mis à jour / updated :




Outil de
                              traduction gratuite de site Internet
by FreeWebsiteTranslation.com
                      
                  
   pour chercher sur la page=>




 
                 DOCUMENTS  
                   Index historique ElBAZE  corpus                                                        
Liste des 134 manuscrits   #Manuscrits                

5,010 URLs have been captured for the domain, http://www.michel-elbaze.fr  (archive.org CAPTURATED LIST FILEDOC  (pepsweb)




Lieutenant-Colonel (C.R.)

Maurice FLEURENT

***

005

DANS LE DÉSERT SYRIEN

Perfide Albion

Berlin-Ouest

Dans le Constantinois

**

GUERRE 1939 - 1945

CAMPAGNE D'ALGÉRIE

Témoignage

NICE - Avril 1985

Analyse du témoignage

Écriture : Janvier 1985 - 55 pages

Préface de Pierre VALLÉRIE

Contrôleur Général des Armées

En Janvier 1944, le Général Beaumont-Nesbitt qui, à l'époque, commandait les forces britanniques dans les États du Levant sous mandat français, donne l'ordre à ses Officiers d'organiser à Beyrouth une réception pour resserrer les liens de l'amitié franco-britannique. Tous les Officiers généraux et supérieurs français furent invités. En mission au Levant à cette époque, je fus naturellement invité à m'y rendre. Cette réception fut donnée dans les salons du fastueux hôtel Saint-Georges, aujourd'hui hélas disparu par suite des dramatiques événements de ces dernières années. L'ambiance y était chaleureuse et le Martini-Gin coulait en abondance. Trop sans doute puisque tout à coup un M.G.W. anglais, quelque peu éméché, empoigne l'épaule d'un Officier français son voisin et à très haute voix s'écrie dans un français fortement marqué d'un accent britannique : "Oh, my dear, on a reçu l'ordre de vous aimer aujourd'hui !". Emmené aussitôt par ses collègues anglais, il fut littéralement volatilisé. Ce cri du coeur illustre remarquablement le double jeu mené jusqu'à notre départ et sans relâche par l'autorité anglaise au Levant et tout particulièrement par le personnel militaire dépendant du "Colonial Office" sous l'autorité complaisante pour ne pas dire davantage du Général Edward L. Spears, nommé en Février 1942, envoyé extraordinaire et Ministre plénipotentiaire auprès des républiques syrienne et libanaise. En dépit de l'amour qu'il prétendait garder à la France, sa prétendue "seconde patrie", il ne cessa de ruiner l'autorité de la France- Libre dans ces deux pays jusqu'à notre éviction complète en 1945. Un film pris à Damas au cours de manifestations montre nettement l'attitude des policiers anglais encourageant la population à manifester contre la France. En Mars 1944, je reçus un télégramme de Mr Mendes- France, Commissaire pour la France- Libre, d'avoir à accueillir, à Beyrouth, un Officier-Général anglais, envoyé spécialement de Londres, pour mettre avec moi, au point, l'application dans les territoires sous mandat français, d'un accord conclu entre Duff Cooper, Ministre du Foreign Office et Mendès- France qui garantissait totalement notre rôle dans ces deux pays. Je le reçus à l'aérodrome un Vendredi. Spears était également présent. Je proposais que nous nous réunissions dès le lendemain. Spears s'y opposa formellement arguant de la fatigue de l'envoyé londonien et voulut que notre première réunion se tint le Lundi matin. Il ne pouvait s'agir là que d'une manoeuvre pour permettre au Général Spears de "chambrer" soigneusement l'envoyé de Duff Cooper. J'ouvris la réunion le Lundi matin à 9 heures en faisant remarquer que nous étions réunis pour la mise en application de ce fameux accord dont les termes étaient fort explicites. Spears prétendit alors que notre rôle était simplement d'examiner si la mise en application de cet accord était possible eu égard aux circonstances. Cette position était inacceptable pour la France. Nous ne pûmes nous mettre d'accord et je quittais la séance. Finalement en dépit de cet envoyé du Foreign Office, le Général Spears poursuivit son action contre nous. Comme l'expose fort à propos Maurice Fleurent, les Anglais n'hésiteront pas à aller jusqu'à l'assassinat des Français qui gênaient leur action. Le Général Ralph Monclar et Mr Busson, Directeur de la Banque Française du Liban à Beyrout, m'avaient eux-mêmes mis en garde. Mon prédécesseur à Beyrouth avait disparu mystérieusement. On ne le retrouva jamais. Parfois, un avion français, brûlait, où sur la route de Beyrout à Damas, dans les virages, en pleine montagne un camion fou conduit par un Arabe roulant à gauche envoyait dans les ravins bordant la route une voiture française emmenant une personnalité puissante. Rentré à Alger en Avril 1944, je remis au Général De Gaulle une note secrète du Général Beynet, Haut-Commissaire au Levant et lui rendis compte de tout ce que j'avais moi-même constaté. Il entra dans une violente colère, accusant Churchill de trahison. C'est dire combien le récit de Fleurent Maurice vient à point pour éclairer les Français sur la duplicité de nos amis à cette époque. Je dois dire, comme il l'exprime lui-même que cependant, dans les combats qui se poursuivirent en Europe à partir de Juin 1944 on vit fort heureusement renaître une plus franche collaboration.
In January 1944, General Beaumont Nesbitt who was in charge of the British forces in the countries of Orient, under French mandate orders his officers to organise in Beirut a party to tighten the friendship between France and Britain. All the general officers, and field officers were invited. As I was on a mission in Orient at that time, I was naturally invited to join. This party was held in the sumptuous lounges of the St George Hotel that has unfortunately disappeared since, following the dramatic events of those last few years. The atmosphere was cordial, and the Martini-Gin was flowing abundantly too much may be, since an English M.G.W., somehow tipsy, got hold of the shoulder of a French officer and exclaimed loudly in French strongly tinted with an English accent: "Oh my dear, we have been given the order to be nice to you today !" Immediately taken away by his English colleagues, he literally disappeared. This "cri de coeur" is a remarkable illustration of the dual role played unremittingly until our departure by the English authority in Orient, and most particularly by military personnel depending from the Colonial office, under the complaisant authority not to say more of General Edward L. Spears appointed in February 1942, special envoy, and plenipotentiary minister to the Syrian and Lebanese republics. Despite the love he was claiming to vow to France, his second fatherland, he never ceased to undermine the authority of the France Libre in those two countries, until our complete eviction in 1945. A film shot in Damascus during some demonstrations, clearly shows the attitude of the English policemen who were encouraging the population to demonstrate against France. In march 1944, I received a telegram from Mr Mendès-France, representative of the France-Libre, to greet in Beirut, an English General Officer especially sent from London to implement with me, in the territories under French mandate, an agreement settled between Duff Cooper, Foreign Office minister, and Mendès-France, which totally guaranteed our role in those two countries. I greeted him at the airport on a Friday, Spears was also there. I suggested that we started meeting on the following day. Spear disagreed completely, arguing that the envoy from London was too tired, and wanted our first meeting to be held on Monday morning. That could only have been a manoeuvre to enable General Spear to keep away Duff Cooper's envoy. I opened the meeting on Monday morning at 9 AM, stressing that we were together for the implementation of this well known agreement, the words of which were very explicit. spear claimed that our role was simply to examine if it was possible to implement this agreement in view of the circumstances. This position was unacceptable for France. We could not come to any agreement, so I left the meeting. Finally in spite of this envoy from the Foreign Office, General Spears continued his action against us. AS Maurice Fleurent explained most pertinently, the English will not hesitate to go as far as murdering the French who were hindering their action. General Ralph Monclar and Mr Busson, manager of the "Banque Française du Liban" (French bank in Lebanon), had warned me personally. My predecessor had mysteriously disappeared, he was never to be found. Sometime, a French plane would burn, or on the road from Beirut to Damascus, in the curves in the middle of the mountains a mad lorry driven by an Arab, on the wrong side of the road would send in the ravines running along the road a French car with an important person on board. Back in Algiers in April 1944, I handed to General de Gaulle, a secret note from General Beynet, High commissary to the Orient, and informed him of all that I had myself witnessed. He got extremely angry, accusing Churchill of treason. That shows the importance of the account from Fleurent to show to the French people the duplicity of our friends at the time. I must say, as he expressed it himself, that in the fighting that continued in Europe as from June 1944, we saw the rebirth of a more unequivocal co-operation.

POSTFACE de Michel EL BAZE

L'auteur dédie ce récit à ceux de ses camarades qui ont peut-être vécu, au cours de leur engagement des "péripéties" analogues ou autrement singulières mais qui n'ont pas été jusqu'ici en mesure de faire reconnaître leur maladie de guerre comme une blessure de guerre, même légère. Maladie qui s'aggrave inexorablement avec l'âge et rend pénible et amère leur existence d'ancien combattant incompris, handicapé dans leur vie familiale et professionnelle.
The author dedicates this account to those of his companions, who during their action, went through similar adventures, or adventures peculiar in other respects, but have not been able to have their war disease acknowledged as a war wound even light. A Sickness that get inexorably worse with age, and make their life of misunderstood war veteran, painful and bitter, handicapped as they are in their private and professional life.

TABLE

PREFACE 6

INTRODUCTION 9

DEDICACE 10

Livre 1

La MEMOIRE 12

Dans le désert syrien 13

L'engagement 13

Le temps des armes 13

Palmyre 14

Perfide Albion 14

Sous-Officier syrien de coeur français 14

Les agapes bédouines 15

Le chef bédouin - mon ami - mon frère 15

Face à "l'ennemi " 15

"Lawrence" d'Arabie ? 16

Ma dernière mission 17

Au péril de ma vie 17

Rapatrié sanitaire 18

Entre la vie et la mort ou par la grâce d'Allah 18

J'avais prévu et annoncé une page d'histoire 19

Entente cordiale 19

Vue partielle de la garnison de Palmyre 20

Campement bédouin 20

Berlin-Ouest 21

Triste alliance 21

Berlin-Est - Inquiétudes 21

Voyage à Paris le monde arabe et une maladresse 22

"He is a jolly good fellow " 22

Le descendant de Lafayette 23

La Maison des Alliés 23

Pause casse-croûte du détachement français 25

dans le bois de Tegel 25

L'ALGERIE 28

Dans le Constantinois 28

Miraculé 28

Philosophie d'un Officier des Forces de l'Ordre 29

REFLEXIONS 29



Livre II

DOCUMENTS

Nice le 4 Février 1993

Colonel FLEURENT Maurice

40 Av. Cap de Croix

06100 - Nice

Objet : Les guerres du XXème siècle à travers les témoignages oraux.

DANS LE DÉSERT SYRIEN

Berlin Ouest - Dans le Constantinois - GUERRE 1939 / 1945

Écriture : 1985 - Édition : Avril 1985 - 55 pages

Cher ami, La présente lettre s'adresse aux témoins dont j'ai édité les récits de vie dans le cadre de notre Association. Compte tenu de l'importance prise par notre collection et de l'intérêt que lui portent les chercheurs à qui elle est destinée, il est devenu nécessaire que vous me précisiez si, avant l'écriture de votre récit, vous avez en connaissance d'ouvrages parus sur le sujet que vous évoquez et dans l'affirmative, si vous les avez utilisés, soit en vous en inspirant, soit en copiant des passages. Dans ce dernier cas, c'est à dire si vous avez copié des réflexions descriptions ou autres écritures d'un autre auteur, vous voudrez bien m'adresser photocopie des pages en cause de votre propre témoignage, sur lesquelles les mots copiés devront apparaître entre guillemets avec une note de renvoi en bas de page qui indiquera la source. Vous comprendrez que faute de ce faire, l'ensemble de recueil risque de perdre sa crédibilité auprès des prestigieuses Institutions Nationales et Internationales dépositaires de votre témoignage. Votre dévoué

Michel El Baze

Préface de Pierre Vallerie

Contrôleur Général des Armées (C.R.)

En Janvier 1944, le Général Beaumont-Nesbitt qui, à l'époque, commandait les Forces Britanniques dans les Etats du Levant sous mandat français, donne l'ordre à ses Officiers d'organiser à Beyrouth une réception pour resserrer les liens de l'amitié franco-britannique. Tous les Officiers généraux et supérieurs français furent invités. En mission au Levant à cette époque, je fus naturellement invité à m'y rendre. Cette réception fut donnée dans les salons du fastueux hôtel St Georges, aujourd'hui hélas disparu par suite des dramatiques événements de ces dernières années. L'ambiance y était chaleureuse et le Martini-Gin coulait en abondance. Trop sans doute puisque tout à coup un M.G.W. anglais, quelque peu éméché, empoigne l'épaule d'un Officier français son voisin et à très haute voix s'écrie dans un français fortement marqué d'un accent britannique : - Oh, my dear, on a reçu l'ordre de vous aimer aujourd'hui ! Emmené aussitôt par ses collègues anglais, il fut littéralement volatilisé. Ce cri du coeur illustre remarquablement le double jeu mené jusqu'à notre départ et sans relâche par l'autorité anglaise au Levant et tout particulièrement par le personnel militaire dépendant du "Colonial Office" sous l'autorité complaisante pour ne pas dire davantage du Général Edward L. Spears, nommé en Février 1942, envoyé extraordinaire et Ministre plénipotentiaire auprès des Républiques Syrienne et Libanaise. En dépit de l'amour qu'il prétendait garder à la France, sa prétendue "seconde patrie", il ne cessa de ruiner l'autorité de la France-Libre dans ces deux pays jusqu'à notre éviction complète en 1945. Un film pris à Damas au cours de manifestations montre nettement l'attitude des policiers anglais encourageant la population à manifester contre la France. En Mars 1944, je reçus un télégramme de Mr Mendes-France, Commissaire pour la France-Libre, d'avoir à accueillir, à Beyrouth, un Officier-Général anglais, envoyé spécialement de Londres, pour mettre avec moi, au point, l'application dans les territoires sous mandat français, d'un accord conclu entre Duff Cooper, Ministre du Foreign Office et Mendes-France qui garantissait totalement notre rôle dans ces deux pays. Je le reçus à l'aérodrome un Vendredi. Spears était également présent. Je proposais que nous nous réunissions dès le lendemain. Spears s'y opposa formellement arguant de la fatigue de l'envoyé londonien et voulut que notre première réunion se tint le Lundi matin. Il ne pouvait s'agir là que d'une manoeuvre pour permettre au Général Spears de "chambrer" soigneusement l'envoyé de Duff Cooper. J'ouvris la réunion le Lundi matin à 9 heures en faisant remarquer que nous étions réunis pour la mise en application de ce fameux accord dont les termes étaient fort explicites. Spears prétendit alors que notre rôle était simplement d'examiner si la mise en application de cet accord était possible eu égard aux circonstances. Cette position était inacceptable pour la France. Nous ne pûmes nous mettre d'accord et je quittais la séance. Finalement en dépit de cet envoyé du Foreign Office, le Général Spears poursuivit son action contre nous. Comme l'expose fort à propos Maurice Fleurent, les Anglais n'hésiteront pas à aller jusqu'à l'assassinat des Français qui gênaient leur action. Le Général Ralph Monclar et Mr Busson, Directeur de la Banque Française du Liban à Beyrouth, m'avaient eux-mêmes mis en garde. Mon prédécesseur à Beyrouth avait disparu mystérieusement. On ne le retrouva jamais. Parfois, un avion français, brûlait, ou sur la route de Beyrouth à Damas, dans les virages, en pleine montagne, un camion fou conduit par un Arabe roulant à gauche envoyait dans les ravins bordant la route une voiture française emmenant une personnalité puissante.Rentré à Alger en Avril 1944, je remis au Général De Gaulle une note secrète du Général Beynet, Haut-Commissaire au Levant et lui rendis compte de tout ce que j'avais moi-même constaté. Il entra dans une violente colère, accusant Churchill de trahison. C'est dire combien le récit de Fleurent Maurice vient à point pour éclairer les Français sur la duplicité de nos amis à cette époque. Je dois dire, comme il l'exprime lui-même que cependant, dans les combats qui se poursuivirent en Europe à partir de Juin 1944 on vit fort heureusement renaître une plus franche collaboration.
In January 1944, General Beaumont Nesbitt who was in charge of the British forces in the countries of Orient, under French mandate orders his officers to organise in Beirut a party to tighten the friendship between France and Britain. All the general officers, and field officers were invited. As I was on a mission in Orient at that time, I was naturally invited to join. This party was held in the sumptuous lounges of the St George Hotel that has unfortunately disappeared since, following the dramatic events of those last few years. The atmosphere was cordial, and the Martini-Gin was flowing abundantly too much may be, since an English M.G.W., somehow tipsy, got hold of the shoulder of a French officer and exclaimed loudly in French strongly tinted with an English accent: "Oh my dear, we have been given the order to be nice to you today !" Immediately taken away by his English colleagues, he literally disappeared. This "cri de coeur" is a remarkable illustration of the dual role played unremittingly until our departure by the English authority in Orient, and most particularly by military personnel depending from the Colonial office, under the complaisant authority not to say more of General Edward L. Spears appointed in February 1942, special envoy, and plenipotentiary minister to the Syrian and Lebanese republics. Despite the love he was claiming to vow to France, his second fatherland, he never ceased to undermine the authority of the France Libre in those two countries, until our complete eviction in 1945. A film shot in Damascus during some demonstrations, clearly shows the attitude of the English policemen who were encouraging the population to demonstrate against France. In march 1944, I received a telegram from Mr Mendès-France, representative of the France-Libre, to greet in Beirut, an English General Officer especially sent from London to implement with me, in the territories under French mandate, an agreement settled between Duff Cooper, Foreign Office minister, and Mendès-France, which totally guaranteed our role in those two countries. I greeted him at the airport on a Friday, Spears was also there. I suggested that we started meeting on the following day. Spear disagreed completely, arguing that the envoy from London was too tired, and wanted our first meeting to be held on Monday morning. That could only have been a manoeuvre to enable General Spear to keep away Duff Cooper's envoy. I opened the meeting on Monday morning at 9 AM, stressing that we were together for the implementation of this well known agreement, the words of which were very explicit. spear claimed that our role was simply to examine if it was possible to implement this agreement in view of the circumstances. This position was unacceptable for France. We could not come to any agreement, so I left the meeting. Finally in spite of this envoy from the Foreign Office, General Spears continued his action against us. AS Maurice Fleurent explained most pertinently, the English will not hesitate to go as far as murdering the French who were hindering their action. General Ralph Monclar and Mr Busson, manager of the "Banque Française du Liban" (French bank in Lebanon), had warned me personally. My predecessor had mysteriously disappeared, he was never to be found. Sometime, a French plane would burn, or on the road from Beirut to Damascus, in the curves in the middle of the mountains a mad lorry driven by an Arab, on the wrong side of the road would send in the ravines running along the road a French car with an important person on board. Back in Algiers in April 1944, I handed to General De Gaulle, a secret note from General Beynet, High commissary to the Orient, and informed him of all that I had myself witnessed. He got extremely angry, accusing Churchill of treason. That shows the importance of the account from Fleurent to show to the French people the duplicity of our friends at the time. I must say, as he expressed it himself, that in the fighting that continued in Europe as from June 1944, we saw the rebirth of a more unequivocal co-operation.

INTRODUCTION

Extrait des Mémoires de Guerre

du Général De Gaulle 1942-1944

… Je ne voulais pas pour l'instant renoncer au droit suprême de la France en Syrie et au Liban… nous étions certains d'accomplir sans heurts graves les transitions nécessaires si l'Angleterre ne gâchait pas le jeu. Mais elle le gâchait bel et bien… L'autorité française faisait fonctionner une raffinerie qui permettait de fournir le Levant d'essence sur la part de pétrole qui appartenait à la France, les Britanniques cherchaient par tous moyens à fermer notre établissement afin que nous-mêmes et les Etats du Levant fussions, en cette matière, sous leur complète dépendance. Dans tous les domaines, tous les jours, partout, c'était du fait de nos alliés, des ingérences multipliées par une armée d'agents en uniforme. J'étais résolu à m'opposer à cet étouffement, et s'il devait arriver que nous succombions cependant, à faire en sorte que l'abus fut mis en pleine lumière. Ayant vérifié sur place l'état des choses, je commençai ma campagne en adressant à Monsieur Churchill, une protestation formelle… Les interventions constantes des représentants du gouvernement britannique… ne sont pas compatibles, ni avec le désintéressement politique de la Grande-Bretagne en Syrie et au Liban, ni avec le respect de la position de la France, ni avec le régime du mandat. En outre, ces interventions et les réactions qu'elles entraînent donnent à penser aux populations dans tout l'Orient arabe que de graves divergences compromettent ici la bonne entente entre la Grande-Bretagne et la France combattante, cependant alliées… Il ne m'est pas possible d'accepter votre conception suivant lesquelles les ingérences politiques des représentants britanniques au Levant seraient compatibles avec les engagements pris par le gouvernement britannique relativement au respect de la position de la France, et de son mandat… De plus, l'espèce de rivalité franco-britannique créée sur place par les interférences et les pressions de vos représentants est nuisible à l'effort de guerre des Nations-Unies… … Je jugeai donc nécessaire de mettre l'Amérique et la Russie au courant… Le Secrétaire d'Etat Cordel Hull mandait à son ambassadeur à Londres : "… le Ministre britannique à Beyrouth (Spears) semble à tout le moins, avoir conçu sa mission dans un sens plus large qu'il n'est de coutume pour un représentant diplomatique étranger. … Notre gouvernement ne peut rester indifférent à une controverse qui affecte l'effort de guerre commun… ". Cependant, si rempli que fut mon voyage (au Levant) les problèmes restaient en suspens. J'avais pu changer l'atmosphère et donner un coup de barre qui nous faisait gagner du temps. Comment obtenir davantage dès lors que je n'apportais aucun renfort d'hommes et d'argent ? Une politique vaut par ses moyens. En Orient, plus sûrement encore qu'ailleurs le rapport des forces finirait par trancher, non point l'argumentation.

DÉDICACE

Je dédie mon témoignage à ceux de mes camarades de tous les théâtres d'opérations de guerre de par le monde, encore vivants à l'heure où paraîtront ces lignes, mais que le sort des combats n'a pas voulu qu'ils soient meurtris dans leur chair. Ils ne sont pas blessés de guerre, mais seulement des malades de guerre. La maladie de guerre est une blessure insidieuse et tout autant cruelle car elle ne s'améliore pas avec le temps. Elle se situe très exactement entre la blessure grave devant laquelle les patriotes s'inclinent respectueusement et la blessure légère qui s'estompe progressivement jusqu'à ne plus laisser aucune trace dans des délais plus ou moins courts. Si la blessure de guerre est une "lésion occasionnée au combat en présence et du fait de l'ennemi ", la maladie de guerre est aussi une lésion du fait de l'ennemi dans le cadre des combats, sinon en présence effective de l'ennemi car elle se manifeste dans les heures qui suivent le contact de l'ennemi. Le Ministre de la Défense Nationale précise que le titre de guerre "consacré par l'usage" caractérise un fait d'armes individuel, à l'exception de la "blessure de guerre" qui doit être homologuée comme telle, et que les dispositions législatives ou réglementaires ne sauraient reconnaître à un taux d'invalidité pour maladie la qualification de titre de guerre. Je pense au contraire que la maladie de guerre doit être également "homologuée comme telle" et répondre aussi à une définition que le législateur serait enfin appelé à repenser, car elle mérite une place et une considération inexistantes à ce jour. L'existence d'un malade (de guerre) chronique se détériore avec les années, car elle est inexorablement compromise à partir du moment où l'infortuné combattant a contracté le mal dans le cadre du combat. Dans mon cas personnel, dès l'âge de 21 ans, j'ai lutté contre la mort sur un lit de l'hôpital militaire où j'avais été transporté dans un état semi-comateux. J'avais perdu près de 20 kilos à la sortie d'une longue hospitalisation, bien différent du champion d'athlétisme que j'avais été avant de répondre à l'Appel du 18 Juin 1940.

*

**

Quelques jours avant mon départ de Palmyre, à l'issue de mon dernier rapport, le Commandant M. me confiait que je faisais l'objet d'une citation pour accompagner une proposition, à titre exceptionnel, dans la Légion d'Honneur "au péril de ma vie ". Un mois environ après cet ultime entretien, cet Officier supérieur était l'un des premiers assassiné à bout portant, son bureau saccagé, ses documents brûlés ou disparus. Qu'était devenue la citation et la proposition qui me concernaient ? J'avais 21 ans à l'époque, convalescent, et heureux d'avoir échappé à la mort. Je n'ai pas cherché à contacter les Officiers de l'entourage du Commandant M., rescapés du massacre. J'ai tourné le dos à cette tragédie macabre pour me consacrer à ma nouvelle existence d'Elève Aspirant du cours d'Officiers d'Administration de l'Armée de Terre.

*

**

Chaque année, sont diffusés les travaux de Concours pour la Médaille Militaire et la Légion d'Honneur, et sont proposables les candidatures réunissant certaines conditions où la mention "blessure de guerre" figure sans que soit précisé le degré de gravité, mais la "maladie de guerre" est douloureusement absente des textes en vigueur dans l'attribution d'une récompense de l'Etat. Je m'élève contre cette injustice et je ne suis plus seul à le proclamer depuis la création récente du Groupement National des Malades de Guerre dont je suis l'inspirateur récompensé par le nombre considérable de lettres d'encouragement et de demandes d'adhésion que je reçois tous les jours et qui me font connaître davantage l'état de souffrance et d'isolement moral de tous les malades de guerre dont les demandes d'aggravation du taux d'invalidité sont presque automatiquement refusées. Le but principal du Groupement National des Malades de Guerre est de promouvoir un changement de mentalité dans des relations nouvelles avec les autorités de tutelle. Si la plupart d'entre nous s'inclinent rageusement devant une décision de rejet, d'autres dont je fais partie, ont maîtrisé leur sensibilité et osé faire appel. Nous nous retrouvons devant un Tribunal dit "des Pensions" mais tribunal quand même qui affronte les plaignants, victimes malheureuses d'une maladie contractée au service de la patrie, très gênés de se retrouver là, pour espérer convaincre le Commissaire de la République, impitoyable gardien des deniers de l'Etat, qui utilisera tout son savoir-faire pour contrer les plaidoiries des Avocats et refuser le plus souvent quelques points d'augmentation dont la conversion en francs lourds est dérisoire. Quel abominable spectacle pour ceux d'entre nous qui ont perdu la santé… Le Groupement National des Malades de Guerre invite le législateur à repenser le Code des Pensions des Maladies déjà sanctionnées par des taux d'invalidité irréalistes et déraisonnables.

Au Chef de Bataillon Moreau

Commandant la garnison de Palmyre

et la Première Compagnie Légère du Désert

assassiné par les indépendantistes syriens

avec l'appui de nos alliés

sur ce théâtre d'opérations

A l'Adjudant-Chef Khalil

Autochtone syrien

marié à une Française

assassiné par ses coreligionnaires

pour être resté fidèle à la France

A l'ex-Lieutenant méhariste Mejean

Aujourd'hui immobilisé dans sa retraite marseillaise

victime des séquelles

de ses combats pour la France

Livre 1

La MÉMOIRE

Dans le désert syrien

L'engagement Juillet 1942… A la Mission Militaire des F.F.L. du Caire viennent s'engager en même temps que Maurice cinq jeunes Français, Roger, Claude, Jacques, André, Robert, tous mineurs, tous volontaires pour la durée de la guerre. Le Jour "J" avait tardé à venir, mais il se présente enfin à l'issue d'une offensive de l'Africa Korps jusqu'aux abords d'Alexandrie. L'Heure "H" enfin sonne pour eux et emporte la décision de parents gaullistes que le choix gaulliste destinait à un internement consécutif à une occupation probable de l'Egypte par les Forces de l'Axe. Ces 5 jeunes Français se retrouvent très rapidement sous l'uniforme anglais, et casernés aux pieds des Pyramides, avant d'être non moins rapidement dirigés par voie ferrée sur le Liban, à destination du dépôt des Troupes du Levant à Beyrouth, où ils partagent la même chambrée et suivent ensemble les cours accélérés d'instruction militaire. Mais à partir de ce moment-là, leur itinéraire commun s'interrompe, chacun rejoignant une affectation différente et c'est "l'aventure militaire" de l'un d'eux, Maurice, qui est contée ci-après. Le temps des armes Maurice, outre ses obligations de soutien de famille avait suivi des cours du soir pour parfaire sa connaissance des langues anglaise et arabe, et cette aptitude était connue d'un Officier méhariste, le Lieutenant M., lui-même Français d'Egypte, venu en permission au Caire. C'est ainsi que le soldat Maurice fut appelé un beau matin au bureau du Commandant. Laissons-le raconter lui-même son "temps des armes" au Proche-Orient : "Je me présentais devant le Commandant du Centre d'Instructions mais je reconnus aussitôt à ses côtés le Lieutenant M. et j'étais "invité" à le suivre auprès du Colonel, commandant les Troupes Spéciales du Levant, lui-même Français d'Egypte. En cours de route, le Lieutenant M. m'expliqua que je serais affecté à la Première Compagnie Légère du Désert, stationnée à Palmyre en Syrie mais réservait au Colonel le soin de me confirmer en termes laconiques, les conditions effectivement très spéciales de mon affectation, faisant référence à ma connaissance des langues anglaise et arabe. Je retenus surtout que je serais assimilé au grade de Sergent vis-à-vis des Cadres autochtones du fait de ma nationalité française. Tout au long de l'entretien le Colonel était assisté de son adjoint autochtone, le Commandant C. qui devait connaître plus tard les honneurs de la Magistrature Suprême, en étant élu Président de la République Libanaise ". Palmyre L'essentiel des raisons de mon affectation "spéciale" devait m'être précisé par le Chef d'Escadron M., commandant la 1ère C.L.D. et la garnison de Palmyre, devant lequel je me présentais le surlendemain, toujours escorté du Lieutenant M. Je n'ai pas encore oublié mon premier entretien avec un Officier supérieur et il restera à jamais gravé dans ma mémoire, tant par la découverte de "l'autorité" responsable qui m'accueillait que par la nature des révélations qui m'étaient communiquées. L'homme me rassurait par son évidente bonhomie, tandis que ses confidences me bouleversaient. L'homme, le type même du Français tel que l'étranger se plait à le décrire, une petite moustache sommairement taillée sous des narines frémissantes de sensibilité, l'oeil malicieux, le teint rose, donnant l'impression d'un tempérament jovial et fougueux, l'expression imagée, mais le mot juste, le verbe facile, enrobé dans un raisonnement sans doute pétri de bon sens, mais faussé par un optimisme viscéral qui justifiait plus tard à mes yeux sa candeur en matière de politique générale. Perfide Albion Et pourtant… cet excellent homme approuvait des conseils de prudence de son Officier adjoint, le Lieutenant M. (toujours lui) et s'appliquait maintenant avec un sérieux un peu forcé à m'expliquer ce qu'il attendait de moi dans ce secteur du désert syrien où il était responsable de l'ordre et de la sécurité. Il n'accordait qu'une relative authenticité aux premières informations parvenues jusqu'à lui et selon lesquelles le peuple syrien aurait trouvé une aide inespérée, dans sa détermination latente de profiter d'une situation restée précaire au lendemain du heurt fratricide entre Français, pour conquérir définitivement son indépendance. Cette aide inespérée, poursuivait avec peine le Commandant M., à en croire les toutes premières informations récoltées par-ci par-là, serait fournie "discrètement" par la puissance alliée qui, quelques mois auparavant avait précisément apporté son concours militaire, pour permettre aux Forces Françaises Libres d'évincer l'armée du Général Dentz aux ordres du Maréchal Pétain, et de poursuivre l'oeuvre du mandat. Mes belles illusions que j'avais gardées intactes jusque-là sur le "gentlemen agreement" furent sérieusement ébranlées par ces troublantes révélations. Je m'étais engagé pour apporter ma modeste contribution à la lutte contre l'hégémonie hitlérienne, et je recevais la mission de me renseigner sur l'état d'avancement des préparatifs du soulèvement syrien, sur un autre champ de bataille. Tout ceci apparaissait extraordinaire et invraisemblable à un jeune gaulliste. Et pourtant… Ma mission ne devait être connue que du Commandant M. et du Lieutenant M. Tous les autres Cadres français et autochtones furent informés que l'interprète d'arabe Maurice F. était affecté par le Commandant des T.S. du Levant, au bureau de garnison de Palmyre pour remplir les fonctions d'adjoint à l'Adjudant autochtone K. dans la section administrative et rédactionnelle dont ce dernier assumait la charge avec plus de dévouement que de réelle aptitude. Sous-Officier syrien de coeur français Mais l'Adjudant K. présentait à mes yeux des qualités exceptionnelles que je découvrais pour la première fois, celles d'un étranger, certes déjà marié à une Française, et lié à la France par des sentiments profonds où prédominait une réelle dévotion à notre drapeau et à notre culture. D'allure massive, il arborait avec fierté, outre ses décorations militaires, une impressionnante balafre qui lui traversait le front, impressionnante trace d'un enfoncement de la boîte crânienne, une blessure reçue au service de sa patrie d'adoption à laquelle il demeura fidèle jusqu'à l'ultime sacrifice. L'Adjudant K. me réserva un accueil chaleureux et j'acquis la certitude que nos rapports de service allaient engendrer une grande amitié qui s'avèrera précieuse dans la poursuite de ma mission car les instructions du Commandant M. me paraissaient bien imprécises et laissaient par conséquent le champ libre à mon imagination. Peu de temps après mon arrivée, une circonstance providentielle se produisit, dont je saisis l'intérêt et qui s'avéra par la suite une source d'information particulièrement instructive… Le chef de la tribu bédouine la plus proche de Palmyre avait invité les Cadres français à un festin offert à l'occasion de la naissance d'un de ses fils, et le Commandant M. intervint pour que je sois également invité au titre d'interprète et afin de m'initier sans tarder aux rites de l'hospitalité bédouine. La découverte de la vie nomade sous la tente n'en était pas précisément une pour moi. En 1935, mon père avait acquis un campement d'une douzaine de tentes déjà installées sur une colline située à proximité de la 3ème Pyramide, la plus petite des trois, dénommée Mykerinos et ma famille au grand complet y passait tous les week-ends et vacances scolaires. Les agapes bédouines Par contre je découvrais pour la première fois les agapes bédouines et en particulier une montagne de riz baignant dans une huile que Bocuse aurait réprouvé, et autour de laquelle nous étions tous accroupis comme il se doit, mais dans des positions différentes suivant la flexibilité de chacune de nos articulations inférieures. Il suffisait pour s'alimenter, de plonger la main dans le tas de riz, d'en retirer une poignée, de l'affermir consciencieusement avec l'aide des doigts et de la porter ainsi façonnée jusqu'à la bouche avec un minimum de bavures graisseuses. Comme prévu, le Commandant M. procéda à mon "baptême" en réservant sa première poignée de riz qu'il écrasa dans ma bouche grande ouverte pour la circonstance, au milieu de l'hilarité générale d'où émergeait (je m'en suis toujours souvenu) le rire gargantuesque de l'Aspirant C. un géant blond, ventripotent et rigolard qui donna le signal, vers la fin du repas, de l'expression de satisfaction des invités par le truchement traditionnel d'une éructation retentissante, reprise en choeur, avec plus ou moins de brio, sous peine d'offenser notre hôte. Je profitais du sourire béat de ce dernier pour me rapprocher de lui et engager une conversation sur la bonté d'Allah à son égard, ce qui nous amena à philosopher sur la sagesse de quelques proverbes arabes, et certains versets du Coran que je connaissais par hasard. Le chef bédouin - mon ami - mon frère Je produisis sur ce vénérable chef de tribu l'effet que j'escomptais. Il me fit promettre de revenir lui rendre visite et m'assura de son indéfectible amitié, à l'issue de chaleureux et interminables salamalecs, nos mains successivement sur le coeur et le front, en signe de respect mutuel. Les événements ultérieurs me démontrèrent que j'avais trouvé en ce chef syrien un allié loyal de mon pays. Ce fut grâce à lui que j'obtins des renseignements nombreux dans les mois qui suivirent et qui s'avérèrent parfaitement exacts. Dès notre deuxième rencontre, il avait vite compris ce que je souhaitais savoir, mais aussi la nécessité absolue, autant pour lui que pour moi, de ne jamais dévoiler l'objet précis de nos entretiens. Je jugeais incorrect de ma part de lui demander comment il procèderait auprès des membres de son proche entourage, et me bornais à recueillir des renseignements précieux sur la poursuite de la mise en oeuvre du prochain soulèvement au sein même des garnisons françaises, sans omettre les visites inhabituelles que les chefs bédouins recevaient de plus en plus fréquemment d'Officiers britanniques en "mission spéciale" dans le désert syrien. Face à "l'ennemi" En effet, peu après mon arrivée à Palmyre, mon attention avait été attirée par la présence fortuite de deux Officiers du Royaume-Uni venus rendre une visite de "routine" au Commandement Français de la garnison. Leur présence m'avait intrigué, et de ma propre initiative, je me dissimulais un soir sous la fenêtre de la chambre qu'ils occupaient au Cercle de Palmyre pour tenter d'écouter leur conversation, de laquelle je pus noter qu'ils n'étaient que des Sous-Officiers assumant des fonctions temporaires d'Officiers subalternes. Je ne pus en savoir davantage… Mais nous n'étions qu'au mois d'Août 1942, et j'avais encore à apprendre. Je travaillais depuis quelque temps au bureau de garnison aux côtés de l'Adjudant K. dont j'ai parlé plus haut, et je me rendis vite compte de la difficulté croissante de concilier mon emploi du temps "officiel" avec les impératifs d'une recherche de renseignements qui exige toujours une assez grande liberté de manoeuvre d'où est exclue la dépendance à des horaires stricts. Dès le début Septembre, avec l'accord du Commandant M., je pris volontiers le risque de faire confiance à l'Adjudant K. en lui dévoilant, sous le sceau du secret militaire, l'essentiel de ma mission à laquelle je lui demandais de s'associer. Il accepta spontanément, ému jusqu'aux larmes de la confiance que je plaçais en lui. Je n'eus jamais à regretter son engagement, sinon à déplorer que son dévouement, sans doute mal dissimulé, en dépit de mes conseils, lui serait fatal au Jour J du soulèvement. "Lawrence" d'Arabie ? Ensemble et le plus secrètement possible, nous allions nous organiser de manière à ce que les apparences soient préservées, c'est-à-dire mes fonctions au bureau de garnison, tandis que je disposerais du temps nécessaire pour me consacrer davantage à ma mission. Toujours revêtu de l'habit réglementaire du méhariste, je commençais alors à me déplacer plus fréquemment sous des prétextes divers parfaitement valables ou pour des motifs de services routiniers, remplaçais l'Adjudant K. pour régler dans les casernements tel ou tel problème administratif, ce qui me donnait ainsi l'occasion de "tâter le terrain" et de converser avec les gradés autochtones. Je fus également requis pour accompagner les pelotons dans leurs exercices de combat afin de recueillir "l'avis" de ces gradés sur l'état de fonctionnement des armements en service, et de vérifier "de visu" l'entraînement des méharistes au maniement de ces armements. Le mois d'Octobre et de Novembre se déroulèrent ainsi, et je me rendis deux fois auprès de mon grand ami le chef bédouin pour lui porter des messages de sympathie du Commandant M. avec lequel je m'entretenais en tête-à-tête chaque fois que je jugeais opportun de lui signaler un fait nouveau. Avec le temps qui passait, les renseignements que j'obtenais progressivement laissaient entrevoir à distance le caractère dramatique du soulèvement qui se préparait. L'Adjudant K. joignait ses efforts aux miens pour se tenir informé des faits et gestes de chacun des gradés autochtones, dont certains, à cette époque, par ignorance ou vantardise, m'invitaient encore chez eux pour me présenter à tous les membres de leur famille, autour de la tasse de thé à l'arabe. Ces invitations cessèrent brusquement avant la fin de l'année 1942. Dès le début de Janvier 1943, avec la complicité toujours plus efficace de l'Adjudant K., je m‘absentais de plus en plus souvent de la garnison, parfois même des journées entières, pour vérifier sur place l'authenticité d'un certain nombre de "tuyaux" qui m'étaient rapportés. Mon départ et mon retour étaient entourés du plus grand secret. L'Adjudant K. m'attendait avec un chameau en un endroit connu que de lui, toujours différent d'un jour à l'autre, à une heure fixée peu avant le lever du soleil, et je le retrouvais une fois la nuit tombée en un autre endroit convenu entre nous. J'emportais mon P.M., ma boussole, mon casse-croûte et une petite réserve d'eau potable. Je connaissais cependant tous les points d'eau de ce secteur du désert syrien. Suivant un itinéraire précis ou au hasard de mes pérégrinations, je repérais les puits et goûtais leur eau en évitant de boire. J'avais appris à détecter une eau polluée et le cas échéant, je prélevais un litre qui était expédié aux fins d'analyse au laboratoire de Damas. Car je savais maintenant que les puits étaient visités par des spécialistes rebelles et qu'ils seraient systématiquement pollués au Jour J dans le but évident de contrarier et retarder les mouvements éventuels des forces françaises "d'occupation ". J'ignorais encore que je serais la première victime de cette forme de guerre biologique. Ainsi, j'ai parcouru à dos de chameau dans tous les sens la presque totalité du secteur de Palmyre à la rencontre des caravanes de bédouins en mouvance ou pour me rendre d'une tribu à l'autre, où j'étais assez bien accueilli et renseigné. Mais ces contacts étaient loin de ressembler à ceux que je continuais à entretenir avec la tribu de mon baptême du désert, et auprès de laquelle je me rendais très fréquemment. Ma dernière mission Mes rapports au Commandant M. devenaient de plus en plus précis et alarmants. Il me fut pénible de lui révéler, vers la mi-Janvier 1943, une information qui m'avait été donnée par des "fidèles" comme l'Adjudant K., dignes de toute ma confiance et qui allait malheureusement s'avérer fondée quelques semaines plus tard en donnant le signal de l'assassinat des Officiers français à l'Heure H du Jour J sur toute l'étendue du territoire syrien, ceci afin, de "couper la tête" à la réaction de nos Cadres supérieurs, et de désorganiser ainsi une résistance éventuelle. J'étais sur le point de connaître enfin ce Jour J du soulèvement autochtone, mais les événements se précipitèrent et le sort en décida autrement. Je partis un matin dans l'ombre pour me rendre auprès d'une tribu bédouine dont le chef demandait à me voir d'urgence. Je pris la direction de son campement et parcourus la distance en forçant mon chameau à conserver la vitesse du galop, tant mon impatience était grande de connaître le motif de l'appel qui m'était adressé. Arrivé à point nommé, j'eus beau écarquillé les yeux dans tous les sens, pas un campement en vue. Je pensais d'abord que j'avais sans doute effectué une erreur de parcours, la première, mais en regardant de plus près, je découvrais ici et là dans le sable ou les cailloux, des traces encore assez fraîches qui me prouvaient que mes bédouins n'avaient pas attendu mon arrivée. Je décidais sur-le-champ de suivre dans la mesure du possible le chemin que semblaient avoir pris ces faibles empreintes mais celles-ci s'estompèrent peu à peu, balayées par un petit vent sec du désert, inopportun à mon gré. Mais tout est écrit dans le ciel, comme le veut la philosophie arabe. J'avais déjà soif et je portais machinalement ma main sur la gourde pour me désaltérer. Stupeur ! Ma gourde avait disparu elle aussi… L'avais-je oublié au moment du départ de la garnison ou bien s'était-elle détachée de mon ceinturon pendant ma course vers le campement ? Seul Allah savait la vérité, et me plaçait maintenant devant mes responsabilités. J'étais bien éloigné de Palmyre, d'une part, et attiré d'autre part par la proximité d'un puits que j'avais reconnu sur le parcours des heures précédentes. J'avais surtout une soif de plus en plus insupportable et je me retrouvais une heure après devant le puits, toujours plus assoiffé… Au péril de ma vie Je regardais ce puits quelques instants, comme si j'allais accomplir l'acte le plus important de ma jeune existence. Etait-ce un pressentiment ? L'eau me paraissait pourtant saine, dans ce puits que je connaissais déjà. Avec quelque hésitation, j'humectais d'abord mes lèvres, puis je cédais à la tentation et j'avalais une gorgée que je dégustais sans plaisir mais non sans méfiance. Encore une gorgée ou deux, je ne me souviens plus très bien, et mon destin était joué… Je ressentis les premiers spasmes gastriques et abdominaux peu avant le crépuscule et je forçais l'allure vers mon port d'attache. De minute en minute, le malaise s'accentuait au point que je descendis du chameau à plusieurs reprises pour m'accroupir et vomir. Jamais après cet ultime voyage, je n'ai autant souffert de mes intestins et de mon estomac littéralement broyé par un mal impitoyable… Les derniers kilomètres me parurent interminables. Je faisais un immense effort pour me tenir à dos de chameau et continuer mon chemin car le jour commençait à disparaître. J'étais incapable de forcer l‘allure et je m'accrochais désespérément à la selle pour ne pas chuter du haut de ma noble monture, insensible à mes contorsions et au son de mes gémissements qui auraient pu ressembler, dans d'autres circonstances, à l'appel du muezzin, plaintif et prolongé dans la nuit qui tombait. A demi inconscient j'aperçus enfin les faibles lueurs de Palmyre et je rassemblais mes dernières forces pour diriger mon chameau vers le lieu où devait m'attendre l'Adjudant K. Dès que j'aperçus dans l'ombre sa silhouette massive, je me laissais glisser à terre et je perdis aussitôt connaissance. Rapatrié sanitaire Je repris faiblement mes esprits, allongé sur le divan, dans la maison de l'Adjudant qui m'avait transporté sur son dos jusqu'à chez lui, à près d'un kilomètre. Ce brave homme me forçait à avaler une mixture appropriée à mon état qu'il s'était facilement expliqué depuis le moment où il m'avait récupéré. Je rejetais sa mixture et recommençais à me vider par le haut et par le bas. J'étais surtout impressionné par la quantité de sang que j'expulsais par le bas. Ce qui décida l'Adjudant K. à ne pas attendre d'avantage pour aménager un brancard et, avec l'aide de son fils aîné, me diriger sur l'infirmerie de garnison, en dépit de l'heure. Je connaissais déjà l'humeur farouche du Médecin-Capitaine et l'Adjudant était allé le tirer du lit aux premières lueurs du jour. Il me regarda d'un mauvais oeil, et m'administra aussitôt le remède ad hoc. Il paraissait préoccupé et en l'absence de l'infirmier en permission, demanda à mon fidèle ami de demeurer à mon chevet. Son diagnostic ne me surprenait guère Il s'agissait d'une grave intoxication avec une forme de dysenterie "subaigüe" si tel est bien le qualificatif gravé dans ma mémoire depuis Février 1943. Mon état demeurant stationnaire, le Médecin-Capitaine prit la sage décision de me faire évacuer par avion jusqu'à l'hôpital militaire de Damas, d'où faute de place, on me transféra en ambulance jusqu'à celui de Beyrouth. Mon voyage en avion de Palmyre à Damas demeure aussi un souvenir où se mêlent souffrance et cocasserie. La liaison "aérienne" était assurée par un vénérable Pothez rescapé de 14-18 ; je fus installé de tout mon long dans la queue, les pieds vers l'avant, derrière les sièges de l'équipage et des deux passagers fort embarrassés par ma présence nauséabonde. Ce vieux Pothez prit difficilement un peu d'altitude, et, malgré mes préoccupations physiques, je fus tout de même surpris et amusé de constater que le pilote se limitait à suivre scrupuleusement le tracé de la route terrestre avec ses inévitables méandres autour des collines. Le pilote entraînait le Pothez dans des mouvements à droite et à gauche, assez rudes pour soulever le coeur de n'importe quel passager en bonne santé, y compris mes deux compagnons de route, pliés en deux dans leurs mouchoirs. Ce qui laisse deviner mon calvaire dans l'état où je me trouvais déjà au décollage de l'avion. A son extrémité arrière, précisément au-dessous de ma tête, il y avait fort opportunément un petit carré de plancher ouvert dans le vide. Je me mis à plat ventre, et plaçais ma bouche à la hauteur de ce trou qui absorba et dispersa aux quatre vents le poison qui me restait encore dans l'estomac.

Entre la vie et la mort ou par la grâce d'Allah

Le reste du voyage jusqu'à Beyrouth est toujours resté confus dans mon esprit. Je me souviens seulement que l'on me "piqua" le bras au départ de l'ambulance à l'aérodrome de Damas, ce qui me plongea dans une profonde léthargie d'où je fus tiré péniblement quelques heures plus tard sur mon lit d'hôpital, entouré de blouses blanches et de regards compatissants. Il paraît que mon état fut jugé critique pendant plusieurs jours. Mais Allah ne voulait pas de moi et fit en sorte que mon organisme puisse résister victorieusement aux derniers assauts de l'intoxication. Dans une demi-torpeur, je me remémorais les jours précédents et m'interrogeais sur les circonstances qui avaient failli me faire passer de vie à trépas. Pourquoi ce message du chef bédouin, le campement disparu, ainsi que ma gourde sur laquelle je veillais toujours jalousement, ce puits sur ma route? pollué alors que je le présumais suffisamment potable ? Je me souvenais à présent que l'Adjudant K., en dépit de tout le soin que nous mettions à dissimuler notre activité "clandestine" m'avait signalé, quelque temps auparavant, que nous étions repérés par les conspirateurs de l'autre bord, sur la foi d'une confidence qu'il avait recueillie de son côté, et il m'avait mis en garde. J'avoue ne pas en avoir tenu compte… Insouciance de mes 20 ans… J'avais prévu et annoncé une page d'histoire Maintenant j'étais tiré d'affaire, par la grâce d'Allah, mais je ne pouvais m'empêcher de craindre plus que jamais pour l'existence de mon ami et complice. Je reçus de lui quelques jours après, une longue lettre, la première et la dernière, m'exprimant sa chaude sympathie en quelques lignes bien tournées qu'il avait dû longuement mijoter. Je ne cessais également de penser au Commandant M. et au danger qui le menaçait au Jour J fatidique, que j'estimais pouvoir exploser d'un moment à l'autre selon mes regroupements. Je l‘avais pourtant mis en garde avec insistance, mais son optimisme viscéral l'incitait à ne pas vouloir me prendre au sérieux. J'appréhendais le pire avec angoisse et je pestais contre mon invalidité (j'avais perdu 15 kilos en trois semaines) qui m'interdisait d'aller au secours de ceux que je savais en danger de mort. Et ce que j'avais annoncé se produisit à une date voisine de celle que j'avais prévu, et j'appris avec un immense chagrin l'assassinat du Commandant M., d'Officiers adjoints que je connaissais et de l'Adjudant K. jugé traître à la nation syrienne dès les premières heures du soulèvement. J'aurais été parmi les premiers tués, si le destin n'en avait pas décidé autrement. Je demeurais vivant, mais reconnu inapte à faire campagne. En effet, cette aventure peu commune m'avait profondément marqué dans ma chair et dans les raisonnements de ma génération. Dans ma chair, puisque mon invalidité sonnait le glas prématuré de mes prouesses athlétiques amorcées dès l'âge de 15 ans aux 100 et 200 mètres sprint. Dans mes raisonnements, puisque j'avais déjà tourné une page de ma vie en quelques mois au cours desquels je m'étais efforcé de répondre à un certain nombre de questions personnelles. Mes longues randonnées solitaires m'avaient naturellement donné le temps de réfléchir sur l'utilité de ma mission, alors que mes copains d'Egypte participaient ailleurs à la marche victorieuse du Maréchal Montgomery dans la lancée d'El-Alamein. J'avais prévenu mais je n'avais pu empêcher le déchaînement des atrocités commises contre les Cadres français et leurs familles, comme par exemple à Deir-El-Zor où, dans cette dernière garnison, les épouses françaises furent traînées dans la rue par les cheveux, totalement dénudées et sauvagement éventrées. Les communiqués officiels furent discrets ou laconiques mais qui se souvient encore aujourd'hui de la circulaire du Général commandant les F.F.L. du Levant à Beyrouth, adressée aux Officiers français, pour les informer en des termes qui m'ont échappé depuis que les "relations diplomatiques étaient rompues" sur ce théâtre d'opérations entre la France-Libre et la Grande-Bretagne, et que le Cercle-Mess de Beyrouth était interdit aux Officiers de la perfide Albion. Entente cordiale Qui m'aurait alors prédit que, quelques années plus tard en ma qualité d'Officier-Interprète auprès du Commandant du secteur français de Berlin-Ouest, j'aurais renouvelé des relations amicales avec les Cadres Officiers de notre vieille alliée dans le meilleur esprit de l'Entente Cordiale. Entre deux toasts portés à la santé de nos pays respectifs, il m'arrivait souvent de fermer les yeux, le temps de saluer intérieurement deux chers disparus parmi d'autres, le Commandant M. et l'Adjudant K., morts pour la France, mais non face à l'ennemi. Aujourd'hui, plus de quarante ans après, je n'ai pas oublié cette "péripétie" macabre et absurde de la 2ème guerre mondiale.

Berlin-Ouest

Triste alliance Maurice se présente à l'Etat-Major du secteur français, et, outre ses nouvelles responsabilités de Chef d'Etablissement d'Intendance, est informé que, sur le vu de son dossier (il n'y a plus de surprise), il est également nommé Officier-Interprète d'Anglais et à ce titre assumera des missions de liaison avec les deux autres Etats-Majors alliés de Berlin-Ouest. C'est ainsi que Maurice renoue avec ses vieux "amis" du désert syrien, par le hasard d'une première réception organisée en son honneur. Entre deux toasts portés à la santé de nos pays respectifs, il a fermé les yeux le temps de saluer intérieurement deux chers disparus parmi d'autres le Commandant M. et l'Adjudant K. morts pour la France, assassinés par des mains téléguidées, aujourd'hui tendues cordialement vers lui. C'est en effet à Berlin-Ouest que se joue l'une des meilleures scènes de l'Entente Cordiale. Par contre, les aléas de la guerre déjà lointaine, ne lui avait pas permis de connaître l'allié américain. Il le découvre enfin et il est conquis par l'accueil chaleureux qu'il reçoit à tous les niveaux. Nombre de G.I.'s le regardent d'abord comme une bête curieuse et le Général U.S. l'invite à raconter par le biais d'une conférence adressée à toute la garnison rassemblée pour la circonstance, l'histoire du soldat français, depuis Vercingétorix jusqu'à De Gaulle, sans oublier au passage notre Lafayette, seul Français réellement bien connu de notre grande alliée. Maurice est longuement ovationné à la manière d'outre-Atlantique et, très officiellement remercié par l'Etat-Major U.S. Pendant cinq ans, Maurice va s'efforcer dans le cadre historique de cette co-existence atlantique, de rapprocher les communautés franco-anglo-américaine, à tous les niveaux. Il présente au Général français un projet qui propose, dans un premier temps, de surmonter la barrière linguistique par la mise en place de cours accélérés de conversation pratique par un personnel enseignant idoine. Le projet n'aboutira pas, et chacun restera dans son secteur, les seules relations suivies demeurent les réunions périodiques des Etats-Majors des trois secteurs, et, dans le domaine des mondanités, les cocktails qui rassemblent les Officiers alliés et leurs épouses dans des circonstances commémoratives, où le sourire est de rigueur dans un silence relatif émaillé de quelques mots ou expressions appris à la hâte pour faire bonne figure, de part et d'autre. Triste alliance. Berlin-Est - Inquiétudes Maurice connaît certainement des moments d'intense émotion dans ce Berlin-Ouest, mais non seulement dans ses moments de loisir. Tout à côté, demeure l'inquiétant Berlin-Est, que bravent pourtant nombre de nos concitoyens dûment autorisés à franchir les postes de contrôle, pour l'unique raison d'acquérir à un prix cinq fois moindre, les fabrications d'appareils électroménagers de réputation internationale. La célébration du 1er Mai chez nos voisins démocrates populaires déclenche de notre côté la mobilisation générale des forces alliées, l'arme au poing et le coeur palpitant. Des défilés impressionnants de civils bien encadrés par un armement non moins impressionnant suivent un itinéraire, frôlent "la frontière" entre les 2 Berlin et donnent chaque fois l'impression qu'ils vont nous engloutir. Entre deux 1er Mai, les forces alliées "symboliques" effectuent à longueur d'année des exercices conjugués pour "résister" le plus longtemps possible. Des manoeuvres de jour et de nuit se succèdent à un rythme accéléré, et l'Officier français de liaison avec les partenaires atlantiques, a fort à faire et parcourt en jeep et en tenue de campagne les nombreux postes de commandement alliés disséminés dans les vastes bois de Berlin-Ouest pour transmettre les informations respectives du déroulement des "opérations défensives ". S'ajoutent à ces manoeuvres, la mise en oeuvre de nombreuses cérémonies commémoratives du camp de la liberté, et les troupes alliées sont passées en revue dans l'un des 3 secteurs à tour de rôle par les Généraux, leurs Etats-Majors, devant un public bariolé d'épouses de militaires invitées pour la circonstance souvent renouvelée. L'Officier de liaison a également la responsabilité, partagée avec son homologue civil, des tâches délicates du protocole. Attention à ne pas commettre d'impairs ! Voyage à Paris : le monde arabe et une maladresse Vient alors s'intercaler en 1954 une "péripétie" hors Berlin dans la carrière du jeune Lieutenant M. Une note du Ministre de la Défense Nationale invite à se faire connaître tous les Officiers français qui ont une expérience du monde arabe en Proche et Moyen-Orient pour participer au concours destiné à mettre en place trois Attachés Militaires "spécialistes" des questions arabes. Maurice bondit à Paris, bien soutenu par des relations haut placées, se juge grand favori et se présente à son tour, très confiant, devant un Comité de Professeurs Agrégés d'Histoire, chargés de vérifier l'expérience et les connaissances acquises de chacun des candidats interrogés. Maurice raconte ses vingt ans d'Egypte, ses quatre ans de Proche-Orient, assure qu'il est encore parfaitement apte à lire et à écrire l'arabe littéraire. Ces messieurs semblent satisfaits et Maurice insiste sur le régime parlementaire de la royauté égyptienne, sur les attaches qu'il a conservées dans ce pays, et conclut en faisant ressortir les résultats encore négatifs de la politique du Raïs. Le visage du Président du comité se rembrunit et il met fin brusquement à l'interrogatoire. Un ami ex-Consul de France au Caire, discrètement présent, explique à la sortie que ce Président est un chaud partisan de Nasser et que cette imprudence risque de peser lourd dans le vote final du comité. En effet, la candidature de l'ex-Français d'Egypte ne sera pas retenue. Déçu et amer, le Lieutenant rentre à Berlin, où l'attend son Directeur de service pour le détacher pendant un premier mois dans l'intendance du Royaume-Uni, et le mois suivant dans celle des Etats-Unis pour voir ce qui s'y fait de mieux que chez nous. Cette double mission console un peu Maurice qui va s'intégrer dans la vie quotidienne de fonctionnaires vieux alliés. "He is a jolly good fellow " Le soir de son arrivée dans le secteur britannique, Maurice fut très dignement accueilli par le Major commandant le Royal Army Service Corps (équivalent de l'Intendance Militaire de l'Armée de Terre de la République Française) qui avait organisé en son honneur un très officiel dîner auquel il avait convié les Officiers adjoints, tous ces nobles représentants du Royaume-Uni en tenue d'apparat. Dans sa tenue de sortie, le Lieutenant français fit courageusement face aux circonstances et aux aléas d'un menu typiquement anglo-saxon qui se termina par le chester (fromage traditionnel servi après le dessert) le tout couronné in fine par le cherry des grandes occasions. Les verres une fois remplies, le Major se leva et porta le sien à la hauteur convenue pour porter un toast à la Royal Highness, the Queen Elisabeth of England, et à Monsieur René Coty, Président de la République Française. Tous les Officiers présents firent écho à l'unisson, et Maurice joignit sa voix, qu'il voulut ferme et stridente comme le coq français, à celle de ses alliés, ses lointains cousins normands sans doute. Au cours de la soirée, les sujets de conversations furent imprégnés de la meilleure entente cordiale, et il fut souvent question de la célèbre devise de la Couronne "Honni soit qui mal y pense ". Au moment de se séparer, les hôtes entonnèrent en choeur à l'intention de leur invité, le non moins célèbre chant qui manifeste généralement un sentiment collectif d'approbation "He is a jolly good fellow ". A partir de ce moment-là, Maurice savait que ses alliés d'outre-Manche étaient aussi devenus ses amis, dont la plupart l'accueillirent par la suite au sein de leur famille, et des années durant, en dépit de l'éloignement et du temps passé, lui expédièrent très ponctuellement leurs cartes de voeux pour un "Happy X'mas, and Happy New Year ". Cette parenthèse fermée, Maurice fut convié, dès le lendemain matin de cette soirée achevée à fortes doses de bon whisky écossais, au non moins traditionnel breakfast du sujet britannique, amateur de porridge, de harengs frits ou marinés, et des célèbres "eggs and bacon ", le tout servi en même temps que la non moins célèbre marmelade. Il fit honneur à ces aimables découvertes gastronomiques qui vous calent l'estomac jusqu'à l'heure du lunch. La première journée de son stage coïncidait avec le périodique inventaire des stocks, et il a toujours conservé l'image très particulière des jeunes Officiers en tenue impeccable, utilisant leur badine pour pointer le nombre de sacs de farine, avec un sérieux et une dignité dans l'accomplissement de leur tâche qui n'avaient rien à envier à la superbe de leurs "collègues" penchés sur des cartes d'état-major. Le descendant de Lafayette Le contraste parut saisissant à l'envoyé en mission dans le secteur U.S.A. quand Maurice présenta le mois suivant ses lettres de créance au Colonel commandant le "Quater-master" des Forces U.S.A. un homme sorti du rang, alerte sexagénaire aux manières simples comme sa culture, tout à l'opposé de son homologue et aristocrate britannique. Sorti de son Connecticut natal, il accueillit le petit Français par son prénom, et une chaleureuse poignée de mains (geste inconnu entre nobles sujets de l'U.K.). La glace était rompue d'emblée entre l'Officier supérieur d'outre-Atlantique et le jeune Lieutenant de la vieille France. Le soir-même, le Colonel amenait son "invité" à son domicile pour lui présenter son épouse, sa nombreuse progéniture, trois jeunes filles en fleur, franchement moches et deux adolescents aux allures de cow-boys. A une semaine de distance, le descendant de Vercingétorix fut confronté à un repas "bien de chez eux" au cours duquel il découvrit pour la première fois, l'étrange saveur de la sauce sucrée et des "beans" à la confiture, précédant la gigantesque variété de desserts à la chantilly. Prévenu et diplomate, Maurice fit honneur à cet art culinaire que les grands chefs de la cuisine française continuent à contester. La Maison des Alliés Le jeune Officier de liaison des secteurs alliés de Berlin-Ouest est unanimement apprécié, invité partout, accueilli chaleureusement par tous ses nouveaux amis anglo-saxons. Il habite seul une villa mise à sa disposition, ainsi que deux voitures de service. Il baigne dans l'euphorie et conservera toujours un souvenir ému de cette période de sa vie. Cependant, avant de quitter le secteur allié de Berlin-Ouest, il présente le projet suivant au Commandant français. Existe-t-il en Europe, un meilleur terrain d'expérience que celui de Berlin, où les alliés vivent à quelques kilomètres les uns des autres, pour multiplier les manifestations interalliées : sportives, culturelles, artistiques et mondaines ? La bonne volonté réciproque ne manque pas. Il s'agit de l'organiser, barrière linguistique ? Une équipe d'interprètes assurerait le démarrage de l'expérience. Nombreux sont les membres des forces alliées qui désireraient en toute bonne foi, se fréquenter et mieux se connaître. Jusqu'ici, exception faite de quelques rares cérémonies officielles, chacun reste dans son coin. Seuls subsistent des contacts individuels, effectués à titre privé. Très rares sont les résidents d'un secteur qui participent à une manifestation organisée dans un secteur voisin. Y sont-ils conviés ? Si non, pourquoi ne le seraient-ils pas ? Le soin de mettre en présence, Anglais, Américains et Français de Berlin pourrait être confié à un organisme interallié qui serait chargé des relations de bon voisinage entre secteurs alliés. Chaque secteur désignerait un civil et un militaire. L'un représentant les fonctionnaires, l'autre les troupes. Les six représentants se réuniraient en comité, dont les assises se tiendraient, à tour de rôle, dans chacun des secteurs, pour une période déterminée. Les dépenses engagées par le comité seraient supportées par les gouvernements militaires alliés, selon un système de quote-part proportionnelle au nombre de participants. Le comité devrait s'employer en premier lieu, à créer un Centre Culturel Franco-Anglo-Américain, à l'instar des Centres Franco-Allemagne, Royaume-Uni-Allemagne, U.S.A.-Allemagne, existants à Berlin. L'installation de ce centre serait à prévoir dans un local situé au centre des trois secteurs et qui serait appelé à devenir "La Maison des Alliés" ouverte à tous les membres civils et militaires des forces alliés de Berlin. La "Maison des Alliés" administrée par le comité et aménagée en compartiments Officiers et civils assimilés, Sous-Officiers et civils assimilés, Hommes de Troupe, fournirait l'occasion quasi-permanente à un "allié" de rencontrer un autre "allié" pendant ses heures de loisir. Chaque compartiment de "La Maison des Alliés" comprendrait un bar, restaurant, salon de thé et salle de bal. Des facilités de transport pourraient être consenties aux Officiers subalternes et aux Sous-Officiers, en particulier les célibataires, qui voudraient dîner en compagnie de leurs alliés. Un service de cars par secteur assurerait une liaison journalière, suivant un horaire fixe. Le comité serait en relation constante, dans chaque secteur, d'une part avec le service chargé de l'organisation des spectacles de cinéma, de théâtre, de variétés et d'autre part avec l'Officier des Sports de la garnison. Il serait renseigné à tout moment sur les manifestations organisées par un secteur et y apporterait la contribution des ressortissants des autres secteurs. La mise sur pied de manifestations interalliées lui incomberait également. Enfin une monnaie "alliée" locale devrait être instituée et acceptée dans tous les établissements des trois secteurs.

L'ALGÉRIE

Dans le Constantinois Un matin, au courrier, un message très officiel lui apprend qu'il doit sans délai rejoindre son nouveau poste en Algérie, à Constantine. Algérie ? Constantine ? Bien entendu, les événements d'Algérie, en cette fin de Juillet 1955, lui avaient confirmé par voie du communiqué quotidien destiné aux Officiers, l'inexorable évolution du conflit déjà vieux de quelques mois. Mais il était aux antipodes géographiques, et ces nouvelles ne cristallisaient pas son attention. C'était le réveil brutal, la fin d'une sinécure. En moins de 15 jours, il débarque à Alger et découvre un monde arabe qu'il avait presque oublié, déjà différent de celui du Proche et Moyen-Orient comme l'étaient aussi les Français de souche algérienne, ces pieds-noirs par rapport à ceux de ses compatriotes qu'il avait connu à Damas et à Beyrouth. Il était surtout frappé par l'atmosphère tendue qui régnait autour de lui, le chrétien et le musulman une nouvelle fois face à face, comme en Syrie en 1943. Maurice se remémorait son aventure, plus de 20 ans en arrière. Il se refusait à croire que cela pouvait être une sinistre répétition, parce qu'il croisait aussi de paisibles silhouettes maures, des hommes qui arboraient les plus prestigieuses décorations militaires françaises… Maurice les suivait du regard, et revivait quelques instants le souvenir de l'Adjudant-Chef Khalil, son compagnon d'armes dans le désert de Palmyre. Les anciens combattants de deux guerres, ceux qui refusaient de rejoindre les rangs des rebelles de l'Aurès, avaient la gorge tranchée pour vouloir rester fidèles à la France. Ils étaient toujours retrouvés à l'aube, par nos patrouilles, dès les premières lueurs, impuissantes à contrôler les ténèbres de la nuit. Miraculé Maurice arrivait le 14 Août 1955 à Constantine, jusque-là relativement épargnée et le lendemain, au moment où la sirène municipale annonçait midi, des grenades éclataient un peu partout à cette heure de grande affluence. Une manière saugrenue et macabre, mais purement accidentelle, de saluer la venue du fringant Lieutenant en provenance du "paradis" berlinois. Quelques jours plus tard, Maurice choisit exceptionnellement un taxi pour rejoindre, étant donné l'heure tardive, l'hôtel où il est installé. Arrivé à destination, il règle la course, sort du véhicule, et pénètre dans le hall de l'hôtel en prenant soin de refermer la porte vitrée derrière lui. A ce moment précis, une explosion toute proche lui fait regarder machinalement par la vitre en direction de la rue. Son taxi flambe, touché à mort, ainsi que le conducteur, par un engin explosif. Maurice commence à s'énerver. Cependant, le Dimanche suivant, il accepte de prendre l'apéritif avec un camarade dans le café européen le plus fréquenté du centre de la ville, et en particulier par un grand nombre de jeunes "pieds-noirs" qui fêtent semble-t-il la "quille ". Ils sont tous installés à la terrasse qu'ils occupent entièrement. Maurice et son ami prennent place à une table, restée vide, qui est placée contre le mur de briques séparant la terrasse et la salle intérieure. Une voiture passe dans la rue et ses occupants lancent des grenades sur la terrasse du café. Bilan ; 8 morts et 15 blessés, dont 6 gravement. Le souffle est tel, que Maurice et son ami sont projetés par terre, contusionnés mais indemnes. S'il n'est pas blessé, Maurice est atteint dans son équilibre neurologique. Il entame une longue période dépressive, et 20 ans après sa maladie du désert syrien, il subit une nouvelle épreuve qui lui fait prendre conscience de son âge et de la fragilité du sort. Il cherche dorénavant un port d'attache, un foyer. Lors de la permission de convalescence, il rembarque pour la France et il a la chance de rencontrer sa future compagne qu'il épousera quelques mois après. Philosophie d'un Officier des Forces de l'Ordre Au retour de cette première permission, le Lieutenant est attendu non sans impatience pour se voir confier la mise en oeuvre d'un complexe de ravitaillement, voisin d'une base aérienne, "quelque part à l'intérieur, en Kabylie". Maurice n'est pas fâché de quitter Constantine, car il apprend qu'un Officier de son service a été poignardé dans le dos en rejoignant son domicile à la nuit tombante. Les militaires français qui s'aventurent encore dans les rues à des heures déconseillées, ont adopté la démarche du crabe et avancent de biais, un oeil devant et un oeil derrière, la main crispée sur la crosse de "l'arme automatique" dont le port est dorénavant autorisé. Au Mess des Officiers de la garnison, après les tueries des victimes innocentes et les assassinats quotidiens d'autochtones francophiles, les discussions orageuses vont bon train et chacun donne son avis. Les Lieutenants, qu'ils soient de carrière ou accomplissent leur temps de service, peut-être parce qu'ils sont jeunes, et de ce fait, moins soucieux de "l'obligation de réserve ", jugent sévèrement la situation et les responsables au plus haut niveau. Certains se feront rappeler à l'ordre. Nous ne sommes qu'en hiver 1956. La guerre d'Algérie est déjà perdue. La mobilisation générale de tous les pieds-noirs en état de porter les armes pour lutter contre les rebelles, contre les autochtones francophobes, aura été souhaitée, envisagée mais jamais décrétée. Il n'y avait pourtant pas d'autre solution pour garder l'Algérie française. Autour de Maurice, les jeunes Officiers des "Forces de l'Ordre" déplorent de voir leurs camarades pieds-noirs fêter à leur manière leur retour à la vie civile, alors que la guerre continue, et que s'allonge la liste des tués des soldats de la métropole.

RÉFLEXIONS

Je me permets de rappeler la solennelle proclamation de Georges Clémenceau, en évoquant les souffrances des poilus. "Ces hommes ont des droits sur nous". Périodiquement, depuis bientôt 70 ans, des voix beaucoup plus autorisées que la mienne et aux niveaux les plus élevés dans la hiérarchie des Associations d'anciens combattants s'efforcent d'attirer l'attention de tous les Gouvernements de toutes les Républiques sur cette phrase historique, applaudie sur tous les bancs des représentants de la Nation à l'Assemblée Nationale. "Unis comme au front" avaient crié les Français devant l'envahisseur, devant l'ennemi commun. Mais la nature de l'homme et du Français en particulier, est telle qu'une fois le danger passé et l'ennemi vaincu, la vie de la paix retrouvée reprend elle aussi ses droits et ses exigences. Nos amis britanniques nous ont appris qu'il faut diviser pour régner, et les Latins que nous sommes se laissent trop facilement diviser. Quand ils ont enterré leurs camarades morts pour la France en 1918 et en 1945, les survivants se sont dispersés et affrontés sur le plan idéologique. En rompant l'union sacrée, les anciens combattants ont affaibli leur image patriotique et se sont déconsidérés devant l'opinion publique, devant les générations nouvelles. On est bien loin des Droits que la Nation leur reconnaissait après la première guerre mondiale. Et pourtant, l'ancien combattant, doit sauvegarder le droit imprescriptible qui l'honore, aujourd'hui comme hier, le droit à la déférence de ses concitoyens. Mais ce sentiment n'est pas unanime, hélas. Il ne suffit plus que le Monument aux Morts de la moindre agglomération de notre Hexagone, depuis bientôt 70 ans, et d'une guerre à l'autre, rassemble autour de lui, le temps d'un silence, ceux qui ont combattu et survécu, à côté des plus jeunes, peu nombreux qui vivent leur existence de paix, sans trop se demander à qui ils la doivent. L'école leur a peu appris à ce sujet, comme vous savez, sur l'existence de guerre de leurs aînés, et pour des milliers et des milliers, sur la portée du sacrifice suprême. Les cimetières militaires, les croix de bois seraient tombés depuis longtemps dans l'indifférence générale sans l'inlassable dévouement de nos amis du Souvenir Français, et nos fidèles porte-drapeaux qui méritent notre reconnaissance. Mon propos insistera en particulier sur les cérémonies du 1er et du 2 Novembre de chaque année, cérémonies du recueillement tournées vers le passé, par rapport à celles du 11 Novembre et du 8 Mai. La journée des défunts, toutes religions confondues, est à mes yeux le plus solennel hommage que l'on puisse rendre aux anciens combattants car le survivant s'incline ce jour-là partout dans le monde devant la tombe d'un père, d'un frère, d'un proche parent, et qu'il porte sur lui et en lui, les traces et les séquelles qui le font encore souffrir dans la vie. La journée des défunts doit surtout faire songer aux milliers de morts pour la France. Je souhaiterais que le souvenir des morts disparus dans la force de l'âge pour sauver leur patrie en danger, devienne, le 2 Novembre, la Journée de l'Ancien Combattant. Je conçois la légitime fierté d'un Président National et du Ministre de tutelle de consacrer enfin la Journée de l'Ancien Combattant. Avec les célébrations des Victoires du 11 Novembre et du 8 Mai, la journée du 2 Novembre serait officiellement chômée pour rendre un vibrant hommage à tous les anciens combattants, enfin rétablis dans leurs droits au respect. Alors, les quelques universitaires lycéens et même écoliers présents aux cérémonies ou devant les écrans de télévision regarderont peut-être avec plus d'attention ces Français qui se redressent gaillardement devant le drapeau la poitrine bardée de décorations et qui arborent leurs calots de tradition avec une légitime fierté. Ne pensez-vous pas, qu'à l'instar de nos alliés anglais et américains, mais pour chacun son calot, nous pourrions sensibiliser la foule des badauds et faire poser des questions à nos petits enfants, si nous étions nombreux, disons tous, présents avec nos calots, le 2, le 11 Novembre, le 8 Mai. Nous aurions encore belle allure, nous qui avons atteint ou dépassé le 3ème âge, à côté de nos camarades des générations du feu plus récentes, et de nos jeunes d'aujourd'hui et de demain, les Soldats de France et les jeunes de Combat pour la France qui ont choisi de partager et de perpétuer notre foi de patriotes. Je salue avec émotion nos héritiers spirituels. Quant à nous, les anciens, qui serons encore moins nombreux l'année prochaine, car nos rangs s'éclaircissent impitoyablement, si nous voulons conserver notre dignité, nous avons intérêt à suivre des exemples récents de rapprochement et de fusion dans le même état d'esprit que celui qui prévalait sur les champs de bataille. Mettons un point final à notre extrême dispersion, et ce qui est encore plus navrant aux dissensions qui existent parmi des camarades du même combat, et pire encore au sein d'une même association. Nous disons un non définitif aux querelles intestines, aux conflits de caractères, aux ambitions inavouées, aux conspirations de palais, et j'en passe. Laissons les autres s'entre-déchirer, les autres qui n'ont jamais connu le danger face à l'ennemi et à la mort. Anciens Combattants, anciens Résistants, nous sommes d'une autre trempe, nous devons donner l'exemple dans le temps de paix comme nous l'avons donné sur le front. Ce qui est essentiel à mes yeux, demeure dans le respect que nous devons avoir les uns pour les autres. Soyons des sages, des conciliateurs, des éléments solides et équilibrés de la Nation. Favorisons les rapprochements, créons des Comités d'Entente, soyons unis comme au front, aujourd'hui plus que jamais dans l'Histoire du XXème siècle.