal Albert est débordé ! N'importe, nous avons une mission à remplir et nous sommes le 12 Mai 1940. Ce fut notre premier contact avec l'ennemi et nos chars valeureux firent merveille, ce qui me permit d'appuyer et de dégager un peloton de mon escadron pris à parti par d'autres chars Panzers qui n'insistèrent pas. Ils devaient "tâter" leurs adversaires. Après cette alerte, nous nous reposons quelques heures et nous arrivons à l'aube en vue d'un village qui s'inscrit en lettres de feu dans ma mémoire.

13 MAI 1940 - MERDORE

Merdore est un petit village charmant, orné de petites villas fleuries comme on en voit beaucoup en Belgique, avec une grande place au milieu et une belle église avec son cimetière attenant. Toutes ces maisons forment un groupe compact et très vert, et mon capitaine De Beaufort, nous donne l'ordre de répartir nos chars, face à une grande plaine de blés coupés qui s'étend à perte de vue. J'ai réintégré mon engin et guidé mon peloton le long d'une ligne de grands arbres qui nous dissimulent très bien. Nous mettons en marche arrière pour pouvoir dégager rapidement et les tourelles sont tournées vers la plaine, prêtes à entrer en action. Bizarrement, nous n'avions pas encore subi d'attaque aérienne, probablement que les Allemands devaient être occupés à bombarder le Nord de la France. Il est 9 h et nous mangeons rapidement des sandwichs, étreints par une angoisse sourde tant il est pénible de ne pas savoir ce qui vous attend ! A ma droite se tenait un autre peloton du 2ème Cuir, qui était commandé par le sous-lieutenant De Presles, un colosse, fonceur et batailleur. Il était environ 10 h, lorsque tout à coup, nous commençons à subir une véritable trombe d'artillerie ennemie. Pendant plus de deux heures, les obus éclatent dans tous les sens, flambant les arbres, brûlant les maisons. J'étais inquiet, surtout pour mon char, car un coup au but pouvait, au moins, nous décheniller, et un char avec chenilles endommagées devient très vulnérable. Je pensais que c'était une préparation d'artillerie, présageant une attaque et notre capitaine à la radio nous avait prévenus : - Attention, soyez vigilants, on va être attaqués ! De concert avec mon équipage, je décide alors de n'employer que ma mitrailleuse au début, et de me servir de mon canon en dernier ressort, le chef de char étant servant de ces pièces. Il était à peu près midi, lorsque je vois dans la lunette de ma mitrailleuse, des colonnes compactes de "fourmis noires", dans la plaine face à nous, accompagnées de "gros scarabées sombres" ; ce sont les Panzers ennemis. - Hausse, 1500, feu ! De tous côtés éclate un immense feu d'artifice, très meurtrier. Ma bande est engagée, je tire, je tire. Au loin je vois s'écrouler des silhouettes ; mais aveuglé par la fumée, je ne pense plus à rien, je ne pense pas que je suis en train de tirer, je tire, je tire dans ce combat à mort. Des flammes, des explosions, le bruit des éclats sur mon char fait sonner sa carapace, je n'y vois plus, à demi asphyxiés par les gaz. Notre position devient vite intenable et l'ennemi, malgré ses pertes, approches rapidement… Je vois que nous allons être débordés et j'espère un ordre de repli qui, heureusement, vient du capitaine. Le radio entend : "Tous à la place du village", puis plus rien car l'antenne et l'appareil radio viennent de sauter. Moteur en marche et au moment où mon char s'ébranle, je vois sur ma droite un Somua, foncer dans la plaine en crachant le feu. Je charge mon canon et tire rapidement mes obus sur les Panzers que je voyais arriver sur notre pauvre char qui, tout à coup explose et se met à flamber. C'était mon camarade De Presle, qui n'acceptant pas l'ordre de repli et poussé par son esprit fonceur, s'est porté au-devant des boches se sacrifiant inutilement. Fallait-il faire cela ? Je ne crois pas, car il était responsable de ses hommes d'équipage qu'il amenait à la mort inutilement. Quant à moi, je me suis toujours attaché à préserver le plus possible mon équipage qui m'a suivi jusqu'au bout. Nous étions toujours en pleine bataille. Mon char avançait et bientôt nous sommes arrivés sur la place du Village ; l'Eglise et de nombreuses maisons flambaient. Je voyais d'autres chars de l'escadron qui se regroupaient et j'aperçois parmi eux le char du capitaine. Ma radio étant fichue comment prendre des ordres ? J'ouvre la porte de mon engin et je fonce vers le char du capitaine qui entr'ouvre sa porte et me dit : - On se replie. Suivez-nous ! Je repars en vitesse au milieu de flammes et de sifflements et je m'écroule dans le fond du char, à moitié évanoui ! ! Je venais de participer à ce que l'on a appelé : "LA PREMIERE GRANDE BATAILLE DE CHARS DE LA GUERRE" Cette bataille était un baptême du feu terrible pour moi mais elle me valut, aussi, une palme à ma Croix de Guerre. Plus tard j'ai lu un livre sur ce combat, et j'ai su ainsi qui se trouvait en face de moi le capitaine... "Ernst Von Jungenfeld" - commandant une unité de Panzers et qui, décrivant cette bataille disait : - Ici on ne fait grâce à personne, on est là pour tuer, on est là pour gagner ! (- Die erste Panzerschlacht !). Lire cela après coup, ça vous donne un sacré frisson ! Les combats racontés par beaucoup d'auteurs, on peut dire que je les ai vécus "en-dedans", en plein dedans ! A ce moment-là le général Billotte, commandant le 1er Groupe d'Armées, dont nous dépendions, déclarait : - Il faut s'attendre que la Belgique soit le théâtre principal de l'effort allemand, et la sagesse commande d'envisager le pire, nous devons être résolus à nous battre à fond ! C'est bien ça ! A la suite de cette bataille, le général Hoepner le chef du Corps ennemi qui nous était opposé, disait : - Le Corps de Cavalerie a pleinement rempli sa mission de couverture en Belgique. Il a continué à se battre jusqu'à l'épuisement total de ses moyens… -"Cette bataille dite de Gembloux malgré son côté défensif n'en fut pas moins une vraie bataille menée résolument de part et d'autre pour se solder en définitive par un échec pour le 16ème Corps Blindé allemand, échec reconnue par l'ennemi lui-même !" Ainsi s'exprimait le Maréchal Juin, en nous rendant hommage ! Mais revenons à la suite de ces combats, qui s'échelonnèrent du 12 au 22 Mai 1940, et qui furent très durs pour nous. Après avoir roulés (ou plutôt "chenillés") un long moment, je reviens peu à peu à moi ; la ventilation de notre blindé se fait mieux et tous les gaz accumulés sont évacués. Nous sommes en fin d'après-midi du 22 Mai et nous arrivons près d'un grand bois de sapins touffus sous lesquels nous sommes bien camouflés. Nous descendons de nos chars, et constatons les dégâts. Ils sont terribles ! Les blindages ont beaucoup souffert des armes antichars allemands, mais ils n'ont pas été percés. Mon engin a ainsi de belles blessures mais les chenilles sont intactes et le moteur tourne rond. Je vais trouver mon capitaine, et nous faisons le compte de nos pertes… De Presle, hélas ! et quelques blindés en moins, soit endommagés, soit détruits. J'apprends également la fin sublime du capitaine Sainte Marie Perrin qui commandait un escadron léger de chars Hotchkiss et dont j'ai parlé plus haut. Il était à ma gauche durant la bataille, mais il a été submergé par le gros de l'attaque des Panzers allemands. Encerclé, resté presque seul sur le terrain, il est descendu de son char, s'est accoudé à l'avant, a allumé une cigarette. Et la mort le prendra ainsi, merveilleux geste de chevalerie ! Je rejoins mon équipage et nous apprêtons à passer la nuit dans le bois. Tout à coup, nous sommes assourdis par d'énormes ronflements accompagnés de bruits de sirènes terrifiants. C'est ainsi que j'ai appris à connaître les Stukas ennemis, semant la terreur avec une énorme sirène fixée sur le train d'atterrissage. C'est vraiment impressionnant et nous nous précipitons sous nos chars pour nous protéger. Mais les Stukas attaquent le village de Hamet, proche de nous, où doivent se trouver des unités françaises. Tout explose, tout brûle et c'est dans cet enfer que nous nous enroulons dans notre toile de tente, sous notre blindé, pour essayer de se reposer. Depuis ce jour-là, les Stukas n'ont pas cessé de nous survoler et nous marchons avec d'extrêmes précautions, camouflés au maximum. Nous avons continué le long des routes - heureusement encore suivis par notre escadron de ravitaillement et nos citernes d'essence - Le colonel nous tenait au courant de la situation qui n'était pas brillante : l'armée belge s'épuisait encore à retarder l'avance allemande, nous faisions de même gardant très peu de contact avec les Panzers mais néanmoins en essaimant la plupart de nos chars sur les routes, les équipages continuant à pied. C'est ainsi que le 26 Mai, une DLM était réduite à peine à 15 chars ! Un soir nous avons atteint le village belge de Pervez où nous avons cantonné, toujours accompagnés des sourdes explosions des bombardements. Le lendemain à midi, nous étions (les officiers) rassemblés dans une grande maison bourgeoise couverte par de grands arbres verts. Notre popote était bien installée et nous mangions dans une immense salle commune. Pour une fois le repas était consistant. Nous discutions des événements avec le colonel, lorsque tout à coup, un bruit énorme et formidable nous envahit. Ce sont les Stukas qui bombardent notre village, ayant certainement repérés nos quelques chars. J'avoue que j'ai du mal à avaler maintenant car tout saute autour de nous, l'Eglise tout à coup se met à flamber et nous sommes de plus en plus inquiets, mais le colonel imperturbable mange son dessert et j'échange un coup d'oeil inquiet avec mon voisin. Et une explosion plus forte retentit, au ras de la maison, les fenêtres éclatent, et des milliers d'éclats de vitres, tombent sur la table et sur nos assiettes. Réflexion du colonel Du Vigier : - Tiens elle n'est pas tombée loin celle-là ! Servez le café ! - Chapeau mon colonel ! L'attaque étant terminée nous retournons, auprès de nos unités. On nous apprend que la situation est de plus en plus mauvaise et que Lord Gort, chef du Corps Expéditionnaire anglais, entame sa retraite en direction de Dunkerque, opération appelée : "Dynamo". L'armée belge épuisée, exangue se bat sur le front de la Lys, avec d'énormes disproportions de moyens avec l'ennemi, le moral est à zéro mais malgré tout l'armée belge tiendra 4 jours sur le front de la Lys… On est le 26 Mai. Et il y a de surcroît, une masse énorme de réfugiés coincés entre la ligne de feu et la frontière française. Nous continuons notre action retardatrice, laissant peu à peu nos chars, bientôt nous n'en aurons plus et il faudra se résoudre à se retirer à pied. Le Général Prioux vient de prendre le commandement de la 1ère armée, ou du moins ce qu'il en reste. Le capitaine m'annonce que notre mission est bientôt terminée, et que nous nous trouvons dans une immense poche, encerclés par l'armée allemande, et que nous devons nous résoudre à faire retraite en direction de Dunkerque pour essayer de se tirer de ce guêpier. Le soir du 26 Mai 1940, nous arrivons dans les faubourgs de Dunkerque. Des flammes, des flammes. Tout brûle, les vastes cuves d'essence, les maisons, les Eglises le port et c'est devant cette vision d'apocalypse que nous abordons Dunkerque, en file indienne. Nous sommes le 26 Mai et il est près de 21 h. Nous sommes épuisés de nos marches, et notre tension nerveuse, devant cette catastrophe, n'arrange pas les choses. Le capitaine nous annonce que nous allons être dirigés sur Bray-Dunes, à côté de Malo-les-Bains où l'on doit être embarqué. C'est très aléatoire, mais les Anglais, eux, ont déjà amorcé leur rembarquement. Nous repartons donc à la "queue leu leu", au milieu des incendies et des débris de toutes sortes.

DUNKERQUE 28 MAI 1940

Nous longeons donc les maisons en ruines, je passe à côté d'un Anglais qui se reposait à l'abri d'un porche, et… qui jouait tranquillement un air d'harmonica ! Le flegme classique ! Je continue à marcher dans la nuit, quand je marche sur quelque chose de mou et de blanc. Je me baisse et regarde de plus près mais horreur ! C'est la moitié d'un bras coupé au coude et je le lâche rapidement ! Enfin nous arrivons dans la nuit du 26 au 27 Mai sur la plage de Bray-Dunes où nous nous répartissons tant bien que mal à travers des monceaux de ruines, très hautes et propices pour bien se protéger. J'étais toujours avec mon équipage qui me suivait fidèlement. Vers minuit nous essayons de camper dans des trous de sable profonds, la nuit est noire dominée par toutes les flammes lointaines des incendies et les explosions incessantes des tirs d'artillerie. A quelques centaines de mètres de nous, une grande masse claire nous tire l'oeil car elle est entourée de flammes. C'est un moderne hôpital sanatorium de Bray-Dunes, dont toute une aile est en feu, bombardée par les boches malgré la Croix-Rouge dessinée sur le toit. Ce sont bien des barbares ! Car il y aura dans cet hôpital de nombreux morts et blessés. Roulés dans nos toiles de tente, nous passons une nuit épouvantable, quoique heureusement la mer, très proche, est calme et sans vagues. Le lendemain matin 28 Mai, nous sommes "réveillés" à l'aube par le fracas des explosions qui reprennent de plus belles, et par le sifflement continu des balles. Ce sont les bombardiers légers allemands et les Stukas qui nous harcèlent constamment ainsi que les Anglais qui, à proximité, poursuivent leur embarquement. Les rafales de mitrailleuses des avions allemands pointillent horriblement la plage faisant de nombreux morts et blessés. Nos hommes et moi-même, sommes planqués dans les dunes, profondément enterrés dans le sable. Le spectacle au petit jour est terrifiant. Sur une mer plate, des centaines de bateaux de toutes sortes, de tout "calibre" encerclent en avant de la plage, zigzaguant à travers des tas d'épaves, bateaux et barques coulés, bidons et objets divers… On est en pleine opération de rembarquement et je dois dire que tandis que nous attendions des ordres et que nous guettions le large pour voir "nos" bateaux, les Anglais, eux, disposés en rang d'oignons sur la plage voisine, embarquaient "tranquillement" sur des unités qui s'éloignaient rapidement vers les côtes anglaises. Tant pis pour nous. J'ai assisté à certains épisodes pendant cet embarquement, qui ne sont certainement pas en faveur du "Fair Play" anglais ! Toute cette journée terrible du 28 Mai nous avons subi les attaques en piqué des Stukas. Nous avons déploré tout le long de ce repli l'absence totale de l'aviation française, jamais une cocarde tricolore dans un ciel parsemé de croix gammées. Nous avons su par la suite que nos aviateurs se battaient courageusement dans le ciel de France avec le peu d'avions qui leur restait, et surtout après l'invraisemblable manière dont notre ministre socialiste Pierre Cot s'était occupé de notre défense aérienne. Nous avions encore quelques armes, moi mon pistolet et nos hommes avaient récupéré quelques FM en bon état ; quelques postes-radios aussi. C'est ainsi que nous apprîmes que l'armée belge avait capitulé à 4 h du matin ce 28 Mai. Cet événement fut révélé à la radio à 8 h 30 par Paul Raynaud qui était loin de ses "rodomontades". "Nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts"… Tu parles ! Le long des plages, ce ne fut qu'un cri. Le Roi des Belges, le Roi félon ! Il a trahi les Alliés etc… Mais il faut bien reconnaître qu'avec le recul du temps dans l'Histoire, le roi Léopold avec son armée avait bien résisté jusqu'aux limites de sa puissance de feu, assez minable. On était évidemment loin de la noble attitude adoptée par son père le Roi Chevalier Albert en 1914. Cette journée du 28 Mai fut interminable pour nous. Constamment survolés par l'aviation ennemie, constamment mitraillés, nous restions tapis dans nos trous, attendant le moment d'embarquer. Nous assistons à un ballet fantastique d'embarcations de tous modèles, chargeant des hommes, repassant à toute vitesse sous les coups allemands. Il fait heureusement un temps splendide… un temps de baignade. Je suis presque somnolent lorsqu'un Stuka, plus bas que les autres fonce sur nous en crachant, sa mitraille traçant un sillon sanglant parmi nous. Un sous-officier à côté de moi, fou de rage, se redresse, saisit un FM et se met à tirer follement contre l'avion qui s'en va. Stupeur ! Une grosse fumée noire sort du Stuka qui perd de l'altitude et va s'abattre en flammes au large de Dunkerque. Un hourra de joie et d'admiration parcourt nos rangs, car ce coup est vraiment exceptionnel et nous soulève le coeur de plaisir ! Le soir descend, il est près de 18 h lorsque nous voyons passer devant nous un torpilleur français, orgueilleux, magnifique, surchargé de troupes. C'est le "Sirocco", belle unité qui sera hélas torpillée, coulant avec près de 300 morts le 30 Mai 1940 ! Nous sommes toujours le 28 Mai et il est près de 20 h lorsque nous recevons enfin l'ordre de nous rassembler pour embarquer sur un cargo, quelque peu rouillé, nommé "Le Douaisien". Tous les éléments encore disponibles de notre DLM, montent sur ce cargo après avoir pataugé dans le sable mouillé, et, mon équipage et moi, sommes transférés dans la cale où dans le noir complet nous nous entassons à la lueur de quelques briquets. Il est tard dans la nuit lorsque nous entendons les machines se mettre en route et le cargo prendre le large en haletant : - Ce bateau est bourré, sans aucune défense… quelle proie pour les boches ! Epuisés par cette longue attente, nous somnolons, toujours à fond de cale lorsque soudain une violente explosion retentit vers l'avant et nous entendons aussitôt le mugissement de l'eau s'engouffrant à l'avant. Je jette un coup d'oeil sur ma montre : il est minuit et nous sommes en train de couler… C'est aussitôt l'affolement, des cris, des coups de pied dans tous les sens, on me marche dessus et le bateau prend un gîte considérable. Tout le monde se rue vers les sorties et je me trouve littéralement porté sur le pont avec mes deux compagnons. Oui le cargo a heurté une mine magnétique qui, explosant, a détruit tout l'avant, et nous coulons. J'ai beau essayé de me retenir, je me trouve précipité dans l'eau où de nombreux hommes pataugent. Quel bain de mer ! Je sais à peine nager et je bois une bonne tasse, mais j'arrive à m'accrocher à une épave, sorte de cage à poules, qui me permet de… survivre. Il y eut de nombreux morts et blessés de notre DLM et quelques noyés moins chanceux que moi. 6 heures, oui 6 heures je suis resté dans une eau calme… et délicieuse ! 6 heures, de minuit à 6 h du matin où l'aube naissante découvrait un spectacle tragique. Tandis que l'aviation ennemie continuait ses piqués meurtriers, nous vîmes passer à notre proximité un gros navire qui, lentement se dirigeait sur Dunkerque, revenant à vide d'Angleterre. C'était un mouilleur de mines français qui eut la bonne idée de se mettre en panne et de recueillir la plupart d'entre nous. Nous étions le 29 Mai à 6 h du matin. Et c'est ainsi que nous sommes arrivés une nouvelle fois, dans un Dunkerque détruit, à moitié déserté et toujours flambant de toutes ses flammes ! Maintenant c'est la recherche des rares bateaux qui restent pour repartir, et toujours avec mes hommes, je parcours désespérément les quais au milieu des détritus de tous calibres. Il faut absolument repartir pour ne pas tomber aux mains de l'ennemi. C'est ainsi que nous tombons sur une espèce de grosse barque de pêcheur, à moteur qui revient d'Angleterre. Ce type, un Boulonnais est un type formidable, et compétent. Nous embarquons et faisons ainsi le trajet Dunkerque à Folkestone dans une cale qui empestait le poisson, mais qu'importe on s'en était tiré! Nous arrivions à la fin du mois de Mai, et nous abordons l'Angleterre à Folkestone et en prenant pied sur terre, la première chose qui me frappe, c'est de voir le calme et de constater le silence qui régnait sur cette côte, nous qui sortions d'un véritable enfer ! A peine débarqués, la police militaire britannique nous prend toutes nos armes et ce n'est pas sans une certaine amertume que nos hommes lâchent leurs FM ou fusils. Moi-même je proteste et demande à garder mon arme, étant officier, demande à laquelle on accède de mauvaise grâce. Nous grimpons dans des camions et nous roulons à travers une campagne verdoyante ; je suis de nouveau frappé par le calme, il y a même des Anglais qui jouent tranquillement au tennis, sans se douter qu'ils seraient bientôt sous une cascade de feu et de fer et survolés par V1 et V2 ! Nous arrivons aux environs de Southampton, où nous transitons quelques jours dans un camp de toile. On nous sert du thé et nous mangeons des oeufs au bacon. Il y a aussi quelques hommes de la 3ème DLM, regroupés, mais j'ai perdu de vue mon capitaine, et mon colonel, peut-être sont-ils dans un autre convoi ? Nous sommes de nouveau embarqués dans des camions et conduits au port de Southampton où nous montons dans un paquebot réquisitionné… destination France! Nous étions début Juin et le temps toujours magnifique et après un voyage sans histoire, nous débarquons en rade de Cherbourg où nous retrouvons la canonnade et l'aviation ennemie. Nous allons être regroupés dans un camp au Sud de Cherbourg alors que nous apprenons que les Allemands se présentent aux faubourgs Est de la ville. En hâte, des unités disparates sont reconstituées, tous les véhicules que nous trouvons : blindés, AM Panhard, motos sont rapidement revus, rafistolés et les pleins d'essence refaits. Nous sommes maintenant un groupe important, genre groupe de reconnaissance et l'on nous affecte comme chef, un capitaine de réserve d'un certain âge, brave type mais sans connaissances militaires. L'avance allemande est proche et nous devons repartir en colonne le long des routes, direction le Sud de la France vers la Loire. Pour plus de commodité, j'avais "touché" une moto Norton qui me permettait de suivre la colonne plus facilement en serrefile, tandis que le capitaine prenait la tête. Et nous voici partis cahin-caha, pleins d'inquiétude sur notre sort futur, mais j'avais toujours conservé mes deux hommes d'équipage avec moi. Le mois de Juin était largement entamé, et nous filions toujours par les petites routes. On allait aborder un village, lorsque soudain ma moto crachotte et le moteur s'arrête. Je me planque dans le fossé, car les avions allemands traînaient toujours dans le ciel et je regarde mon moteur, grippé, bougies encrassées, c'était la catastrophe d'autant plus que le convoi avait filé et que je me retrouvais tout seul. J'allais repartir à pied vers le village, lorsque j'ai entendu de nombreux coups de feu et de canon léger. Cela dura une bonne demi-heure, puis plus rien. C'était notre convoi qui était tombé sur une forte unité allemande installée dans le village et nous nous étions faits piéger. On était en fin d'après-midi, et je me posais des questions. Que faire ? Devais-je aller vers le village et tomber sur l'ennemi au risque d'être fait prisonnier ? C'était impensable. Aussi abandonnant mon engin inutile, je décidai de filer à pied, vers le Sud, espérant récupérer une autre unité française combattante. J'ai beaucoup marché, à travers la campagne, passant par les petites routes en direction du Sud. Nous étions dans une pagaille indescriptible. D'énormes convois de réfugiés civils fuyant l'avance allemande, des charrettes, des camionnettes, des tas de véhicules où se mélaient confusément des camions militaires bourrés de troupes et plus tristement à voir, des militaires à pied, débraillés, pieds nus, avec les souliers attachés autour du cou ; une véritable armée en déroute ayant abandonné toute dignité, en même temps que ses armes ! Toutes ces colonnes pitoyables étaient survolées par l'aviation allemande qui, sans pitié, lâchait ses rafales de mitrailleuse, et nous nous précipitions à chaque fois dans les fossés. Ayant conservé mon uniforme, je continuais à marcher, cherchant de village en village à me raccrocher à une unité bien constituée. En cours de route, chaque fois que je voyais quelques hommes corrects, groupés autour d'un gradé et d'une mitrailleuse ou FM, ayant l'air de guetter l'ennemi, je m'approchais pour regarder le n° de leur régiment, sur leur col. Chaque fois c'était un régiment de cavalerie ! Les cavaliers seuls essayaient encore de résister, hélas inutilement, mais l'on peut bien dire que dans cette courte guerre, seule la cavalerie "avait sauvé l'honneur de la France". Après de courts moments de repos, j'arrivais le matin du 24 Juin 1940 à l'entrée d'un village appelé Sainte Maure de Touraine. Ayant miraculeusement échappé aux patrouilles allemandes qui ramassaient sur la route tout ce qui avait l'allure militaire, complètement épuisé, je me pose à nouveau des questions. Je suis trop fatigué pour y répondre. Je suis à proximité d'une immense ferme, une propriété agricole importante où je me présente, toujours en uniforme, presque à quatre pattes ! Je suis réconforté par la fermière et sa fille dont le mari est déjà prisonnier. Cet accueil est chaleureux au possible et je passerai cette journée du 24 Juin dans la grange attenante, enfoui dans la paille, où je dors lourdement ! Le lendemain 25 Juin je suis réveillé par la jeune fermière qui m'apporte un casse-croûte et je sens qu'elle voudrait bien que je remplace son mari prisonnier mais j'ai d'autres choses à penser qu'à la… bagatelle, et je lui demande simplement à faire un brin de toilette. Elle me conduit donc auprès d'un lavoir où je profite largement de l'eau fraîche. J'avais terminé lorsque je vois accourir vers moi les deux femmes échevelées et hurlantes… - La guerre est finie… La guerre est finie, le Maréchal Pétain vient de demander l'Armistice, on l'a entendu à la Radio ! On était le 25 Juin et j'ignorais encore qu'un certain Général De Gaulle avait déjà lancé un appel à la Résistance le 18 Juin. Mais j'étais heureux d'être délivré d'un terrible cauchemar et de pouvoir enfin circuler plus librement pour rechercher les restes de mon unité. Et je pensais maintenant qu'étant vivant et libre, je pourrais encore être utile à mon pays. J'ai donc décidé de repartir à la recherche de mon unité dont je me doutais qu'elle était descendue vers le Sud, Sud-Ouest de la France. Je laisse donc mon uniforme et la fermière me donne un vêtement civil de son mari, et me propose une bicyclette en très bon état. J'accepte avec gratitude et la remercie énormément. Pourvu d'un abondant casse-croûte, je prends donc la route. On m'avait donné une carte Michelin ,ce qui me permettait de descendre vers le Midi par des petites routes, car toutes les voies de communications étaient plus ou moins bloquées, et le flot des réfugiés et les débris de l'armée, encombraient cette partie de la France. Et là j'ouvre une parenthèse. Beaucoup de gens ont critiqué Pétain d'avoir demandé l'Armistice et l'arrêt des combats. Il fallait continuer la guerre disaient-ils. Mais ces beaux parleurs n'étaient pas sur les routes, ces gens n'avaient pas subi les bombardements en piqué, ni les mitraillades des avions allemands, qui ont fait tant de morts et de blessés. Oui, il fallait arrêter ce massacre, il fallait stopper des souffrances rendues inutiles. L'armée française était en lambeaux, beaucoup de soldats étaient déjà prisonniers, d'autres sans chefs. Le gouvernement français s'était replié sur Bordeaux et commençait à embarquer sur le "Massilia". Il fallait se résigner à subir la défaite et qui d'autre que Pétain pouvait le faire ? Auréolé par sa gloire de vainqueur de Verdun, Maréchal de France ayant encore assez de poids pour discuter avec l'adversaire. Si un général réfugié à Londres appelait à la Résistance et à la poursuite de la lutte, il fallait aussi quelqu'un de valable pour arrêter le combat, rude tâche pour un vieillard de 80 ans, dont la voix brisée se faisait entendre à la radio. Bien entendu il n'était pas question de le suivre dans ses actes futurs… Carte en main, je file sur les routes en vélo ; j'arrive au Sud de Lyon et j'en profite pour me diriger vers Annonay ce qui me permet d'arriver à Darvézieux, où j'embrasse ma femme et mon fils ; puis après une journée de repos, je reprends la route ; de village en village, de mairie en mairie où je me renseigne, je file vers le Sud-Ouest. En effet j'ai appris que de nombreuses unités encore assez bien constituées se trouvent en Dordogne, dans les environs de Nontron… … Et c'est ainsi qu'avec ma vaillante bicyclette, j'arrive à Javerlhac où je trouve enfin un régiment de cavalerie en pleine reconstitution : c'était le 12ème Cuirassiers commandé par le Colonel De Vernejoul. Je me présente aussitôt à lui, et pendant de longs moments je lui raconte toute mon odyssée, me mettant immédiatement à ses ordres. Et c'est avec un ouf de soulagement et de contentement que je rendosse à nouveau l'uniforme et que je prends le commandement d'un peloton au 12ème Cuir. Nous sommes en pleine période de réorganisation. La France panse ses plaies. Le 15 Sept. 1940, je suis nommé lieutenant par J.O. du 9/9/1940. Nous entrons dans la période que j'appellerai "transitoire" mais où des événements graves se produisent et m'amènent vers la dernière partie de "Ma Guerre"

Période transitoire

Cette période transitoire est une période trouble pour la France. Battue, humiliée elle était véritablement à genoux devant le vainqueur. Pétain discutait des conditions de l'Armistice et s'installait à Vichy avec quelques fidèles. Les Allemands occupent une bonne moitié du pays fixant une ligne de démarcation passant à hauteur de Moulins et formant alors une zone occupée et une autre dite "libre". C'est ainsi que je fus affecté au 7ème Régiment de Chasseurs à cheval à Nîmes où je suis adjoint administratif en date du 1/11/1940. Ce régiment était commandé par un brave type, le colonel Schott, qui s'est tout de suite efforcé de reconstituer une unité compacte. Une unité formée d'escadrons pourvus… de bicyclettes, de très peu de véhicules et encore moins d'armes. Le 28 Février 1941, je suis donc "autorisé à faire partie de l'armée de l'Armistice". C'est ainsi que pendant quelque temps, je suis placé à la tête d'un escadron cycliste avec quelques jeunes engagés dans cette armée. Nous sortions dans les garrigues et faisions surtout du sport. J'avais eu la chance que l'on m'affecte une jument magnifique, "Céleste", avec laquelle dès le début je me suis tout de suite entendu. C'était un véritable "coup de foudre" et je profitais de cette période inactive pour faire et gagner de nombreux concours hippiques, principalement dans les arènes de Nîmes et j'eus même, suprême bonheur, la chance de gagner le championnat de France du cheval d'armes avec cette merveilleuse monture. Nous habitions dans une grande avenue à Nîmes, dite avenue de Camargue et devant chez nous stationnait, toute une compagnie d'ambulances allemandes, et à proximité, il y avait une boîte de nuit, bordel, d'où les boches sortaient ivres toute la nuit en gueulant… charmant ! Car la zone dite "libre" ne l'était plus. Violant les conditions d'Armistice, l'ennemi avait envahi cette zone et nous avons été submergés par la Wehrmacht. Le colonel nous a réuni, officiers et sous-officiers dans son bureau et tristement nous a dit : - Rentrez chez vous et mettez-vous en civil, il n'y a plus d'armée de l'Armistice ! Et c'est la mort dans l'âme que je suis parti en abandonnant ma bonne jument Céleste. Elle a dû faire le bonheur d'un officier boche. J'aurais pu la "flinguer" avant mon départ. Mais je n'en ai pas eu le courage. Envoyé en congé d'Armistice le 28/11/1942, j'ai continué à habiter Nîmes sous la coupe complète de l'occupant. Et je rongeais mon frein ! Et je me posais à nouveau des questions ! Qu'allais-je faire ? Mon épouse attendait notre fille Michèle qui devait naître le 19 Décembre. 1942. Titulaire d'une petite solde et désoeuvré, j'essayais de m'occuper, particulièrement dans les services de la Croix-Rouge, où je faisais ce que je pouvais pour aider les familles en détresse. On était le 1er Mars 1943, et c'est alors que mon destin continua à jouer. Pour moi cette période transitoire était terminée, et j'allais me lancer dans une autre aventure qui m'a amené jusqu'à la libération de la France. Aventure que j'ai appelé "Ma Résistance".

MA RÉSISTANCE

A la mémoire du Lieutenant-colonel Servois (Capitaine Duret)

disparu après la guerre, à la suite d'une longue maladie.

En hommage à Madame Servois, son épouse,

qui a repris courageusement le flambeau du Souvenir,

au milieu des anciens F.F.I., du Groupement Cher-Est.

Si j'ai appelé cette partie de ma vie, "Ma Résistance" c'est, comme je l'ai dis plus haut, parce que cet été 1984, j'ai été indigné et scandalisé par une émission T.V. sur la Libération. Tous ces événements ont été honteusement exploités au profit de la Gauche… Ils ont tout fait ces "cocos-là" - nous qui étions essentiellement apolitiques et surtout patriotes, nous ne comptions pas… de la crotte de bique ! Et l'on montrait uniquement, que d'anciens F.T.P., membres du P.C., venant se vanter devant les caméras… Il fallait que, je me défoule en rétablissant la vérité, ne serait-ce que pour nos enfants, et en l'honneur de mon maquis, bien constitué ; style militaire, et toutes opinions confondues. Et la suite de mon récit prouvera que seul, le Cher-Est, était véritablement "Combattant de la Résistance". Nous étions en Mars 1943, et je continuais à me morfondre à Nîmes où, démobilisé, je m'occupais vaguement, après la naissance de ma fille Michèle en Décembre 1942. C'est alors que je suis contacté un jour par un monsieur sympathique à l'allure énergique, qui me dit : - Je suis le Cdt Gangneron et j'appartiens à l'O.R.A. (Organisation de Résistance de l'Armée). Chargé d'organiser la Résistance chez les anciens militaires, le Cdt Gangneron me propose de me joindre à lui pour l'aider à cette rude tâche de recrutement. Bien entendu, j'ai accepté avec enthousiasme car, traumatisé par 1940, les boches… m'écoeuraient ! Le commandant ne m'a pas caché que ce serait long et dangereux. QU'IMPORTE ! Il m'indique alors tout un secteur à mettre sur "pied de Résistance" : le Cher-Est avec Bourges au centre. Il me fallait une situation d'emprunt dans cette région pour y travailler au mieux, dans la clandestinité. J'ai cherché, et j'ai trouvé un emploi dans une Société dite "S.F.C.R." - Société Française de Carburant de Remplacement - qui n'était ni plus, ni moins, qu'une entreprise de charbon de bois pour gazogènes… et j'étais chargé des Transports, un grand mot pour quelques camions pourris ! Cette Société était dirigée par un homme âgé, plus ou moins... "vaseux", qui allait très souvent à la Kommandantur de Bourges, (trop souvent à mon gré) mais assez efficace, pour obtenir des Ausweiss, très utiles pour les déplacements de nuit. Dès mon entrée à la S.F.C.R., j'ai pu recruter le sous-directeur Mr Guillon qui, totalement gagné à notre cause, devait être sous-lieutenant, chef de groupe. Puis vinrent, Moussy, Le Gourvez et bien d'autres éléments efficaces formant le fond même du maquis Cher-Est. Tout ce printemps 1943 fut essentiel, car je battais la campagne en prenant prudemment des contacts. Ma femme et mes enfants s'étaient installés à Torteron, un petit village proche de l'usine. Fin Avril, je fis la connaissance d'un ex-officier de carrière, cavalier plein de flamme et plein d'allure, le lieutenant De la Taille qui, étant capitaine, devait par la suite se faire tuer devant Royan. Désormais le groupe s'étoffait, je pris le pseudonyme de: "Pelluet" et De la Taille: "Petit". Le maquis Cher-Est était formé. Nous continuons donc à battre la campagne, rencontrant nos futurs maquisards au coin des bois, cherchant des futurs terrains de parachutages pour les armes. C'était une tâche exaltante, mais terriblement dangereuse et nous apprîmes, De la Taille et moi, que nous étions recherchés par la Gestapo, car nous avions été dénoncés à Bourges par un interprète tchécoslovaque, appelé Bénis, qui fut condamné pour ce geste à la prison, à la Libération ( cf. annexe). Nous avons échappé tout juste à cette arrestation car on nous recherchait activement. Et nous entrons à ce moment-là en pleine clandestinité. Ma femme et mes enfants avaient déménagé et se trouvaient dans une maisonnette à Jouet-sous-l'Aubois. Le grand jeu commençait. Je dois dire qu'à ce moment-là, j'avais des relations plus qu'amicales avec les gendarmes du coin, très compréhensifs, et se doutant de ce que je faisais, me donnaient des renseignements en douce, sur ce qui se passait dans la région. Début Avril 1943, je reçois un message qui me convoque à Beffes, village proche de Jouet-sous-l'Aubois où j'habitais. Je devais me rendre au château de Beffes, où je devais me présenter de la part du Cdt Gangneron, à un officier rentrant de captivité. Je pris donc ma moto que j'utilisais pour mes tournées, et je suis parti à Beffes, arrivant dans une grande propriété familiale, nichée dans les arbres. Je me suis trouvé alors en présence d'un homme, encore jeune, grand, mince au profil d'aigle. Avec dans les yeux, une flamme intérieure brûlante, fascinante… Je venais de faire la connaissance du capitaine Servois, un cavalier, un chef avec lequel nous allons accomplir de grandes choses au service de la France. Le capitaine Servois me raconte alors qu'il avait reçu du Cdt Gangneron chef de l'O.R.A. dans le Cher, la mission d'organiser le secteur Est de Bourges. Rapatrié sanitaire, encore sous le coup de sa captivité, le capitaine Servois me dit avoir déjà pris contact avec De la Taille, et me demande si "j'en suis". Mon groupe dans la région était bien constitué, et c'est totalement que je me suis mis aux ordres de ce "monsieur" avec lequel je devais former un tandem unique jusqu'à la Libération. En effet, après mise en place d'un premier dispositif, le capitaine me fit l'honneur de me prendre comme adjoint, et nous étions : le Capitaine Duret et le Lieutenant "Pellnet" , Combattants de la Résistance, apolitiques et patriotes ! Les prises de contact sont toujours faites autour de nous. C'est avec Mr Lannes (ex-officier d'aviation) garagiste à Nérondes et qui faisait partie du groupe "Vengeance" ; il avait formé un groupe de résistants, ce qui lui valut plus tard d'être arrêté et déporté… il ne reviendra pas. Il surveillait la voie ferrée Bourges-Nevers et De la Taille s'occupait du secteur Bangy, Fourchambault. Le groupement Cher-Est s'étoffe de plus en plus. Deux équipes sont formées pour récupérer les parachutages, une à Torteron, l'autre à Nérondes et deux terrains préparés pour que les avions britanniques puissent larguer dans les meilleures conditions, armes, munitions… et cigarettes ! Hélas, nous apprenons vers la mi-Février 1944 que le Cdt Gangneron a été arrêté et déporté. Il en reviendra et terminera sa carrière comme général. Le groupement se constituait maintenant de plusieurs maquis, à Bangy, à Meneton Couture, La Guerche, Marseilles-les-Aubigny, Sancergues, Couy, aux Bordes à Villéquiers. Tous bien commandés - nous avions installé notre P.C., le Commandant Servois (car il avait été nommé) et moi-même capitaine, dans une belle maison bourgeoise au milieu de la forêt à La Charnaye - les propriétaires étaient des gens charmants, assez âgés mais entièrement acquis à la Résistance, et la maîtresse du lieu faisait une excellente cuisine, ce qui était plutôt réconfortant ! De ce P.C. nous avons rayonné dans toute cette partie du Cher, guettant les convois allemands qui se déplaçaient sur les axes Bourges-Nevers, La Charete. Nous avions récupéré pas mal de Citroën traction avant, réparties dans les groupes et aménagées pour les embuscades. Lunettes arrières cassées, trépieds installés pour les FM, marchepieds pour sauter en voltige dans les voitures. En effet le "travail" consistait à aller se mettre en lisière des forêts face aux deux Routes Nationales. Les véhicules en marche arrière, moteur tournant au ralenti, et nous entendions au loin, à quelques centaines de mètres, les convois allemands défiler à petite allure sur ces routes. Grosses masses noires sous les reflets de la lune. Au coup de sifflet, tous nos FM, se mettaient à cracher ensemble sur les boches, les surprenant à chaque fois ; 2ème coup de sifflet, cessez-le-feu, et dégagement pendant que l'on entendait au loin les imprécations, hurlements de l'ennemi et que se déclenchaient leurs premiers coups de feu et de mortiers ! Mais nous étions loin déjà ce qui limitait les pertes. Pendant ce temps, des groupes de villages se constituèrent dans chaque commune et un Centre de Recrutement s'installa "au Lassey" d'Etrechy, chez Mlle Marguerite Barral. D'autre part nous avions la possibilité de recueillir les parachutistes Alliés, perdus dans la nature qui furent hébergés et dirigés sur une filière d'évasion par Mlle Pernot, femme admirable qui fut arrêtée et mourut en déportation. Si j'ai appelé cette partie de ma vie, "MA RESISTANCE" c'est, comme je l'ai dit plus haut, parce que cet été 1984, j'ai été indigné et scandalisé par une émission T.V. sur la Libération. Tous ces événements ont été honteusement exploités au profit de la gauche… Ils ont tout fait ces "cocos-là" - nous qui étions essentiellement apolitiques et surtout patriotes, nous ne comptions pas… de la crotte de bique ! Et l'on montrait uniquement, que d'anciens F.T.P., membres du P.C., venant se vanter devant les caméras… Il fallait que je me défoule en rétablissant la vérité, ne serait-ce que pour nos enfants, et en l'honneur de mon maquis, bien constitué ; style militaire, et toutes opinions confondues. Et la suite de mon récit prouvera que seul, le Cher Est, était véritablement "combattant de la Résistance". Nous étions en Mars 1943, et je continuais à me morfondre à Nimes où, démobilisé, je m'occupais vaguement, après la naissance de ma fille Michèle en Décembre 1942. C'est alors que je suis contacté un jour par un monsieur sympathique à l'allure énergique, qui me dit : - Je suis le Cdt Gangneron et j'appartiens à l'O.R.A. (Organisation de Résistance de l'Armée). Chargé d'organiser la Résistance chez les anciens militaires, le Cdt Gangneron me propose de me joindre à lui pour l'aider à cette rude tâche de recrutement. Bien entendu, j'ai accepté avec enthousiasme car, traumatisé par 194O, les boches… m'écoeuraient ! Nos effectifs se renforçaient chaque jour. Nous recevions beaucoup de jeunes qui, désignés au S.T.O. en Allemagne, se refusaient à partir et nous les équipions au mieux, braves gars de toutes opinions, toujours parfaits, étant bien encadrés. Pendant ce temps un dénommé Georges Marchais, une huile du P.C., était en Allemagne chez Messerschmidt où il participait à la construction des avions qui devaient nous taper dessus. Il était parti au S.T.O. ! - Lui ! Je dois dire que nous avions comme voisins des groupes F.T.P. "Résistants", mais dont le travail consistait surtout à attaquer les bureaux de tabac, les banques et à piller les fermes. Nous n'étions pas particulièrement "copains"… et mon "anticommunisme primaire" jouait alors ! Nous avons eu l'exemple d'une brigade F.T.P. dite de "La Gironde" qui a laissé dans le Cher des souvenirs peu agréables ! D'ailleurs nos chefs, constamment en relation radio avec Londres, savaient que le B.C.R. anglais, ne voulait plus parachuter d'armes aux F.T.P., étant donné l'usage qu'ils en faisaient. Seuls nous, F.F.I. du Cher- Est, avions le privilège de recevoir des parachutages. Les autres furieux, cherchaient à nous voler nos armes et la suite le prouve… Le Cdt Servois m'appelle un jour et me dit : - Il y a quelques caisses d'armes, dans un entrepôt à l'Est de Nevers, j'ai trouvé un chauffeur qui, de notre côté, veut bien aller les chercher avec son gros tracteur à 4 roues motrices. Voulez-vous l'accompagner ? J'avoue que je n'étais pas très chaud, car Nevers fourmillait d'Allemands, et… se balader dans la ville au milieu d'eux avec des armes… c'était pas évident ! Enfin c'était un ordre. Je suis donc parti avec ce tracteur… les fesses serrées ! Nous avons chargé quatre caisses d'armes et de munitions dans un entrepôt de Nevers et nous sommes revenus à travers la ville, toujours avec la trouille de rencontrer une patrouille allemande. Puis, tout heureux d'être passés au travers, nous nous sommes arrêtés en pleine forêt où j'avais repéré une grande bâtisse inhabitée, une grange remplie de paille. Nous avons déchargé nos caisses, soigneusement enfouies, et sommes repartis, le coeur soulagé ! ! Deux jours plus tard, je reprenais la route avec une voiture et un gars pour chercher ces fameuses caisses...

Déception -

Il n'y avait plus rien dans la paille éparpillée. Le chauffeur m'avait trahi auprès des F.T.P. à qui il avait tout raconté - et ceux-ci s'étaient empressés de les voler, vexés de n'avoir plus d'armes - Quand je pense après coup que si j'avais été pris avec ces armes, j'étais fusillé sur le champ !

Voilà "leur Résistance" !

Le Cdt Servois était furieux et savait désormais qu'il fallait prendre des précautions contre eux. En Août 1944, les attaques de convois allemands, les sabotages de voies ferrées redoublèrent, tandis que les parachutages se multipliaient sur le terrain de "La Chomette" chez Mr Lemain, près de Villequiers. Et à chaque parachutage, nous étions obligés de mettre un groupe d'hommes autour du terrain avec des FM - non pas contre les Allemands, en pleine débandade ...

Mais contre les F.T.P. -

Alors ils viennent aujourd'hui se vanter de leurs hauts faits à la T.V. !

Laissez-moi rire -

Nous avions changé de poste de commandement et nous nous trouvions dans une grande ferme, en plein Berry où les paysans nous avaient accueillis avec joie. Nous continuions nos actions avec activité et nous étions en réunion avec le Cdt Servois, pendant que les femmes préparaient le repas - des femmes "tondues", très jeunes, que nous avions accepté, plutôt par charité, et aussi en signe de désapprobation, car nous étions totalement opposés à cette pratique dégradante des F.T.P. (toujours eux !). Il y avait d'autres moyens plus dignes de montrer à ces femmes, le tort qu'elles avaient eu de donner leurs "fesses" aux boches. Nous discutions donc, lorsque un cri retentit, alerte ! Nous nous précipitons sur nos armes, lorsque nous voyons arriver à toute vitesse dans la ferme cinq ou six Jeeps, maculées de poussière - Elles étaient montées par de grands gaillards en tenue de commando, armés jusqu'aux dents ! C'étaient douze parachutistes S.A.S. anglais qui venaient renforcer nos actions de guérilla. Ils étaient commandés par le lieutenant Davidson un grand rouquin, très sympathique. Nous étions au mois de Juin et nous recevions de plus en plus de parachutages d'armes, dont je m'occupais le mieux possible. Lorsque le 12 Août, à l'appel du Général Koenig, les F.F.I. du Cher reçurent l'ordre d'intensifier nos attaques… Nous étions prêts ! Nous avions été "chapeautés" par un chef important, très compétent "Mr De Voguë" dans le civil, mais un magnifique "colonel Colomb", auprès de nous. Pendant tout ce mois d'Août nous avons porté des attaques incessantes contre les colonnes allemandes, leur infligeant des pertes sévères. Le 25 Août, deux groupes de paras français, venant de Normandie, firent leur jonction avec nos F.F.I. à la "Chaumette" de Villequiers. Le 5 Septembre, capturé par l'ennemi au carrefour Bourges-Vierzon, l'un des nôtres, un vrai résistant, le sergent Monnet fut fusillé. Le 14 Septembre lors du déminage du pont de l'Allier au Guetin, le lieutenant Mulot et l'adjudant Cognet furent tués et d'autres camarades grièvement blessés. Nous étions en pleine libération du territoire, et nous y avons cru un peu trop vite… … En effet un jour le Cdt Servois me convoque et me dit : - Mettez votre uniforme, votre brassard F.F.I. et prenez vos armes, nous partons pour la libération de Bourges ! Nous disposions à ce moment-là d'une bonne voiture "Celtaquatre" Renault, dans laquelle nous montons, le commandant et moi, en grand uniforme ! Direction Bourges. C'est moi qui conduisait et, l'oeil aux aguets, nous filions en plein jour sur la Route Nationale. Tout à coup, j'aperçois au loin environ 1500 m, un immense convoi de véhicules et blindés de toutes sortes : - M… ce sont des boches ! et je freine brutalement. Le Cdt et moi nous ouvrons nos portières, et nous précipitons dans le champ d'à-côté… et par un miracle extraordinaire, j'avais eu la chance de m'arrêter à hauteur d'une immense haie, la seule existant dans le paysage ! Nous nous mettons à ramper derrière elle au plus vite, tandis qu'au loin éclatent les hurlements des boches et commencent à retentir les premières rafales de mitrailleuses lourdes. Nous rampions avec ardeur, les tripes nouées et nous étions poursuivis par un feu infernal, mais heureusement imprécis. Essouflés, trempés… verdâtres, nous nous retrouvions le Cdt et moi, au P.C. le soir même. C'est ainsi que fut notre première tentative de la libération de Bourges, mais je frémis rétrospectivement en pensant au sort que nous aurions eu, pris les armes à la main ! C'est ainsi aussi que nous perdîmes notre Celtaquatre, et aussi pour la nième fois… ma trousse de toilette ! Les Allemands étaient complètement désemparés, vaincus, fichus et c'est avec plaisir que j'appris qu'à partir du 1er Octobre les F.F.I. du Cher-Est, devenaient le "8ème Groupe de Reconnaissance". Le 8ème Groupe de Reconnaissance (8ème G.R.) était désormais une unité militaire, fruit de nos efforts pour la rendre comme telle. Elle avait pour chef le Général Bertrand, et pour terminer la libération de la France, nous étions envoyés devant Royan, près de St Georges de Didonne, devant une immense poche tenue par les boches qui s'accrochaient encore… et je pensais à Dunkerque où j'étais dans… la position inverse ! ! Nous avons donc continué à harceler les Allemands devant Royan, bientôt aidés par des éléments de la Division Leclerc. C'est à cette époque que mon ami, le Capitaine De la Taille, devait se faire tuer en tentant d'explorer un terrain miné. Sautant sur une mine il devait être recueilli par les ennemis. Nous avions installé notre P.C. à Pons, charmante petite ville des Charentes où nous occupions un bel immeuble. C'est là que quelques jours plus tard nous reçûmes le corps de De la Taille sur un brancard que les Allemands eurent la correction d'orner de feuilles de laurier. Nous lui fîmes des funérailles émouvantes dans le petit cimetière de Pons.

Honneur et Gloire à ce beau chevalier combattant !

C'était pratiquement pour nous la fin de la Résistance, car les boches retraitant dans tous les sens, se repliaient vers l'Est tandis que beaucoup d'autres étaient prisonniers.

Quelle jouissance après Mai 1940 et Dunkerque !

Et nous étions désormais pour notre Histoire, à nous :

Le Groupement Cher-Est et 8ème G.R. -

Le conflit 1939-1945 commençait à s'achever. Après la Libération de Paris par la 2ème Division Blindée de Leclerc, l'armée allemande eut un dernier sursaut dans l'hiver, dans l'Est de la France. Les débris de la Wehrmacht, avec ses dernières réserves sous le commandement de von Runstedt, se sont battus désespérément dans la région de Bastogne où les Américains eurent de très sévères pertes, dans la neige et le froid. Le Groupement 8ème G.R. est incorporé dans un régiment de cavalerie, qui se nomme le 12ème Régiment de Chasseurs, commandé par le Colonel Rougier qui fut toujours favorable à la Résistance. Le 12ème Régiment de Chasseurs deviendra alors une unité de grande valeur introduite dans la 1ère Armée "Rhin et Danube" du Général De Lattre de Tassigny. Titulaire dans mon grade de capitaine en Mars 1945, j'ai pris le commandement d'un escadron de blindés légers et d'A.M. Panhard… Nous avions aussi gardé, les meilleures de nos tractions avant Citroën, encore marquées du signe F.F.I.… Puis c'est l'Occupation en Allemagne d'abord en Sarre, puis à Feldhausen et enfin à Biberach dans le Wurtenberg. Le 12ème Régiment de Chasseurs était devenu le 12ème Dragons et était commandé par le Colonel De Segonzac. On était en Juillet 1946. C'était à notre tour de pratiquer une Occupation chez les Allemands que je voulais, pour ma part, dure, sévère, mais juste. Le 9 Août 1946, j'étais muté dans une unité d'A.F.N. à Médéa. C'est ainsi que, embarqué à Marseille le 13/8/1946, j'ai fini par découvrir la magnifique ville d'Alger et son port ensoleillé. J'ai pris alors un escadron de spahis au 1er R.S.A. et j'ai eu des contacts avec les troupes d'Afrique du Nord, que je ne connaissais pas. Là aussi j'ai fait beaucoup de cheval, montant des petits chevaux arabes, dits "Barbes", étonnants de vigueur et de combativité, mais avec un sale caractère. Je n'ai pas eu à me plaindre, à cette époque-là, du comportement de mes spahis Algériens. Très dévoués, consciencieux mais assez "vicieux", ils sentaient la main qui les tenaient ; bien encadrés, ils étaient vraiment biens. Hélas ! Il a fallu que, rongés par la politique et la propagande nationaliste, tout bascule après une horrible guerre, et des monuments d'incompréhension et de lâchage ! Enfin le grand jour pour moi est arrivé.

La fin de ma vie militaire

Dégagé des cadres en vertu de l'Art. 12 de la loi du 5 Avril 1946, j'étais rayé des contrôles le 10 Octobre. 1946. Embarqué à Alger je rentrai dans la métropole et je fus alors mis en position de retraite et rayé des contrôles de l'Armée Active le 10 Octobre. 1956. Mon retour à la vie civile en ce temps-là, ne fut pas particulièrement facile. Je ne percevais plus qu'une pension de retraite et j'étais encore suffisamment jeune et actif pour ne pas rester sans rien faire… et avec deux enfants à charge. Après quelques longs mois de piétinements et de recherches, j'eus enfin la grande chance d'être embauché comme chef de service administratif, dans une grande et célèbre société d'automobiles.

Et j'ai passé encore vingt-six ans sous le signe du double chevron

… Mais ceci est une autre histoire.

ÉPILOGUE

Ainsi s'achève ce document que je veux sans prétention littéraire, et le reflet exact des quelques épisodes qui ont marqué ma vie militaire, et surtout cette guerre 39-45. Depuis dix ans j'ai pris ma retraite et, retiré à Cannes, je profite du climat merveilleux de la Côte-d'Azur. Malade, âgé, j'essaye encore de "surnager" (comme à Dunkerque). Je me dis que depuis 1940… je fais du "rab de vie".

Et cela me remonte le moral ! -

Sur cette Côte, je ne suis pas le seul à en profiter et quand je vois des gros boches de ma génération, s'empiffrer et boire des bières aux terrasses de la Croisette, une bouffée de colère et de haine me monte au coeur. Bénéficiant d'un mark à trois francs, faut-il que je contemple sereinement ces individus, peut-être anciens gardiens de camps, S.S. tueurs de Juifs et d'Enfants ( Oradour ! ), de Résistants ? Non, je ne peux le faire, ils nous ont fait trop de mal ! Pardonner ? Peut-être… Oublier ? jamais ! Trop d'horreurs et de souffrances sont entre nous et si comme le disait un grand comique, aujourd'hui disparu : "Entre deux guerres, on est copains !", mes souvenirs restent à jamais ancrés en moi. Je garde dans mon "intérieur", le spectacle horrible du char de De Presle, brûlant devant moi avec son équipage… Et je pense aussi aux tortures que j'aurai subies dans la Résistance avant d'être fusillé.

Oublier cela ? Jamais ! Quand mon père est parti en 1914, il a dû se dire :

- Je pars à la guerre mais au moins mes fils ne la feront pas !

Et ils l'ont faite !

Quand moi-même je suis parti en 1940, j'ai pensé :

- Bon je pars mais mon fils ne la fera pas !

Et mon fils l'a faite…

Trois ans dans les paras, dans l'impossible guerre d'Algérie.

Malheureusement cette guerre a été enlaidie par la politique.

Déformée par la plaie communiste, on apprend, plus de quarante ans après, certains épisodes honteux. C'est ainsi que se plaide actuellement en France, un procès qui met en cause un ancien ministre communiste aujourd'hui disparu, trafiquant de pneus à la Libération.

Ce type, déporté politique à Buchenwald, responsable de ses compagnons dans le camp, était chargé avec la "bénédiction" des S.S. de faire le tri parmi ces gens… et il avait désigné pour le four tous ceux qui n'étaient pas de son bord !

Ignoble !

Et l'on apprend longtemps après le rôle peu glorieux, joué par ce parti anti-français. Maintenant on décore de la Légion d'Honneur une chanteuse antimilitariste. Et combien d'anciens combattants, de résistants, combien de mutilés attendent encore cette Croix, juste récompense de leurs sacrifices ? Dois-je comparer ma poitrine, ornée de cette "Croix des Braves", gagnée dans les plaines de Belgique et à Dunkerque… avec la poitrine aux seins mous et vieillissants d'une chanteuse gauchiste ? Nous sommes aujourd'hui sous un régime de Gauche. La France, ridiculisée, bafouée, endettée jusqu'à l'an 2000 est en-dessous de tout, elle qui, autrefois caracolait en tête du peloton des nations occidentales. Elle devient insignifiante sous l'égide d'un Président, entêté dans ses convictions. Nous autres, Anciens Combattants vieillis sous le drapeau tricolore, sommes effrayés par cette dégradation. Aujourd'hui, on ne peut pas exprimer une opinion, autre que celle de Gauche, sans se faire traiter de… fasciste, nazi, raciste… hitlérien ! Hitlérien ? Moi, avec mon passé militaire ?

Charmant !

Ce couplet politique étant terminé… je concluerai ces mémoires en disant que j'ai actuellement un petit fils de 15 ans - encore à l'abri de la pourriture politique - Sera-t-il épargné ? Sera-t-il loin d'une épouvantable guerre qui serait nucléaire ?

Un grand homme a dit :

- Non plus jamais ça !

Mais quel sera l'avenir ?

Documents

Cf le CD