Lieutenant-Colonel (C.R.)
Maurice
FLEURENT
***
005
DANS LE DÉSERT SYRIEN
Perfide
Albion
Berlin-Ouest
Dans
le Constantinois
**
GUERRE
1939 - 1945
CAMPAGNE
D'ALGÉRIE
Témoignage
NICE -
Avril 1985
Analyse du
témoignage
Écriture : Janvier 1985 -
55 pages
Préface
de Pierre VALLÉRIE
Contrôleur Général des
Armées
En Janvier 1944, le Général
Beaumont-Nesbitt qui, à l'époque, commandait les
forces britanniques dans les États du Levant sous
mandat français, donne l'ordre à ses Officiers
d'organiser à Beyrouth une réception pour
resserrer les liens de l'amitié
franco-britannique. Tous les Officiers généraux et
supérieurs français furent invités. En mission au
Levant à cette époque, je fus naturellement invité
à m'y rendre. Cette réception fut donnée dans les
salons du fastueux hôtel Saint-Georges,
aujourd'hui hélas disparu par suite des
dramatiques événements de ces dernières années.
L'ambiance y était chaleureuse et le Martini-Gin
coulait en abondance. Trop sans doute puisque tout
à coup un M.G.W. anglais, quelque peu éméché,
empoigne l'épaule d'un Officier français son
voisin et à très haute voix s'écrie dans un
français fortement marqué d'un accent britannique
: "Oh, my dear, on a reçu l'ordre de vous aimer
aujourd'hui !". Emmené aussitôt par ses collègues
anglais, il fut littéralement volatilisé. Ce cri
du coeur illustre remarquablement le double jeu
mené jusqu'à notre départ et sans relâche par
l'autorité anglaise au Levant et tout
particulièrement par le personnel militaire
dépendant du "Colonial Office" sous l'autorité
complaisante pour ne pas dire davantage du Général
Edward L. Spears, nommé en Février 1942, envoyé
extraordinaire et Ministre plénipotentiaire auprès
des républiques syrienne et libanaise. En dépit de
l'amour qu'il prétendait garder à la France, sa
prétendue "seconde patrie", il ne cessa de ruiner
l'autorité de la France- Libre dans ces deux pays
jusqu'à notre éviction complète en 1945. Un film
pris à Damas au cours de manifestations montre
nettement l'attitude des policiers anglais
encourageant la population à manifester contre la
France. En Mars 1944, je reçus un télégramme de Mr
Mendes- France, Commissaire pour la France- Libre,
d'avoir à accueillir, à Beyrouth, un
Officier-Général anglais, envoyé spécialement de
Londres, pour mettre avec moi, au point,
l'application dans les territoires sous mandat
français, d'un accord conclu entre Duff Cooper,
Ministre du Foreign Office et Mendès- France qui
garantissait totalement notre rôle dans ces deux
pays. Je le reçus à l'aérodrome un Vendredi.
Spears était également présent. Je proposais que
nous nous réunissions dès le lendemain. Spears s'y
opposa formellement arguant de la fatigue de
l'envoyé londonien et voulut que notre première
réunion se tint le Lundi matin. Il ne pouvait
s'agir là que d'une manoeuvre pour permettre au
Général Spears de "chambrer" soigneusement
l'envoyé de Duff Cooper. J'ouvris la réunion le
Lundi matin à 9 heures en faisant remarquer que
nous étions réunis pour la mise en application de
ce fameux accord dont les termes étaient fort
explicites. Spears prétendit alors que notre rôle
était simplement d'examiner si la mise en
application de cet accord était possible eu égard
aux circonstances. Cette position était
inacceptable pour la France. Nous ne pûmes nous
mettre d'accord et je quittais la séance.
Finalement en dépit de cet envoyé du Foreign
Office, le Général Spears poursuivit son action
contre nous. Comme l'expose fort à propos Maurice
Fleurent, les Anglais n'hésiteront pas à aller
jusqu'à l'assassinat des Français qui gênaient
leur action. Le Général Ralph Monclar et Mr
Busson, Directeur de la Banque Française du Liban
à Beyrout, m'avaient eux-mêmes mis en garde. Mon
prédécesseur à Beyrouth avait disparu
mystérieusement. On ne le retrouva jamais.
Parfois, un avion français, brûlait, où sur la
route de Beyrout à Damas, dans les virages, en
pleine montagne un camion fou conduit par un Arabe
roulant à gauche envoyait dans les ravins bordant
la route une voiture française emmenant une
personnalité puissante. Rentré à Alger en Avril
1944, je remis au Général De Gaulle une note
secrète du Général Beynet, Haut-Commissaire au
Levant et lui rendis compte de tout ce que j'avais
moi-même constaté. Il entra dans une violente
colère, accusant Churchill de trahison. C'est dire
combien le récit de Fleurent Maurice vient à point
pour éclairer les Français sur la duplicité de nos
amis à cette époque. Je dois dire, comme il
l'exprime lui-même que cependant, dans les combats
qui se poursuivirent en Europe à partir de Juin
1944 on vit fort heureusement renaître une plus
franche collaboration.
In January 1944, General
Beaumont Nesbitt who was in charge of the
British forces in the countries of Orient, under
French mandate orders his officers to organise
in Beirut a party to tighten the friendship
between France and Britain. All the general
officers, and field officers were invited. As I
was on a mission in Orient at that time, I was
naturally invited to join. This party was held
in the sumptuous lounges of the St George Hotel
that has unfortunately disappeared since,
following the dramatic events of those last few
years. The atmosphere was cordial, and the
Martini-Gin was flowing abundantly too much may
be, since an English M.G.W., somehow tipsy, got
hold of the shoulder of a French officer and
exclaimed loudly in French strongly tinted with
an English accent: "Oh my dear, we have been
given the order to be nice to you today !"
Immediately taken away by his English
colleagues, he literally disappeared. This "cri
de coeur" is a remarkable illustration of the
dual role played unremittingly until our
departure by the English authority in Orient,
and most particularly by military personnel
depending from the Colonial office, under the
complaisant authority not to say more of General
Edward L. Spears appointed in February 1942,
special envoy, and plenipotentiary minister to
the Syrian and Lebanese republics. Despite the
love he was claiming to vow to France, his
second fatherland, he never ceased to undermine
the authority of the France Libre in those two
countries, until our complete eviction in 1945.
A film shot in Damascus during some
demonstrations, clearly shows the attitude of
the English policemen who were encouraging the
population to demonstrate against France. In
march 1944, I received a telegram from Mr
Mendès-France, representative of the
France-Libre, to greet in Beirut, an English
General Officer especially sent from London to
implement with me, in the territories under
French mandate, an agreement settled between
Duff Cooper, Foreign Office minister, and
Mendès-France, which totally guaranteed our role
in those two countries. I greeted him at the
airport on a Friday, Spears was also there. I
suggested that we started meeting on the
following day. Spear disagreed completely,
arguing that the envoy from London was too
tired, and wanted our first meeting to be held
on Monday morning. That could only have been a
manoeuvre to enable General Spear to keep away
Duff Cooper's envoy. I opened the meeting on
Monday morning at 9 AM, stressing that we were
together for the implementation of this well
known agreement, the words of which were very
explicit. spear claimed that our role was simply
to examine if it was possible to implement this
agreement in view of the circumstances. This
position was unacceptable for France. We could
not come to any agreement, so I left the
meeting. Finally in spite of this envoy from the
Foreign Office, General Spears continued his
action against us. AS Maurice Fleurent explained
most pertinently, the English will not hesitate
to go as far as murdering the French who were
hindering their action. General Ralph Monclar
and Mr Busson, manager of the "Banque Française
du Liban" (French bank in Lebanon), had warned
me personally. My predecessor had mysteriously
disappeared, he was never to be found. Sometime,
a French plane would burn, or on the road from
Beirut to Damascus, in the curves in the middle
of the mountains a mad lorry driven by an Arab,
on the wrong side of the road would send in the
ravines running along the road a French car with
an important person on board. Back in Algiers in
April 1944, I handed to General de Gaulle, a
secret note from General Beynet, High commissary
to the Orient, and informed him of all that I
had myself witnessed. He got extremely angry,
accusing Churchill of treason. That shows the
importance of the account from Fleurent to show
to the French people the duplicity of our
friends at the time. I must say, as he expressed
it himself, that in the fighting that continued
in Europe as from June 1944, we saw the rebirth
of a more unequivocal co-operation.
POSTFACE
de Michel EL BAZE
L'auteur dédie ce récit à
ceux de ses camarades qui ont peut-être vécu, au
cours de leur engagement des "péripéties"
analogues ou autrement singulières mais qui n'ont
pas été jusqu'ici en mesure de faire reconnaître
leur maladie de guerre comme une blessure de
guerre, même légère. Maladie qui s'aggrave
inexorablement avec l'âge et rend pénible et amère
leur existence d'ancien combattant incompris,
handicapé dans leur vie familiale et
professionnelle.
The author dedicates this
account to those of his companions, who during
their action, went through similar adventures,
or adventures peculiar in other respects, but
have not been able to have their war disease
acknowledged as a war wound even light. A
Sickness that get inexorably worse with age, and
make their life of misunderstood war veteran,
painful and bitter, handicapped as they are in
their private and professional life.
TABLE
PREFACE 6
INTRODUCTION
9
DEDICACE
10
Livre 1
La MEMOIRE 12
Dans le
désert syrien 13
L'engagement
13
Le
temps des armes 13
Palmyre
14
Perfide
Albion 14
Sous-Officier
syrien de coeur français 14
Les
agapes bédouines 15
Le
chef bédouin - mon ami - mon frère 15
Face
à "l'ennemi " 15
"Lawrence"
d'Arabie ? 16
Ma
dernière mission 17
Au
péril de ma vie 17
Rapatrié
sanitaire 18
Entre
la vie et la mort ou par la grâce d'Allah 18
J'avais
prévu et annoncé une page d'histoire 19
Entente
cordiale 19
Vue
partielle de la garnison de Palmyre 20
Campement
bédouin 20
Berlin-Ouest 21
Triste
alliance 21
Berlin-Est
- Inquiétudes 21
Voyage
à Paris le monde arabe et une maladresse 22
"He
is a jolly good fellow " 22
Le
descendant de Lafayette 23
La
Maison des Alliés 23
Pause
casse-croûte du détachement français 25
dans
le bois de Tegel 25
L'ALGERIE 28
Dans
le Constantinois 28
Miraculé
28
Philosophie
d'un Officier des Forces de l'Ordre 29
REFLEXIONS 29
Livre II
DOCUMENTS
Nice le 4 Février
1993
Colonel
FLEURENT Maurice
40
Av. Cap de Croix
06100
- Nice
Objet : Les guerres du
XXème siècle à travers les témoignages oraux.
DANS
LE DÉSERT SYRIEN
Berlin
Ouest - Dans le Constantinois - GUERRE 1939 / 1945
Écriture
: 1985 - Édition : Avril 1985 - 55 pages
Cher ami, La présente
lettre s'adresse aux témoins dont j'ai édité les
récits de vie dans le cadre de notre Association. Compte tenu de l'importance prise par
notre collection et de l'intérêt que lui portent
les chercheurs à qui elle est destinée, il est
devenu nécessaire que vous me précisiez si, avant
l'écriture de votre récit, vous avez en
connaissance d'ouvrages parus sur le sujet que
vous évoquez et dans l'affirmative, si vous les
avez utilisés, soit en vous en inspirant, soit en
copiant des passages. Dans ce dernier cas, c'est à dire si vous
avez copié des réflexions descriptions ou autres
écritures d'un autre auteur, vous voudrez bien
m'adresser photocopie des pages en cause de votre
propre témoignage, sur lesquelles les mots copiés
devront apparaître entre guillemets avec une note
de renvoi en bas de page qui indiquera la source. Vous comprendrez que faute de ce faire,
l'ensemble de recueil risque de perdre sa
crédibilité auprès des prestigieuses Institutions
Nationales et Internationales dépositaires de
votre témoignage. Votre dévoué
Michel El
Baze
Préface de Pierre Vallerie
Contrôleur Général des
Armées (C.R.)
En Janvier 1944, le
Général Beaumont-Nesbitt qui, à l'époque,
commandait les Forces Britanniques dans les Etats
du Levant sous mandat français, donne l'ordre à
ses Officiers d'organiser à Beyrouth une réception
pour resserrer les liens de l'amitié
franco-britannique. Tous les Officiers généraux et
supérieurs français furent invités. En mission au
Levant à cette époque, je fus naturellement invité
à m'y rendre. Cette réception fut donnée dans les
salons du fastueux hôtel St Georges, aujourd'hui
hélas disparu par suite des dramatiques événements
de ces dernières années. L'ambiance y était
chaleureuse et le Martini-Gin coulait en
abondance. Trop sans doute puisque tout à coup un
M.G.W. anglais, quelque peu éméché, empoigne
l'épaule d'un Officier français son voisin et à
très haute voix s'écrie dans un français fortement
marqué d'un accent britannique : - Oh, my dear, on
a reçu l'ordre de vous aimer aujourd'hui ! Emmené
aussitôt par ses collègues anglais, il fut
littéralement volatilisé. Ce cri du coeur illustre
remarquablement le double jeu mené jusqu'à notre
départ et sans relâche par l'autorité anglaise au
Levant et tout particulièrement par le personnel
militaire dépendant du "Colonial Office" sous
l'autorité complaisante pour ne pas dire davantage
du Général Edward L. Spears, nommé en Février
1942, envoyé extraordinaire et Ministre
plénipotentiaire auprès des Républiques Syrienne
et Libanaise. En dépit de l'amour qu'il prétendait
garder à la France, sa prétendue "seconde patrie",
il ne cessa de ruiner l'autorité de la
France-Libre dans ces deux pays jusqu'à notre
éviction complète en 1945. Un film pris à Damas au
cours de manifestations montre nettement
l'attitude des policiers anglais encourageant la
population à manifester contre la France. En Mars 1944, je reçus un télégramme de
Mr Mendes-France, Commissaire pour la
France-Libre, d'avoir à accueillir, à Beyrouth, un
Officier-Général anglais, envoyé spécialement de
Londres, pour mettre avec moi, au point,
l'application dans les territoires sous mandat
français, d'un accord conclu entre Duff Cooper,
Ministre du Foreign Office et Mendes-France qui
garantissait totalement notre rôle dans ces deux
pays. Je le reçus à l'aérodrome un Vendredi.
Spears était également présent. Je proposais que
nous nous réunissions dès le lendemain. Spears s'y
opposa formellement arguant de la fatigue de
l'envoyé londonien et voulut que notre première
réunion se tint le Lundi matin. Il ne pouvait
s'agir là que d'une manoeuvre pour permettre au
Général Spears de "chambrer" soigneusement
l'envoyé de Duff Cooper. J'ouvris la réunion le
Lundi matin à 9 heures en faisant remarquer que
nous étions réunis pour la mise en application de
ce fameux accord dont les termes étaient fort
explicites. Spears prétendit alors que notre rôle
était simplement d'examiner si la mise en
application de cet accord était possible eu égard
aux circonstances. Cette position était
inacceptable pour la France. Nous ne pûmes nous
mettre d'accord et je quittais la séance.
Finalement en dépit de cet envoyé du Foreign
Office, le Général Spears poursuivit son action
contre nous. Comme l'expose fort à propos Maurice
Fleurent, les Anglais n'hésiteront pas à aller
jusqu'à l'assassinat des Français qui gênaient
leur action. Le Général Ralph Monclar et Mr
Busson, Directeur de la Banque Française du Liban
à Beyrouth, m'avaient eux-mêmes mis en garde. Mon
prédécesseur à Beyrouth avait disparu
mystérieusement. On ne le retrouva jamais.
Parfois, un avion français, brûlait, ou sur la
route de Beyrouth à Damas, dans les virages, en
pleine montagne, un camion fou conduit par un
Arabe roulant à gauche envoyait dans les ravins
bordant la route une voiture française emmenant
une personnalité puissante.Rentré à Alger en Avril 1944, je remis au
Général De Gaulle une note secrète du Général
Beynet, Haut-Commissaire au Levant et lui rendis
compte de tout ce que j'avais moi-même constaté.
Il entra dans une violente colère, accusant
Churchill de trahison. C'est dire combien le récit
de Fleurent Maurice vient à point pour éclairer
les Français sur la duplicité de nos amis à cette
époque. Je dois dire, comme il l'exprime lui-même
que cependant, dans les combats qui se
poursuivirent en Europe à partir de Juin 1944 on
vit fort heureusement renaître une plus franche
collaboration.
In January 1944, General
Beaumont Nesbitt who was in charge of the
British forces in the countries of Orient, under
French mandate orders his officers to organise
in Beirut a party to tighten the friendship
between France and Britain. All the general
officers, and field officers were invited. As I
was on a mission in Orient at that time, I was
naturally invited to join. This party was held
in the sumptuous lounges of the St George Hotel
that has unfortunately disappeared since,
following the dramatic events of those last few
years. The atmosphere was cordial, and the
Martini-Gin was flowing abundantly too much may
be, since an English M.G.W., somehow tipsy, got
hold of the shoulder of a French officer and
exclaimed loudly in French strongly tinted with
an English accent: "Oh my dear, we have been
given the order to be nice to you today !"
Immediately taken away by his English
colleagues, he literally disappeared. This "cri
de coeur" is a remarkable illustration of the
dual role played unremittingly until our
departure by the English authority in Orient,
and most particularly by military personnel
depending from the Colonial office, under the
complaisant authority not to say more of General
Edward L. Spears appointed in February 1942,
special envoy, and plenipotentiary minister to
the Syrian and Lebanese republics. Despite the
love he was claiming to vow to France, his
second fatherland, he never ceased to undermine
the authority of the France Libre in those two
countries, until our complete eviction in 1945.
A film shot in Damascus during some
demonstrations, clearly shows the attitude of
the English policemen who were encouraging the
population to demonstrate against France. In
march 1944, I received a telegram from Mr
Mendès-France, representative of the
France-Libre, to greet in Beirut, an English
General Officer especially sent from London to
implement with me, in the territories under
French mandate, an agreement settled between
Duff Cooper, Foreign Office minister, and
Mendès-France, which totally guaranteed our role
in those two countries. I greeted him at the
airport on a Friday, Spears was also there. I
suggested that we started meeting on the
following day. Spear disagreed completely,
arguing that the envoy from London was too
tired, and wanted our first meeting to be held
on Monday morning. That could only have been a
manoeuvre to enable General Spear to keep away
Duff Cooper's envoy. I opened the meeting on
Monday morning at 9 AM, stressing that we were
together for the implementation of this well
known agreement, the words of which were very
explicit. spear claimed that our role was simply
to examine if it was possible to implement this
agreement in view of the circumstances. This
position was unacceptable for France. We could
not come to any agreement, so I left the
meeting. Finally in spite of this envoy from the
Foreign Office, General Spears continued his
action against us. AS Maurice Fleurent explained
most pertinently, the English will not hesitate
to go as far as murdering the French who were
hindering their action. General Ralph Monclar
and Mr Busson, manager of the "Banque Française
du Liban" (French bank in Lebanon), had warned
me personally. My predecessor had mysteriously
disappeared, he was never to be found. Sometime,
a French plane would burn, or on the road from
Beirut to Damascus, in the curves in the middle
of the mountains a mad lorry driven by an Arab,
on the wrong side of the road would send in the
ravines running along the road a French car with
an important person on board. Back in Algiers in
April 1944, I handed to General De Gaulle, a
secret note from General Beynet, High commissary
to the Orient, and informed him of all that I
had myself witnessed. He got extremely angry,
accusing Churchill of treason. That shows the
importance of the account from Fleurent to show
to the French people the duplicity of our
friends at the time. I must say, as he expressed
it himself, that in the fighting that continued
in Europe as from June 1944, we saw the rebirth
of a more unequivocal co-operation.
INTRODUCTION
Extrait
des Mémoires de Guerre
du
Général De Gaulle 1942-1944
… Je ne voulais pas pour
l'instant renoncer au droit suprême de la France
en Syrie et au Liban… nous étions certains
d'accomplir sans heurts graves les transitions
nécessaires si l'Angleterre ne gâchait pas le jeu.
Mais elle le gâchait bel et bien… L'autorité
française faisait fonctionner une raffinerie qui
permettait de fournir le Levant d'essence sur la
part de pétrole qui appartenait à la France, les
Britanniques cherchaient par tous moyens à fermer
notre établissement afin que nous-mêmes et les
Etats du Levant fussions, en cette matière, sous
leur complète dépendance. Dans tous les domaines,
tous les jours, partout, c'était du fait de nos
alliés, des ingérences multipliées par une armée
d'agents en uniforme. J'étais résolu à m'opposer à
cet étouffement, et s'il devait arriver que nous
succombions cependant, à faire en sorte que l'abus
fut mis en pleine lumière. Ayant vérifié sur place
l'état des choses, je commençai ma campagne en
adressant à Monsieur Churchill, une protestation
formelle… Les interventions constantes des
représentants du gouvernement britannique… ne sont
pas compatibles, ni avec le désintéressement
politique de la Grande-Bretagne en Syrie et au
Liban, ni avec le respect de la position de la
France, ni avec le régime du mandat. En outre, ces
interventions et les réactions qu'elles entraînent
donnent à penser aux populations dans tout
l'Orient arabe que de graves divergences
compromettent ici la bonne entente entre la
Grande-Bretagne et la France combattante,
cependant alliées… Il ne m'est pas possible
d'accepter votre conception suivant lesquelles les
ingérences politiques des représentants
britanniques au Levant seraient compatibles avec
les engagements pris par le gouvernement
britannique relativement au respect de la position
de la France, et de son mandat… De plus, l'espèce
de rivalité franco-britannique créée sur place par
les interférences et les pressions de vos
représentants est nuisible à l'effort de guerre
des Nations-Unies… … Je jugeai donc nécessaire de
mettre l'Amérique et la Russie au courant… Le
Secrétaire d'Etat Cordel Hull mandait à son
ambassadeur à Londres : "… le Ministre britannique
à Beyrouth (Spears) semble à tout le moins, avoir
conçu sa mission dans un sens plus large qu'il
n'est de coutume pour un représentant diplomatique
étranger. … Notre gouvernement ne peut rester
indifférent à une controverse qui affecte l'effort
de guerre commun… ". Cependant, si rempli que fut
mon voyage (au Levant) les problèmes restaient en
suspens. J'avais pu changer l'atmosphère et donner
un coup de barre qui nous faisait gagner du temps.
Comment obtenir davantage dès lors que je
n'apportais aucun renfort d'hommes et d'argent ?
Une politique vaut par ses moyens. En Orient, plus
sûrement encore qu'ailleurs le rapport des forces
finirait par trancher, non point l'argumentation.
DÉDICACE
Je dédie mon témoignage à
ceux de mes camarades de tous les théâtres
d'opérations de guerre de par le monde, encore
vivants à l'heure où paraîtront ces lignes, mais
que le sort des combats n'a pas voulu qu'ils
soient meurtris dans leur chair. Ils ne sont pas
blessés de guerre, mais seulement des malades de
guerre. La maladie de guerre est une blessure
insidieuse et tout autant cruelle car elle ne
s'améliore pas avec le temps. Elle se situe très
exactement entre la blessure grave devant laquelle
les patriotes s'inclinent respectueusement et la
blessure légère qui s'estompe progressivement
jusqu'à ne plus laisser aucune trace dans des
délais plus ou moins courts. Si la blessure de
guerre est une "lésion occasionnée au combat en
présence et du fait de l'ennemi ", la maladie de
guerre est aussi une lésion du fait de l'ennemi
dans le cadre des combats, sinon en présence
effective de l'ennemi car elle se manifeste dans
les heures qui suivent le contact de l'ennemi. Le
Ministre de la Défense Nationale précise que le
titre de guerre "consacré par l'usage" caractérise
un fait d'armes individuel, à l'exception de la
"blessure de guerre" qui doit être homologuée
comme telle, et que les dispositions législatives
ou réglementaires ne sauraient reconnaître à un
taux d'invalidité pour maladie la qualification de
titre de guerre. Je pense au contraire que la
maladie de guerre doit être également "homologuée
comme telle" et répondre aussi à une définition
que le législateur serait enfin appelé à repenser,
car elle mérite une place et une considération
inexistantes à ce jour. L'existence d'un malade
(de guerre) chronique se détériore avec les
années, car elle est inexorablement compromise à
partir du moment où l'infortuné combattant a
contracté le mal dans le cadre du combat. Dans mon
cas personnel, dès l'âge de 21 ans, j'ai lutté
contre la mort sur un lit de l'hôpital militaire
où j'avais été transporté dans un état
semi-comateux. J'avais perdu près de 20 kilos à la
sortie d'une longue hospitalisation, bien
différent du champion d'athlétisme que j'avais été
avant de répondre à l'Appel du 18 Juin 1940.
*
**
Quelques jours avant mon
départ de Palmyre, à l'issue de mon dernier
rapport, le Commandant M. me confiait que je
faisais l'objet d'une citation pour accompagner
une proposition, à titre exceptionnel, dans la
Légion d'Honneur "au péril de ma vie ". Un mois
environ après cet ultime entretien, cet Officier
supérieur était l'un des premiers assassiné à bout
portant, son bureau saccagé, ses documents brûlés
ou disparus. Qu'était devenue la citation et la
proposition qui me concernaient ? J'avais 21 ans à
l'époque, convalescent, et heureux d'avoir échappé
à la mort. Je n'ai pas cherché à contacter les
Officiers de l'entourage du Commandant M.,
rescapés du massacre. J'ai tourné le dos à cette
tragédie macabre pour me consacrer à ma nouvelle
existence d'Elève Aspirant du cours d'Officiers
d'Administration de l'Armée de Terre.
*
**
Chaque année, sont
diffusés les travaux de Concours pour la Médaille
Militaire et la Légion d'Honneur, et sont
proposables les candidatures réunissant certaines
conditions où la mention "blessure de guerre"
figure sans que soit précisé le degré de gravité,
mais la "maladie de guerre" est douloureusement
absente des textes en vigueur dans l'attribution
d'une récompense de l'Etat. Je m'élève contre
cette injustice et je ne suis plus seul à le
proclamer depuis la création récente du Groupement
National des Malades de Guerre dont je suis
l'inspirateur récompensé par le nombre
considérable de lettres d'encouragement et de
demandes d'adhésion que je reçois tous les jours
et qui me font connaître davantage l'état de
souffrance et d'isolement moral de tous les
malades de guerre dont les demandes d'aggravation
du taux d'invalidité sont presque automatiquement
refusées. Le but principal du Groupement National
des Malades de Guerre est de promouvoir un
changement de mentalité dans des relations
nouvelles avec les autorités de tutelle. Si la
plupart d'entre nous s'inclinent rageusement
devant une décision de rejet, d'autres dont je
fais partie, ont maîtrisé leur sensibilité et osé
faire appel. Nous nous retrouvons devant un
Tribunal dit "des Pensions" mais tribunal quand
même qui affronte les plaignants, victimes
malheureuses d'une maladie contractée au service
de la patrie, très gênés de se retrouver là, pour
espérer convaincre le Commissaire de la
République, impitoyable gardien des deniers de
l'Etat, qui utilisera tout son savoir-faire pour
contrer les plaidoiries des Avocats et refuser le
plus souvent quelques points d'augmentation dont
la conversion en francs lourds est dérisoire. Quel
abominable spectacle pour ceux d'entre nous qui
ont perdu la santé… Le Groupement National des Malades de
Guerre invite le législateur à repenser le Code
des Pensions des Maladies déjà sanctionnées par
des taux d'invalidité irréalistes et
déraisonnables.
Au Chef de
Bataillon Moreau
Commandant la garnison de Palmyre
et
la Première Compagnie Légère du Désert
assassiné
par les indépendantistes syriens
avec
l'appui de nos alliés
sur
ce théâtre d'opérations
A
l'Adjudant-Chef Khalil
Autochtone syrien
marié
à une Française
assassiné
par ses coreligionnaires
pour
être resté fidèle à la France
A
l'ex-Lieutenant méhariste Mejean
Aujourd'hui immobilisé dans sa
retraite marseillaise
victime
des séquelles
de
ses combats pour la France
Livre
1
La MÉMOIRE
Dans
le désert syrien
L'engagement Juillet 1942… A la Mission Militaire des
F.F.L. du Caire viennent s'engager en même temps
que Maurice cinq jeunes Français, Roger, Claude,
Jacques, André, Robert, tous mineurs, tous
volontaires pour la durée de la guerre. Le Jour
"J" avait tardé à venir, mais il se présente enfin
à l'issue d'une offensive de l'Africa Korps
jusqu'aux abords d'Alexandrie. L'Heure "H" enfin
sonne pour eux et emporte la décision de parents
gaullistes que le choix gaulliste destinait à un
internement consécutif à une occupation probable
de l'Egypte par les Forces de l'Axe. Ces 5 jeunes
Français se retrouvent très rapidement sous
l'uniforme anglais, et casernés aux pieds des
Pyramides, avant d'être non moins rapidement
dirigés par voie ferrée sur le Liban, à
destination du dépôt des Troupes du Levant à
Beyrouth, où ils partagent la même chambrée et
suivent ensemble les cours accélérés d'instruction
militaire. Mais à partir de ce moment-là, leur
itinéraire commun s'interrompe, chacun rejoignant
une affectation différente et c'est "l'aventure
militaire" de l'un d'eux, Maurice, qui est contée
ci-après. Le temps des armes Maurice, outre ses obligations de soutien
de famille avait suivi des cours du soir pour
parfaire sa connaissance des langues anglaise et
arabe, et cette aptitude était connue d'un
Officier méhariste, le Lieutenant M., lui-même
Français d'Egypte, venu en permission au Caire.
C'est ainsi que le soldat Maurice fut appelé un
beau matin au bureau du Commandant. Laissons-le
raconter lui-même son "temps des armes" au
Proche-Orient : "Je me présentais devant le
Commandant du Centre d'Instructions mais je
reconnus aussitôt à ses côtés le Lieutenant M. et
j'étais "invité" à le suivre auprès du Colonel,
commandant les Troupes Spéciales du Levant,
lui-même Français d'Egypte. En cours de route, le
Lieutenant M. m'expliqua que je serais affecté à
la Première Compagnie Légère du Désert, stationnée
à Palmyre en Syrie mais réservait au Colonel le
soin de me confirmer en termes laconiques, les
conditions effectivement très spéciales de mon
affectation, faisant référence à ma connaissance
des langues anglaise et arabe. Je retenus surtout
que je serais assimilé au grade de Sergent
vis-à-vis des Cadres autochtones du fait de ma
nationalité française. Tout au long de l'entretien
le Colonel était assisté de son adjoint
autochtone, le Commandant C. qui devait connaître
plus tard les honneurs de la Magistrature Suprême,
en étant élu Président de la République Libanaise
". Palmyre L'essentiel des raisons de mon
affectation "spéciale" devait m'être précisé par
le Chef d'Escadron M., commandant la 1ère C.L.D.
et la garnison de Palmyre, devant lequel je me
présentais le surlendemain, toujours escorté du
Lieutenant M. Je n'ai pas encore oublié mon
premier entretien avec un Officier supérieur et il
restera à jamais gravé dans ma mémoire, tant par
la découverte de "l'autorité" responsable qui
m'accueillait que par la nature des révélations
qui m'étaient communiquées. L'homme me rassurait
par son évidente bonhomie, tandis que ses
confidences me bouleversaient. L'homme, le type
même du Français tel que l'étranger se plait à le
décrire, une petite moustache sommairement taillée
sous des narines frémissantes de sensibilité,
l'oeil malicieux, le teint rose, donnant
l'impression d'un tempérament jovial et fougueux,
l'expression imagée, mais le mot juste, le verbe
facile, enrobé dans un raisonnement sans doute
pétri de bon sens, mais faussé par un optimisme
viscéral qui justifiait plus tard à mes yeux sa
candeur en matière de politique générale. Perfide Albion Et pourtant… cet excellent homme
approuvait des conseils de prudence de son
Officier adjoint, le Lieutenant M. (toujours lui)
et s'appliquait maintenant avec un sérieux un peu
forcé à m'expliquer ce qu'il attendait de moi dans
ce secteur du désert syrien où il était
responsable de l'ordre et de la sécurité. Il
n'accordait qu'une relative authenticité aux
premières informations parvenues jusqu'à lui et
selon lesquelles le peuple syrien aurait trouvé
une aide inespérée, dans sa détermination latente
de profiter d'une situation restée précaire au
lendemain du heurt fratricide entre Français, pour
conquérir définitivement son indépendance. Cette
aide inespérée, poursuivait avec peine le
Commandant M., à en croire les toutes premières
informations récoltées par-ci par-là, serait
fournie "discrètement" par la puissance alliée
qui, quelques mois auparavant avait précisément
apporté son concours militaire, pour permettre aux
Forces Françaises Libres d'évincer l'armée du
Général Dentz aux ordres du Maréchal Pétain, et de
poursuivre l'oeuvre du mandat. Mes belles
illusions que j'avais gardées intactes jusque-là
sur le "gentlemen agreement" furent sérieusement
ébranlées par ces troublantes révélations. Je
m'étais engagé pour apporter ma modeste
contribution à la lutte contre l'hégémonie
hitlérienne, et je recevais la mission de me
renseigner sur l'état d'avancement des préparatifs
du soulèvement syrien, sur un autre champ de
bataille. Tout ceci apparaissait extraordinaire et
invraisemblable à un jeune gaulliste. Et pourtant…
Ma mission ne devait être connue que du Commandant
M. et du Lieutenant M. Tous les autres Cadres
français et autochtones furent informés que
l'interprète d'arabe Maurice F. était affecté par
le Commandant des T.S. du Levant, au bureau de
garnison de Palmyre pour remplir les fonctions
d'adjoint à l'Adjudant autochtone K. dans la
section administrative et rédactionnelle dont ce
dernier assumait la charge avec plus de dévouement
que de réelle aptitude. Sous-Officier syrien de coeur
français Mais l'Adjudant K. présentait à mes yeux
des qualités exceptionnelles que je découvrais
pour la première fois, celles d'un étranger,
certes déjà marié à une Française, et lié à la
France par des sentiments profonds où prédominait
une réelle dévotion à notre drapeau et à notre
culture. D'allure massive, il arborait avec
fierté, outre ses décorations militaires, une
impressionnante balafre qui lui traversait le
front, impressionnante trace d'un enfoncement de
la boîte crânienne, une blessure reçue au service
de sa patrie d'adoption à laquelle il demeura
fidèle jusqu'à l'ultime sacrifice. L'Adjudant K.
me réserva un accueil chaleureux et j'acquis la
certitude que nos rapports de service allaient
engendrer une grande amitié qui s'avèrera
précieuse dans la poursuite de ma mission car les
instructions du Commandant M. me paraissaient bien
imprécises et laissaient par conséquent le champ
libre à mon imagination. Peu de temps après mon
arrivée, une circonstance providentielle se
produisit, dont je saisis l'intérêt et qui s'avéra
par la suite une source d'information
particulièrement instructive… Le chef de la tribu
bédouine la plus proche de Palmyre avait invité
les Cadres français à un festin offert à
l'occasion de la naissance d'un de ses fils, et le
Commandant M. intervint pour que je sois également
invité au titre d'interprète et afin de m'initier
sans tarder aux rites de l'hospitalité bédouine.
La découverte de la vie nomade sous la tente n'en
était pas précisément une pour moi. En 1935, mon
père avait acquis un campement d'une douzaine de
tentes déjà installées sur une colline située à
proximité de la 3ème Pyramide, la plus petite des
trois, dénommée Mykerinos et ma famille au grand
complet y passait tous les week-ends et vacances
scolaires. Les agapes bédouines Par contre je découvrais pour la première
fois les agapes bédouines et en particulier une
montagne de riz baignant dans une huile que Bocuse
aurait réprouvé, et autour de laquelle nous étions
tous accroupis comme il se doit, mais dans des
positions différentes suivant la flexibilité de
chacune de nos articulations inférieures. Il
suffisait pour s'alimenter, de plonger la main
dans le tas de riz, d'en retirer une poignée, de
l'affermir consciencieusement avec l'aide des
doigts et de la porter ainsi façonnée jusqu'à la
bouche avec un minimum de bavures graisseuses.
Comme prévu, le Commandant M. procéda à mon
"baptême" en réservant sa première poignée de riz
qu'il écrasa dans ma bouche grande ouverte pour la
circonstance, au milieu de l'hilarité générale
d'où émergeait (je m'en suis toujours souvenu) le
rire gargantuesque de l'Aspirant C. un géant
blond, ventripotent et rigolard qui donna le
signal, vers la fin du repas, de l'expression de
satisfaction des invités par le truchement
traditionnel d'une éructation retentissante,
reprise en choeur, avec plus ou moins de brio,
sous peine d'offenser notre hôte. Je profitais du
sourire béat de ce dernier pour me rapprocher de
lui et engager une conversation sur la bonté
d'Allah à son égard, ce qui nous amena à
philosopher sur la sagesse de quelques proverbes
arabes, et certains versets du Coran que je
connaissais par hasard. Le chef bédouin - mon ami - mon frère Je produisis sur ce vénérable chef de
tribu l'effet que j'escomptais. Il me fit
promettre de revenir lui rendre visite et m'assura
de son indéfectible amitié, à l'issue de
chaleureux et interminables salamalecs, nos mains
successivement sur le coeur et le front, en signe
de respect mutuel. Les événements ultérieurs me
démontrèrent que j'avais trouvé en ce chef syrien
un allié loyal de mon pays. Ce fut grâce à lui que
j'obtins des renseignements nombreux dans les mois
qui suivirent et qui s'avérèrent parfaitement
exacts. Dès notre deuxième rencontre, il avait
vite compris ce que je souhaitais savoir, mais
aussi la nécessité absolue, autant pour lui que
pour moi, de ne jamais dévoiler l'objet précis de
nos entretiens. Je jugeais incorrect de ma part de
lui demander comment il procèderait auprès des
membres de son proche entourage, et me bornais à
recueillir des renseignements précieux sur la
poursuite de la mise en oeuvre du prochain
soulèvement au sein même des garnisons françaises,
sans omettre les visites inhabituelles que les
chefs bédouins recevaient de plus en plus
fréquemment d'Officiers britanniques en "mission
spéciale" dans le désert syrien. Face à "l'ennemi" En effet, peu après mon arrivée à
Palmyre, mon attention avait été attirée par la
présence fortuite de deux Officiers du Royaume-Uni
venus rendre une visite de "routine" au
Commandement Français de la garnison. Leur
présence m'avait intrigué, et de ma propre
initiative, je me dissimulais un soir sous la
fenêtre de la chambre qu'ils occupaient au Cercle
de Palmyre pour tenter d'écouter leur
conversation, de laquelle je pus noter qu'ils
n'étaient que des Sous-Officiers assumant des
fonctions temporaires d'Officiers subalternes. Je
ne pus en savoir davantage… Mais nous n'étions
qu'au mois d'Août 1942, et j'avais encore à
apprendre. Je travaillais depuis quelque temps au
bureau de garnison aux côtés de l'Adjudant K. dont
j'ai parlé plus haut, et je me rendis vite compte
de la difficulté croissante de concilier mon
emploi du temps "officiel" avec les impératifs
d'une recherche de renseignements qui exige
toujours une assez grande liberté de manoeuvre
d'où est exclue la dépendance à des horaires
stricts. Dès le début Septembre, avec l'accord du
Commandant M., je pris volontiers le risque de
faire confiance à l'Adjudant K. en lui dévoilant,
sous le sceau du secret militaire, l'essentiel de
ma mission à laquelle je lui demandais de
s'associer. Il accepta spontanément, ému jusqu'aux
larmes de la confiance que je plaçais en lui. Je
n'eus jamais à regretter son engagement, sinon à
déplorer que son dévouement, sans doute mal
dissimulé, en dépit de mes conseils, lui serait
fatal au Jour J du soulèvement. "Lawrence" d'Arabie ? Ensemble et le plus secrètement possible,
nous allions nous organiser de manière à ce que
les apparences soient préservées, c'est-à-dire mes
fonctions au bureau de garnison, tandis que je
disposerais du temps nécessaire pour me consacrer
davantage à ma mission. Toujours revêtu de l'habit
réglementaire du méhariste, je commençais alors à
me déplacer plus fréquemment sous des prétextes
divers parfaitement valables ou pour des motifs de
services routiniers, remplaçais l'Adjudant K. pour
régler dans les casernements tel ou tel problème
administratif, ce qui me donnait ainsi l'occasion
de "tâter le terrain" et de converser avec les
gradés autochtones. Je fus également requis pour
accompagner les pelotons dans leurs exercices de
combat afin de recueillir "l'avis" de ces gradés
sur l'état de fonctionnement des armements en
service, et de vérifier "de visu" l'entraînement
des méharistes au maniement de ces armements. Le
mois d'Octobre et de Novembre se déroulèrent
ainsi, et je me rendis deux fois auprès de mon
grand ami le chef bédouin pour lui porter des
messages de sympathie du Commandant M. avec lequel
je m'entretenais en tête-à-tête chaque fois que je
jugeais opportun de lui signaler un fait nouveau.
Avec le temps qui passait, les renseignements que
j'obtenais progressivement laissaient entrevoir à
distance le caractère dramatique du soulèvement
qui se préparait. L'Adjudant K. joignait ses
efforts aux miens pour se tenir informé des faits
et gestes de chacun des gradés autochtones, dont
certains, à cette époque, par ignorance ou
vantardise, m'invitaient encore chez eux pour me
présenter à tous les membres de leur famille,
autour de la tasse de thé à l'arabe. Ces
invitations cessèrent brusquement avant la fin de
l'année 1942. Dès le début de Janvier 1943, avec
la complicité toujours plus efficace de l'Adjudant
K., je m‘absentais de plus en plus souvent de la
garnison, parfois même des journées entières, pour
vérifier sur place l'authenticité d'un certain
nombre de "tuyaux" qui m'étaient rapportés. Mon
départ et mon retour étaient entourés du plus
grand secret. L'Adjudant K. m'attendait avec un
chameau en un endroit connu que de lui, toujours
différent d'un jour à l'autre, à une heure fixée
peu avant le lever du soleil, et je le retrouvais
une fois la nuit tombée en un autre endroit
convenu entre nous. J'emportais mon P.M., ma
boussole, mon casse-croûte et une petite réserve
d'eau potable. Je connaissais cependant tous les
points d'eau de ce secteur du désert syrien.
Suivant un itinéraire précis ou au hasard de mes
pérégrinations, je repérais les puits et goûtais
leur eau en évitant de boire. J'avais appris à
détecter une eau polluée et le cas échéant, je
prélevais un litre qui était expédié aux fins
d'analyse au laboratoire de Damas. Car je savais
maintenant que les puits étaient visités par des
spécialistes rebelles et qu'ils seraient
systématiquement pollués au Jour J dans le but
évident de contrarier et retarder les mouvements
éventuels des forces françaises "d'occupation ".
J'ignorais encore que je serais la première
victime de cette forme de guerre biologique.
Ainsi, j'ai parcouru à dos de chameau dans tous
les sens la presque totalité du secteur de Palmyre
à la rencontre des caravanes de bédouins en
mouvance ou pour me rendre d'une tribu à l'autre,
où j'étais assez bien accueilli et renseigné. Mais
ces contacts étaient loin de ressembler à ceux que
je continuais à entretenir avec la tribu de mon
baptême du désert, et auprès de laquelle je me
rendais très fréquemment. Ma dernière mission Mes rapports au Commandant M. devenaient
de plus en plus précis et alarmants. Il me fut
pénible de lui révéler, vers la mi-Janvier 1943,
une information qui m'avait été donnée par des
"fidèles" comme l'Adjudant K., dignes de toute ma
confiance et qui allait malheureusement s'avérer
fondée quelques semaines plus tard en donnant le
signal de l'assassinat des Officiers français à
l'Heure H du Jour J sur toute l'étendue du
territoire syrien, ceci afin, de "couper la tête"
à la réaction de nos Cadres supérieurs, et de
désorganiser ainsi une résistance éventuelle.
J'étais sur le point de connaître enfin ce Jour J
du soulèvement autochtone, mais les événements se
précipitèrent et le sort en décida autrement. Je
partis un matin dans l'ombre pour me rendre auprès
d'une tribu bédouine dont le chef demandait à me
voir d'urgence. Je pris la direction de son
campement et parcourus la distance en forçant mon
chameau à conserver la vitesse du galop, tant mon
impatience était grande de connaître le motif de
l'appel qui m'était adressé. Arrivé à point nommé,
j'eus beau écarquillé les yeux dans tous les sens,
pas un campement en vue. Je pensais d'abord que
j'avais sans doute effectué une erreur de
parcours, la première, mais en regardant de plus
près, je découvrais ici et là dans le sable ou les
cailloux, des traces encore assez fraîches qui me
prouvaient que mes bédouins n'avaient pas attendu
mon arrivée. Je décidais sur-le-champ de suivre
dans la mesure du possible le chemin que
semblaient avoir pris ces faibles empreintes mais
celles-ci s'estompèrent peu à peu, balayées par un
petit vent sec du désert, inopportun à mon gré.
Mais tout est écrit dans le ciel, comme le veut la
philosophie arabe. J'avais déjà soif et je portais
machinalement ma main sur la gourde pour me
désaltérer. Stupeur ! Ma gourde avait disparu elle
aussi… L'avais-je oublié au moment du départ de la
garnison ou bien s'était-elle détachée de mon
ceinturon pendant ma course vers le campement ?
Seul Allah savait la vérité, et me plaçait
maintenant devant mes responsabilités. J'étais
bien éloigné de Palmyre, d'une part, et attiré
d'autre part par la proximité d'un puits que
j'avais reconnu sur le parcours des heures
précédentes. J'avais surtout une soif de plus en
plus insupportable et je me retrouvais une heure
après devant le puits, toujours plus assoiffé… Au péril de ma vie Je regardais ce puits quelques instants,
comme si j'allais accomplir l'acte le plus
important de ma jeune existence. Etait-ce un
pressentiment ? L'eau me paraissait pourtant
saine, dans ce puits que je connaissais déjà. Avec
quelque hésitation, j'humectais d'abord mes
lèvres, puis je cédais à la tentation et j'avalais
une gorgée que je dégustais sans plaisir mais non
sans méfiance. Encore une gorgée ou deux, je ne me
souviens plus très bien, et mon destin était joué…
Je ressentis les premiers spasmes gastriques et
abdominaux peu avant le crépuscule et je forçais
l'allure vers mon port d'attache. De minute en
minute, le malaise s'accentuait au point que je
descendis du chameau à plusieurs reprises pour
m'accroupir et vomir. Jamais après cet ultime
voyage, je n'ai autant souffert de mes intestins
et de mon estomac littéralement broyé par un mal
impitoyable… Les derniers kilomètres me parurent
interminables. Je faisais un immense effort pour
me tenir à dos de chameau et continuer mon chemin
car le jour commençait à disparaître. J'étais
incapable de forcer l‘allure et je m'accrochais
désespérément à la selle pour ne pas chuter du
haut de ma noble monture, insensible à mes
contorsions et au son de mes gémissements qui
auraient pu ressembler, dans d'autres
circonstances, à l'appel du muezzin, plaintif et
prolongé dans la nuit qui tombait. A demi
inconscient j'aperçus enfin les faibles lueurs de
Palmyre et je rassemblais mes dernières forces
pour diriger mon chameau vers le lieu où devait
m'attendre l'Adjudant K. Dès que j'aperçus dans
l'ombre sa silhouette massive, je me laissais
glisser à terre et je perdis aussitôt
connaissance. Rapatrié sanitaire Je repris faiblement mes esprits, allongé
sur le divan, dans la maison de l'Adjudant qui
m'avait transporté sur son dos jusqu'à chez lui, à
près d'un kilomètre. Ce brave homme me forçait à
avaler une mixture appropriée à mon état qu'il
s'était facilement expliqué depuis le moment où il
m'avait récupéré. Je rejetais sa mixture et
recommençais à me vider par le haut et par le bas.
J'étais surtout impressionné par la quantité de
sang que j'expulsais par le bas. Ce qui décida
l'Adjudant K. à ne pas attendre d'avantage pour
aménager un brancard et, avec l'aide de son fils
aîné, me diriger sur l'infirmerie de garnison, en
dépit de l'heure. Je connaissais déjà l'humeur
farouche du Médecin-Capitaine et l'Adjudant était
allé le tirer du lit aux premières lueurs du jour.
Il me regarda d'un mauvais oeil, et m'administra
aussitôt le remède ad hoc. Il paraissait préoccupé
et en l'absence de l'infirmier en permission,
demanda à mon fidèle ami de demeurer à mon chevet.
Son diagnostic ne me surprenait guère Il
s'agissait d'une grave intoxication avec une forme
de dysenterie "subaigüe" si tel est bien le
qualificatif gravé dans ma mémoire depuis Février
1943. Mon état demeurant stationnaire, le
Médecin-Capitaine prit la sage décision de me
faire évacuer par avion jusqu'à l'hôpital
militaire de Damas, d'où faute de place, on me
transféra en ambulance jusqu'à celui de Beyrouth.
Mon voyage en avion de Palmyre à Damas demeure
aussi un souvenir où se mêlent souffrance et
cocasserie. La liaison "aérienne" était assurée
par un vénérable Pothez rescapé de 14-18 ; je fus
installé de tout mon long dans la queue, les pieds
vers l'avant, derrière les sièges de l'équipage et
des deux passagers fort embarrassés par ma
présence nauséabonde. Ce vieux Pothez prit
difficilement un peu d'altitude, et, malgré mes
préoccupations physiques, je fus tout de même
surpris et amusé de constater que le pilote se
limitait à suivre scrupuleusement le tracé de la
route terrestre avec ses inévitables méandres
autour des collines. Le pilote entraînait le
Pothez dans des mouvements à droite et à gauche,
assez rudes pour soulever le coeur de n'importe
quel passager en bonne santé, y compris mes deux
compagnons de route, pliés en deux dans leurs
mouchoirs. Ce qui laisse deviner mon calvaire dans
l'état où je me trouvais déjà au décollage de
l'avion. A son extrémité arrière, précisément
au-dessous de ma tête, il y avait fort
opportunément un petit carré de plancher ouvert
dans le vide. Je me mis à plat ventre, et plaçais
ma bouche à la hauteur de ce trou qui absorba et
dispersa aux quatre vents le poison qui me restait
encore dans l'estomac.
Entre la vie et la
mort ou par la grâce d'Allah
Le reste du voyage jusqu'à
Beyrouth est toujours resté confus dans mon
esprit. Je me souviens seulement que l'on me
"piqua" le bras au départ de l'ambulance à
l'aérodrome de Damas, ce qui me plongea dans une
profonde léthargie d'où je fus tiré péniblement
quelques heures plus tard sur mon lit d'hôpital,
entouré de blouses blanches et de regards
compatissants. Il paraît que mon état fut jugé
critique pendant plusieurs jours. Mais Allah ne
voulait pas de moi et fit en sorte que mon
organisme puisse résister victorieusement aux
derniers assauts de l'intoxication. Dans une
demi-torpeur, je me remémorais les jours
précédents et m'interrogeais sur les circonstances
qui avaient failli me faire passer de vie à
trépas. Pourquoi ce message du chef bédouin, le
campement disparu, ainsi que ma gourde sur
laquelle je veillais toujours jalousement, ce
puits sur ma route? pollué alors que je le
présumais suffisamment potable ? Je me souvenais à
présent que l'Adjudant K., en dépit de tout le
soin que nous mettions à dissimuler notre activité
"clandestine" m'avait signalé, quelque temps
auparavant, que nous étions repérés par les
conspirateurs de l'autre bord, sur la foi d'une
confidence qu'il avait recueillie de son côté, et
il m'avait mis en garde. J'avoue ne pas en avoir
tenu compte… Insouciance de mes 20 ans… J'avais prévu et annoncé une page
d'histoire Maintenant j'étais tiré d'affaire, par la
grâce d'Allah, mais je ne pouvais m'empêcher de
craindre plus que jamais pour l'existence de mon
ami et complice. Je reçus de lui quelques jours
après, une longue lettre, la première et la
dernière, m'exprimant sa chaude sympathie en
quelques lignes bien tournées qu'il avait dû
longuement mijoter. Je ne cessais également de
penser au Commandant M. et au danger qui le
menaçait au Jour J fatidique, que j'estimais
pouvoir exploser d'un moment à l'autre selon mes
regroupements. Je l‘avais pourtant mis en garde
avec insistance, mais son optimisme viscéral
l'incitait à ne pas vouloir me prendre au sérieux.
J'appréhendais le pire avec angoisse et je pestais
contre mon invalidité (j'avais perdu 15 kilos en
trois semaines) qui m'interdisait d'aller au
secours de ceux que je savais en danger de mort.
Et ce que j'avais annoncé se produisit à une date
voisine de celle que j'avais prévu, et j'appris
avec un immense chagrin l'assassinat du Commandant
M., d'Officiers adjoints que je connaissais et de
l'Adjudant K. jugé traître à la nation syrienne
dès les premières heures du soulèvement. J'aurais
été parmi les premiers tués, si le destin n'en
avait pas décidé autrement. Je demeurais vivant,
mais reconnu inapte à faire campagne. En effet,
cette aventure peu commune m'avait profondément
marqué dans ma chair et dans les raisonnements de
ma génération. Dans ma chair, puisque mon
invalidité sonnait le glas prématuré de mes
prouesses athlétiques amorcées dès l'âge de 15 ans
aux 100 et 200 mètres sprint. Dans mes
raisonnements, puisque j'avais déjà tourné une
page de ma vie en quelques mois au cours desquels
je m'étais efforcé de répondre à un certain nombre
de questions personnelles. Mes longues randonnées
solitaires m'avaient naturellement donné le temps
de réfléchir sur l'utilité de ma mission, alors
que mes copains d'Egypte participaient ailleurs à
la marche victorieuse du Maréchal Montgomery dans
la lancée d'El-Alamein. J'avais prévenu mais je
n'avais pu empêcher le déchaînement des atrocités
commises contre les Cadres français et leurs
familles, comme par exemple à Deir-El-Zor où, dans
cette dernière garnison, les épouses françaises
furent traînées dans la rue par les cheveux,
totalement dénudées et sauvagement éventrées. Les
communiqués officiels furent discrets ou
laconiques mais qui se souvient encore aujourd'hui
de la circulaire du Général commandant les F.F.L.
du Levant à Beyrouth, adressée aux Officiers
français, pour les informer en des termes qui
m'ont échappé depuis que les "relations
diplomatiques étaient rompues" sur ce théâtre
d'opérations entre la France-Libre et la
Grande-Bretagne, et que le Cercle-Mess de Beyrouth
était interdit aux Officiers de la perfide Albion. Entente cordiale Qui m'aurait alors prédit que, quelques
années plus tard en ma qualité
d'Officier-Interprète auprès du Commandant du
secteur français de Berlin-Ouest, j'aurais
renouvelé des relations amicales avec les Cadres
Officiers de notre vieille alliée dans le meilleur
esprit de l'Entente Cordiale. Entre deux toasts
portés à la santé de nos pays respectifs, il
m'arrivait souvent de fermer les yeux, le temps de
saluer intérieurement deux chers disparus parmi
d'autres, le Commandant M. et l'Adjudant K., morts
pour la France, mais non face à l'ennemi.
Aujourd'hui, plus de quarante ans après, je n'ai
pas oublié cette "péripétie" macabre et absurde de
la 2ème guerre mondiale.
Berlin-Ouest
Triste
alliance Maurice se présente à l'Etat-Major du
secteur français, et, outre ses nouvelles
responsabilités de Chef d'Etablissement
d'Intendance, est informé que, sur le vu de son
dossier (il n'y a plus de surprise), il est
également nommé Officier-Interprète d'Anglais et à
ce titre assumera des missions de liaison avec les
deux autres Etats-Majors alliés de Berlin-Ouest.
C'est ainsi que Maurice renoue avec ses vieux
"amis" du désert syrien, par le hasard d'une
première réception organisée en son honneur. Entre
deux toasts portés à la santé de nos pays
respectifs, il a fermé les yeux le temps de saluer
intérieurement deux chers disparus parmi d'autres
le Commandant M. et l'Adjudant K. morts pour la
France, assassinés par des mains téléguidées,
aujourd'hui tendues cordialement vers lui. C'est
en effet à Berlin-Ouest que se joue l'une des
meilleures scènes de l'Entente Cordiale. Par
contre, les aléas de la guerre déjà lointaine, ne
lui avait pas permis de connaître l'allié
américain. Il le découvre enfin et il est conquis
par l'accueil chaleureux qu'il reçoit à tous les
niveaux. Nombre de G.I.'s le regardent d'abord
comme une bête curieuse et le Général U.S.
l'invite à raconter par le biais d'une conférence
adressée à toute la garnison rassemblée pour la
circonstance, l'histoire du soldat français,
depuis Vercingétorix jusqu'à De Gaulle, sans
oublier au passage notre Lafayette, seul Français
réellement bien connu de notre grande alliée.
Maurice est longuement ovationné à la manière
d'outre-Atlantique et, très officiellement
remercié par l'Etat-Major U.S. Pendant cinq ans,
Maurice va s'efforcer dans le cadre historique de
cette co-existence atlantique, de rapprocher les
communautés franco-anglo-américaine, à tous les
niveaux. Il présente au Général français un projet
qui propose, dans un premier temps, de surmonter
la barrière linguistique par la mise en place de
cours accélérés de conversation pratique par un
personnel enseignant idoine. Le projet n'aboutira
pas, et chacun restera dans son secteur, les
seules relations suivies demeurent les réunions
périodiques des Etats-Majors des trois secteurs,
et, dans le domaine des mondanités, les cocktails
qui rassemblent les Officiers alliés et leurs
épouses dans des circonstances commémoratives, où
le sourire est de rigueur dans un silence relatif
émaillé de quelques mots ou expressions appris à
la hâte pour faire bonne figure, de part et
d'autre. Triste alliance. Berlin-Est - Inquiétudes Maurice connaît certainement des moments
d'intense émotion dans ce Berlin-Ouest, mais non
seulement dans ses moments de loisir. Tout à côté,
demeure l'inquiétant Berlin-Est, que bravent
pourtant nombre de nos concitoyens dûment
autorisés à franchir les postes de contrôle, pour
l'unique raison d'acquérir à un prix cinq fois
moindre, les fabrications d'appareils
électroménagers de réputation internationale. La
célébration du 1er Mai chez nos voisins démocrates
populaires déclenche de notre côté la mobilisation
générale des forces alliées, l'arme au poing et le
coeur palpitant. Des défilés impressionnants de
civils bien encadrés par un armement non moins
impressionnant suivent un itinéraire, frôlent "la
frontière" entre les 2 Berlin et donnent chaque
fois l'impression qu'ils vont nous engloutir.
Entre deux 1er Mai, les forces alliées
"symboliques" effectuent à longueur d'année des
exercices conjugués pour "résister" le plus
longtemps possible. Des manoeuvres de jour et de
nuit se succèdent à un rythme accéléré, et
l'Officier français de liaison avec les
partenaires atlantiques, a fort à faire et
parcourt en jeep et en tenue de campagne les
nombreux postes de commandement alliés disséminés
dans les vastes bois de Berlin-Ouest pour
transmettre les informations respectives du
déroulement des "opérations défensives ".
S'ajoutent à ces manoeuvres, la mise en oeuvre de
nombreuses cérémonies commémoratives du camp de la
liberté, et les troupes alliées sont passées en
revue dans l'un des 3 secteurs à tour de rôle par
les Généraux, leurs Etats-Majors, devant un public
bariolé d'épouses de militaires invitées pour la
circonstance souvent renouvelée. L'Officier de
liaison a également la responsabilité, partagée
avec son homologue civil, des tâches délicates du
protocole. Attention à ne pas commettre d'impairs
! Voyage à Paris : le monde arabe et
une maladresse Vient alors s'intercaler en 1954 une
"péripétie" hors Berlin dans la carrière du jeune
Lieutenant M. Une note du Ministre de la Défense
Nationale invite à se faire connaître tous les
Officiers français qui ont une expérience du monde
arabe en Proche et Moyen-Orient pour participer au
concours destiné à mettre en place trois Attachés
Militaires "spécialistes" des questions arabes.
Maurice bondit à Paris, bien soutenu par des
relations haut placées, se juge grand favori et se
présente à son tour, très confiant, devant un
Comité de Professeurs Agrégés d'Histoire, chargés
de vérifier l'expérience et les connaissances
acquises de chacun des candidats interrogés.
Maurice raconte ses vingt ans d'Egypte, ses quatre
ans de Proche-Orient, assure qu'il est encore
parfaitement apte à lire et à écrire l'arabe
littéraire. Ces messieurs semblent satisfaits et
Maurice insiste sur le régime parlementaire de la
royauté égyptienne, sur les attaches qu'il a
conservées dans ce pays, et conclut en faisant
ressortir les résultats encore négatifs de la
politique du Raïs. Le visage du Président du
comité se rembrunit et il met fin brusquement à
l'interrogatoire. Un ami ex-Consul de France au
Caire, discrètement présent, explique à la sortie
que ce Président est un chaud partisan de Nasser
et que cette imprudence risque de peser lourd dans
le vote final du comité. En effet, la candidature
de l'ex-Français d'Egypte ne sera pas retenue.
Déçu et amer, le Lieutenant rentre à Berlin, où
l'attend son Directeur de service pour le détacher
pendant un premier mois dans l'intendance du
Royaume-Uni, et le mois suivant dans celle des
Etats-Unis pour voir ce qui s'y fait de mieux que
chez nous. Cette double mission console un peu
Maurice qui va s'intégrer dans la vie quotidienne
de fonctionnaires vieux alliés. "He is a jolly good fellow " Le soir de son arrivée dans le secteur
britannique, Maurice fut très dignement accueilli
par le Major commandant le Royal Army Service
Corps (équivalent de l'Intendance Militaire de
l'Armée de Terre de la République Française) qui
avait organisé en son honneur un très officiel
dîner auquel il avait convié les Officiers
adjoints, tous ces nobles représentants du
Royaume-Uni en tenue d'apparat. Dans sa tenue de
sortie, le Lieutenant français fit courageusement
face aux circonstances et aux aléas d'un menu
typiquement anglo-saxon qui se termina par le
chester (fromage traditionnel servi après le
dessert) le tout couronné in fine par le cherry
des grandes occasions. Les verres une fois
remplies, le Major se leva et porta le sien à la
hauteur convenue pour porter un toast à la Royal
Highness, the Queen Elisabeth of England, et à
Monsieur René Coty, Président de la République
Française. Tous les Officiers présents firent écho
à l'unisson, et Maurice joignit sa voix, qu'il
voulut ferme et stridente comme le coq français, à
celle de ses alliés, ses lointains cousins
normands sans doute. Au cours de la soirée, les
sujets de conversations furent imprégnés de la
meilleure entente cordiale, et il fut souvent
question de la célèbre devise de la Couronne
"Honni soit qui mal y pense ". Au moment de se
séparer, les hôtes entonnèrent en choeur à
l'intention de leur invité, le non moins célèbre
chant qui manifeste généralement un sentiment
collectif d'approbation "He is a jolly good fellow
". A partir de ce moment-là, Maurice savait que
ses alliés d'outre-Manche étaient aussi devenus
ses amis, dont la plupart l'accueillirent par la
suite au sein de leur famille, et des années
durant, en dépit de l'éloignement et du temps
passé, lui expédièrent très ponctuellement leurs
cartes de voeux pour un "Happy X'mas, and Happy
New Year ". Cette parenthèse fermée, Maurice fut
convié, dès le lendemain matin de cette soirée
achevée à fortes doses de bon whisky écossais, au
non moins traditionnel breakfast du sujet
britannique, amateur de porridge, de harengs frits
ou marinés, et des célèbres "eggs and bacon ", le
tout servi en même temps que la non moins célèbre
marmelade. Il fit honneur à ces aimables
découvertes gastronomiques qui vous calent
l'estomac jusqu'à l'heure du lunch. La première
journée de son stage coïncidait avec le périodique
inventaire des stocks, et il a toujours conservé
l'image très particulière des jeunes Officiers en
tenue impeccable, utilisant leur badine pour
pointer le nombre de sacs de farine, avec un
sérieux et une dignité dans l'accomplissement de
leur tâche qui n'avaient rien à envier à la
superbe de leurs "collègues" penchés sur des
cartes d'état-major. Le descendant de Lafayette Le contraste parut saisissant à l'envoyé
en mission dans le secteur U.S.A. quand Maurice
présenta le mois suivant ses lettres de créance au
Colonel commandant le "Quater-master" des Forces
U.S.A. un homme sorti du rang, alerte sexagénaire
aux manières simples comme sa culture, tout à
l'opposé de son homologue et aristocrate
britannique. Sorti de son Connecticut natal, il
accueillit le petit Français par son prénom, et
une chaleureuse poignée de mains (geste inconnu
entre nobles sujets de l'U.K.). La glace était
rompue d'emblée entre l'Officier supérieur
d'outre-Atlantique et le jeune Lieutenant de la
vieille France. Le soir-même, le Colonel amenait
son "invité" à son domicile pour lui présenter son
épouse, sa nombreuse progéniture, trois jeunes
filles en fleur, franchement moches et deux
adolescents aux allures de cow-boys. A une semaine
de distance, le descendant de Vercingétorix fut
confronté à un repas "bien de chez eux" au cours
duquel il découvrit pour la première fois,
l'étrange saveur de la sauce sucrée et des "beans"
à la confiture, précédant la gigantesque variété
de desserts à la chantilly. Prévenu et diplomate,
Maurice fit honneur à cet art culinaire que les
grands chefs de la cuisine française continuent à
contester. La Maison des Alliés Le jeune Officier de liaison des secteurs
alliés de Berlin-Ouest est unanimement apprécié,
invité partout, accueilli chaleureusement par tous
ses nouveaux amis anglo-saxons. Il habite seul une
villa mise à sa disposition, ainsi que deux
voitures de service. Il baigne dans l'euphorie et
conservera toujours un souvenir ému de cette
période de sa vie. Cependant, avant de quitter le
secteur allié de Berlin-Ouest, il présente le
projet suivant au Commandant français. Existe-t-il
en Europe, un meilleur terrain d'expérience que
celui de Berlin, où les alliés vivent à quelques
kilomètres les uns des autres, pour multiplier les
manifestations interalliées : sportives,
culturelles, artistiques et mondaines ? La bonne
volonté réciproque ne manque pas. Il s'agit de
l'organiser, barrière linguistique ? Une équipe
d'interprètes assurerait le démarrage de
l'expérience. Nombreux sont les membres des forces
alliées qui désireraient en toute bonne foi, se
fréquenter et mieux se connaître. Jusqu'ici,
exception faite de quelques rares cérémonies
officielles, chacun reste dans son coin. Seuls
subsistent des contacts individuels, effectués à
titre privé. Très rares sont les résidents d'un
secteur qui participent à une manifestation
organisée dans un secteur voisin. Y sont-ils
conviés ? Si non, pourquoi ne le seraient-ils pas
? Le soin de mettre en présence, Anglais,
Américains et Français de Berlin pourrait être
confié à un organisme interallié qui serait chargé
des relations de bon voisinage entre secteurs
alliés. Chaque secteur désignerait un civil et un
militaire. L'un représentant les fonctionnaires,
l'autre les troupes. Les six représentants se
réuniraient en comité, dont les assises se
tiendraient, à tour de rôle, dans chacun des
secteurs, pour une période déterminée. Les
dépenses engagées par le comité seraient
supportées par les gouvernements militaires
alliés, selon un système de quote-part
proportionnelle au nombre de participants. Le
comité devrait s'employer en premier lieu, à créer
un Centre Culturel Franco-Anglo-Américain, à
l'instar des Centres Franco-Allemagne,
Royaume-Uni-Allemagne, U.S.A.-Allemagne, existants
à Berlin. L'installation de ce centre serait à
prévoir dans un local situé au centre des trois
secteurs et qui serait appelé à devenir "La Maison
des Alliés" ouverte à tous les membres civils et
militaires des forces alliés de Berlin. La "Maison
des Alliés" administrée par le comité et aménagée
en compartiments Officiers et civils assimilés,
Sous-Officiers et civils assimilés, Hommes de
Troupe, fournirait l'occasion quasi-permanente à
un "allié" de rencontrer un autre "allié" pendant
ses heures de loisir. Chaque compartiment de "La
Maison des Alliés" comprendrait un bar,
restaurant, salon de thé et salle de bal. Des
facilités de transport pourraient être consenties
aux Officiers subalternes et aux Sous-Officiers,
en particulier les célibataires, qui voudraient
dîner en compagnie de leurs alliés. Un service de
cars par secteur assurerait une liaison
journalière, suivant un horaire fixe. Le comité
serait en relation constante, dans chaque secteur,
d'une part avec le service chargé de
l'organisation des spectacles de cinéma, de
théâtre, de variétés et d'autre part avec
l'Officier des Sports de la garnison. Il serait
renseigné à tout moment sur les manifestations
organisées par un secteur et y apporterait la
contribution des ressortissants des autres
secteurs. La mise sur pied de manifestations
interalliées lui incomberait également. Enfin une
monnaie "alliée" locale devrait être instituée et
acceptée dans tous les établissements des trois
secteurs.
L'ALGÉRIE
Dans le Constantinois Un matin, au courrier, un message très
officiel lui apprend qu'il doit sans délai
rejoindre son nouveau poste en Algérie, à
Constantine. Algérie ? Constantine ? Bien entendu,
les événements d'Algérie, en cette fin de Juillet
1955, lui avaient confirmé par voie du communiqué
quotidien destiné aux Officiers, l'inexorable
évolution du conflit déjà vieux de quelques mois.
Mais il était aux antipodes géographiques, et ces
nouvelles ne cristallisaient pas son attention.
C'était le réveil brutal, la fin d'une sinécure.
En moins de 15 jours, il débarque à Alger et
découvre un monde arabe qu'il avait presque
oublié, déjà différent de celui du Proche et
Moyen-Orient comme l'étaient aussi les Français de
souche algérienne, ces pieds-noirs par rapport à
ceux de ses compatriotes qu'il avait connu à Damas
et à Beyrouth. Il était surtout frappé par
l'atmosphère tendue qui régnait autour de lui, le
chrétien et le musulman une nouvelle fois face à
face, comme en Syrie en 1943. Maurice se
remémorait son aventure, plus de 20 ans en
arrière. Il se refusait à croire que cela pouvait
être une sinistre répétition, parce qu'il croisait
aussi de paisibles silhouettes maures, des hommes
qui arboraient les plus prestigieuses décorations
militaires françaises… Maurice les suivait du
regard, et revivait quelques instants le souvenir
de l'Adjudant-Chef Khalil, son compagnon d'armes
dans le désert de Palmyre. Les anciens combattants
de deux guerres, ceux qui refusaient de rejoindre
les rangs des rebelles de l'Aurès, avaient la
gorge tranchée pour vouloir rester fidèles à la
France. Ils étaient toujours retrouvés à l'aube,
par nos patrouilles, dès les premières lueurs,
impuissantes à contrôler les ténèbres de la nuit. Miraculé Maurice arrivait le 14 Août 1955 à
Constantine, jusque-là relativement épargnée et le
lendemain, au moment où la sirène municipale
annonçait midi, des grenades éclataient un peu
partout à cette heure de grande affluence. Une
manière saugrenue et macabre, mais purement
accidentelle, de saluer la venue du fringant
Lieutenant en provenance du "paradis" berlinois.
Quelques jours plus tard, Maurice choisit
exceptionnellement un taxi pour rejoindre, étant
donné l'heure tardive, l'hôtel où il est installé.
Arrivé à destination, il règle la course, sort du
véhicule, et pénètre dans le hall de l'hôtel en
prenant soin de refermer la porte vitrée derrière
lui. A ce moment précis, une explosion toute
proche lui fait regarder machinalement par la
vitre en direction de la rue. Son taxi flambe,
touché à mort, ainsi que le conducteur, par un
engin explosif. Maurice commence à s'énerver.
Cependant, le Dimanche suivant, il accepte de
prendre l'apéritif avec un camarade dans le café
européen le plus fréquenté du centre de la ville,
et en particulier par un grand nombre de jeunes
"pieds-noirs" qui fêtent semble-t-il la "quille ".
Ils sont tous installés à la terrasse qu'ils
occupent entièrement. Maurice et son ami prennent
place à une table, restée vide, qui est placée
contre le mur de briques séparant la terrasse et
la salle intérieure. Une voiture passe dans la rue
et ses occupants lancent des grenades sur la
terrasse du café. Bilan ; 8 morts et 15 blessés,
dont 6 gravement. Le souffle est tel, que Maurice
et son ami sont projetés par terre, contusionnés
mais indemnes. S'il n'est pas blessé, Maurice est
atteint dans son équilibre neurologique. Il entame
une longue période dépressive, et 20 ans après sa
maladie du désert syrien, il subit une nouvelle
épreuve qui lui fait prendre conscience de son âge
et de la fragilité du sort. Il cherche dorénavant
un port d'attache, un foyer. Lors de la permission
de convalescence, il rembarque pour la France et
il a la chance de rencontrer sa future compagne
qu'il épousera quelques mois après. Philosophie d'un Officier des Forces
de l'Ordre Au retour de cette première permission,
le Lieutenant est attendu non sans impatience pour
se voir confier la mise en oeuvre d'un complexe de
ravitaillement, voisin d'une base aérienne,
"quelque part à l'intérieur, en Kabylie". Maurice
n'est pas fâché de quitter Constantine, car il
apprend qu'un Officier de son service a été
poignardé dans le dos en rejoignant son domicile à
la nuit tombante. Les militaires français qui
s'aventurent encore dans les rues à des heures
déconseillées, ont adopté la démarche du crabe et
avancent de biais, un oeil devant et un oeil
derrière, la main crispée sur la crosse de "l'arme
automatique" dont le port est dorénavant autorisé.
Au Mess des Officiers de la garnison, après les
tueries des victimes innocentes et les assassinats
quotidiens d'autochtones francophiles, les
discussions orageuses vont bon train et chacun
donne son avis. Les Lieutenants, qu'ils soient de
carrière ou accomplissent leur temps de service,
peut-être parce qu'ils sont jeunes, et de ce fait,
moins soucieux de "l'obligation de réserve ",
jugent sévèrement la situation et les responsables
au plus haut niveau. Certains se feront rappeler à
l'ordre. Nous ne sommes qu'en hiver 1956. La
guerre d'Algérie est déjà perdue. La mobilisation
générale de tous les pieds-noirs en état de porter
les armes pour lutter contre les rebelles, contre
les autochtones francophobes, aura été souhaitée,
envisagée mais jamais décrétée. Il n'y avait
pourtant pas d'autre solution pour garder
l'Algérie française. Autour de Maurice, les jeunes
Officiers des "Forces de l'Ordre" déplorent de
voir leurs camarades pieds-noirs fêter à leur
manière leur retour à la vie civile, alors que la
guerre continue, et que s'allonge la liste des
tués des soldats de la métropole.
RÉFLEXIONS
Je me permets de rappeler la
solennelle proclamation de Georges Clémenceau, en
évoquant les souffrances des poilus. "Ces hommes
ont des droits sur nous". Périodiquement, depuis
bientôt 70 ans, des voix beaucoup plus autorisées
que la mienne et aux niveaux les plus élevés dans
la hiérarchie des Associations d'anciens
combattants s'efforcent d'attirer l'attention de
tous les Gouvernements de toutes les Républiques
sur cette phrase historique, applaudie sur tous
les bancs des représentants de la Nation à
l'Assemblée Nationale. "Unis comme au front"
avaient crié les Français devant l'envahisseur,
devant l'ennemi commun. Mais la nature de l'homme
et du Français en particulier, est telle qu'une
fois le danger passé et l'ennemi vaincu, la vie de
la paix retrouvée reprend elle aussi ses droits et
ses exigences. Nos amis britanniques nous ont
appris qu'il faut diviser pour régner, et les
Latins que nous sommes se laissent trop facilement
diviser. Quand ils ont enterré leurs camarades
morts pour la France en 1918 et en 1945, les
survivants se sont dispersés et affrontés sur le
plan idéologique. En rompant l'union sacrée, les
anciens combattants ont affaibli leur image
patriotique et se sont déconsidérés devant
l'opinion publique, devant les générations
nouvelles. On est bien loin des Droits que la
Nation leur reconnaissait après la première guerre
mondiale. Et pourtant, l'ancien combattant, doit
sauvegarder le droit imprescriptible qui l'honore,
aujourd'hui comme hier, le droit à la déférence de
ses concitoyens. Mais ce sentiment n'est pas
unanime, hélas. Il ne suffit plus que le Monument
aux Morts de la moindre agglomération de notre
Hexagone, depuis bientôt 70 ans, et d'une guerre à
l'autre, rassemble autour de lui, le temps d'un
silence, ceux qui ont combattu et survécu, à côté
des plus jeunes, peu nombreux qui vivent leur
existence de paix, sans trop se demander à qui ils
la doivent. L'école leur a peu appris à ce sujet,
comme vous savez, sur l'existence de guerre de
leurs aînés, et pour des milliers et des milliers,
sur la portée du sacrifice suprême. Les cimetières
militaires, les croix de bois seraient tombés
depuis longtemps dans l'indifférence générale sans
l'inlassable dévouement de nos amis du Souvenir
Français, et nos fidèles porte-drapeaux qui
méritent notre reconnaissance. Mon propos
insistera en particulier sur les cérémonies du 1er
et du 2 Novembre de chaque année, cérémonies du
recueillement tournées vers le passé, par rapport
à celles du 11 Novembre et du 8 Mai. La journée
des défunts, toutes religions confondues, est à
mes yeux le plus solennel hommage que l'on puisse
rendre aux anciens combattants car le survivant
s'incline ce jour-là partout dans le monde devant
la tombe d'un père, d'un frère, d'un proche
parent, et qu'il porte sur lui et en lui, les
traces et les séquelles qui le font encore
souffrir dans la vie. La journée des défunts doit
surtout faire songer aux milliers de morts pour la
France. Je souhaiterais que le souvenir des morts
disparus dans la force de l'âge pour sauver leur
patrie en danger, devienne, le 2 Novembre, la
Journée de l'Ancien Combattant. Je conçois la
légitime fierté d'un Président National et du
Ministre de tutelle de consacrer enfin la Journée
de l'Ancien Combattant. Avec les célébrations des
Victoires du 11 Novembre et du 8 Mai, la journée
du 2 Novembre serait officiellement chômée pour
rendre un vibrant hommage à tous les anciens
combattants, enfin rétablis dans leurs droits au
respect. Alors, les quelques universitaires
lycéens et même écoliers présents aux cérémonies
ou devant les écrans de télévision regarderont
peut-être avec plus d'attention ces Français qui
se redressent gaillardement devant le drapeau la
poitrine bardée de décorations et qui arborent
leurs calots de tradition avec une légitime
fierté. Ne pensez-vous pas, qu'à l'instar de nos
alliés anglais et américains, mais pour chacun son
calot, nous pourrions sensibiliser la foule des
badauds et faire poser des questions à nos petits
enfants, si nous étions nombreux, disons tous,
présents avec nos calots, le 2, le 11 Novembre, le
8 Mai. Nous aurions encore belle allure, nous qui
avons atteint ou dépassé le 3ème âge, à côté de
nos camarades des générations du feu plus
récentes, et de nos jeunes d'aujourd'hui et de
demain, les Soldats de France et les jeunes de
Combat pour la France qui ont choisi de partager
et de perpétuer notre foi de patriotes. Je salue
avec émotion nos héritiers spirituels. Quant à
nous, les anciens, qui serons encore moins
nombreux l'année prochaine, car nos rangs
s'éclaircissent impitoyablement, si nous voulons
conserver notre dignité, nous avons intérêt à
suivre des exemples récents de rapprochement et de
fusion dans le même état d'esprit que celui qui
prévalait sur les champs de bataille. Mettons un
point final à notre extrême dispersion, et ce qui
est encore plus navrant aux dissensions qui
existent parmi des camarades du même combat, et
pire encore au sein d'une même association. Nous
disons un non définitif aux querelles intestines,
aux conflits de caractères, aux ambitions
inavouées, aux conspirations de palais, et j'en
passe. Laissons les autres s'entre-déchirer, les
autres qui n'ont jamais connu le danger face à
l'ennemi et à la mort. Anciens Combattants,
anciens Résistants, nous sommes d'une autre
trempe, nous devons donner l'exemple dans le temps
de paix comme nous l'avons donné sur le front. Ce
qui est essentiel à mes yeux, demeure dans le
respect que nous devons avoir les uns pour les
autres. Soyons des sages, des conciliateurs, des
éléments solides et équilibrés de la Nation.
Favorisons les rapprochements, créons des Comités
d'Entente, soyons unis comme au front, aujourd'hui
plus que jamais dans l'Histoire du XXème siècle. |