Louis BELLOT
***
062
Ma vie.
Ma
Guerre
GUERRE
1939-1945
Témoignage
NICE
- Septembre 1989
Analyse
du témoignage
Captivité - Evasion
Ecriture
: 1989 - Pages 105
POSTFACE de Jean-Louis ARMATI
Les tranches de vie de Louis
Bellot, nous font passer par de saisissants
contrastes depuis les temps difficiles de ce début
de siècle à la retraite heureuse et dorée de ses
86 ans. Ce témoignage s'articule en quatre parties
correspondant chacune à une époque : La petite
enfance, jusqu'à l'âge de 13 ans. C'est celle où
Louis Bellot, confié par "l'Assistance Publique" à
une famille pauvre de Lorraine vit heureux chez
les braves gens qui l'ont recueilli et cela malgré
la pauvreté. L'affection que cette famille lui
témoigne compensera la pénurie de biens matériels.
L'adolescence, de l'âge de 13 ans au service
militaire est sans doute la période la plus
difficile parce que placé dans une ferme et
exploité par des gens sans scrupules, le jeune
Louis, de 4 heures du matin à 21 heures, soit
pendant 17 heures chaque jour, six jours par
semaine est employé aux travaux les plus pénibles
et les plus sales. Sa guerre, il la vit
"drôlement" sans jamais combattre mais en
retrouvant les travaux des champs d'abord puis en
abandonnant le combat avant de l'avoir connu en
subissant la loi du vainqueur dans les kommandos
d'Autriche, en s'évadant enfin peu avant la fin de
la guerre avec une facilité et une simplicité
déconcertantes. La quatrième et dernière période,
car l'auteur ne nous dit rien des quelques 25 ans
de vie active qui succèdent à la guerre est celle
de la retraite paisible et heureuse si différente
d'une jeunesse misérable. La simplicité du ton, le
naturel et la fraîcheur du style, donnent à ce
témoignage sans fard, son accent de sincérité et
d'authenticité, sa véritable dimension humaine.Table
**
Ma première jeunesse 8
ADIEU MA VIE
D'ENFANT 23
MA GUERRE 52
MA RETRAITE 72
La mémoire
La
mémoire : seul bagage incessible
Jacques ATTALI
.c.Ma première jeunesse;
Je suis venu au monde à la
Maison de Secours dirigée par des Soeurs, Rue des
4 Eglises à NANCY. Mon père s'appelait Arsène
BELLOT, ma mère Rosine DUPONT. Ils étaient
employés comme Journaliers, ils n'avaient pas
d'emploi fixe, c'était plutôt la misère. Ma mère
m'a mis au monde le 13 Février 1903. De cette
Maison de Secours, je fus transféré à l'Hospice
des Enfants Assistés St Stanislas, Rue St Dizier à
NANCY. C'était l'Assistance Publique. J'étais
Pupille de l'Etat. J'avais 15 jours, lorsque une
maman de 6 enfants s'est présentée à l'Orphelinat
et a dit à la Soeur : - Je choisis ce Bébé Rose !
Elle a pris le train, c'était de vilains wagons,
noircis de fumée que crachait la locomotive à
charbon. Elle voyageait en 2ème classe, banquette
en bois jusqu'à la gare de VARANGEVILLE à 12 km,
ensuite elle me portait pendant 5 km, dans un
village de 800 habitants en pleine campagne, toute
blanche de neige, l'hiver, en LORRAINE est très
rigoureux. A HARAUCOURT par DOMBASLE-SUR-MEURTHE.
Cette brave dame avait son dernier né qui était
âgé de 4 mois, alors, elle m'a nourri au sein
pendant quelque temps, quelle chance que j'avais.
Son mari était invalide, il boîtait de naissance,
ce qui ne l'a pas empêché de faire son service
militaire pendant 5 ans, au 17ème Chasseurs à
cheval à EPINAL. L'aîné des enfants, âgé de 15
ans, était placé à 12 ans pour travailler dans la
culture des céréales. Le 2ème avait 12 ans et
était également dans une ferme à COURBESSEAUX,
tout petit village de 200 habitants. Dans ce petit
village fut livré une grande bataille au corps à
corps, à la baïonnette, dès les premiers mois de
la grande guerre 1914, pendant les chaleurs d'Août
et Septembre. Le 3ème fils avait 7 ans. A 12 ans,
tout comme ses frères, il travaillait chez les
cultivateurs. A l'âge de 19 ans, il était appelé
sous les drapeaux, puis fut envoyé à la bataille
de VERDUN où il devait être tué, il avait 20 ans.
Ainsi cette pauvre maman avait 3 fils mobilisés à
cette guerre atroce, de 1914. Le 4ème fils, qui
avait mon âge, fut mobilisé à la guerre 1940 et
fut fait prisonnier en ALLEMAGNE. Le 5ème mourut
dès l'âge de 6 ans, ainsi que leur soeur également
à 6 ans, je me souviens qu'elle me prenait par la
main et m'emmenait à l'école maternelle, j'avais 3
ans, et je la voyais grande. La maîtresse qui nous
gardait, s'appelait CLARISSE, c'était une jeune
fille du village. Elle faisait teinter la cloche à
8 h moins le 1/4. La soeur de lait, entrait en
classe avec les petites de 6 ans. Elle se nommait
ZOELIE. Ces gens à qui l'Etat m'avait confié,
s'étaient mariés en 1885, lui avait 29 ans,
travaillait comme manoeuvre à tout faire chez les
gens, il ne gagnait presque rien, elle avait 18
ans, elle était bonne à tout faire, chez des
châtelains du village qui possédait une voiture
carrosse à chevaux, puis en 1906, avait déjà la
voiture carrosse à moteur, à 6 places. Avec ses
patrons, elle avait 17 ans, ils l'avaient emmené
avec eux par le train à DEAUVILLE, mais elle,
avait beaucoup de travail et peu de loisirs, elle
n'a pas connu DEAUVILLE. La Préfecture payait à
cette brave maman, quelques sous par mois, et cela
jusqu'à ce que j'atteigne l'âge de 13 ans, car
après cet âge, l'Etat ne payait plus, il fallait
donc rendre le Pupille, ou alors, le garder
jusqu'à sa majorité à 21 ans, mais à condition de
pouvoir lui donner un salaire, qui serait versé
sur un livret de Caisse d'Epargne, jusqu'à 21 ans.
La Préfecture habillait l'enfant jusqu'à 13 ans,
ces habits et chaussures étaient offerts par des
dons à l'Etat, rien n'était essayé, tout m'allait,
comme un tablier à une vache. Je n'ai jamais connu
les beaux petits costumes à culottes courtes,
toujours des pantalons longs, pèlerines à capuchon
de filles, cela me rendait honteux, les autres
enfants se moquaient de moi, ils portaient de
jolis costumes de marin, avec de jolis chapeaux de
paille fine, et le ruban portant le nom de grands
bateaux. Moi mes chapeaux étaient déjà des
chapeaux d'hommes à grosse paille, ils étaient
trop grands, et étaient très durs, sur ma petite
tête, j'avais l'impression de porter une
casserole, qui n'avait pas de queue, il tournoyait
sur ma tête. Les chaussures, les sabots galoches
de bois, l'hiver les vrais sabots de bois pour
marcher dans la boue. J'ai 6 ans, je commence à
écrire à l'encre, j'apprends le Ba Be Bi Bo Bu, à
compter, la géographie, la FRANCE, ses
départements, à connaître les oiseaux, et puis
l'on chante des chansons patriotiques : Jeanne
d'Arc, Le Drapeau aux Trois Couleurs, Où t'en
vas-tu soldat de France, Il était un petit navire,
La Marseillaise, etc… Le logement de ces braves
gens très pauvres, se composait au
rez-de-chaussée, d'une pièce cuisine de 12m2, un
petit réduit qui contenait un semblant de lit, qui
contenait une énorme paillasse en toile de sac,
elle était remplie de feuilles de maïs, sur
laquelle s'allongeait Victor le 2ème fils. Il
avait été placé à l'âge de 12 ans pour les travaux
à la ferme. Lorsque j'avais l'âge de 15 jours, lui
était déjà parti, mais aussitôt qu'il a atteint 18
ans, il quittait la ferme, et était embauché dans
une immense usine, Les Soudières Solway et Cie, et
il reprenait son plumard, après des journées de
dur travail de 6 heures le matin, jusqu'à 6 heures
le soir, il avait 4 km à faire à pied,
aller-et-retour, soit 8 km, je me rappelle il
gagnait 2 Frs par jour. Le frère aîné Emile, qui
avait 18 ans, à mon arrivée, travaillait dans les
Salines et Mines de Sel, à 5 km du village, je
l'ai aperçu quand il venait de temps en temps dire
un petit bonjour à ses père et mère, il vivait
déjà avec une fille qui était enceinte d'un autre
homme, il s'est donc marié. A la naissance,
c'était un garçon appelé René, et c'est la
grand'mère qui l'a élevé. Le dernier des fils
s'appelait André, il était âgé de 4 mois, nous
couchions ensemble, nous allions à l'école tous
les deux, la maternelle à 3 ans, puis à 6 ans
l'école primaire jusqu'à 13 ans. J'étais placé
dans cette famille paysanne très laborieuse, et
très pauvre. Je suis demeuré dans cette famille
jusqu'à l'âge de 13 ans. A 6 ans je suis en
classe, avec une jolie maîtresse de 18 ans, elle
débute comme institutrice, elle se nomme Suzanne
CHEVASSUS, née dans le JURA. Je commence à écrire
à l'encre de petites dictées, à écrire au tableau
à la craie. Ba Be Bi Bo Bu, je fais des chiffres.
La maîtresse me récompense en distribuant des bons
points. Le Jeudi il n'y a pas d'école, la mère
nourrice fait la grosse lessive, car elle lave et
raccommode en plus des siens, le linge de quelques
garçons de culture pour gagner quelques sous. Tout
ce linge est mis dans la lessiveuse, chargée sur
une brouette, elle traîne la brouette et je pousse
un peu, jusqu'au lavoir qui est à 400 mètres. Elle
me donne les chaussettes, je les savonne et je les
brosse, je ne suis pas grand mais le lavoir est
très bas. Ma présence permet à toutes les laveuses
de poser des questions à la nourrice. - Mais
qu'est-ce que c'est donc ce petit gamin là, Marie
? Alors ; c'est presque toujours le même refrain
tous les Jeudi. Elle explique qui je suis. Au
printemps je vais dans le champ. Je fais des trous
et y mets une pomme de terre. Puis quelques grains
de haricots dans d'autres petits trous, puis des
graines de betteraves également dans de petits
trous, je recouvre tous ces trous d'un peu de
terre, et je tasse en mettant le pied dessus. Tous
les Jeudi, et toutes les vacances sont employés à
aider les vieux parents, à faire de petits
travaux, et cela m'amuse, et me plaît beaucoup.
Encore enfant, je vais faire les courses, soit à
l'épicerie, le charcutier, le lait, le beurre, il
y a 2 grosses fermes où il y a beaucoup de vaches,
alors, je vais tantôt chez une, tantôt chez
l'autre. L'une, c'est le Maire du village, il y a
un joli perroquet, il s'appelle JACQUOT, je lui
parle, nous nous connaissons, c'est rigolo. Il y a
3 grandes filles, elles sont contentes de me voir,
et elles aiment me faire chanter ce petit refrain
-"Louizon zon zon, le Clairon au Cul, Trou du Cul
de Cochon", et elles éclatent de rire. Puis, elles
me questionnent : - Qui c'est ta bonne amie ? J'ai
déjà 5 ans, et je réponds : - C'est la Claire
XENARD ! Et dans tout le village les gens
s'amusent avec moi, peut-être que je jouais avec
cette petite camarade plus qu'avec les autres.
Dans la campagne, il y avait beaucoup d'occasions
à se trouver mélangés. Il y avait les cueillettes
des fruits de toutes sortes, la récolte du
houblon, les moissons, les vendanges. Aller glaner
les épis, que les cultivateurs laissaient dans les
champs, peut-être pour en faire cadeau aux
pauvres. Les grandes vacances en Août et Septembre
c'était les récoltes de pommes de terre,
betteraves, haricots, il y avait beaucoup de
travail, c'était surtout pour les gros
cultivateurs qui employaient ces bons vieux, en
les exploitant, du matin au soir, pour quelques
sous. Les épis de blé que je glanais, étaient
battus au fléau, et je portais le grain chez le
boulanger, et il nous donnait de la farine en
échange. Cette farine servait à faire des tartes,
des brioches, à l'occasion de la fête du village
qui avait lieu en Septembre. Pour la fête j'avais
toujours quelques économies, je pouvais faire
quelques tours sur le manège des chevaux de bois.
De lancer des pelotes sur le jeu des Tontiches et
je gagnais quelques noisettes. Je me payais des
berlingots et du nougat, j'étais heureux. J'avais
gagné ces quelques sous en allant chercher un
paquet de tabac pour le riche cultivateur, qui
était voisin du logement misérable que nous
habitions. La chambre à l'étage, était dans le
grenier, près du foin, de la paille et des fagots
de bois, il y avait beaucoup de souris ; au
rez-de-chaussée, c'était de gros rats ; il y avait
bien une grosse ratière, mais ils faisaient
beaucoup de dégâts, dans les pommes de terre et
carottes, etc. Je gagnais quelques sous, en
portant des assiettes de pissenlit, chez les gens,
puis à garder les vaches dans les champs, surtout
en Septembre. Dès l'âge de 7 ans, je conduisais 8
vaches laitières dans les prés, la patronne me
donnait dans une musette des tranches de lard
fondus, un récipient de fromage blanc, et une
bouteille de piquette, de 10 heures le matin
jusqu'à 5 heures le soir. Je ne prenais pas souci
de les garder, c'était d'immenses prairies, elles
se gardaient pour ainsi dire elles-mêmes, ces
vaches de toutes couleurs. Toutes les vaches
étaient mélangées à d'autres petits troupeaux,
nous étions 1/2 douzaine de gamins, et même des
gamines à les surveiller, pour quelques sous.
Notre plus grand souci, était d'arracher, et de
voler des pommes de terre. Nous creusions un petit
trou, ramassions du bois mort, allumions ce bois,
pour obtenir un brasier et y mettions les patates
qui cuisaient sous la cendre, et on se régalait.
Nous jouions à toutes sortes de jeux, surtout à
sauter à saute-moutons. Un jour une vache m'a
mangé mon gilet et mon béret, toute la bande à
bien ri, il y en a qui disaient, si c'est une
vache qui est enceinte, elle risque de faire un
petit veau, qui sera habillé d'un gilet, et coiffé
d'un béret, dès sa naissance. La semaine de
Pâques, je jouais de la crécelle dans les rues, à
plusieurs, chaque groupe avait sa rue. On agitait
la crécelle, ou brouet, genre de caisse en bois,
avec de petits marteaux à l'intérieur, et en
tournant une manivelle, cela donnait une forte
résonance, puis il fallait dire en chantant : "Au
premier coup, réveillez-vous". Pour le deuxième
coup ; un peu plus tard, on chantait. "Au 2ème
coup : habillez-vous", et à l'heure de l'Office.
Au 3ème coup : "Sortez de chez vous". On nous
faisait croire que les cloches de l'église,
étaient parties dans les airs, pour aller à ROME
et pour y être bénies. Après les fêtes de Pâques,
j'allais quêter chez les habitants de la rue, où
j'avais avec ma crécelle, averti les gens de se
rendre à la messe j'obtenais quelques sous, mais
les gens préféraient donner des oeufs. Lorsque
l'on entendait à nouveau sonner les cloches, qui
revenaient, soi-disant de ROME, il y avait une
grande joie dans tout le village, tous les parents
avaient répandu des oeufs de Pâques en sucre ou en
chocolat dans leur jardin, soit sur les salades,
soit sur des choux, où même sur la terre ; des
voisins qui eux n'avaient pas d'enfants, en
avaient aussi semé, et étaient contents de nous
voir chercher et ramasser toutes ces sucreries.
Souvent les Dimanche après-midi, pendant les
belles saisons, j'allais voir les jeunes gens, et
des pères de famille, jouer aux quilles. Ils
m'embauchaient pour remettre les quilles debout,
et je leur renvoyais les énormes boules. Elles
avaient 2 trous, un pour mettre le pouce, l'autre
pour y mettre les 4 autres doigts, les joueurs
étaient contents de mon travail, et il me payait
avec de petits sous en bronze, mais jamais de
pièces de 10 sous en argent, ils n'étaient pas
riches et étaient avares. Et puis il y avait le
catéchisme, j'allais à l'église 2 fois par
semaine, pour préparer la Première Communion, dès
l'âge de 7 ans, jusqu'à l'âge de 11 ans. Je me
levais plus tôt, il fallait être avec le Prêtre, à
7 heures du matin, il y avait des cantiques à
apprendre avec l'harmonium, soit en latin, soit en
français. J'ai dû être Servant de Messe pendant 3
ans les Dimanche, pour l'Office du matin, puis
l'après-midi les Vêpres, là, je m'y ennuyais,
surtout pendant les beaux après-midi d'été,
j'aurais préféré aller jouer, ou aller au jeu de
quilles. Tous les ans au mois de Juin, des
reposoirs étaient construits, un sur la place du
village près de l'église, puis un autre dans la
rue principale. Les gens s'étaient transformés en
cantonniers pour nettoyer les rues, qui étaient
très sales, par les crottes des vaches, des
chevaux, des troupeaux de moutons, et même un
troupeau de cochons, un gardien soufflait dans une
corne, et les habitants lâchaient leurs cochons,
devant les maisons, où il y avait toujours un tas
de fumier, et même une fosse de purin, les
caniveaux étaient noirs de purin, alors les
cochons labouraient tous ces fumiers, ils se
roulaient dans toute cette fange, après, ils
ressemblaient à des sangliers. Le gardien les
emmenait dans les champs, et avec leur groin, ils
creusaient la terre, pour y trouver des
tubercules, il y avait un gros chien noir pour les
rassembler, ces sales cochons. Devant chaque
demeure, sur tout le long du parcours, d'un
reposoir à l'autre, les gens étaient allés dans le
bois couper des branches, et chacun avait
construit comme une haie, de ces ramures de toutes
tailles, c'était superbe,toute la population était
catholique fervente, et le Prêtre en était
heureux. Etant Servant de Messe, avec d'autres
gamins, nous formions une procession, nous
portions chacun une petite corbeille, pleine de
pétales de fleurs, de toutes les couleurs, et nous
les jetions en pluie, sur tout le parcours, suivis
de tous les habitants, et en chantant des
cantiques, à chaque reposoir, le Curé nous
bénissait, en levant les bras au ciel, comme s'il
nous acclamait. C'était magnifique. Je n'y ai
jamais vu, les maîtres et maîtresses d'école
assister à toutes les fêtes d'églises, cependant,
mon dernier instituteur avait 3 belles petites
filles âgées entre 9 et 13 ans, je ne les ai
jamais vu se préparer, à venir apprendre le
catéchisme, en vue de faire la 1ère Communion.
Toutes sont mortes très jeunes, ainsi que leur
maman. Le père mon maître très sévère, je l'ai vu
devenir vieillard, il aurait voulu faire de moi,
un maître d'école, si il n'y avait pas eu, cette
maudite guerre de 1914-1918. Il s'appelait Mr
MARTIN. Lorsque j'ai fait ma 1ère Communion
j'avais 11 ans, au mois de Juin 1914, quelques
mois avant la déclaration de la guerre le 2 Août
1914. Ce fut pour moi un grand jour de fête, par
une journée ensoleillée, ciel bleu. Tous les
camarades avaient revêtu, un beau petit costume à
culotte courte. Moi, le plus petit de la bande, je
portais un pantalon long en drap, depuis l'âge de
4 ans, la Préfecture ne m'habillait qu'en pantalon
long, une veste qui n'était pas à ma taille, j'ai
toujours eu honte, en me comparant aux autres,
j'en souffrais, sans le laisser voir, surtout
devant ces braves gens qui m'avaient un peu
recueilli, ils ne s'en rendaient pas compte, que
j'étais plutôt minable auprès des autres gamins.
Comme cette pèlerine qui m'avait été donnée à 8
ans et qui a toujours été la même, tous les hivers
jusqu'à 12 ans elle était grande, j'étais très mal
à l'aise car c'était avec un capuchon de fille.
Les copains, leurs capuchons étaient pointus, et
le mien était tout rond avec des franges, cela les
amusait de me faire des réflexions, et comme de
tous temps, j'étais questionné. -" Pourquoi que tu
t'appelles BELLOT, et non pas DARDAINE, comme tes
autres frères ? ", je ne savais jamais bien
répondre, et cela me rendait très triste. Et
encore beaucoup plus tard, j'ai souvent entendu
par des gens, cette réflexion : -" Louis tu as… "
ou " Vous avez l'air triste " : j'aurais tant
voulu ressembler, aux autres jeunes gens. Comme
ces paroles que j'entendais, alors que j'étais
déjà un homme : "- Mon pauvre petit, tu ne seras
donc jamais heureux ! ". Le Destin était ainsi, je
l'acceptais, il n'aurait pas fallu m'apitoyer, je
voulais tant me sentir un homme comme les autres.
Tous les communiants, nous sommes réunis sur la
place près de l'église, garçons et filles, le
Prêtre, les gens du village. Le Bedeau est en tête
avec sa belle tenue colorée, grand chapeau, avec
sa crosse épée, nous conduit à l'église. Nous
chantons le Veni Creator, puis : "Oh Saint Hôtel,
qu'environnent les Anges" . Je porte un cierge,
j'ai un brassard, un chapelet et un petit livre de
messe, tout cela a été prêté par des voisins, car
on n'aurait pas eu les moyens de les acheter. A la
maison pour la circonstance, la mère nourrice a
invité sa soeur Christine et sa fille Delphine
avec son mari. Il y a les frères de lait Victor,
René, puis André, qui lui est aussi communiant.
Pour le repas, je ne serai pas avec eux, un
camarade d'école m'a invité chez ses parents, il y
avait beaucoup de monde très joyeux. Je me
rappelle du champagne que je buvais pour la 1ère
fois, puis je me suis bien régalé, avec de la
bonne brioche et des oeufs à la neige. Un mois
plus tard, c'était la Confirmation. Cela se
passait à SENONCOURT, à 5 km de HARAUCOURT, après
avoir traversé le village de BUISSONCOURT. Les
communiants de 6 villages étaient venus, nous
étions nombreux. L'Evêque de NANCY, Monseigneur
RUCH, nous a bénis, il a posé quelques questions.
A mon copain, il a demandé qui était le Pape, il a
répondu PIE-XI. Je n'aurais pas su lui répondre.
Cet Evêque était un bel homme, je l'ai revu 2 mois
plus tard, il avait revêtu la tenue militaire de
Capitaine. Au mois d'Août, la LORRAINE était déjà
envahie par l'Infanterie bavaroise. Il était
Capitaine de la CROIX-ROUGE Française, ils étaient
cantonnés, dans la commune d'HARAUCOURT, il venait
d'y avoir quelques escarmouches avec les Boches, à
une dizaine de kms, et un gars du village y avait
trouver la mort, les brancardiers l'ont fait
porter au patelin, et le Capitaine Meur RUCH, lui
fit une petite messe, et je fus choisi pour
servir, et nous avons accompagné la dépouille au
cimetière à 1 km. Je connaissais bien ce jeune
homme, il se nommait Victor CAFAXE. Le Capitaine
m'a donné 5 sous, c'était beaucoup. Il y avait la
Salle Jeanne d'Arc, les Prêtres y faisaient jouer
des pièces de théâtre. Elle servait aussi de salle
de gymnastique, car il y avait une belle section
de jeunes gens de 10 à 20 ans, ils partaient faire
des concours dans certaines villes. Ils avaient
une belle tenue, maillot blanc, culotte courte
blanche, bas noirs, béret blanc, et patins blancs,
et puis une clique de tambour et clairons pour les
faire défiler au pas, en traversant les villages.
Quel dommage pour moi, je n'étais pas autorisé à
en faire partie, par crainte d'accidents à la gym.
Toute cette belle société a disparu, par suite de
la guerre, la majorité avaient l'âge d'aller au
Régiment, et sont allés mourir au Champ d'Honneur.
Après être demeuré pendant 1 an à apprendre à lire
et à compter avec la maîtresse Suzanne CHEVASSUS,
je change de classe, je suis avec Mr Richard, un
gros homme qui était logé dans l'école. Les
après-midi, il s'endormait sur son bureau, aussi
les plus grands en profitaient pour faire du
chahut. Le fils du Maire, gros cultivateur, était
allé jusqu'à lui tirer le pan de sa chemise, hors
de son pantalon, quelle rigolade dans la classe.
L'instituteur. Il nous réunit près de son bureau,
pour une lecture, chacun avait son livre en main,
tout à coup je me sens mal à l'aise, je vomis sur
mon livre, il se met à hurler : - Espèce de sale
individu, dégoûtant personnage, insolent moineau,
foutez-moi le camp dans la cour ! Cet incident a
dû l'empêcher de s'endormir. A la récréation il
fumait la pipe, et cela le faisait cracher, c'en
était dégoûtant, le tabac était devenu une drogue.
Il n'a profité de sa retraite que quelques mois.
Je suis à présent dans la classe avec les grands
gamins de 10 à 13 ans. Nous avons comme maître Mr
MARTIN, il était logé dans l'école. J'étais mis
tout au fond de la classe. J'ai eu, mais rarement,
des voisins à ma table, des Pupilles de
l'Assistance Publique, il y en avait 4 dans la
même maison, chez Mme THOMAS ; cette femme faisait
l'appariteur, avec un tambour, elle parcourait les
rues. A chaque arrêt, elle tapait les baguettes
sur le tambour, puis elle déclamait ce qui était
sur son papier : -" Avis ! Défense d'aller
cueillir des pissenlits, à partir du 1er Avril ".
-" Avis : Les habitants devront ramasser des
pierres, les mettre sur les chemins vicinaux". -"
Avis : Les casseurs de pierres seront payés par
mètres cubes, par l'agent VOYER" etc. Les Pupilles
de l'Etat confiés chez elle, étaient très
malheureux, tous ceux que j'y ai vu, n'ont connu
que la souffrance, la misère, elle les prenait de
6 à 13 ans mais c'était pour les employer aux
sales travaux agricoles. Jamais aucun n'est apparu
au catéchisme, à l'église, aux fêtes de Pâques, de
Pentecôte, Noël, enfin tout ce qui concernait la
paroisse. Ceux qui quelquefois venaient à l'école,
ils étaient sales, déguenillés, ils étaient déjà
fatigués d'être levés de bonne heure pour
travailler ; certains, d'être tant maltraités,
étaient déjà plutôt voyous, je me rappelle que
certains me faisaient peur, tellement il y avait
de la révolte dans leur regard, et les habitants
les maudissaient plutôt, alors, qu'il aurait fallu
leur apporter un peu d'affection. C'était le
contraire. S'il y avait un incendie dans un
village, tous disaient : -" Mais c'est encore un
sale gamin de l'Assistance Publique ". Oui !
Peut-être y en a-t-il eu, par vengeance, contre
leurs patrons qui les traitaient en esclaves. Je
revois ces pauvres gars, je me rappelle de leur
nom : ANCEY, DUCHENE avec sa jambe de bois,
SCHMITT qui aussitôt 13 ans, livrait des sacs de
charbons, STEIGER qui avait tellement souffert,
était tout débiscaillé, de souffrir de rhumatisme,
et a fini en vendant des lacets, installé sur un
trottoir en ville, il vivotait dans un biboui mal
famé. Par contre d'autres ont été bien traités,
ainsi moi-même ; placé dans cette famille
indigente, dès ma naissance jusqu'à 13 ans,
j'étais considéré comme faisant partie de la
famille, et cela à tout point de vue, j'ai bien
fréquenté l'école, j'ai obtenu mon Certificat
d'Etudes ; tous les ans, j'étais récompensé à la
remise des prix, félicité par les maîtres et le
Maire, c'était toujours dans une très belle
ambiance avec la population, on recevait un peu de
gâterie. Puis un livre. Un autre placé dès l'âge
de 6 ans, dans une petite exploitation, s'est
marié avec la fille, puis il est devenu un riche
cultivateur, il se nommait : Jean VOGEL. Un autre
Emile ZINC, s'est marié avec une fille du village,
en sortant du service militaire, il avait appris
le métier de maçon, et a construit sa maison, et
en a construit beaucoup d'autres. La bonne de la
grande ferme voisine, d'où j'étais placé, était de
l'Assistance. Son patron était resté célibataire,
il menait joyeuse vie, toujours habillé comme un
hobereau, il allait surveiller ses domestiques
dans les champs, avec un cheval pur-sang, attelé à
une voiture à 2 roues. Tous les Samedi il se
rendait à la ville faire bombance. Puis il a mis
enceinte sa jeune bonne, et elle a tout obtenu à
l'héritage. Elle a eu un beau grand fils, qui n'a
pas continué la culture, la grande cour a été
transformée en grand jardin, fleurs et gazons, les
bâtiments sont devenus de belles maisons très
accueillantes. Lui s'est établi Pâtissier dans la
grande ville. La ferme avait été bombardée par des
obus allemands et avait été démolie. Cette brave
mère nourrice était allée chercher un autre enfant
à l'Orphelinat, il avait 3 ans et se nommait
Alfred MULLER, mais elle ne l'a gardé qu'un an,
elle avait trop de travail avec lui, car il
faisait toujours pipi au lit, elle qui peinait
tant du matin au soir, pour pouvoir faire bouillir
la marmite de la grande famille. Lorsqu'elle l'a
redonné à l'Assistance, j'ai eu un gros chagrin,
les premières nuits, je sanglotais une nuit, ces
bons vieux, en m'entendant, m'ont dit : - Si tu
pleures, on te remmène aussi à la Moire Cornette !
et comme j'avais peur des Chères Soeurs, je me
suis tu. Mais elle est revenue avec un autre
petit, il avait 2 ans, il se nommait Jules
GILBERT. C'est moi qui lui ai appris à marcher et
à parler, on avait acheté une voiture pour
enfants, genre de gros panier en osier, campé sur
4 roues en fer, pendant les belles saisons,
l'enfant était dedans, nous partions dans les
champs, tous les outils dans la charrette, et elle
se trouvait souvent pleine de carottes, patates,
choux, navets, salades, betteraves rouges, etc.
Cet enfant devait être rendu, dès le début du mois
d'Août 1914, à la Préfecture car la guerre faisait
déjà des ravages, dans les campagnes en LORRAINE.
Au mois de Juin 1914, l'école avec la
municipalité, me récompensait avec 3 autres
élèves, en nous invitant à faire une petite
excursion dans les VOSGES, à PLOMBIERES LES BAINS,
où les riches se rendaient pour y faire des cures,
ou à côté à VITTEL, CONTREXEVILLE, BAINS LES
BAINS, etc. Un char à banc nous prenait au
village, un domestique du Maire, conduisait un
gros cheval, et il nous emmenait à VARANGEVILLE,
la gare est à 5 km. Il y avait le maître Mr MARTIN
et sa femme qui aimait beaucoup me taquiner, plus
que les autres élèves, cela lui faisait plaisir,
et à moi aussi. Dans des wagons en bois, ainsi que
les banquettes, nous filons vers les VOSGES, la
locomotive crache sa noire fumée de charbon, nous
roulons à l'allure d'un coureur cycliste. Premier
arrêt DOMBASLE-SUR-MEURTHE avec ses immenses
usines chimiques de soude caustique, et
fabrication de sel blanc raffiné pour la cuisine,
2ème arrêt à BLAINVILLE-SUR-MEURTHE, grand centre
de triage S.N.C.F., 3ème arrêt LUNEVILLE, joli
château copié sur celui de VERSAILLES, faïencerie
réputée en ces temps-là, grande fabrique de wagons
S.N.C.F. Il fait une journée splendide, le ciel
est bleu, le soleil brille, nous sommes tous
joyeux. Arrêt à CHARMES, nous voilà dans les
VOSGES, puis VINCEY, THAON, pays des tissages,
filatures, papeteries, scieries, confitureries,
etc. Nous apercevons un hangar, dedans il y a 2
énormes dirigeables, c'est un terrain militaire,
c'est le chef-lieu EPINAL. Ces dirigeables
servaient pour faire les grandes manoeuvres,
l'Etat-Major était dedans, à 500 mètres de hauteur
et pouvait mieux diriger les combats, de tous ces
soldats en uniformes de toutes couleurs, qui
faisaient semblant de se faire la guerre, afin
d'être prêts, si une vraie guerre éclatait. Tous
les ans j'y ai vu les fantassins à culottes
rouges, veste bleue, les artilleurs le pantalon
avec des bandes rouges, tenue bleue très foncée.
Les hussards montés sur des pur-sang arabes, les
cavaliers, pantalon rouge avec guêtres noires
jusqu'au genoux, vestes à bouton couleur argenté,
la veste teinte bleu ciel, très ajustée sur le
corps, ils étaient fiers sur leur canasson. Puis
les cuirassiers, montés sur de plus gros chevaux,
car les hommes étaient très robustes, et pesaient
presque 100 kg. Le double de mon corps, moi, ne
faisant que 50 kg. On les voyait de très loin ces
gars, ils étaient revêtus, d'une énorme cuirasse
en cuivre, et le casque également, ils étaient
repérables à plus de 10 km de distance, tellement
le soleil les faisait briller ; après le casque
pendait une belle crinière rousse, un grand sabre
pendait le long de sa jambe, puis il tenait une
grande lance verticalement. Je les ai vus une
seule fois défiler en jouant de la trompette, ils
traversaient le village, un peu avant la guerre
1914. Ils venaient de LUNEVILLE et se rendaient à
NANCY, au plateau de MALZEVILLE. Il y avait une
revue de toutes les garnisons du 20ème Corps. Le
Tzar Nicolas de Russie était invité, puis Raymond
POINCARE, Président de la République Française. A
cette époque dans les écoles, on nous faisait
chanter que des chants patriotiques. Dans la
maison, les vieux nous chantaient très souvent des
cantiques, ou la messe en latin. Le Dimanche matin
le grand-père lisait tout haut les exploits de
FILLETTE, c'était un journal pour enfants, ils y
étaient abonnés, ainsi que le journal LE PELERIN.
La grand-mère l'écoutait, tout en préparant la
popote de midi. Elle ne savait ni lire, ni écrire.
C'est très souvent qu'il s'arrêtait en lisant, il
était près à pleurer de certains passages qu'il
lisait, il avait un coeur tendre. Je me rappelle
toujours qu'étant encore tout petit, il me mettait
sur ses genoux et me faisait sauter, tout en
chantant : A Cheval dragon, A Cheval dragon, A
Cheval dragon, puis il ouvrait ses 2 jambes, cela
me plaisait, par contre avec son vrai fils André,
jamais il ne l'a pris sur ses genoux, j'ai souvent
vu lui flanquer des coups de ceinturon, il devait
être têtu, d'ailleurs à l'école, il a obtenu des
beaux bonnets d'âne, l'école ne lui plaisait pas,
il a toujours continué à écrire comme les petits
gosses. J'avais 4 ans, en été pendant la moisson
des blés, ils m'avaient emmené avec eux j'étais
haut comme 3 pommes, les blés étaient hauts de
1,20 m. Le grand-père fauchait tout autour de cet
immense champ de blé, pour faire un passage à la
faucheuse lieuse. Je me suis égaré, j'ai aperçu la
route et suis parti vers le village en courant, et
surtout en pleurant, j'étais comme un abandonné.
Le fils Victor me prenait par la main les Dimanche
matin, à la belle saison, et il m'emmenait à la
campagne ou dans les bois, il n'a jamais choisi
son frère André. Nous allions aux escargots, aux
asperges de bois, aux fraises des bois, aux
jonquilles, aux noisettes, etc. Nous repassions
par un petit village et dans un café, il me payait
un verre de cassis, j'étais vraiment gâté, nous
faisions jusqu'à 10 km. Cela surtout lorsqu'il
avait de 18 à 21 ans, moi, j'avais de 6 à 9 ans.
René celui qui fut tué à 20 ans à VERDUN, aux
fêtes de la Pentecôte, m'avait payé l'entrée d'une
boutique où l'on regardait, pour cinq sous, dans
des grosses lunettes qui grossissaient énormément
des images, cela m'avait beaucoup impressionné, on
y voyait des drames, de la bande à BONNOT, dont
les journaux en parlaient beaucoup, puis des vues
sur les horreurs de la guerre, nous étions en
l'année 1915, j'avais 12 ans, René en avait 18. Il
m'emmenait le soir, à la belle saison pour se
baigner à la rivière, à la MEURTHE, lui nageait,
moi je me mouillais les pieds. Il était lui aussi
très gentil avec moi, il m'achetait des bonbons.
Heureusement qu'il a eu l'occasion de profiter un
peu, d'instants bien courts de sa vie. Une jeune
locataire du dessous l'avait attiré chez elle, son
mari travaillait la nuit, à la filature, elle
s'appelait Henriette, elle n'avait que 20 ans.
Comme il a bien fait de goûter aux plaisirs, avec
cette femme. Nous sommes le 2 Août 1914. Guillaume
l'Empereur des Boches, nous déclare la guerre,
l'Infanterie bavaroise est déjà entrée sur le
territoire, jusqu'à 15 km, ils se faufilent dans
les moissons qui ne sont pas encore fauchées. On
voit défiler dans les habitants des villages
envahis avec des troupeaux, des chariots, où sont
assis des personnes âgés, mélangés avec des
enfants, enfouis dans des meubles de fortune, tout
ce monde s'en va sans savoir où, on a tant
ouï-dire que ces Bavarois commettaient des
atrocités, déjà à la guerre de 1870. L'armée du
20ème Corps de LORRAINE les arrête, c'est la
bataille du Grand Couronné, il y a des luttes
corps à corps à la baïonnette, notre artillerie
avec les canons d'obus 75 les fait reculer sur
leur territoire. Tous ces petits villages de
LORRAINE sont beaucoup démolis, les habitants, un
bon nombre, ont voulu retourner pour reprendre
leur vie, l'armée fournit des baraques en tôle
pour abriter les gens et les bêtes. Nous sommes en
Septembre 1914. Jour et nuit l'armée française est
en déroute, c'est la retraite de MERHANGE, les
Boches avaient su attirer en pays annexé nos
soldats pleins d'ardeurs, tous croyaient aller
facilement à BERLIN. Hélas ! les 4 années de
guerre atroce se sont passées sur le sol français.
Je revois tous ces Régiments de toutes armes
reculer vers NANCY-TOUL-PONT-A-MOUSSON, talonnés
par le Kronprinz, qui croyait déjà à la victoire.
Je vais sur mes 12 ans, la méchante femme,
cultivatrice qui martyrise les enfants que lui
confie l'Orphelinat, en les faisant travailler dès
l'âge de 7 ans, à de sales et rudes besognes,
parcourt les rues avec son tambour. Elle braille.
- Avis ! Tous les hommes jeunes et âgés non
mobilisables, doivent se présenter à la Mairie.
Tous ceux qui peuvent travailler sont mobilisés
pour enterrer tous les soldats qui sont morts,
afin d'éviter le choléra par les mouches et la
grande chaleur. Et puis voilà que les Boches
envoient des obus, des maisons reçoivent des
projectiles, des incendies éclatent, c'est la
panique ; le cultivateur voisin attelle 4 chevaux
à un gros chariot et avec ma famille nourricière,
nous grimpons dessus avec des voisins et nous nous
dirigeons vers St NICOLAS DE PORT, distant de 6
km. La route directe nous est barrée par l'armée,
nous devons passer par le village de BUISSONCOURT,
LENONCOURT, ART-SUR-MEURTHE, nous sommes écartés
de la zone de combat. Un petit fortin répond à
l'artillerie ennemie, notre village était dans la
ligne de tir français et boche. Nous débarquons à
St NICOLAS, nous logeons chez Tante Christine, qui
est la soeur de la grand-mère nourrice, nous
venions chez elle, toujours pour les fêtes de
Pentecôte. Elle venait nous rendre visite, surtout
pour la fête du patelin à HARAUCOURT, elle était
toujours accompagnée d'une de ses filles qui se
nommait Delphine, son mari et leur gamin de 10
ans. Cette tante avait 9 enfants et était veuve.
Elle avait 6 fils appelés sous les drapeaux.
J'aimais venir lui rendre visite à St NICOLAS,
elle nous mettait des paillasses par terre, et
c'est les cloches de la basilique qui nous
réveillaient, car nous venions surtout, lorsqu'il
y avait des fêtes d'église. Toutes les cloches
faisaient un joyeux carillon. Il y avait une
énorme cloche, appelée le Bourdon, elle pesait 20
tonnes, on l'entendait à la fin de la messe, pour
les grandes fêtes. Nous voilà chez elle,
considérés en évacués, la ville nous trouve vite
un logement rez-de-chaussée. C'est tout près d'un
tissage, filature. Je vais à l'école laïque, ici
il y a deux sortes d'école, en face il y a une
école libre catholique. La ville est divisée, les
laïques ne fraternisent pas avec ceux qui sont
pour l'église, je trouve cela bizarre. Il y a deux
fanfares, une laïque et l'autre chrétienne. Mon
nouveau maître est Mr VERON, lui aussi est évacué
d'AUDUN-LE-ROMAN, la guerre a démoli son patelin
dans la MEUSE. Près de VERDUN. Nous sommes à la
fin Septembre. Les combats font encore rage à une
vingtaine de km. Sur le Port du Canal, les soldats
de la CROIX-ROUGE, les brancardiers sont débordés,
tellement il y a de blessés. La salle des fêtes,
tous les hôpitaux sont pleins, les trains sont
emplis de soldats mourants, alors ils sont obligés
de les déposer sur le Port du Canal, en attendant
de pouvoir les descendre dans les péniches, ils
sont là exposés sous le soleil, personne pour nous
empêcher de voir ce spectacle atroce, les mouches
couvrent leurs blessures béantes, les Boches sont
mélangés aux Français. On en voit mourir de trop
graves blessures, ils sont dans le coma. Mais
voilà que des obus allemands tombent sur la ville,
les bons vieux prennent peur et ils décident de
partir en direction de la capitale de la LORRAINE,
NANCY. La nuit tombe et un orage éclate, le
tonnerre se mélange aux bruits de l'éclatement des
obus. Le petit Jules GILBERT est mis dans la
charrette en osier, cet enfant sera redonné à
l'Orphelinat, en arrivant le lendemain matin à
NANCY. Nous nous sommes arrêtés à LANEUVEVILLE
DEVANT NANCY. Des gens qui nous ont reconnu, en
passant, se sont écriés : - Mais ! Où est-ce que
vous allez donc braves gens ? Et nous avons couché
chez le vendeur de bidons d'huile et de Savons de
Marseille, et même des harengs frais. Nous étions
de ses clients. Nous voilà à la ville, on constate
qu'elle a été bombardée. La grand-mère porte
l'enfant aux Enfants Assistés. Elle pouvait aussi
bien se débarrasser de moi, en même temps, je
pense qu'elle a besoin des quelques francs que lui
paie l'Etat, et comme il ne lui reste plus que 17
mois à me garder, l'Etat, me reprenant dès l'âge
de 13 ans. Le Conseil Municipal de la ville est
débordé avec tous les réfugiés qui arrivent d'une
centaine de villages. Tout est complet partout.
Nous sommes installés dans les bâtiments des
colonies scolaires de GENTILLY, en dehors de
l'agglomération. De la paille est étendue sur le
ciment à terre, et les familles se débrouillent
chacune à sa façon pour se reposer. Cela dure 8
jours, cette vie de clochards. Tout le monde est
rempli de poux, nous sommes nourris à la Soupe
Populaire. On nous déménage pour être hébergés à
la caserne MOLITOR, Rue Blandan, les soldats sont
à la guerre ; nous prenons leur place. Notre
chambre est au 4ème étage, il y a 30 lits par
chambrée. Les femmes sont mises à part, dans
d'autres chambrées. Ce sont des femmes réfugiées,
qui font la popote dans les grandes cuisines
militaires. Nous mangeons les morceaux, que l'on
ne peut donner aux poilus, qui sont sur le front.
C'est-à-dire les bas morceaux, le foie, le mou, la
tête, les pieds. Les enfants qui n'ont pas l'âge
de 13 ans vont à l'école GRAFFIGNY. Cela ne dure
pas longtemps, la guerre ne se fait plus en
LORRAINE, impossible à l'ennemi de passer. Il y a
17 forts tout autour de NANCY, plus des redoutes
et canons antiaériens. Les Boches s'acharnent en
ARGONNE, dans la SOMME, les VOSGES. Nous revenons
à St NICOLAS DE PORT. Nous trouvons un logement au
2ème étage, le grand-père maudira comme dans cette
caserne MOLITOR, les escaliers, ses jambes sont
très mauvaises. Etant pendant 3 semaines dans le
quartier militaire, un jeune avait créé une petite
chanson. Je me rappelle d'un couplet. Un jour ce
jeune s'est penché à la fenêtre du 4ème étage, il
a tombé et s'est tué. C'est à la caserne MOLITOR
Que les réfugiés sont réunis Dans de belles
chambres où l'on dort Et où ils sont très bien
nourris La guerre est une chose bien triste Que de
familles sont malheureuses Combien de mères
deviennent grises En pensant à leurs pauvres vieux
Mauvais Prussiens vous serez châtiés D'avoir
commis toutes vos lâchetés. Nous voilà donc de
nouveau habitants de St NICOLAS. André et moi
avons 12 ans et demi, avec son père nous devons
retourner à HARAUCOURT pendant une semaine. Son
père, s'il veut être payé pour les travaux des
champs qu'il avait entrepris avant la débâcle,
doit arracher les pommes de terre et les
betteraves. Les éclats d'obus, avec les
Schrapnels, ont beaucoup transpercé des
betteraves, des alouettes ont été massacrées dans
leurs nids. Le soir nous retrouvons l'ancien
logis, nous nous couchons comme des clochards, la
literie a disparu, soit le vol, soit dans de
petites tranchées creusées par les soldats, nous
n'avons rien récupéré. Ce n'était ni de la soie,
ni de fines toiles, mais c'était leurs biens, de
ces pauvres vieux. Pour les dommages de guerre,
ils étaient trop pauvres, ils ont été oubliés, et
cependant ils avaient 3 jeunes fils, qui
défendaient la FRANCE. Tous ceux qui étaient aisés
ou riches n'ont pas été oubliés dans le scandale
des Régions Libérées. L'hiver nous allons dans la
forêt pour ramener du bois mort, avec une brouette
et la charrette en osier. C'est l'hiver, le froid
est rigoureux. Nous allons aussi piocher dans les
déchets de l'usine à gaz, pour ramasser quelques
morceaux de coke. Nous subissons toutes sortes de
privations, dès le premier hiver 1914-1915, je
vais avec une gamelle récolter des restes de la
tambouille des soldats, les patates sont cuites à
la graisse de boeuf, ça a un goût de suif. Je
viens de passer mon Certificat d'Etudes, je vais
avoir 13 ans. J'ai la joie de voir arriver en
poilu le fils qui a 19 ans, René, il vient de
terminer ses classes, il obtient une permission de
8 jours. Puis il rejoindra son Régiment, et ira se
faire tuer à VERDUN. Puis un peu plus tard, c'est
Victor, le 2ème fils qui arrive, sa maman lui
ouvre, l'embrasse et se met à pleurer. J'entends
encore son fils lui dire : - Si tu pleures, je
m'en retourne de suite ! Pour la pauvre mère,
c'est dur de retenir ses larmes, elle est si
triste d'avoir perdu à la guerre son gamin d'à
peine 20 ans. Nous sommes en Février 1915, j'ai 13
ans. La mère m'emmène voir le maître à l'école,
lui dire que je quitte la classe, je lui dis : -
Au revoir, je vais aller travailler, c'est l'Etat
qui me reprend, mon gain sera placé à la Caisse
d'Epargne. Un matin je suis encore au lit, la mère
vient d'aller chercher son lait, près de la
laitière qui passe tous les matins, avec sa
voiture attelée de deux chevaux. Elle me dit : -
La laitière veut bien te remmener avec elle, pour
aller travailler dans sa ferme, mais je te garde
encore 3 jours. Bien sûr je suis content, puisque
pour pouvoir vivre il faut travailler pour gagner
des sous. Son dernier fils qui a eu 13 ans, est
placé depuis 3 mois chez le boulanger d'en face,
et il est content. Moi Pupille de l'Etat, je n'ai
droit qu'au travail agricole.
.c.ADIEU MA VIE D'ENFANT;
J'ai 13 ans. Nous sommes le
16 Février 1916. Je fais connaissance de la
laitière, la fille de la ferme où je vais
travailler aux travaux agricoles, soigner les
bêtes, mais plutôt les chevaux. Je connais tous
ces travaux qui m'attendent, depuis tout petit,
j'ai eu le loisir de contempler tous les
cultivateurs dans mon ancien village. Cette fille
ne me dit pas un mot. Je monte près d'elle dans la
grosse voiture attelée de 2 jeunes chevaux. Il
fait froid, il tombe une pluie, neige fondante.
Elle me donne une vitre à tenir, car elle se
casserait dans le chaos. Je n'ai pas de gants,
j'ai les mains gelées. C'est à LUPCOURT qu'elle
m'emmène, en passant par VILLE-EN-VERMOIS, à 6 km.
Je connais vaguement le coin, tout le long du
parcours, cette fille ne me pose pas de question,
elle n'est vraiment pas curieuse pour me
connaître. Elle a l'air de s'intéresser à lire le
journal, je vois le PETIT PARISIEN, l'ECHO DE
PARIS, le MATIN. Nous arrivons à LUPCOURT, il n'y
a que 100 habitants. La voiture entre dans la cour
de la ferme. Patrons et domestiques sont réunis
pour me voir débarquer. Pas d'applaudissements, je
devine plutôt de la désillusion à me voir si
petit, pour faire de si pénibles travaux
agricoles. La fille Joséphine m'appelle le Gosse.
Si j'avais été un chien, j'aurais été mieux
accueilli, j'aurais même eu droit, peut-être, à
des caresses. Le patron est un homme obèse, un
gros ventre flasque qui pend sur les cuisses,
retenu par des courroies. Il a des grandes
moustaches qui lui tombent sur le menton, c'est
écoeurant à le voir manger, il est atteint
d'hydropisie, ses pieds, ses jambes sont énormes,
il ne bouge que chaussé d'énormes sabots. La
patronne est un peu rondouillarde, elle ressemble
à une Chère Soeur. Avant les repas, elle fait le
signe de croix et récite le Bénédicité. C'est elle
qui dirige tout le travail, le vieux étant
impotent. Il y a une écurie avec 20 chevaux, je
suis présenté à 2 commis, je logerai avec eux,
dans un réduit, c'était un box à poulains. Mon lit
est une énorme caisse emplie de paille, par-dessus
il y a une sale paillasse. Il y a ce qu'on ose
appeler des draps, que la troupe qui cantonnait
dans les granges ont laissées à l'occasion d'une
alerte. Les soldats venant du combat y viennent se
reposer. Pour eux c'est un demi repos, ils sont là
2 jours, 4 jours, quelquefois une semaine, c'est
déjà plus rare. C'est souvent la nuit qu'ils
doivent précipitamment repartir sur le front, qui
n'est qu'à 20 km. Depuis mon arrivée, j'ai vécu
avec toutes les sortes de poilus de FRANCE, de
toutes nos colonies, puis les Américains en été
1917. Les Anglais sont venus également au
printemps 1917. Ils ont construit sur les terrains
de la ferme que j'y avais tant labourés, un
immense aérodrome pour gros avions de
bombardement. Jusqu'après l'Armistice le 11
Novembre 1918, je me suis trouvé mélangé avec les
pauvres poilus. Dès mon arrivée, je mets des
chaussures de soldats à mes pieds, ils en laissent
toujours, et pendant toute la guerre, je
m'habillerai en poilu français, américain ou
anglais. A l'écurie je suis seul dans ma caisse de
paille ; après le repas du soir, je viens m'y
étendre, il y a près de moi 2 commis qui sont
assis et qui discutent. C'est très mal éclairé,
l'électricité ne viendra que 10 ans plus tard,
pour l'instant, c'est une lampe tempête à pétrole
que l'on trimbale dans tous les coins. Je suis
bien triste, je ne peux m'empêcher de pleurer.
J'ai perdu ma 2ème maman. Dans la ferme il y a un
fils, ils est absent, il est à la guerre, sur le
front, qui est à 20 km de NANCY, il a 21 ans. Il
sera tué à 22 ans, dans un corps à corps, au BOIS
LE PRETRE, près de PONT-A-MOUSSON. Je me rappelle
qu'un soldat cycliste est venu pour annoncer sa
mort à ses parents. Aussitôt il fut attelé un
cheval au TILBURY et elle est partie, sa maman,
pour le revoir, avant qu'il ne soit enseveli.
J'avais eu l'occasion de le voir à sa 1ère
permission, c'était un beau grand jeune homme ; à
table, il racontait ses exploits contre les
Boches. J'ai travaillé avec lui aux travaux des
champs, il me parlait gentiment. Il était comme sa
soeur Joséphine. Assez gentils. Sa soeur ne me
gâtait pas. Je n'étais qu'un pauvre gosse. Les
derniers mois avant sa mort, il avait reçu une
blessure à la jambe, il était à l'hôpital de
BAYON. Je suis allé conduire en voiture sa maman
pour le voir, j'ai dételé le cheval dans l'écurie
d'une amie à elle. J'ai soigné le dada, j'étais
invité à manger chez ces gens. La maman est restée
près de son fils, je l'ai aperçu au moment du
retour. C'était en plein hiver, il faisait très
froid, les routes étaient enneigées, j'y ai vu une
voiture mais à moteur, qui était dans le fossé, ce
devait être une voiture militaire, car il n'y en
avait pas d'autres, pendant cette guerre. Ce fils
à son retour au combat, m'avait dit : - Louis ! Tu
prendras bien soin de mes petits poulains. Et je
ne devais plus le revoir. Ce fut atroce pour la
maman et sa soeur. C'est lui qui devait à son
retour de la guerre, continuer à faire marcher le
train de culture. Dans mon pucier, à l'écurie, je
couche seul, l'autre commis habite le village, ses
parents tiennent un café. Il va se coucher chez
lui, il a 19 ans, il devrait être mobilisé, mais
il n'était pas bon pour le service, il sera appelé
plus tard, mais il n'ira pas au combat. Le patron
vient nous réveiller à 4 heures du matin, ou bien
c'est la patronne. - Debout messieurs ! Il est
l'heure. Je dois monter l'échelle pour aller au
grenier à foin. Je le fais tomber en le secouant
pour chasser la poussière, puis le partager à
chaque cheval, dans leur râtelier. Ensuite on me
donne une étrille et une brosse, je passe
l'étrille sur tout le corps des chevaux, ils
doivent prendre cela pour des caresses, puis
ensuite la brosse, il fait très sombre, j'ai
encore sommeil. J'ai du mal à gratter le dos des
bêtes, je suis trop petit. Un commis vient me
montrer son étrille, en me disant : - Regarde les
poux qu'il y a dessus ! Puis il souffle fort et je
reçois toute cette sale poussière dans les yeux,
je suis aveuglé, mais tous ont bien ri. Il y a 2
hommes, c'est des déchets. Il y a là aussi le
berger de la ferme, j'apprends qu'il est le 1er
commis. C'est l'homme de confiance. En plus de son
troupeau de 130 moutons, il s'occupe des travaux
de culture. Il fait ses rapports à la patronne. A
5 heures du matin, après avoir fait boire les
chevaux, je leur distribue de l'avoine. Nous
allons boire un verre d'ersatz de café sucré à la
saccharine. C'est la guerre, nous sommes
rationnés. C'est le matin du 17 Février 1916 Le
jour commence à se lever. Il est près de 6 heures.
Nous revenons à la cuisine. Nous mangeons quelques
tartines de fromage camembert, qui n'était plus
vendable à l'épicerie et que l'on donne à la
laitière, et pour faire descendre, on boit un
verre de piquette. J'attelle 4 chevaux et
j'accompagne Mr Jules CONTE, qui lui tiendra la
charrue, et moi avec un fouet je fais avancer les
chevaux. J'ai froid aux pieds, aux mains, aux
oreilles, il gèle, je ne me réchauffe pas, quand
je peux enfiler mes mains dans les cuisses d'un
cheval, cela fait du bien. Mr CONTE est un réfugié
de SORNEVILLE, son village a été démoli. A 101/2
nous revenons à la ferme, les chevaux doivent
manger, afin de pouvoir retourner à la charrue à
une heure de l'après-midi. Je dois refaire tomber
du foin pour le mettre dans le râtelier, puis les
détacher pour qu'ils aillent à l'abreuvoir. Ce
genre de travail sera répété tous les jours,
matin, midi et le soir, pendant les 6 années que
j'ai dû travailler dans cette ferme appelée la
Ferme du Château. Il y a 25 vaches laitières, il y
a souvent des naissances de petits veaux, c'est un
homme qu'on appelle Marcaire qui s'occupe seul du
troupeau, pour leur donner 3 fois par jour à
manger des betteraves coupées en tranches fines,
mélangées à de la menue paille arrosée de sel. Il
doit les traire matin et soir, cet homme se nomme
Benjamin, il est Italien. Le berger se nomme Abel
FRIAND, c'est un grand fort gaillard, qui était
mobilisé en 1914 et dès les premières batailles,
il fut blessé à la main, ses doigts ne
fonctionnaient plus, il était réformé. J'étais
embauché par lui, à la bergerie, pour la
castration des petits agneaux, tous les ans au
printemps, il en naissait une centaine. Je devais
me tenir appuyé debout contre un poteau, le berger
me mettait l'agneau entre les bras, et je lui
maintenais les 4 pattes. Il lui ouvrait la bourse
et c'est avec les dents qu'il lui retirait les
testicules, puis il mettait ensuite un alcool
spécial, et fermait la bourse, en la pressant
entre ses 2 mains, et il leur coupait en même
temps un long bout de la queue, un vrai travail de
bourreaux, l'agneau je le reposais non pas à
terre, mais sur le fumier, qui était serré à dur,
car tout le troupeau se déplaçait continuellement
sur ses crottes, mélangées de paille. C'était
enlevé, tout ce fumier, une fois par an, le couper
en tranches à la hache, c'était un énorme travail.
Où je posais l'agneau, il ne bougeait plus, il
subissait toute cette chirurgie sans le moindre
cri de douleur. Avec les tas de fumier, celui des
vaches, celui des chevaux, et puis les moutons et
les fosses à purin que je devais pomper dans un
énorme tonneau à purin, j'étais toujours dans la
bouse et le pipi, c'était très dur à pomper, rien
ne fonctionnait bien, ni la pompe, ni la vanne du
tonneau, quand je voulais l'ouvrir, je me faisais
arroser mes guenilles qui pourrissaient sur mon
petit corps. J'étais rongé par les poux de tête et
les poux sur tout le corps, je n'étais qu'une
plaie ; avec le froid, j'avais des crevasses plein
les mains, des engelures aux pieds et aux
oreilles. Souvent des soldats me disaient : - Mais
tu es trop jeune et trop petit pour accomplir ces
durs et sales travaux. Je ne savais quoi leur
répondre. Lorsque je causais avec des poilus, la
patronne venait me dire que j'étais employé pour
travailler, et seulement là pour travailler, après
être levé depuis 4 heures du matin, et les grands
mois d'été levé à 3 heures du matin, et ne finir
la journée qu'à 9 heures du soir. C'était le
bagne. J'ai eu l'audace un jour d'écrire à la
Préfecture à NANCY, je me plaignais des mauvaises
conditions, dont nous étions traités chez les
patrons cultivateurs. Je n'ai jamais vu
l'Inspecteur venir nous rendre visite, nous sommes
placés là, comme si nous étions punis de nous être
mal conduits, alors qu'il n'y a rien à nous
reprocher. J'ai reçu une réponse. Elle disait : "
Si tu recommences à te plaindre, tu iras en Maison
de Correction. C'est la prison. Ce n'est pas de
cette façon que l'on peut obtenir de bons sujets
dans la vie ". Nous sommes au mois de Juin 1917.
Par une belle matinée ensoleillée, je vois arriver
2 nouveaux enfants de l'Assistance Publique, il y
a une fillette de 13 ans, elle s'appelle Suzanne
TOURAIDE, puis le gamin de 13 ans est vêtu d'un
tout petit costume de marin en coutil, culotte
courte, très belle petite veste, puis le joli
chapeau en paille fine, avec le ruban Jean BART de
la marine. Il se nomme André GEOFFROY, il avait
été évacué dès le début de la guerre, à ALGER.
Dans ma grosse caisse de paille, moitié pourrie,
je ne dormirai plus seul, nous coucherons
ensemble. Il n'est pas plus grand, ni plus fort
que moi, déjà à peine débarqué, il est déjà
désigné pour aller cet après-dîner faner le foin
coupé, avec un râteau C'est un vrai bambin.
Aussitôt après le repas de midi, il découvre une
roue en fer et avec un morceau de bois, il se met
à courir avec cette roue qu'il pousse avec son
bâton. On ne peut croire qu'avec sa belle petite
tenue, il va vite connaître l'enfer. L'après-midi
il fait très chaud à manier le râteau jusqu'au
soir, je le vois souffrir, il a soif, il débute et
il faut suivre la cadence des autres, même la
petite bonne est embauchée. Nous sommes 6. Le
travail est toujours très pressant, car si il
arrive un orage, tout ce qu'on aura fait, il
faudra le recommencer aussitôt que le soleil se
montrera, puis le fourrage est toujours moins bon
et il y a tant d'autres travaux à faire. Les
patrons ont si peur de ne pas venir riches,
pourtant ils ne nous paient pas grand chose. Ce
gamin je l'ai revu beaucoup plus tard, il avait 30
ans, il s'était marié et avait un enfant. Il
devait se suicider, en mettant son corps entre des
tampons de wagons. Il avait attrapé de gros rhumes
les hivers à la ferme, et jamais il n'a été
soigné, puisque c'était : " Marche ou crève ", il
était atteint de léthargie, les sinusites étaient
tournées en humeur. Il faisait tenir son pantalon
en velours, qu'il avait ramassé des poilus, avec
un fil de fer, qui était toujours trop serré, cela
l'empêchait de respirer. Il chantait des refrains
militaires, que lui avaient appris les gens qui
l'avaient recueilli jusqu'à l'âge de 13 ans. Le
premier Noël passé à la ferme, il avait été invité
le soir chez les patrons ; me trouvant dans la
cour, je l'entendais chanter. Je n'étais pas
invité, je les boudais depuis un certain temps.
Moi, à mon 1er Noël, la patronne me dit : - Si tu
viens ce soir à la Messe de Minuit, je te ferai un
chocolat. En revenant, une assiette creuse emplie
de gros pain, baignait dans le chocolat, le pain
avait épongé le chocolat, j'ai avalé cela sans
aucun plaisir, j'étais seul sur la grande table.
Eux ont fait un bon Réveillon de Noël. Je me
rappelle mon premier hiver. Il y avait un manège,
trois chevaux y étaient attelés et comme ils
tournaient pendant des heures, on leur mettait des
oeillères sur les yeux. Le travail consistait à
engrener toutes les moissons récoltées, seigle,
orge, avoine, petits pois secs, petites féveroles.
Cela nous occupait les mois d'hiver. Et puis on
nous envoyait couper des branches au bord des
ruisseaux, c'était souvent des saules, ces
branches étaient mises en fagots. Mais voilà,
j'avais encore l'âge où l'on pense encore à
s'amuser. Il y avait des grandes plaques de glace,
alors je m'amusais à patiner, oubliant que je
devais travailler. Or, le berger, tout en
surveillant son troupeau, était désigné pour nous
surveiller. Le soir il m'a amené près de la
patronne, il a fait son rapport, elle s'est mise
en colère et m'a flanqué une grande gifle, qui
m'envoya contre le buffet. J'ai toujours détesté
ce berger. Il se goinfrait, et était souvent entre
deux vins, et devenait violent. J'ai entre 15 et
16 ans, en 1918. Il paraît que je peux conduire
une charrue. C'est la petite bonne Suzanne, qui
est désignée pour fouetter les 4 chevaux, moi je
maintiens les bras de la charrue pour tracer des
sillons droits. Elle aime partir au champ et
revenir à l'écurie et être assise sur un cheval.
Tous les matins j'attelle les 2 chevaux à la
voiture de la laitière, elle part à 6 h 1/2
distribuer le lait à St NICOLAS DE PORT. Certains
Dimanche en hiver, je pars avec elle. Je porte du
lait chez les gens, beaucoup ont préparé leur
casserole et j'y verse la quantité de lait
demandé. A 10 h 1/2 la tournée est finie, mais ces
rares Dimanche, je ne repars pas avec elle. Je
vais passer la journée chez les bons vieux. Leur
fils André, avec un de ses copains, m'emmènent au
cinéma. Cela ne me distrait pas, je suis tellement
fatigué que je m'endors, et lorsque la salle rit
d'un bon coeur, cela me réveille, puis je remets
ça. Le soir après le repas, je reprends le chemin
de retour à la ferme dans la nuit. J'ai souvent
peur, dans le calme de la nuit, je ne rencontre
pas âme qui vive, il me faut traverser le premier
village de VILLE EN VERMOIS, un ruisseau profond
longe la rue sur toute l'étendue de ce sale
patelin, et comme je n'ai pas une bonne vue, c'est
très scabreux. Puis en arrivant à LUPCOURT, c'est
dangereux aussi, une rue tortueuse mène à la
ferme, c'est encombré de charrues, de herses, de
fumiers, de fosses à purin, c'est la guerre,
toutes les lumières sont interdites, de peur des
avions ennemis qui viennent repérer les camps
d'aviation, et les ouvrages militaires, et dépôt
de munitions. A VILLE EN VERMOIS, il y a le camp
de petits avions de chasse. Il y a là l'escadrille
CIGOGNE, l'avion le VIEUX CHARLES, c'est
l'appareil de l'As des As le grand héros GUYNEMER,
j'ai eu la joie de toucher son appareil, je le
revois monter dans son zinc. Un mécanicien devait
faire tourner l'hélice à la main, puis dès que le
moteur ronflait, c'était le départ sur les lignes
ennemies, toutes proches, et il allait chercher la
bagarre dans le ciel, et lui, comme tous ses
copains de l'escadrille, se mitraillaient, cela
souvent au-dessus de nos têtes puisque tous les
habitants de ces petits villages travaillaient
dans les champs. C'était presque beau à voir ces
combats, ces petits avions tournoyaient tels des
hirondelles pour pouvoir mieux se mitrailler. Il y
avait toujours de la casse, soit : qu'il piquait
du nez en tourbillonnant comme une feuille morte
et allait s'écraser sur le sol, ou blessé il
pouvait aller atterrir dans ses lignes, si l'avion
était encore potable. Sur les terres où j'ai tant
labouré et semé des céréales, les Anglais viennent
de construire un immense aérodrome. Entre les 3
petits hameaux, AZELOT, BURTHECOURT, et LUPCOURT,
il est séparé de 4 km du petit camp d'aviation de
GUYNEMER. Des milliers d'Hindous des colonies
anglaises travaillent à aplanir le terrain. Début
1917, de gros avions de bombardements s'élèvent
lentement dans le ciel, ils tournoient au-dessus
de nos têtes, pour prendre assez de hauteurs. La
frontière n'étant qu'à 20 km, ils ne peuvent se
trouver assez hauts dans le ciel, pour ne pas être
déjà pris dans le tir des canons ennemis trop tôt.
Ces gros avions sont lents et sont une cible
facile, ils n'atteignent pas tous leur but de
pouvoir bombarder la RHÜR et des villes
allemandes, certains ne rejoignent plus la FRANCE,
d'autres arrivent à tomber dans nos lignes, mais
hélas ! toujours avec fracas. J'en ai vécu de ces
drames affreux. A son tour, cet aérodrome d'avions
anglais était souvent bombardé la nuit. Avec
toujours des victimes et des hangars d'avions
démolis. Jusqu'à la fin de la guerre, j'ai
toujours eu peur, c'était encore la zone de
combat, mais seulement par la présence des avions
boches, jour et nuit. Ils venaient lancer leurs
bombes, et les canons de tous les forts leur
tiraient dessus, et tous les projectiles
retombaient comme une pluie de fer. Dans le jour,
rien pour se mettre à l'abri. La nuit, j'étais
rassuré, car je me trouvais en dessous d'une
grosse meule de foin, c'était le grenier. Des obus
entiers retombaient sans avoir éclaté, ils
faisaient un bruit lugubre en retombant, cela me
semblait long, je tendais le dos de peur,
peut-être va-t-il me tomber sur la tête. J'avais
toujours envie de me mettre sous un cheval, mais
si le cheval venait à être tué, j'aurais été tué
écrasé. Ces braves chevaux eux, ne connaissaient
pas la peur, pendant ce temps ils se reposaient,
je m'imaginais qu'ils étaient contents. Le berger
se met un jour à sortir la poudre d'un gros obus,
il décide d'y mettre le feu, il allume son
briquet, la poudre doit sans doute produire des
émanations invisibles, la flamme n'était pas
encore sur la poudre qu'elle éclatait, lui brûlant
toute sa moustache, ses cils et sourcils, et les
cheveux visibles, il a vraiment l'air bizarre,
j'ai presque envie de rire mais lui, est plutôt
vexé, les patrons ne le reconnaissaient pas, et il
s'est fait un peu réprimandé. Je viens d'avoir 17
ans. Je suis invité au mariage de Victor, celui
qui aimait tant m'emmener faire la cueillette de
fraises ou de noisettes dans les bois. Il est
rentré de la guerre, il est resté soldat pendant 7
années, 3 ans pour accomplir son service
militaire, puis les 4 ans de guerre soit : 7 ans.
Il ne m'a pas oublié, je suis toujours pour lui un
peu comme un frère. Enfin je suis vêtu d'un
modeste costume genre toile de sac, la facture est
envoyée à la Préfecture, les patrons s'en tirent
bien, il n'y a aucun contrôle, c'est mon argent
puisqu'il paraît que les quelques sous que je
gagne sont mis sur un livret que je toucherai à 21
ans. Nous sommes réunis tous les invités, une
quinzaine, avant de passer à la mairie ; j'ai
comme cavalière une nièce elle se nomme Gabrielle,
elle n'est pas un ange. C'est elle qui sert la
messe dans son hameau, à GELLENONCOURT 50
habitants. On me fait asseoir près d'elle, elle a
17 ans, elle est très forte, je me sens mal à
l'aise, c'est la 1ère fois que je suis près d'une
fille, j'ai 17 ans, je me sens encore un gars pas
dégourdi, je n'ai jamais de contacts qu'auprès des
animaux de la ferme, au village personne ne
m'invite à pénétrer dans un foyer. A un moment,
croyant faire plaisir à cette fille, je lui pose
ma main sur la cuisse, aussitôt je reçois une
grande gifle devant tout le monde, je me serais
mis dans un trou de souris, j'avais honte, elle a
dû avoir peur que je la viole, moi l'innocent.
Seul le grand-père nourricier, pour me consoler, a
dit : - Oh ! Gabrielle, ce n'est pas gentil d'agir
ainsi. Entre les familles il était prévu que je
marierais avec elle en sortant du service
militaire, elle m'a brodé mes initiales sur une
pochette. C'était une cousine et la famille. Le
lendemain la noce se faisait chez les parents de
la mariée, en pleine campagne dans une belle
maison isolée à 5 km. Nous étions une bonne
vingtaine. C'était par une journée magnifique, en
Juin tout était fleuri, un soleil radieux et avec
le chant des oiseaux, surtout le chant de
l'alouette, je me sentais vraiment heureux de
vivre. La journée se passa agréablement, cette
Gabrielle je l'avais plutôt oublié. Vers 4 heures
de l'après-midi, je fus désigné pour la reconduire
dans son patelin de 50 âmes à GELLENONCOURT, j'ai
eu la chance que 2 autres jeunes filles ont décidé
de faire bande avec nous, l'une était la soeur de
la mariée, elle était jalouse et me reprochait
d'avoir choisi comme cavalière cette énorme
Gabrielle dont j'étais si ennuyé que l'on me l'ait
collé. Cette soeur s'appelait Clémence, elle était
assez jolie, avec un beau teint frais, je l'aurais
préféré. Ses parents avaient même désiré qu'après
mon service militaire, ainsi que celui du cadet
André qui avait mon âge, ils ne feraient qu'une
noce, comme il y avait encore une autre soeur qui
se nommait Jeanne par conséquent, moi,
j'épouserais Clémence, et le dernier né de la
famille qui m'avait recueilli, André, épouserait
Jeanne. Hélas ! les années passèrent et aucun
mariage ne se fit. J'ai repris le dur travail des
champs, à la ferme, voilà bientôt 2 ans que
l'Armistice de la guerre 1914 a été signée. La
fête foraine de NANCY bat son plein, j'ai une
envie folle d'aller la visiter. C'est le mois de
Juin, les fêtes de la Pentecôte, je ne suis invité
nulle part, c'est Dimanche, ça y est, je me
décide, il est 1 heure de l'après-midi, le soleil
brille, je pars en douce seul, sur la grande
route, après 1 km, les pieds me font souffrir,
elles sont un peu juste mes chaussures, j'enlève
mes chaussettes pour être plus à l'aise, et je les
cache sous une betterave. Ce sont les chaussettes
et chaussures, que j'avais hérité pour la noce de
Victor. Autrement, mes chaussettes sont de vieux
linges qui enveloppent mes pieds, appelés
chaussettes russes, et les godillots, que les
poilus oublient chaque fois qu'ils ont une alerte,
pour retourner au combat. J'ai 12 km à parcourir
pour arriver dans cette fête foraine qui bat son
plein. Je suis enchanté, tellement c'est beau,
toutes ces pantomimes, ces parades, afin d'inciter
à faire rentrer les gens. Je parcours les 4
grandes allées de 500 mètres chacune, je contemple
un peu tout, avec une main dans la poche de mon
pantalon, dans la main je sers une pièce de 20
sous. Tous les Dimanche je reçois cette grosse
somme, je crains même de ne pas avoir assez pour
me payer un demi de bière. J'ai cru bien faire en
demandant un demi bock, croyant ne payer que la
moitié, ils se sont mis à rire, ils ont vite
compris par mon allure que je sortais de ma
campagne de TRIFOUILLY LES OIES. J'arrive à la
ferme, il est 8 heures du soir, j'ai marché en
tout 26 km, j'ai l'impression de m'être bien
diverti. La patronne me dit : - D'où viens-tu ? -
Je reviens de la foire à NANCY. - Fallait me le
dire, je t'aurais donné une pièce de cent sous. Je
n'ai jamais vu venir dans ma poche cette pièce. A
présent j'ai 18 ans. C'est moi qui soigne les 2
jeunes chevaux que j'attelle à la voiture de
laiterie pour la fille Joséphine. J'ignore si elle
a remarqué que ces chevaux ont un beau poil
brillant, je leur fais leur toilette, je les
nourris bien, plutôt en cachette, de l'avoine, du
bon foin, je pense qu'elle doit en être fière de
les conduire. Je sors cet attelage de la cour de
la ferme, elle est assise dans la voiture, et
voilà que je prends l'audace de monter sur le
marchepied, et me mets à l'embrasser, il fait
nuit, je suis surpris, elle ne me dispute pas.
J'en suis devenu amoureux, depuis mon arrivée
voilà 5 ans, la nature m'a changé, je suis heureux
en la voyant, c'est la seule femme que je peux
contempler, si bien qu'elle a fait naître en moi
l'Amour. J'ignore si elle s'en aperçoit que je
l'aime. Je suis plein d'audace, je guette à 5
heures le matin lorsque sa maman sort pour aller à
l'abreuvoir, pour retirer la crème qui est dans
les brocs, où le lait est mis dans l'eau froide
toute la nuit. Aussitôt je bondis dans la cuisine
et me dirige vers la chambre où dort encore
Joséphine, il fait nuit, je me penche sur le lit
et je l'embrasse, elle me dit : - Va-t-en vite,
Louis ! Elle dit cela gentiment. Alors ! Je
reviens à l'écurie le coeur content. Quant à elle,
j'ignore ce qu'elle pense, je ne suis qu'un gosse,
elle qui est tant courtisée par des vrais beaux
gars, des Officiers, des fils de riches
cultivateurs, car c'est vraiment une belle grande
fille et puis elle a des cousins, beaux jeunes
gens, dont un voudrait bien l'épouser. J'en suis
même un peu jaloux, je les vois la caresser, comme
ils sont heureux. Je suis surpris, elle ne me dit
pas de ne plus venir l'embrasser sur son lit à 5
heures du matin, elle est vraiment gentille. Elle
aurait pu se fâcher, le dire à ses parents,
pensant que je pouvais la menacer pour pouvoir la
violer, quel scandale vis-à-vis de l'Assistance
Publique, qui aurait pu me punir comme un voyou.
Elle a même changé de chambre, j'ignore pourquoi,
le désir est trop fort, je continue à venir
l'embrasser puisque cela se passe toujours bien.
Hélas ! Un matin que la maman, à 4 heures le matin
vient nous dire qu'il est l'heure de se lever, le
vieux commis, qui est encore saoul tellement il a
bu du vin rouge, il répond à la patronne : -
Madame MILLER ! Je vous emmerde et vous me faites
ch… ! Ce petit fumier baise votre fille ! Et elle
est repartie à la cuisine sans rien répondre. Il
faisait nuit noire, je me trouvais dans la cour,
il guettait dans la cour l'occasion de me flanquer
2 énormes gifles. Je crois que sur le moment si
j'avais eu une fourche dans les mains, je la lui
aurais planté dans le ventre, à ce méchant
ivrogne. Ainsi dans le village le bruit a couru
que je couchais avec Joséphine. Ah ! si cela avait
pu être vrai, elle m'aurait appris à faire
l'Amour. Je vais sur 19 ans, j'ai l'occasion de me
trouver assis près d'elle, dans la voiture de
laiterie. Je l'embrasse et je passe ma main sous
sa robe, je touche sa cuisse tout cela d'une
audace très timide. Elle ne se fâche pas, elle me
dit : - Allons Louis, soit raisonnable ! Cela a
suffi, je me suis trouvé tout penaud, elle disait
cela d'un ton plutôt gentil. Après être rentrée de
la distribution du lait à ses clients, aussitôt
elle venait aider à rentrer les foins, à conduire
une faneuse, une racleuse, à faner avec un râteau.
Aux moissons elle aidait à ramasser les gerbes,
elle faisait même marcher la faucheuse lieuse,
c'est moi qui conduisais les 4 chevaux qui
tiraient cette grosse machine. Elle était vraiment
une fille courageuse. Les secousses qu'elle
ressentait, étant assise sur le siège en fer de
cette machine, lui avaient occasionné des bleus
sur son corps. Par un beau Dimanche matin, me
trouvant près d'elle dans la voiture de lait, je
crois rêver, elle soulève sa jupe très haut afin
de me montrer les bleus qu'elle avait sur le haut
de ses cuisses, ces bleus étaient plutôt noirs,
puis ensuite elle me montra ceux qu'elle avait sur
ses seins. Mais j'ai deviné que ces bleus étaient
des suçons, après une partie d'amour, elle me
considérait toujours comme un grand enfant. La
ferme avec toutes les bêtes, et le matériel, va
être vendue, le fils étant mort à la guerre, la
fille n'a pas voulu se marier avec un cultivateur,
elle a choisi un Commandant, ils habitent une
belle grande villa, avec un beau grand jardin. Je
quitte cette campagne, et je suis accepté d'être
employé chez un marchand de vins en gros. Je
reviens à l'endroit où nous habitions il y a 7
ans, les fenêtres donnaient juste en face de ce
marchand de vins, j'allais à l'école avec les 2
fils. Mon travail consiste à rincer des fûts en
bois, puis de les remplir de vin rouge, et un
livreur les emmène chez le client, dans des cafés
aux environs. Je livre aussi de tout petits fûts,
avec un haquet, dans la petite ville, et je
ramasse quelques pourboires. Je commence le
travail à 6 heures le matin, 1/2 h de repos pour
le petit déjeuner. A midi il y a 1 heure pour le
repas, jusqu'à 1 heure. Je suis en pension chez
ces braves vieux qui m'avaient recueilli, j'ai
retrouvé un peu la vie de famille. En quittant à 6
h mon travail, je vais chez l'épicier COOP à côté.
Je fais le magasinier, à ranger les paquets,
empiler les bouteilles, et vider des caisses de
sardines, etc. Je mange avec les gérants, et il me
donne 2 francs, et je rentre chez les bons vieux,
il est 9 heures. J'ai 20 ans. Cette nouvelle vie
dure pendant 16 mois. Je viens d'avoir 20 ans,
j'ai passé le Conseil de Révision, je suis reconnu
bon pour faire un soldat. Un Capitaine me dit : -
Dans quelle arme voulez-vous servir ? Je réponds :
- Dans n'importe quelle arme, et n'importe où ! Je
suis tellement heureux de faire mon service
militaire. Nous sommes début Avril 1923, voilà que
le facteur me donne ma feuille de route. Je suis
affecté au 20ème B.O.A. au Port d'AUBERVILLIERS,
c'est PARIS, je suis vraiment comblé. PARIS la
Ville Lumière. La vieille maman sort avec moi
jusqu'au bout du couloir, nous nous quittons et
elle se met à pleurer, lui n'était pas venu, il
était trop ému. Ce pauvre vieux. Je me rends à la
gare de VARANGEVILLE, sur le quai, je vois deux
beaux grands jeunes gens, je les connais de les
voir souvent dans le bourg où je travaille, l'un
est préparateur en pharmacie, l'autre est le fils
d'un commerçant, on ne s'est jamais adressé la
parole, ils fréquentaient l'école privée, moi
j'allais à l'école laïque, elles sont en face
l'une de l'autre. Ils fréquentaient le patronage,
j'aurais préféré aller à leur école, c'était plus
la vraie camaraderie. Je ne peux tout de même pas
me mettre seul, dans un compartiment, j'aurais
l'air sauvage. Je les aborde et timidement, j'ose
demander où ils vont. L'un répond : - Au 20ème
B.O.A. AUBERVILLIERS ! Alors, nous voyageons
ensemble, l'un descend à ROMILLY SUR SEINE, celui
qui vient dans la même caserne que moi, m'a lâché
dans la gare de l'Est. Il pleut, je demande pour
me rendre au fort, la receveuse me répond : -
Attendez le 152 ! Je perds mes semelles de
chaussures, je suis mouillé, le pantalon de
velours, la veste, enfin tout sera jeté à la
poubelle. Les autres doivent réexpédier leurs
effets chez leurs parents. Les patrons marchands
de vin m'ont laissé partir sans un sou, c'est des
rapaces. Ainsi pour le Nouvel An, nous étions 5
employés, j'ai passé devant la glace, la patronne
a donné une enveloppe aux 4 autres, quant à moi,
elle a osé dire : - Toi on te reverra ! De 13 à 20
ans, cela fait 7 Nouvel An, sans aucune
récompense, sans jamais de repos, ni Dimanche, ni
fêtes, ni vacances. Une moyenne de travail de 90
heures par semaine, pendant les trois mois d'été,
lever à 3 heures le matin jusqu'à 9 heures le
soir. Arrêt à midi jusqu'à 1 heure. Certaines
journées par les grandes chaleurs, je parcours 50
km par jour dans les mottes de terre, je conduis
soit 1 rouleau, soit une herse pour écraser les
mottes, les 4 chevaux que je dois suivre vont très
vite parce qu'ils sont piqués par les moustiques,
les taons, je les plains, ils souffrent, ils ont
du sang partout. Et malgré tout, le sommeil me
gagne, le soleil, la chaleur, la grande fatigue,
je risque de me faire écraser, je chamboule comme
si j'étais soûl d'avoir bu, j'ose quelquefois
placer mon pied sous le pied d'un cheval, mais la
terre n'est pas molle, cela me fait mal, me
réveille, et je m'en prends au pauvre cheval, en
lui donnant un coup de fouet. J'ai 20 ans, à l'âge
de 21 ans, je pourrai touché l'argent de mes 7
années de dur labeur. Je me rappelle que
Joséphine, la fille de la ferme, m'avait dit un
jour : - Louis ! Quand tu seras soldat, je
t'enverrai des mandats. Un photographe est venu à
la caserne j'en profite, j'envoie ma photo à
Joséphine et je reçois 20 francs en l'honneur de
son fils, elle est mariée depuis un an. Ce fut le
1er mandat, ce fut aussi le dernier, il y eut bien
un 2ème fils, mais j'étais bien oublié. Depuis la
date où je fus invité au mariage de Victor, les
parents de la mariée Lucienne avaient décidé que
j'étais le fiancé de sa soeur Clémence, je lui
plaisais et elle me plaisait, mais de 17 ans
jusqu'à 19 ans, je ne l'ai revu que rarement,
quelquefois un après-midi en automne, si
j'obtenais quelques heures de détente, elle venait
rendre visite à sa soeur Lucienne, et avec son
mari Victor, avaient plaisir de m'inviter avec
eux. Ils habitaient près des parents adoptifs.
J'étais assis près de ma fiancée, je me sentais
heureux, j'avais 19 ans, elle 18 ans, j'osais
poser ma main sur sa cuisse, j'étais comblé, elle
ne me flanquait pas une gifle, elle était plutôt
souriante, ainsi, nous pensions à notre mariage
après le service militaire. A la caserne tous les
mois, elle m'envoyait un petit mandat avec une
lettre gentille. Je me faisais un peu d'argent, en
lavant les treillis de plusieurs soldats, et avec
le pécule de l'armée, tous les 15 jours, j'avais
un peu d'argent de poche. Dans la chambrée nous
sommes 24, mon voisin de lit est justement le gars
de chez moi, ROUSSEL le préparateur pharmacien,
avec lequel j'avais voyagé dans le train. Lui est
bâti en athlète, il avait passé son B.P.M.E. il
était rôdé pour l'exercice, la plupart avaient
fait la préparation militaire. Nous allons à un
stand de tir au fort St DENIS, à plusieurs km de
notre fort. Ceux qui auront bien tiré auront droit
à une permission de 24 heures, c'est-à-dire le
Samedi après-midi, le Dimanche, et être rentré le
Lundi pour 7 heures du matin à l'appel. C'est à
peine si je savais me servir de ce fusil appelé
mousqueton. La 1ère balle, la détente me fit mal à
l'épaule, tellement il y a du recul, je saignais à
la joue, j'étais en colère, alors, j'ai tiré en
fermant les yeux, en me raidissant plutôt d'avoir
peur, en pressant sur la gâchette, d'ailleurs la
permission je m'en moquais. Pour moi, c'était
avoir le droit de sortir dans PARIS, dont j'avais
tant entendu parlé, de toutes les beautés qu'on y
découvrait. J'ai voulu voir surtout cette Tour
EIFFEL, la SEINE, voir tout cela, surtout à pied,
je pars dans l'inconnu, en m'efforçant de me
diriger le plus droit possible. Cette promenade
m'a enchanté, enfin je venais de découvrir la
capitale. Quand je comparais la campagne où je
venais de vivre pendant 20 ans, dans ces hameaux
de paysans, ce village de 100 habitants, ces
maisons plutôt délabrées, avec chacune leur tas de
fumier, leurs basses de purin. Je venais de
découvrir un paradis. Je remerciais ceux qui
avaient été si gentils de me faire un aussi beau
cadeau, de m'envoyer à PANAME. Voilà 15 jours que
je suis arrivé à la caserne, un gars de la
chambrée s'est attrapé avec un autre, il a reçu un
coup de poing et il a l'oeil au beurre noir, il
n'ose plus sortir, il me demande si je veux bien
aller chez sa tante, qui habite PARIS, Rue de
Tolbiac. Je suis très content, il m'a bien préparé
le plan, j'ai pris le métro, j'ai eu à changer et
Avenue d'Italie, je prends la Rue Tolbiac, et
j'arrive à un bel immeuble avec ascenseur, des
escaliers en marbre avec chaque marche recouverte
de velours, avec une belle tringle de cuivre.
C'est vraiment du grand luxe. C'est 1000 fois plus
beau que où j'avais vécu jusqu'à 20 ans. La tante
m'a bien reçu, elle m'a préparé un bon petit
repas, puis m'a donné un peu de linge pour son
petit neveu Georges, aussi nous sommes demeurés de
vrais copains avec son neveu. Le courrier est
distribué le matin, il faut se mettre en rang dans
la cour, et si l'on est appelé, il faut en prenant
sa lettre, faire le salut militaire. Il y a 2 mois
que je suis là, j'ouvre ma lettre, c'est de la
future fiancée. Elle est sèche. " Louis, tout est
fini entre nous, rends-moi mes lettres, et mes
photos ". Je suis un peu abasourdi sur le coup. Je
n'ai jamais répondu à sa lettre. Ce devait être la
soeur mariée, puis ses parents, qui ont dû lui
dire que je n'avais pas d'avenir, pas de métier,
et puis on ignorait tout de ma famille. Alors,
elle a épousé un camarade d'école, ils se voyaient
tous les jours, ils se sont fréquentés et se sont
aimés, ils dansaient ensemble à l'occasion des
fêtes. Puis il avait un métier, il était maçon. Je
me suis fait inscrire pour le Peloton de Brigadier
et Sous-Officier. Nous sommes une 1/2 douzaine,
l'entraînement est très dur. J'apprends le canon
de 75, le fusil LEBEL à démonter, à remonter. Puis
l'exercice, et maniement d'armes dans la cour,
j'en bave mais cela me plaît. Avec une douzaine de
gars, me voilà muté à PONT DE CLAIX, près de
GRENOBLE, c'est une annexe de dépôts d'obus, de
masques à gaz, de bouteilles à gaz, et fabrique de
gaz asphyxiants, surtout l'ypérite, qui a tant
fait mourir des poilus pendant la guerre 1914. Je
continue le Peloton, je suis envoyé à LYON au fort
LAMOTHE. Dans la cour devant de nombreux Officiers
je commande une section en armes, et je dois
pouvoir amener cette section, exactement en rang,
devant la tribune de tous ces grands Officiers. Je
suis reçu avec succès. Je serai nommé Soldat de
1ère Classe, mais je remplirai les fonctions de
Maréchal des Logis, sans jamais avoir touché la
paie. Alors ! je ne rempilerai pas à ma libération
car je voulais en faire mon métier. Dans cette
annexe du dépôt de munitions, de chimie à produire
des gaz asphyxiants, je suis souvent désigné Chef
de Poste. Il y a dans l'usine une baraque en dur,
je suis responsable, j'ai 4 sentinelles, simples
soldats, chacun doit prendre la garde dans une
guérite, armé d'un fusil et cartouches, je les
accompagne pour les mettre en faction dans cette
guérite. Toutes les 2 heures, je dois faire la
relève et j'amène une nouvelle sentinelle. Il y a
le mot de passe, donné tous les soirs, par le
bureau du Capitaine soit : De Gaulle, Pétain etc.
Celui qui monte la garde doit le savoir, c'est lui
qui laissera passer les rondes de nuit. Il laisse
passer si le mot correspond à celui que connaît la
sentinelle. Puisque je fais les fonctions de
Maréchal des Logis, moi à mon tour, je dois faire
des rondes dans tout l'immense parc à munitions,
et cela 4 fois toutes les nuits. J'ai une espèce
d'horloge appelé Mouchard, il y a une douzaine
d'endroits dans l'usine, où je dois me servir de
cette horloge, je l'applique contre ces gros
boutons et une lettre s'imprime à mon appareil, si
bien que je suis obligé de me présenter à tous les
contrôles, je ne peux pas en oublier. Car demain
le bureau doit contrôler si les rondes ont bien
été effectuées. J'ai une lanterne, il y a un vieux
chien qui m'accompagne, mais j'ai l'impression
qu'il est encore plus froussard que moi. Je fais
donc le Chef de Poste 15 jours par mois. Les
autres jours je suis désigné à faire des gros et
sales travaux, manipuler des caisses pleines de
munitions, de dérouiller des obus, de peindre des
bouteilles à gaz asphyxiants, il y a des bretelles
que le poilu s'accrochera sur le dos, et dans une
guerre, il ira lâcher les gaz dans une tranchée
ennemie. Drôle de récompense pour moi, d'avoir
voulu suivre le Peloton. Je suis Soldat de 1ère
Classe, les simples bidasses se moquent de moi.
Plusieurs qui ont suivi les Pelotons sont nommés
Brigadier et finiront leur service comme Maréchal
des Logis. J'aurai la joie de les voir, avec une
belle tenue et un beau képi, puis ils mangeront au
mess des Sous-Officiers, les veinards. Le
Capitaine annonce que nous allons avoir une
permission. Je pars pour 15 jours à NANCY, je vais
les passer dans la famille des bons vieux. Je dois
me présenter en tenue à la Gendarmerie, faire
signer ma perme. Puis je vais me présenter à mon
employeur, je travaille 12 jours, ils donneront
l'argent à ces braves vieux. Je reviens vers
GRENOBLE. Le Samedi et un Dimanche, 3 copains
décident de partir à la montagne, je me joins à
eux, cette promenade me plaît. De GRENOBLE nous
prenons un petit train qui nous amène à URIAGE LES
BAINS, au pied du Massif de BELLEDONNE, haut de
3000 mètres. Il est 3 h de l'après-midi et il fait
très beau, début Août. Nous venons de gravir 1500
mètres, la nuit tombe, voilà un chalet qui abrite
quelques vaches. Les patrons nous offrent une
collation. Puis nous passons la nuit sur le
grenier à foin au-dessus des vaches. Le gars PIOGE
décide de partir, il est 5 heures du matin. Nous
quittons l'endroit en douce sans avertir, je n'ai
rien dit, mais ce procédé ne me plaît guère, nous
aurions sûrement dégusté un bon café crème, alors
que nous n'avons pas apporté grand-chose, je le
trouve un peu filou, ce gars PIOGE. Voilà un
endroit dangereux à traverser, c'est une immense
pente enneigée, et dans le bas à 500 mètres il y a
un grand lac. GABY, le Titi Parisien, avance le
premier et aussitôt après avoir fait 2 mètres, il
tombe sur le derrière, et dégringole la pente,
heureux pour lui, il a un bâton qu'il tient
fermement entre ses jambes, ce bâton s'enfonce un
peu dans cette neige durcie et permet de le
freiner, il n'avait pas perdu son sang-froid, nous
pouvons le saisir, et nous en avons été quitte
pour la peur. BELLEDONNE. On aperçoit la croix en
haut du Massif, cela paraît si près, nous
empruntons un chemin de pierrailles, mais nous ne
sommes pas outillés, ni chaussés pour ce genre de
sport, nous n'avançons que très péniblement, alors
adieu l'ascension pour le sommet, et nous
rejoignons notre caserne, bien contents de ces
belles journées en plein air pur. J'obtiens une
permission de 8 jours, le gars dont j'étais allé
chez sa tante à PARIS, m'invite à les passer avec
lui, Rue de Tolbiac. Cela me plaît énormément ; je
suis nourri, j'ai ma chambre, je possède quelque
argent, je me balade dans PARIS. Un soir je me
trouve dans un théâtre, et à la sortie, j'en
profite pour connaître un peu PANAME la nuit.
Quand je veux reprendre le métro, je suis surpris,
la grille est fermée, ignorant qu'il ne roulait
pas toute la nuit. Je crois prendre la bonne
direction pour rentrer à pied, j'ai retrouvé la
maison après 4 heures du matin, des Agents
Hirondelles m'avaient indiqué un peu la route, à
un certain endroit sur une place, je fus accosté
par un personnage un peu spécial, puis plus tard
par un individu à l'allure louche qui me demandait
du feu, j'étais toujours en habit de soldat. Lui,
le copain Georges, menait la grande vie : beau
costume, l'air distingué, le vrai gigolo, allait
dans les grands dancings danser le tango, il
ramenait toujours une femme dans son lit, il
prenait beaucoup de rendez-vous avec de jolies
Parisiennes. Il décide un soir de m'emmener avec
lui, c'était aussi un dancing, il s'appelait
OLYMPIA, moi qui n'étais jamais allé dans un bal,
je n'étais pas à mon aise, seul comme soldat, je
ne me suis pas amusé, alors que lui attablé avec
des cocottes, il s'en payait une bonne tranche.
J'entendais l'orchestre chanter ce refrain de la
guerre 1914 : Chez nous y a des Bananes Y en a
plein la Cabane Car c'est un fruit qui plaît
par-dessus tout A toutes les femmes de chez nous…
etc. Pour moi mon plaisir, vouloir connaître les
beautés de la capitale, j'ai vu la VILLETTE et ses
abattoirs, le Marché des Halles, etc. Je viens de
passer 8 jours de vacances, qui me laisseront de
charmants souvenirs. Me voilà à la gare de LYON,
je reprends le train pour PONT DE CLAIX à 4 km
après GRENOBLE. De mon compartiment, par la
fenêtre, je vois sur le quai une belle jeune
fille, habillée à la Parisienne, elle fait les
cent pas en contemplant les wagons, on devine
qu'elle cherche une personne qui lui inspire
confiance, pour voyager dans le même compartiment,
elle se décide à monter. Elle choisit d'entrer où
je suis assis. Elle se place en face de moi. Je
n'ose pas croire qu'elle m'a choisi, moi, simple
petit soldat, sans tenue de fantaisie. Nous sommes
déjà passés LYON, la nuit est là, elle n'a pas
l'air de vouloir descendre, j'ose lui demander
jusque où elle va. Elle doit descendre du train,
encore bien après moi. Nous sommes dans la
pénombre, le sommeil la gagne, elle tend ses
jambes vers ma banquette, je me sens heureux en
pensant : " Ainsi c'est moi qu'elle a choisi,
c'est donc que ma frimousse de bébé cadum a l'air
de lui plaire ". Je saisis à tâtons ses belles
jambes dans mes mains, elle ne dit rien, cela lui
fait plaisir, peut-être s'endort-elle, moi je
continue à lui caresser les jambes, dommage que
j'oublie de l'embrasser, avec moi, elle est sûre
de ne pas être violée, quelle confiance en moi.
Nous arrivons à échanger quelques mots, si bien
qu'elle est ravie de me donner son adresse, moi je
n'ai pas dû lui donner la mienne, elle m'aurait
certainement écrit, moi, j'ai égaré la sienne. En
arrivant dans le camp, j'apprends qu'un camarade
ayant suivi le Peloton avec moi, Georges PREVOST,
a été volontaire pour travailler à l'usine de gaz
d'ypérite, il serait mal en point. Je m'empresse
d'aller lui rendre visite. Je lui dis : - Bonjour
Géo ! Il me répond : - C'est toi mon P'tit BELLOT
! Il ne voit déjà plus clair, il a respiré des
gaz, avec l'intention d'obtenir une convalescence.
Il me dit : - Tu vas aller voir ma petite Dédé, tu
lui diras que je serai bientôt près d'elle pour
longtemps. C'est la fille d'un grand restaurant
réputé, il était amoureux fou de cette jeune
demoiselle, il m'invitait quelquefois à y venir
manger en sa compagnie. Il m'aimait bien, il était
grand et m'emmenait promener à GRENOBLE, en
mettant une main sur mon épaule, il me payait
quelques gâteaux que nous dégustions dans une
pâtisserie. Il fréquentait les beaux dancings,
habillé en belle tenue de fantaisie, son père
était ingénieur à ASNIERES près de PARIS. Après 2
jours d'agonie, mais sans souffrir, il mourait.
J'ai assisté à son enterrement à GRENOBLE, j'y ai
vu ses parents, son frère. Cette fille Dédé du
restaurant, était présente tout en noir. Soixante
années plus tard, j'ai revu cette Dédé. Elle était
devenue veuve, avait été mariée à un dentiste. Je
fus très surpris, elle m'avoua qu'elle n'avait
jamais aimé ce beau jeune soldat, mon copain
Georges PREVOST. Je ne pouvais m'imaginer une
pareille chose. Voilà déjà 10 mois que je suis
soldat, je suis appelé au bureau du Capitaine
DARDENNE, il me fait lire un imprimé. Je suis muté
à la caserne BAYARD à GRENOBLE. Je deviens
responsable de la réparation du matériel de
guerre, à l'atelier de constructions mécaniques,
Mr MIARD, Cours Bériat à GRENOBLE. Je devrai
donner un compte-rendu toutes les semaines, si le
travail est bien ou mal fait. Les gros cylindres à
ypérite doivent être nettoyés, dedans et
extérieurement, et subir des pressions
hydrauliques, et air comprimé. Le patron me dit :
- Si tu veux travailler, je te payerai comme
manoeuvre, s'il vient un Officier, tu vas au W.-C.
enlever tes bleus. Je lui réponds d'accord. Je
gagne 20 francs par jour, le matin, j'ai le petit
déjeuner par la patronne. Midi et soir, je mange
dans les restaurants. Je sors de la caserne le
matin à 7 heures, et ne rentre que le soir pour
l'appel à 9 heures. Un Dimanche après-midi que je
me promenais avec les gars civils de l'atelier,
j'ai oublié que j'étais militaire, ma capote était
déboutonnée, mon ceinturon pendait, arrive le
service en ville. Un Maréchal des Logis, avec 2
soldats, ils surveillent pour faire respecter la
discipline. De plus, j'oublie de les saluer. Cela
fera 2 motifs qui viendront sur le bureau du
Colonel. Il y a un rapport un matin à 9 h.
J'entends : " Le soldat BELLOT est puni de 8 jours
de Salle de Police " qui se changent en 15 jours
de prison. Ce n'est pas grave pour moi, tous les
matins je quitte la caserne comme avant à 7 h et
ne rentre que le soir à 9 heures. Seul le lit est
dur, car ce n'est qu'une planche inclinée avec une
couverture. Après mes 18 mois accomplis, je quitte
l'armée avec le Diplôme de Bon Soldat. J'ai un
camarade qui vient d'être démobilisé, il a un an
de plus que moi. Il est Corse et se nomme Roger
SINIBALDI. Il se faisait appeler Roger de TORANDE,
il avait beaucoup d'audace, de culot ; en me
quittant, il me fait cadeau de sa caisse à
paquetage, puis de sa veste un peu fantaisie. Il
avait une petite amie, il l'avait connu dans un
bal musette Le Clair de Lune GRENOBLE. C'était au
bord de la rivière l'ISERE. Moi je n'y ai jamais
mis les pieds, d'ailleurs je n'aurais pas osé y
entrer, et puis la danse ne me disait rien. Il
veut que je lui rende visite à cette fille, il en
fait beaucoup d'éloges. Elle est bonne, chez des
gens aisés, ça y est, j'obtiens un rendez-vous.
Elle m'invite à venir dans son village en SAVOIE,
pour me présenter à ses parents. Je suis bien
accueilli. Après le repas, la maman me dit : -
J'espère que vous ne ferez pas comme les autres,
que vous vous marierez. Elle en a déjà eu
d'autres, c'est une rôdeuse. Ce bal musette avait
une très mauvaise renommée. Pendant que je
travaillais pour l'armée, chez le patron Mr MIARD,
je passais 4 fois par jour devant la fenêtre, où
se trouvait une jeune fille, assise à coudre, et
bien sûr j'ai dû lui plaire, je suis plutôt gêné,
elle s'est arrangée pour que je sorte avec elle,
un Dimanche après-midi, je n'ai pas osé dire non.
Nous sortons dans la rue, sans aucun but. Tout à
coup on entend siffler et appeler, c'était son
grand frère qui est venu la prendre par le bras,
pour la ramener à la maison, à moi il ne m'a rien
dit. Un autre Dimanche après-midi, je rentre dans
un cinéma, il fait noir, lorsque je vois clair, je
suis assis près d'une jeune fille, quel succès
mais c'est un pur hasard. On est arrivé tout de
même à se parler, à sortir ensemble dans la rue.
Elle me donne son adresse, moi la mienne je reçois
une lettre me disant : " Je veux bien être votre
amie, mais pas jusqu'à devenir votre béguin ".
L'aventure s'arrêtera là. Un copain m'invite à
venir passer une perme de 24 heures chez lui dans
son petit village de montagne à MAGLAND,
HAUTE-SAVOIE. Lui est électricien. Je prends le
train de GRENOBLE jusqu'à ANNECY. Je dois attendre
la correspondance à 4 h du matin, il n'est que 9
heures du soir. Un poilu me dit : - Viens avec
moi, à pied ce n'est pas loin ! Une fois chez lui,
il me fait entrer dans l'écurie et me montre un
tas de paille, où je peux m'étendre. Je pense : "
C'est bien le roi des paysans, ce gars-là ". Je
dors, quand tout à coup, j'entends crier : -
Soldat, soldat, levez-vous vite, le train est en
gare ! J'ai la capote pleine de paille je me lave
un peu dans le train. J'arrive à MAGLAND, je
trouve la maison du gars. Sa maman me reçoit bien,
elle me sert un bon bol de café au lait, avec la
motte de beurre. C'est la fête au village, je suis
invité au repas de midi, avec toute sa famille.
L'après-midi, ils m'emmènent au bal, j'essaye de
danser un fox-trot. C'est une fille du village, la
voilà qui a le béguin pour moi. Le Comité de la
Fête a offert des sandwichs, la nuit est venue, je
dois reprendre le train, pour être présent à 7 h
du matin à la caserne. Cette petite danseuse est
mariée et son mari est au service militaire. Elle
ne me lâche pas, elle envisage même de m'emmener
passer la nuit avec elle, ainsi elle m'a amené
devant la maison de ses parents, quel audace, je
prenais déjà peur, en pensant à ses parents,
entendant du bruit, et voyant un soldat avec leur
fille, elle s'est ravisée mais elle me désirait,
et moi pas du tout, j'aurais été incapable, je
l'ai embrassé sur les joues et adieu. Cela se
passait à la mi-Juin 1924. Nous sommes à la fin
Juillet 1924 Un copain fait le charretier dans le
camp, il a 2 chevaux à entretenir, nous parlons un
peu de travaux des champs, comme il me croit
cultivateur, il m'invite à aller passer 24 heures
dans la ferme chez ses parents. Je prends le train
de GRENOBLE-ROMANS, c'est un petit village après
St MARCELLIN, à St HILAIRE St NAZAIRE. A pied je
prends la route, il y a plusieurs km, je suis
rattrapé par une voiture tirée par un cheval.
L'homme qui conduit s'arrête, me demande où je
vais, je lui réponds : - Chez BELLET, cultivateur
! Il me fait monter près de lui. Il n'a pas l'air
enchanté que je me rende chez les BELLET. Il me
fait entrer chez lui, je m'asseois, il m'apporte
un casse-croûte avec un verre de vin. Vraiment
quel brave homme. Puis il me dit : - Le facteur ne
va pas tarder de passer, il t'emmènera chez
BELLET, en empruntant les traverses. Ce brave
homme ne comprenait pas que le copain ne soit pas
venu m'attendre au train, car c'était compliqué
pour trouver le petit hameau où il habitait. Il
était 8 heures le soir, fin Juillet, il rentrait
de faucher les moissons. J'ai pris part au repas
du soir en famille. Son père était là, sa maman,
puis sa soeur, je l'ai trouvé très jolie, elle
avait à peine 20 ans. J'ai réalisé, comme il avait
cru que j'étais cultivateur, c'était dans l'espoir
de faire connaissance avec cette soeur. Il avait
déjà fait venir avant moi d'autres soldats,
peut-être n'ont-ils pas plu à la soeur. Dans la
conversation, j'ai lâché que je n'étais pas
cultivateur, si bien que je n'intéressais plus
personne, je devais leur paraître un profiteur.
J'ai repris le train seul, je venais de passer une
journée, à mon avis très agréable. Je reçois une
lettre de PARIS, c'est du copain corse SINIBALDI,
qui se faisait appeler Roger de TORANDE, et qui
était arrivé à revêtir la tenue d'un Adjudant, et
qui allait chez les gens, qui le prenaient
vraiment pour un Sous-Officier du camp de PONT DE
CLAIX, il avait beaucoup de cran, c'était un vrai
Corse. Dans sa lettre, il me dit que je pourrai
bientôt le voir faire du cinéma. Il est gentil
puisque quand je serai démobilisé, je viendrai
passer une dizaine de jours auprès de lui. Ça y
est, je suis de la classe, je suis de la quille.
Nous sommes au mois de Septembre 1924. Mes 18 mois
sont finis, je ne me suis pas ennuyé au Régiment,
j'ai trouvé de bons camarades, je leur plaisais à
tous. On m'appelait le bébé cadum, je n'étais pas
flétri, n'ayant jamais abusé de quoi que ce soit.
Je me rappellerai longtemps de l'enterrement du
Père CENT, tous baptisés d'un surnom, le soir on
est allé tous à la procession pour aller jeter le
cercueil, dans la rivière le DRAC. Chacun tenait
une bougie allumée. Je suis allé à la Caisse
d'Epargne, j'ai touché 1200 francs, j'avais
travaillé 7 années pour obtenir cette somme, sans
jamais de vacances, ni de Dimanches, avec une
moyenne de 12 heures par jour de travail. Je me
suis fait faire un costume sur mesure, des
chaussures, chemise, cravate et chapeau. Les gars
me disent que je ressemble à un marchand de
fromages. Il me reste un peu d'argent de poche.
C'est le jour du départ, je suis au bureau du
Capitaine avec quelques gars, on va nous remettre
le Diplôme de Bon Soldat. Tout à coup, le gars,
René POULAIN, crie : - Sacré bande de croquants !
Le Capitaine lui dit : - Voulez-vous répéter ce
que vous venez de dire ? Et il répète une 2ème
fois. Le Poste de Garde est appelé et l'Officier
commande : - Emmenez-moi cet homme en prison !
Pour l'humilier, il s'arrange pour qu'il fasse le
chemin, en même temps que nous, qui sommes
libérés. Il nous voit franchir la grande grille,
et lui rentre dans la prison on a même oublié de
lui faire un adieu, tant pis pour lui. A LYON nous
nous quittons, mes bons amis Jean BROSSARD et
Georges LAURENS. BROSSARD demeure à LYON ses
parents sont industriels, LAURENS prend le train
pour VALENCE, il est coureur cycliste. Moi je
monte à PARIS, je tombe avec un gars qui est lui
aussi démobilisé. Nous arrivons à la gare de LYON
ce gars me conduit vers la gare du Nord, car il
doit monter dans le Nord. Nous déposons nos
caisses à paquetage à la consigne, je ne
récupérerai jamais la mienne, j'ai perdu le
ticket, dommage j'avais dedans de bons souvenirs.
Ce gars nous fait entrer dans un luxueux
restaurant au 1er étage, il répète toujours : - Oh
! mais il faut savoir nager. Il est tout joyeux et
très dégourdi. Nous sommes servis par un garçon
noir, en bel habit noir. Tout est luxueux, l'on
est servi comme des rois, à la fin du repas, ce
mec appelle le jeune chasseur pour chercher des
cigares, quelle drôle d'idée, c'est un petit
noceur. Nous demandons l'addition, nous payons
chacun la moitié, on allait se lever, mais le
Nègre nous dit : - Messieurs, vous me devez 10 %
sur cette somme ! Mes économies fondent comme de
la neige au soleil. Je quitte ce drôle de fêtard,
je prends le métro, j'arrive à l'adresse du copain
corse Roger SINIBALDI, me voilà chez un Avocat,
Rue d'Amsterdam, c'est son oncle, c'est là que le
coffre-fort lui est ouvert facilement, cet oncle
téléphone à son neveu. Je dois me rendre au stade
ANASTASIE, où il s'y trouve. Je m'y rends, c'est
Rue Pelleport. Dans cette rue, il a sa chambre à
l'hôtel, je viendrai y coucher. Lui, je ne l'y
vois pas beaucoup, il doit mener une drôle de vie,
car un jour, je me suis trouvé avec lui chez son
oncle, qui lui a fait cette réflexion : - Roger
que fais-tu de ta vie, mais où passes-tu tes nuits
? Il a gardé le secret il était beau, il portait
beau, il avait la figure d'un jeune noceur, il
devait abuser des boîtes de nuit. Ce stade
ANASTASIE se trouvait sur les communes de
BELLEVILLE, MENILMONTANT, ce qui me faisait penser
au chanteur fantaisiste Maurice CHEVALIER, j'y ai
vu la maison où il était né, quartier pauvre. On
entre dans ce stade, c'est une cour où des
sportifs pratiquent l'entraînement. Nous entrons
dans la salle de restaurant, c'est simple, sans
trop de luxe, c'est surtout pour les athlètes. Il
y a une grande salle d'entraînement, avec un ring.
Je me trouve donc chez les boxeurs. J'ai
l'occasion d'en voir à l'entraînement. J'y vois
même de grandes vedettes, le géant basque PAOLINO,
des grands Noirs, SIKI, Jacques WALKER, MOLINA,
etc. Je me régale à les voir se battre, je suis là
comme chez moi, l'ami Roger me dit : - Tu prends
tes repas ici et tu vas te coucher à l'hôtel. Je
n'ai aucun souci à me faire, il me fait même
cadeau d'un pardessus, c'est début Octobre, il
commence à faire frais. Pourquoi il est venu
atterrir chez ces boxeurs, je ne l'y vois pas
s'entraîner, il m'avait fait allusion que je le
verrais jouer dans des films, il ne m'en parle
pas, il garde les secrets. Et puis il y a aussi
une belle salle de danse, j'y vois les Titis de
BELLEVILLE, danser avec de jolies midinettes, je
regarde surtout cette vie parisienne, me plaît à
contempler, je ne danse pas, la musique
d'accordéon me plaît beaucoup puisque c'est un bal
musette, je mène vraiment là une vie de château.
Je viens de passer 2 semaines très agréables, aux
frais de la princesse. Il me faut prendre souci de
rentrer, espérer pouvoir retravailler chez mon
marchand de vins en gros. Je me présente, bien
sûr, ils me font la réflexion que les autres
bidasses sont revenus depuis 15 jours. Je reste
chez le marchand de vins pendant 6 mois.
J'envisage de m'embaucher dans une usine, je les
vois finir leurs journées à 1 heure de
l'après-midi, ainsi ils ont tous les après-midi de
libre. Je vais à la direction, je suis accepté, il
y a 4000 ouvriers dans cette fabrique. Le matin à
6 heures, j'arrive, le grand chef me dit : - Vous
pouvez repartir, on n'a plus besoin de vous, je
suis désolé. Le patron marchand de vins, qui va à
la chasse avec les Directeurs de l'usine, a été
vexé de mon départ de chez lui, par un coup de
téléphone, a mal renseigné le Chef du Personnel.
Au retour, sur mon chemin, il y a une grande
saline, il se fait là, la fabrication du sel de
table, puis la mine qui exploite le sel gemme. Me
voilà embauché. Je commence dès demain, à 5 heures
du matin. Je descends à deux cents mètres, dans
une espèce de cage. Je dois charger des blocs de
sel gemme, dans des wagonnets ; dans mes 8 heures,
il me faut en remplir 12. Les mineurs percent des
trous profonds, dans la montagne de sel, à l'aide
de longs vilebrequins et y mettent des cartouches
de dynamite. Cela produit un air irrespirable à
l'éclatement, le manque d'air me fait chavirer,
j'ai la tête lourde, je demande au chef pour
changer à l'air libre, il m'envoie au bureau me
faire régler. Dans la cour, je croise un chef qui
me connaît, il m'embauche chez lui, à la
fabrication du sel fin. Il faut retirer le sel
avec des grands râteaux et en faire des tas,
ensuite le charger dans des brouettes tombereaux.
Elles sont très lourdes à porter. Je vais les
culbuter dans d'immenses coffres. Des employés le
mettent en paquets. C'est un travail très dur,
au-dessus de mes forces, je sers les dents. Mais,
comme l'on dit, le vin est tiré, il faut le boire.
Je change de service, c'est toujours dans le sel.
Je fais fonctionner une essoreuse, je la remplis
d'eau bouillante salée, cette eau arrive
directement de sondages qui se trouvent dans la
campagne, par des conduites jusqu'à l'usine. Cette
essoreuse pivote à grande vitesse, il ne reste
plus que le sel que je fais tomber sur une large
courroie, qui l'emmène directement au magasin. Je
fais les trois huit, une semaine de 4 heures du
matin à midi, puis de midi à 8 heures le soir et
de 8 h à 4 h du matin. Je serais peut-être demeuré
là jusqu'à la retraite, mais en dehors du travail,
il y a beaucoup de temps de loisirs et je me
trouve en contact avec d'autres jeunes gens et
avec eux je m'ennuie, leur distraction c'est
fumer, et fréquenter les sales bistrots. Je vais
voir à la grande ville de NANCY, je voudrais
sortir de l'ornière. Je me présente dans une
maison. C'est le Téléphone Privé National,
j'ignore ce que c'est, tant pis je me paie
d'audace. Je suis blackboulé, il faut des
diplômes. Je m'adresse dans la plus grande
épicerie de la ville, me voilà embauché, il faut
un caviste. Je commence le lendemain, je mets les
vins qui sont dans des fûts, en litres, je prépare
les commandes des vins pour le livreur. Je
m'occupe de mettre le beurre en paquets de 500
grammes et 250 gr., aidé d'une belle petite jeune
fille. Au bout d'un certain temps de présence,
cette fille me dit : - Au début, je ne pouvais pas
vous voir, tandis qu'à présent vous m'êtes
sympathique. Je pense : " Qu'est-ce qui lui prend
? ". Il y en a d'autres, puisque c'est un grand
laboratoire, il y a une dizaine de gars, puis une
femme, ils ont tous des tenues blanches de
pâtissiers, avec une toque sur la tête. Cette
jeune femme qui aide les pâtissiers me fait passer
un petit mot par un collègue. Elle me demande si
je veux bien l'attendre ce soir à la sortie. Je
suis très surpris, je ne la connais pas. Nous
voilà dehors, en m'approchant, elle se met à
pleurer, j'apprends qu'elle est en instance de
divorce, elle a un enfant de 6 ans. Elle me
demande si je veux bien venir ce soir au Théâtre
de l'Opéra, je lui dis : - Oui ! Pour moi c'est
une aubaine, découvrir ce si beau théâtre où je ne
serais jamais allé. On y joue " Les cloches de
CORNEVILLE ". Je suis ravi d'entendre de si belles
voix, chanter de si beaux airs. Cette dame avait
été séduite, à cause de mes bonnes couleurs. Ce
n'est pas étonnant qu'étant soldat, certains
m'appelaient " le poupon rose ". Ma santé était
restée intacte, n'ayant jamais bamboché ni femme,
ni tabac, ni alcools. Elle s'appelle Mariette, je
la reverrai à Noël, dans sa famille, j'y suis venu
avec des gâteaux et quelques bouteilles. C'est
aujourd'hui Dimanche, je me décide à aller dire
bonjour à mes bons petits vieux à St NICOLAS,
c'est à 12 km, j'ai fait préparé un colis par le
chef de l'épicerie des produits POTIN, où je
travaille. Ils sont très heureux de m'accueillir
et je m'efforcerai de venir les gâter, jusqu'à ce
qu'ils me quittent pour le grand voyage. J'y étais
reçu comme leur vrai fils. Ils disaient à leur
famille, nous avons aujourd'hui la visite de Notre
Louis dommage qu'ils ne m'avaient pas appris à
leur dire : bonjour papa, maman. Alors je disais :
" Grand-père, grand-mère ". Sur mon chemin, c'est
la fête au village de la MADELEINE, c'est à 2 km,
j'y viens me promener. Il y a le bal, je me
permets d'y entrer, manière de voir l'ambiance.
Qu'est-ce que je vois, Clémence, la jeune fille
qui était ma fiancée à mon départ au Régiment,
elle se trouve là avec toute sa famille, ils ont
dans ce patelin oncle et tante. Je ne peux me
dérober. Je ne fais allusion à rien, ni elle non
plus, je me sens même obligé de l'inviter à
danser, moi qui n'y connais rien, la musique, je
ne la comprends pas, à moins qu'une marche
militaire, pour suivre la cadence. Enfin, je la
tiens par la taille, je copie un peu sur les
autres couples, et j'ai plutôt l'air d'un guignol
à ressort. Je décide de m'en retourner me coucher,
aussitôt elle va dire à sa famille : "Je pars avec
Louis, j'irai me coucher chez ma soeur". C'est
cette soeur dont j'avais été invité au mariage.
Ils habitent près des bons vieux, au n° 12 - n° 14
et n° 16, qui est l'aîné de la famille. Ils sont
vraiment tous demeurés en famille. Je suis
abasourdi par l'audace de Clémence, revenir dans
la nuit, faire 2 km avec moi, elle est peut-être
heureuse de m'accompagner, moi je me sens plutôt
malheureux je la considère un peu comme une
fofolle, puisqu'elle m'avait plaqué si
brutalement. Et puis elle a son chéri, le maçon
avec qui elle va bientôt se marier. Je me sens
refroidi, en songeant à tout cela. Tout le long de
la route, je n'ai même pas eu l'envie de
l'embrasser, j'étais plutôt encombré avec elle.
Nous arrivons, elle entre chez sa soeur, bonne
nuit, et je rentre chez les bons vieux. A mes
débuts dans la capitale de la LORRAINE je me
trouve un peu seul, j'ai envie de faire partie
d'une Amicale, d'un club, je trouve l'Amicale
DIDION, c'est une Société de Gymnastique, je suis
accepté ; 2 fois par semaine je viens après 8
heures le soir, pour préparer un concours dans la
région, c'est une amicale laïque, cela aurait pu
être aussi bien un gymnase dans un patronage
d'école libre, c'était pour moi la même chose. Je
me distrais, nous participons à beaucoup de
concours. Pour le 14 Juillet, il y a un concours à
PARIS, à l'occasion d'une exposition coloniale, je
crois 1929. C'est à VINCENNES, il y a en même
temps un 100 mètres en natation, puis plongeon car
j'ai appris à nager et à plonger. Maintenant je
vis avec Mariette, la petite divorcée de la
pâtisserie, notre logement se trouve en dessous du
logement de sa maman et de sa soeur, qui a 2
petits enfants. C'est un peu la vie de famille.
Nous préparons un concours de gym pour ALGER, pour
assister au Centenaire de la prise d'ALGER. Nous
prenons le bateau à MARSEILLE, la traversée a duré
32 heures, la mer était démontée, nous avons tous
été malades, voyage de 15 jours. Le bateau se
nomme le VALDIVIA. Sales, nous dormons sur des
hamacs. Nous avons été invités au Palais du
Gouverneur, gâteaux et champagne, j'ai nagé 100
mètres dans la mer, dans l'eau salée, cela me
changeait. On me fait passer le concours, un petit
Brevet de Moniteur, je suis reçu. Pendant 2 ans,
c'est moi qui dois préparer et présenter les gars.
Je forme une section, et je la fais évoluer devant
un jury, j'obtiens des prix d'excellence. Puis je
me verrai décerner le Diplôme des Sports par le
Ministre Hypolite DUCOS. Je fais partie de la
chorale ALSACE-LORRAINE, j'apprends un peu à
chanter, mais je ne connais rien au solfège, je me
joins aux chanteurs sous les kiosques, mais je
m'arrange pour être un peu caché. Je fais le
figurant au Théâtre de l'Opéra, je vois les
artistes dans les coulisses, je suis gâté, je me
rattrape du temps où j'étais jeune homme, toujours
avec les animaux, et dans le fumier, je gagne 5
francs par séance. Je deviens même chanteur avec
les choristes professionnels, mais on me met
derrière eux, je ne suis jamais en mesure. J'ai
fréquenté beaucoup d'opérettes, d'opéras comiques,
de grands opéras, j'ai retenu des refrains de
presque tous. Cette jeune maman Mariette est très
courageuse, après son travail à la biscuiterie,
elle est ouvreuse au Théâtre de l'Opéra de NANCY
de 1200 places, même salle que l'Opéra de Paris,
en plus petit. Elle place les gens dans les 1ères
galeries, il est minuit quand elle quitte, et elle
doit reprendre son travail avant 8 heures le
matin. Cela a dû la fatiguer, les Docteurs
l'envoient au sana de LAY St CHRISTOPHE, après 6
mois, ils la ramènent comme étant guérie net,
c'était plutôt parce qu'elle était condamnée, elle
avait servi de cobaye, 2 mois plus tard elle
mourait de la phtisie galopante. L'enfant est
retourné chez sa grand-mère il devait devenir
instituteur, Sous-Lieutenant pendant la guerre
1940 et fait prisonnier en ALLEMAGNE. Son père
était Comptable chez GALLE. Six mois se sont
passés, je me trouve dans un tramway, je demande à
la receveuse si elle a des pièces de 50 centimes,
elle m'en donne une poignée, cela allège sa
sacoche, je lui échange avec un billet. Je les
mets dans une bouteille, c'est une tirelire pour
le gamin, qui a 12 ans, en 1930. Il va à l'Ecole
Supérieure, et à midi, il vient manger avec moi.
Un peu plus tard, je retombe sur cette receveuse,
j'essaye de lui causer, j'ai même l'audace de lui
demander si on pourrait se voir. Elle répond
catégoriquement : - Vous êtes trop jeune pour moi,
je porte un chapeau. Alors je me découvre, pensant
qu'en lui montrant mon crâne dégarni, elle va me
juger plus vieux. Elle continue à distribuer ses
tickets, elle doit descendre de voiture pour
changer la perche, après les fils électriques,
elle a dû réfléchir, avant de remonter, elle me
lance d'une voix ferme : - Ce soir à 8 heures
Place de la Croix de Bourgogne ! Au premier abord,
quand je lui avais demandé un rendez-vous, elle me
répondit : - J'ai 2 enfants. Aussitôt je réponds :
- Même si vous en aviez 4, pour moi cela ne
changerait rien. Cette maman ne me déplaît pas. Je
suis sur la place pour le rendez-vous, je vois
venir au loin deux femmes, je pense : " Elle n'a
pas osé venir seule, elle est accompagnée d'une
amie ". C'est sa fille qui va sur ses 14 ans. Nous
allons dans un cinéma. Ainsi c'est moi qui ai eu
le courage de demander un rendez-vous, je me sens
presque devenu un vrai bonhomme. Le film je n'y
prête pas beaucoup d'attention, je me sers près
d'elle, elle est gentille, je la devine déjà
amoureuse, puisque j'ose la caresser, cela ne lui
déplaît pas, peut-être me gardera-t-elle, je me
sens heureux. La fille elle, croque son sachet de
bonbons. Je les accompagne jusqu'à leur domicile,
j'ai même le droit de visiter l'appartement. Je
rentre seul dans mon logement, je suis fier de
moi, c'est moi-même qui viens de faire sa
conquête, je deviens tout de même dégourdi. Ma
belle fille, sa maman et moi à CHAMONIX. Le 2ème
enfant est âgé de 10 ans, il va en classe. Leur
maman se nomme Simone, elle était mariée à un
Italien, un véritable scélérat que j'ai bien
connu, pour l'avoir souvent rencontré les Samedi
en ville, il était au bras d'une femme et moi, je
donnais le bras à Simone, son ancienne femme, ils
étaient en instance de divorce, plus tard elle
devait être obligée d'aller le reconnaître à la
morgue, il s'était suicidé. Ce chenapan n'avait
jamais aimé sa femme, déjà depuis le jour de leur
mariage. Il n'a jamais aimé ses enfants. La fille
s'appelait Vilma, le fils René. Avec cette maman,
j'allais devenir un papa, hélas ! cela n'a pas
réussi, elle a dû entrer dans une clinique. Je lui
fais quitter le tramway, elle est Aide-Comptable
dans la Maison où je suis employé. Je fais suivre
des cours à la fille, à l'école PIGIER. Elle
rentre aussi dans les bureaux où je travaille. Le
gamin fera l'apprenti-cuisinier dans un
hôtel-restaurant. Puis il entra à la S.N.C.F. et
il deviendra Chef. Avant de venir habiter dans la
ville de NANCY je suis invité au mariage d'André,
le dernier né de la famille qui m'avait élevé
jusqu'à l'âge de 13 ans. J'ai 23 ans, lui 231/2.
On me donne comme cavalière la soeur de la mariée,
elle se nomme Marguerite. Je me comporte toujours
comme un enfant de choeur. Elle est bonne chez des
ingénieurs qui habitent une belle villa, je ne me
doute de rien, on se promène, c'est elle qui me
conduit, nous arrivons devant cette maison, elle
se permet de m'y faire entrer, je ne suis pas
rassuré. Elle me montre la cuisine, elle doit être
au courant que ses patrons arriveront plus tard,
il est 7 heures du soir, de l'argent traîne sur le
buffet, je suis très ennuyé, pourquoi m'être
laissé envoûté par cette gamine qui ne doit pas
être à son premier coup d'essai. A présent je suis
au 1er étage, dans sa chambre, je crois que j'ai
tout visité, mais elle a autre chose derrière la
tête, c'est trop haut pour que je saute par la
fenêtre, je me compare à un cambrioleur, à présent
les patrons sont rentrés, j'ai enlevé mes
chaussures que je pose sur la fenêtre. Pan ! un
coup de vent, la fenêtre n'étant pas fermée, le
vent fait tomber une chaussure, j'entends parler
en-dessous, c'est la patronne qui dit : - Je vais
voir pourquoi ce bruit. Mais sa bonne a pris les
devants, elle vient vite et elle me voit caché
derrière le paravent, elle me dit : - Pourquoi te
cacher, on voit tes pieds qui dépassent. Oh ! que
je suis donc mal à l'aise, pourquoi m'avoir fait
connaître cette fille dégourdie, mais d'une drôle
de façon, elle redescend et raconte qu'elle avait
mis un livre sur la fenêtre et que le vent l'a
fait tomber, bien sûr ils sont loin de se douter
qu'il y a un bonhomme au-dessus d'eux. La nuit se
passe sans dormir, elle est allongée près de moi,
mais je l'ignore, elle m'a trop mis dans
l'embarras. Dès le petit jour je pars tout
tremblant en passant devant la chambre des
patrons, elle est descendue m'ouvrir, elle ne doit
pas être contente de moi. Incroyable mais vrai, à
midi je suis à table avec les bons vieux, tout à
coup arrive en colère la mère de cette fille, elle
crie : - Espèce de sale petit fumier, qu'est-ce
que vous avez fait à ma fille ? Ainsi, c'était
déjà découvert, je pense : " Cette fille a dû être
vexée de mon comportement, elle est capable de
m'avoir fait passer à l'avoir violé ". Un peu plus
tard, elle devint serveuse dans un
café-restaurant, elle a connu un client, jeune
voyou, elle se sauve avec lui en emportant la
caisse. Elle se trouve enceinte, elle accouche
dans un train, et cache l'enfant sous une
banquette. Qu'a dû penser sa maman, de sa fille.
Après enquête elle fut arrêtée. En 1938, la fille
de ma nouvelle compagne se marie. Il vient de
finir son service à l'armée, ce jeune homme
qu'elle a connu dans un bal où nous étions allés
avec sa maman. Elle est contente de ce soldat, il
danse bien, il a de belles dents blanches, il
habite près de LYON, dans une maison de 17 pièces,
elle raconte tout cela à sa maman. Elle se nomme
Vilma. Elle le revoit tant qu'elle veut, puisque
sa caserne n'est qu'à 10 minutes. Il se nomme
Georges BORELLY Sous-Officier. Nous décidons
pendant nos vacances de partir pour quelques
jours, pour connaître l'endroit où il vit. Nous
partons tous les 4. La maman ses 2 enfants et
moi-même. Son père retraité de mécanicien à la
S.N.C.F. a acheté cette maison de 17 pièces, dans
un petit village dans l'ISERE, à 80 km de LYON.
C'est un hameau LA BARDELIERE à CORBELIN, près la
Tour du Pin. C'est une très belle campagne, nous
visitons la ville de GRENOBLE, cela nous a fait
une belle excursion. Le fiancé est près de sa
fiancée Vilma. Le mariage se fait à NANCY, ensuite
ils vont vivre à LYON, car comme son père, il est
à la S.N.C.F. Apprenti sur les locomotives. Je
suis appelé pour accomplir une période dans
l'armée de 21 jours, je me rends à EPINAL, puis on
nous emmène par le train participer aux grandes
manoeuvres au camp de MAILLY, en CHAMPAGNE. On
fait des tirs de nuit au canon de 75. Je me suis
fait une entorse, repos plusieurs jours. Dans
l'épicerie POTIN après 2 ans 1/2, je suis renvoyé,
j'avais eu l'audace de dire que je voulais un
salaire plus élevé, cela a déplu à la direction,
je devais être content d'avoir un emploi très bien
payé. - Nous vous réglons votre compte, et nous
souhaitons que vous ne trouviez pas de travail.
Pour eux je n'étais plus qu'un chien galeux. Je
touchais le S.M.I.C., 10 h par jour. En effet j'ai
eu bien du mal de retrouver un emploi, il m'a
fallu aller en banlieue à 4 km, je suis embauché
dans une immense cartonnerie. Je fais les 3 fois 8
heures par 24 heures. Je travaille à la
fabrication de cartons de toutes les couleurs, il
sert à confectionner toutes sortes de boîtes qui
sont livrées dans les grands magasins de
confection, PRINTEMPS, SAMARITAINE etc. Puis je
suis nommé Chef d'Equipe, j'obtiens 5 sous de plus
à l'heure. Ce n'est pas le rêve à accepter une
responsabilité, il y a trop de mauvais garnements
qui se fichent du boulot. Après 6 mois je me fais
régler. Je trouve un emploi de caviste à la SANAL.
Maison d'alimentation. Il y a 2 ans que je
travaille là, quand un jour je rencontre un ancien
employé de la Maison POTIN. Il me dit : - Je suis
Sous-inspecteur à la COOP, c'est bien, il y a
toutes sortes d'avantages. Viens à la COOP ! Je
vais me présenter à la COOP, je suis embauché de
suite, dans le Service des Vins et Liqueurs. Je
gagne 200 francs de plus par mois, tous les ans
j'aurai droit à 15 jours de vacances, une retraite
d'assurée à 65 ans. Je toucherai à la fin de
l'année une gratification, soit le 1/5ème de mon
salaire et après 5 ans de présence, mon salaire
sera double. Puis au bout de 10 ans, il sera 2
fois doublé, c'est la participation aux bénéfices.
On peut suivre des cours gratuits à l'Ecole Sup.
C'est les matins avant de venir au travail. Je
viendrai une heure en retard, et cette heure
d'absence, me sera payée double. Il y a 3
professeurs, français, comptabilité, arithmétique,
correspondance. Pour tous les achats au magasin,
on a droit à une ristourne de 5 %. Après 1 an de
présence, j'obtiens 15 jours de vacances. Je
resterai dans cette grande famille COOP pendant 37
ans 1/2. Je touche une retraite COOP, tous les
mois, c'est la Caisse de Prévoyance Allocations
Vieillesse. Tous ces avantages étaient obtenus,
dès la création de la Coopérative en 1920, dès la
fin de la guerre 1914. Les employés qui ont suivi
des cours sont récompensés par un voyage de 3
jours à STRASBOURG, croisières sur le RHIN, visite
de la ville, hôtel de luxe, sa cathédrale etc. Les
enfants des employés COOP, sont envoyés dans des
colonies scolaires pendant un mois, à OLERON,
BOYARDVILLE, GERARDMER. A chaque naissance, une
layette est distribuée. La Sté COOP possède 5
hôtels dans tous les coins de FRANCE. Côte d'Azur,
Ile d'Oléron, Pyrénées Orientales, Bretagne,
Vannes.
.c.MA GUERRE;
En 1938-1939. La FRANCE
vient de faire la mobilisation. Nous avons la
ligne MAGINOT au bord du RHIN, l'ALLEMAGNE
construit de l'autre côté du RHIN, sa ligne
SIEGFRIED, elle défie l'armée française, car le
Traité de Versailles lui interdit de s'approcher
du RHIN. Il y a l'accord de MUNICH, et tout a
l'air de s'arranger entre la FRANCE, l'ANGLETERRE
et le Reich. Hélas, un an plus tard HITLER nous
déclare la guerre. Nous sommes le 25 Août 1939. La
veille au soir, c'était la St Louis, nous avions
fêté cela. Le lendemain à 2 heures du matin, nous
sommes réveillés, on vient de sonner, c'est 2
soldats qui me tendent un ordre de mobilisation,
je dois me rendre immédiatement, par le train, à
TOUL, à la caserne FOREY CURIAL. Me voilà arrivé
au bureau du Capitaine, lui ne m'attendait pas, si
bien que je reste une semaine sans être habillé en
poilu, j'ai droit aux repas, mais je m'ennuie
beaucoup, car je dois tout de même demeurer dans
la caserne. Voilà des Maires de plusieurs communes
qui viennent réclamer des soldats, pour leurs
travaux agricoles, leurs employés ont été
mobilisés. Voilà 8 jours que je suis là, je viens
d'endosser la tenue militaire. Je me présente
volontaire pour les travaux agricoles. Je ne vais
pas loin, c'est sur le territoire de TOUL, à la
Ferme du Paquis des Agneaux, chez Mr POIRSON.
C'est tout près du terrain des avions de chasse de
combat. Il n'y a que quelques avions, puisque on
n'avait pas prévu que nous allions avoir la
guerre, ainsi c'est pareil pour tout, en ce qui
concerne le matériel qui aurait servi à nous
défendre contre HITLER. A la ferme, j'aide au
battage des moissons, à l'arrache des betteraves,
aux vendanges. L'hiver est précoce, le mois de
Septembre 1939 a été très pluvieux et plutôt
froid, les récoltes ne sont pas agréables à faire.
J'assiste à voir des chevaux attachés à tous les
vents, on les laisse mourir de froid. Je n'ai pas
à me plaindre de me trouver à ces travaux
agricoles, c'est la guerre déjà depuis le 2
Septembre, et les camarades qui sont dans la zone
de combat, sont beaucoup plus à plaindre, ils ont
froid et il y a de nombreuses escarmouches avec
les nazis qui les harcèlent sans arrêt.
D'ailleurs, les Français, soldats au front, sont
considérés en combattants, et ils touchent un
pécule, pour zone de combat. J'ai donc travaillé
chez deux agriculteurs, après Mr POIRSON, je suis
allé chez le Maire de ROSIERES en HAYE Mr CHAUDOT.
Après les fêtes de la TOUSSAINT je reviens à la
caserne BAUTZEN Route Nationale de Paris. Je suis
au 14ème B.O.A. Nous prenons les places des
chasseurs à pied qui eux sont allés sur le front.
Je suis désigné pour être au poste de garde. Au
bord de la route, il y a un chef de poste, avec 4
sentinelles. Nous montons la garde pendant deux
heures chacun, la nuit comme le jour, c'est un peu
une vie d'abruti. Il faut faire les cent pas avec
le fusil sur l'épaule, je ne sais même pas ce
qu'il faut défendre, je n'ai aucune consigne. Je
dois saluer, en présentant mon fusil, si un
Officier rentre à la caserne. Certains Officiers
n'aiment pas que je les salue. Par contre il vient
de passer une voiture, il y a dedans un Officier,
la voiture s'arrête, le gradé descend et se dirige
au poste de garde. Il a dit : - Votre sentinelle
ne m'a pas présenté les armes ! Enfin tout s'est
bien passé. La sentinelle doit reconnaître si il
passe une voiture militaire. On parle beaucoup
qu'il existe une 5ème Colonne, ce sont des
traîtres à la FRANCE, qui préfèrent la victoire de
HITLER. C'est pour cela qu'il y aura la grande
débâcle en Mai et Juin 1940. Des avions nazis
viennent laisser tomber des bombes, un peu partout
en FRANCE. On parle beaucoup de parachutistes
nazis, qui se laissent tomber vers les ouvrages de
l'armée. Nos Officiers iront se mettre à l'abri
dans une casemate du fort St MICHEL. Ce fort est
situé sur un mamelon de 400 mètres de hauteur, à
10 minutes de la caserne. Nous voici arrivés aux
fêtes de fin d'année, des gars décident de faire
une petite fête le soir de Noël en y invitant les
Officiers. Je m'inscris pour une chansonnette
militaire, ce sera de circonstance. J'ai choisi un
refrain, où je vais avoir l'occasion de me montrer
en vrai bidasse, je suis tellement mal habillé, je
vais leur faire pitié de si mal représenter un
combattant de cette drôle de guerre. Il paraît
qu'ils ont été enchantés, et pour me récompenser,
ils vont me faire entrer au bureau du Major,
j'ignore ce que cela représente comme travail. En
tous les cas, aucun n'est venu me féliciter, je ne
les ai pas revus, pendant quelque temps, mes
chefs. Pour me récompenser, je suis envoyé pour
ces mois d'hiver de grand froid, aux aciéries de
POMPEY. Il faut aller remplacer les Arabes qui
refusent de travailler. Ils logent dans des
réduits de cochons, ils ont froid, ils souffrent
de la faim car ils s'alimentent très mal. C'est un
travail très pénible qui aurait convenu à des
bagnards. Nous devons charger des poutrelles de
fer, encore toutes chaudes, on voit sortir ces
rails encore rouges, de dedans les grands fours.
Nous empoignons avec des moufles, ces ferrailles à
une dizaine de poilus comme moi, nous grimpons un
plan incliné jusqu'à hauteur d'un wagon plat, et
nous jetons ces barres. Elles sont destinées à la
ligne MAGINOT, qui ne servira à rien, pour arrêter
HITLER, puisque son armée viendra par derrière, et
fera prisonnier tous les poilus qui attendaient
l'ennemi, en regardant en face d'eux. Après 3 mois
de ce dur labeur, sous le commandement de l'armée
où il y avait une grande discipline, car avec
nous, il y avait des Affectés Spéciaux, mobilisés
pour les travaux en usine. Certains ne se montrant
pas assez courageux, furent envoyés directement
dans la zone de combat, après avoir revêtu la
tenue militaire. Me voilà rentré de nouveau à la
caserne BAUTZEN Route de Paris. Je pense que le
refrain que j'ai chanté à Noël devant mes
Officiers, n'a pas dû leur plaire, ils n'ont
jamais cherché à me voir, moi je les voyais
beaucoup, eux n'ont pas essayé de me connaître. Je
recommence à monter la garde la nuit, je suis une
sentinelle qui doit surveiller mes Officiers, qui
dorment dans la casemate au fort St MICHEL. A tour
de rôle, nous montons la garde pendant 2 heures.
Nous sommes à 4 et un Sous-Officier, dans le
poste. Une nuit, un gars qui monte la garde
pénètre comme un fou dans le poste de garde. Il
est affolé. Il crie : - Il y a un parachutiste
nazi, qui vient de tomber dans les arbres, il a
même laissé tomber son mégot allumé. Avec notre
chef, nous allons voir, mais il n'y a rien, le
mégot de cigarette, c'était un ver luisant, le
bruit, cela était dû sûrement à un écureuil dans
les branches. Arrive mon tour de garde, je
m'installe dans la voiture du Commandant GUYOT, la
portière n'étant pas fermée, le fusil est mis
debout contre la voiture. Nous sommes au mois de
Mai, il fait doux, tout est calme, sans le vouloir
je m'assoupis. Tout à coup j'entends du bruit, je
suis un peu affolé, au lieu de crier : " Halte là
! Qui vive ! " c'est ce que j'avais appris à
l'exercice en suivant les pelotons, lorsque je
faisais mon service militaire à mon active, quand
j'avais 20 ans, je crie : - Qu'est-ce que tu fous
là ! Je m'entends répondre : - Ta gueule ! J'ai
pas le mot. C'est un jeune Lieutenant qui rentre
de faire la bombance, il est tard et il rejoint la
casemate des Officiers. Nous sommes le 10 Mai.
HITLER vient d'envoyer des avions un peu partout
sur la FRANCE, et ils laissent tomber des bombes
un peu partout, il y a beaucoup de civils tués et
blessés. J'apprends que où j'habite à NANCY, des
maisons sont démolies dans le quartier, Rue du
Haut-Bourgeois. Avec un vélo, je fais les 20 km
pour aller me rendre compte des dégâts, car ma
femme Simone est là, avec René son fils de 18 ans.
Je constate que les maisons voisines de l'immeuble
où ils se trouvent, se sont écroulées, les gens
étaient à l'abri dans des caves. Je constate que
le n° 15 où j'habite est resté intact. Ma femme et
le fils se sont sauvés aussitôt par le train, pour
se rendre à LYON chez sa fille Vilma, qui habite
en plein centre de la ville. Je reviens à ma
caserne, je suis rassuré sur leur sort. HITLER a
profité d'un temps très beau pour nous rappeler
que nous sommes bien en guerre, tout semblait si
calme, nous commencions à nous croire en vacances.
Après ces alertes, je suis envoyé monter la garde,
dans un grand dépôt d'essence près de TOUL. Nous
sommes le 14 Juin 1940. Je suis au réfectoire avec
tous les copains, il est 11 heures le matin. Le
Capitaine arrive, il se nomme LALEVEE, instituteur
dans les VOSGES. Il nous dit : - Faites un petit
paquet, n'emportez avec vous que le strict
minimum, à la sortie de la caserne, il vous sera
remis à chacun un fusil et des cartouches. Nous
sommes très surpris d'apprendre cela, il paraît
que HITLER se trouve déjà dans les ARDENNES, et
avance avec ses tanks, sans trop trouver de
Résistance. Nous voilà lâchés sur la route, ou
plutôt en débandades, l'Officier avait dit : -
Nous nous retrouverons tout près du village de
COLOMBEY LES BELLES, pour un soi-disant repos,
mais on a jamais vu arriver nos Officiers,
peut-être étant bien au courant de la triste
situation de notre armée, sont-ils allés
directement à leur domicile, c'était aussi bien
que d'être fait prisonnier. J'ai vu que beaucoup
de camarades sont partis chez eux, il y avait des
copains qui avaient leur voiture à la caserne,
puisque c'était une drôle de guerre, et les
copains en profitaient pour rentrer chez eux, il
n'y avait aucune discipline, surtout sans
Officier. Déjà en passant près de la gare à TOUL,
des bombes tombaient et faisaient des victimes,
puis sur la route, des avions allemands et
italiens mitraillaient tous les civils et soldats,
tout le long de la route. Cela devenait un
carnage. La route était encombrée de chariots, de
convois militaires, qui se dégageaient
difficilement. Certains Officiers, braves et
courageux, mettaient leurs sections à installer
mitrailleuses ou canons, pour essayer de freiner
l'ennemi, mais dans toute cette débandade, cela ne
servait pas à grand-chose. Dans le village de
COLOMBEY, nous venons d'accomplir 20 km, il fait
chaud. Je constate que nous sommes encore une
dizaine avec un Sous-Officier. Certains se sont
sauvés n'importe où, il y en a qui ont eu l'idée
de rentrer dans des maisons abandonnées, et ont
revêtu des tenues civiles, voir des habits de
paysans, et avec soit un râteau ou n'importe quel
outil, ils ne seront pas inquiétés par les S.S. et
ne seront pas fait prisonniers, c'était des
malins. Je laisse ma section et je m'en vais seul
sur la route, puisque nous sommes abandonnés à
notre triste sort, je voudrais ne pas être fait
prisonnier si bêtement, me sauver pour ne pas être
pris me semble déjà de la bravoure. J'entends le
Sous-Officier me crier " Je te porte déserteur ",
je réponds " C'est une retraite, c'est un
sauve-qui-peut ". Je me suis mis dans la tête de
vouloir aller vers DIJON, je me sens attiré par ma
famille qui est à LYON, j'ignore comment je
pourrais y arriver. Me voilà sur la Route
Nationale de DIJON à 15 km de LANGRES. Je viens de
passer sur un passage à niveau, je constate que la
voie vient d'être sectionnée, ainsi la 5ème
Colonne agit pour nous faire livrer à l'armée
d'HITLER. Je vois venir au loin une colonne de
troupes motorisées Je pense que ce doit être
plutôt des Polonais, je ne peux croire que ça
puisse être les S.S. d'HITLER entrer si
profondément sur notre territoire. Ils avancent à
60 km à l'heure, ce sont des tanks, mais ce sont
bien les Allemands. Je suis attrapé par un S.S.
qui s'est penché en dehors du tank et il me prend
par le col de ma veste. Le tank s'arrête, une
minute pour me désarmer, me fouiller et ils me
crient " Raouste ! ". Aussitôt c'est un soldat
S.S. qui me montre le chemin pour aller à la ville
de LANGRES, c'est-à-dire être rassemblés, tous les
prisonniers dans les Halles de la ville. Nous
sommes vite des milliers, le Marché est
archicomble, nous sommes trop nombreux, ils vont
nous mettre dans une immense caserne, dont les
bâtiments sont tous vides, les poilus étant
envoyés sur le front, dont beaucoup sont déjà
aussi fait prisonniers, depuis les départements du
Nord, ARDENNES, MEUSE, MEURTHE-ET-MOSELLE,
MOSELLE, VOSGES, etc. Toutes ces régions sont
envahies par l'ennemi, l'armée française est
partout encerclée, les chefs qui essayent de
résister seront vite anéantis à vouloir combattre
et avec leurs troupes qui n'ont plus le moral, je
les verrai arriver tous ces pauvres poilus,
hirsutes, affreux à voir, ils sont très fatigués,
sales, mourant de faim et de soif. Ils sont
presque heureux d'être fait prisonniers. Surtout
qu'on annonce que l'Armistice vient d'être signé.
Je fus fait prisonnier à CHASSIGNY, petit village
du plateau de LANGRES. C'était le 15 Juin.
L'Armistice est signé le 18 Juin. Dans la caserne,
les soldats P. de G. sont tellement heureux que ce
soit fini qu'ils balancent tout leur fourniment
dans la cour. Mais il faudra vite déchanter, car
le Général DE GAULLE annonce : - Nous venons de
perdre une bataille, mais nous n'avons pas perdu
la guerre. Tout le monde devra reprendre le
combat, il devra faire de la Résistance contre
HITLER, partout où ils se trouveront, même étant
Prisonnier de Guerre en ALLEMAGNE, et tous ceux
qui sont en FRANCE qui n'ont pas été pris, devront
faire partie des comités formés pour faire la
Résistance. Dans la cour, le Commandant crie : -
Rassemblement ! Les chefs S.S. nous disent : -
Vous serez chez vous pour le 15 Août 1940. L'armée
allemande s'en va sur l'ANGLETERRE et elle sera
vite anéantie ; l'armée anglaise encore plus vite
que la FRANCE. La date du 15 Août, c'est dans 2
mois. Pendant ces 2 mois, je suis embrigadé avec
une cinquantaine de P. G. comme moi. Tous les
jours, nous prenons le train jusqu'à CHALINDREY.
Nous allons reboucher les trous creusés par les
bombes sur les voies, aider aux réparations des
voies, des gares. Le 15 Août est arrivé, mais ils
ne nous renvoient pas chez nous. Non, les boches
nous font tous sortir de la caserne, et en rang,
nous emmènent à la gare de LANGRES. Là, sur les
quais, il y a beaucoup de mitrailleuses, des
wagons marchandises sont prêts pour nous recevoir,
on y est poussés comme de véritables bestiaux,
nous nous trouvons à 60 gars par wagons, serrés
comme des harengs, ni chaises ni bancs pour
s'asseoir. C'est le plancher nu sans paille, il
n'est même pas question de pouvoir s'allonger, on
s'asseoie comme on peut sur le plancher, et ce
voyage va durer 4 jours et 4 nuits. Ils nous ont
distribué quelques biscuits, pour boire il y aura
plusieurs arrêts en route, de l'eau nous sera
distribué par des dames allemandes de la
CROIX-ROUGE. Pour la question d'hygiène ce ne fut
pas beau pendant ce triste voyage. Certains, aux
arrêts, ont pu se soulager entre les wagons. Pour
uriner quelques-uns, avec leur couteau, ont pu
faire quelques trous à travers le plancher du
wagon, ou après les parois, les volets qui étaient
bien fermés et grillagés. Nous étions pour ainsi
dire, assez mal en point au moment du débarquement
à la gare de KREMS, près de VIENNE capitale de
l'AUTRICHE. Nous traversons la ville et grimpons
sur une colline, pour arriver sur un immense
plateau, d'où on aperçoit les Monts de Bohème. Il
y a sur ce plateau un immense camp entouré d'une
haute rangée de fils barbelés de 2,50 m. L'entrée
est bien gardée, sur la porte on y lit : " Camp
pour le travail ". Ils nous coupent les cheveux,
nous font déshabiller, nos affaires passent dans
des machines où elles seront nettoyées car nous
sommes dévorés par toutes sortes de poux. Nous
sommes pendant quelques heures dehors tout nus, la
température est douce, nous sommes le 20 Août
1940. On nous distribue à chacun une plaque, où il
y a un n° le mien est 37408. Ils nous
photographient avec ce numéro, qui est inscrit à
la craie sur une ardoise, nous la tenons sur notre
poitrine. Ils gardent cette photo avec eux. Des
patrons viennent chercher des P. de G., nous
sommes répartis en kommando, ces photos sont
remises à chaque Poste de Garde S.S., qui seront
responsables de chaque kommando. Ils sont chargés
de compter tous les jours, si ils ont bien
toujours les P. G. qu'ils doivent garder. Un
Officier S.S. crie : - Les Alsaciens qui demeurent
pour le Grand Reich, sortez des rangs ! Ceux qui
optent pour la FRANCE, restez dans les rangs !…
Ensuite : … Tous ceux qui sont Juifs, sortez des
rangs ! Parmi eux, un poilu juif est demeuré dans
le rang. Je l'ai revu ce gars, qui a fait le
voyage de LANGRES à KREMS en AUTRICHE avec nous.
Nous avons été ravitaillés en eau potable,
plusieurs fois, je me rappelle du village de
REVIGNY, c'était la frontière, c'était des dames
de la CROIX-ROUGE qui nous servaient de l'eau.
Nous avions tous le cafard, car nous ignorions
vers quel destin ces Boches nous emmenaient. Le
copain juif, je l'ai revu dans un kommando, à
KREMS. Il faisait partie d'une centaine de
camarades, que des patrons Autrichiens étaient
venus chercher pour nous emmener dans la montagne
du TYROL. Dans les cabanes de ce kommando, il
devint mon compagnon de lit. Mon bât-flanc était
au-dessus du sien. Je l'ai eu avec moi pour
travailler dans la montagne, pendant près de 3
ans. Il s'appelait CARRASSO. C'est beaucoup plus
tard qu'ils découvrirent qu'il était Juif, alors,
ils se mirent à le bousculer dans le travail. Je
me rappelle lorsqu'un jour, un peu excédé, il leur
lança : - Après tout, je suis un homme ! Et enfin
il disparut du kommando. J'ignore ce qui advint de
lui par la suite. Je demande à aller travailler
dans une ferme, pensant pouvoir mieux me sauver
vers la FRANCE. Mais non ! Je fais partie d'un
groupe de 100. Nous reprenons le train, qui nous
emmène au TYROL, dans la montagne. C'est près de
STYR, LINZ, et nous débarquons dans un petit
village au pied de la montagne, et au bord de
l'affluent du DANUBE, l'INN, à KLEIN REFLING. Nous
grimpons pendant 500 mètres et arrivons dans un
kommando. Ce sont des baraques en bois, ce petit
camp avait été construit comme tant d'autres dans
le Reich et l'AUTRICHE, spécialement pour la
Jeunesse Hitlérienne, ils étaient entraînés non
pas avec des fusils, mais avec des pelles et des
bêches, c'était le travail par la joie. Ils
étaient dressés en vrais nazis. En face se
trouvait un autre grand bâtiment en bois, où
étaient logés des Italiens fascistes de MUSSOLINI,
dit : le DUCE, ami de HITLER. Il nous avait lui
aussi déclaré la guerre à la FRANCE, plus tard il
sera pendu par les antifascistes italiens, son
copain HITLER devra se suicider dans les sous-sols
du Reichtag à BERLIN. Ici le travail consiste à
exploiter une carrière dans la montagne. C'est un
grand chantier, des civils font sauter à la
dynamite des blocs de pierres. Nous, P. de G.,
nous cassons ces blocs avec des masses, puis on
les charge sur des plateaux plats qu'on amène
jusqu'à un concasseur, ces petits blocs sont
renversés dans le concasseur, après être réduits
en petites pierres. Nous remplissons des petits
wagonnets que l'on amène devant des grands wagons
du chemin de fer, il faut les pelleter sur ces
wagons plats, qui sont dirigés vers le Grand
Reich, pour construire des autostrades. Je dis aux
camarades P. G. de ne pas se montrer trop
courageux, ils me répondent que cela leur permet
de pouvoir s'acheter de la confiture, du beurre et
de la bière, tout cela n'est que des ersatz pas
fameux. Les S.S. ont su que j'avais excité les
gars à montrer moins d'ardeur au boulot. Ils
envoient le Dolmeitcher, interprète alsacien, me
dire que je suis considéré comme un saboteur ;
alors, par mon manque de courage à l'Arbeit, je
resterai pendant ma captivité un saboteur, puis je
serai appelé le Soviet. Au mois de Juillet 1941,
j'ai déjà passé un hiver au TYROL. Il y a eu
beaucoup de neige, nous avons été bloqués pendant
4 jours dans le camp. Puis arrive le gros froid,
il gèle à moins 30°. Cette neige, il faut la
couper en blocs, il faut faire des petits chemins
pour sortir et pouvoir aller dégager le chantier,
afin de reprendre le travail. La gare fait appel
aux P. G. pour aller la dégager, ainsi que les
voies sur 500 mètres. Nous chargeons ces pains de
neige durcis sur des wagons plats, et nous allons
les décharger en les jetant dans le ravin bordant
la voie, où ils dégringolent dans la rivière
l'INN, affluent du DANUBE. Cette rivière est
couverte de gros blocs de glace, qui viennent de
ce beau DANUBE, il y a un fort courant, sans quoi
cette rivière serait gelée complètement. Des
copains tombent dans les pommes par ce froid
sibérien. Le travail dans la carrière à la
montagne, se fait pendant 15 jours, de 6 heures le
matin jusqu'à 6 heures le soir. A midi, nous
rentrons à la baraque pour ingurgiter une mauvaise
tambouille et à 1 heure, nous reprenons le chemin
pour retourner à l'Arbeit, la sentinelle nous
compte si il n'en manque pas à l'appel. Plusieurs
fois par jour nous sommes bien comptés, si il se
trouve un P. G. blessé ou malade, le Poste de
Garde en est avisé. Puis il y a le travail de nuit
pendant 15 jours. Nous changeons tous les 15
jours. L'équipe de nuit vient à 6 heures le soir
relever les P. G. qui rentrent au bercail. Et cela
va durer pendant 2 années à faire ce travail de
bagnard. Au mois de Juin 1942, à 3 heures de
l'après-midi, il fait très chaud sur le chantier,
nous travaillons torse nu. A un certain moment,
quelques petites pierres tombent sur notre
chantier, puis aussitôt, dans un bruit de
tonnerre, c'est le haut de notre montagne qui se
décroche pour venir s'abattre sur notre chantier.
Nous entendons crier : " Sauve-qui-peut ! ".
L'endroit où nous travaillons est au bord du ravin
qui surplombe la rivière l'INN, nous dégringolons
cette pente en même temps que les moellons, les
parpaings qui nous suivent à toute vitesse. Les
petits moellons arrivent à nous rouler sur le
corps, en nous meurtrissant les chairs. Près de
moi, je vois le P. G. TABONI qui vient d'être
coincé par un gros parpaing, il a la tête sous
cette roche, j'ai l'impression que sa tête vient
d'éclater. Il sera même considéré comme mort par
un Docteur, mais non, il sera tout de même sauvé
après avoir été soigné pendant un séjour de 6
mois, dans un hôpital. Il sera rendu à sa famille,
mais il aura perdu complètement la mémoire. Il y
aura de graves blessés, parmi les civils
autrichiens, qui se trouvaient dans le haut de la
montagne. Plusieurs P. G. qui les ont dégagés de
dedans les roches, où ils étaient coincés, seront
rapatriés en FRANCE pour les avoir sauvés. Pour
moi, je suis couvert de bosses qui disparaitront
assez vite, en me laissant des éraflures. Je
remonte la pente ; en haut se trouvaient les
autorités civiles et militaires, ils me virent
arriver, ressemblant à un fou. Je suis tellement
affolé que je m'en prends à toute cette tribu. Je
leur crie " HITLER nix-gut ! ", puis en
accompagnant mes cris par des gestes grossiers
vis-à-vis d'eux, ils sont très surpris de mon
comportement, ils ne me font aucune reproche. Je
me dis en moi-même : " Ils sont bien de mon avis à
penser comme moi, car eux aussi, je devine qu'ils
n'aiment pas HITLER ". Après cette catastrophe, je
change de kommando, je suis envoyé près de
BRANAU/s/INN, dans une sablière pour extraire du
sable, ainsi que des cailloux. Tout cela est
transporté dans une grande usine d'aluminium qui
se trouve à 3 km, en pleine forêt de sapins. C'est
l'usine GUÖRING, grand chef nazi, copain de
HITLER. Mon chantier se trouve sur le territoire
de HITLER, puisqu'il est né ici, à BRAUNAU/s/INN,
j'ai même l'occasion de voir la maison où est né
ce monstre. Ainsi que la caserne où il avait
accompli son service militaire, avant d'être
mobilisé pour la guerre de 1914, pendant laquelle
il fut blessé et revint de la guerre sain et sauf.
Tantôt, je travaille dans le sable, tantôt je
roule des wagonnets remplis de cailloux. Sur une
petite voie, je pousse ces wagonnets et les
renverse, si bien que le tas de cailloux devient
une petite montagne. Je suis à 6 mètres de
hauteur, j'ai poussé un peu trop fort, le wagonnet
a culbuté dans le bas. Cela a fait beaucoup de
bruit. Le patron arrive de son bureau, en hurlant
: " Toi sclaffen ! " puis autre chose que je n'ai
pas compris, alors ! cela m'a mis en colère ; moi
aussi, je l'ai invectivé. Nous avons avec toute
une équipe remonté l'engin en haut du tas de
cailloux. L'hiver au mois de Février 1942-43, je
vois passer sur la route qui est toute proche de
mon chantier, deux grands gars, qui ont l'air très
malheureux, plutôt déguenillés. Ce doit être deux
jeunes civils russes, qui doivent se sauver du
camp de barbelés, qui est tout près de l'usine
GUÖRING. Il y a là une grande quantité de familles
russes, avec leurs enfants, petits et grands, ils
sont tous bien mal en point, la faim, le manque
d'hygiène, etc. Je descends de mon tas de
cailloux, j'ai sur moi quelques cigarettes et une
raie de chocolat, je viens pour leur donner. C'est
l'hiver, il a tombé de la neige. La baraque de
bois qui servait de W.-C. venait d'être déplacée
sur un autre trou, l'ancien trou n'avait pas été
bien recouvert, la neige recouvrant tout cela,
voilà que je tombe dans cette fosse, jusqu'à mi
ventre. C'est ces deux gars qui m'ont retiré de ma
triste situation, ils ont poussé un petit cri, en
faisant : - Ho ! Ils ont pris mes cigarettes et ma
raie de chocolat qui étaient restées intactes. Moi
je suis très mal en point, il y a plus bas un
ruisseau, je descends m'y nettoyer comme je peux,
mais j'ai froid, alors, je prends de l'audace, je
viens me sécher comme je peux dans le bureau du
patron, je tombe bien, il est absent. Mes fringues
vont sentir la merde pendant très longtemps, je
leur trouve même comme un goût de rhum. Enfin
personne ne me fait de réflexion, c'est donc que
je ne suis pas répugnant. Depuis ce jour l'équipe
de civils travaillant avec nous, les P. G., je
serai appelé le Soviet, ils ont su que les 2 gars
à qui j'avais donné des cigarettes étaient deux
Russes. Le lendemain était affichée dans mon
nouveau kommando une note, spécifiant que tout
prisonnier de guerre est désarmé, il doit
l'obéissance aux vainqueurs et n'a aucun droit de
quitter l'endroit où il est, soit au chantier,
soit dans les camps. A mon premier chantier à la
montagne, j'étais surnommé le Saboteur. Je
m'efforçais de freiner l'ardeur des P. G. au
travail, les responsables S.S. me faisaient
envoyer l'interprète alsacien DECKER, pour me dire
que j'étais un fainéant et cela devait durer tout
le temps que je me trouvais P. G. en AUTRICHE. Mon
nouveau camp, où nous sommes presque 1000 P. G.,
est un monastère, d'où les moines furent expulsés
par le régime nazi. Les chefs nazis demandent aux
Sous-Officiers P. G. français si ils veulent
servir avec eux, afin de ne pas s'ennuyer, ils
toucheront une prime. Si bien que ce sera un
Sous-Officier qui va nous emmener au travail à la
sablière, ce Français remplace le gardien S.S. qui
nous y emmenait. Un matin à 6 heures, je ne me
trouve pas sur les rangs, ce P. G. français ne
vient pas m'appeler, il va tout de suite faire son
rapport au Poste de Garde du camp. Aussitôt, c'est
un S.S. qui est envoyé pour me chercher et
m'emmener dans la prison du camp, qui a été
construite dans le milieu de la cour. J'y demeure
2 jours. Le régime, quelques pommes de terre
cuites, mais froides. J'ai faim, je les trouve
bonnes. Dans ce camp il y a des P. G., qui sortent
pour aller travailler en ville, ils ont été
choisis d'après leur métier. Surtout des traiteurs
en charcuterie, des bouchers, des électriciens,
coiffeurs, etc. des tailleurs d'habits. Ils ont
tous la belle vie. Ils sont bien considérés par
les civils et les chefs nazis. Ils nous rendent
jaloux à les voir dévorer tout ce qu'ils
rapportent pour eux faire des grands repas, mais
entre eux, ils préfèrent s'empiffrer à en être
malades que d'essayer de faire partager à ceux qui
n'ont rien, et qui travaillent dur. Le gars P. G.,
qui m'a fait mettre en prison, est un Parisien, il
se nomme CUMINET. Je change encore de camp, me
voilà dans un kommando de baraques en bois. Je
suis envoyé là pour aller travailler à l'usine
d'aluminium qui est à 1 km. Il y a près de nous le
camp des soldats allemands, qui sont punis pour
avoir désobéi au régime d'HITLER. Ils sont
maltraités dans leur camp. Je les vois tous les
jours partir en rang à l'usine, les chefs les
forcent à chanter, mais ils n'ont pas le coeur à
chanter. Nous sommes en hiver 1942 et 43. Ils
doivent par des grands froids, se coucher à plat
ventre dans la neige, pendant un bon moment, et il
faudra chanter pour aller à l'usine, où le travail
est très pénible, l'air est polluée par les
émanations des gaz qui sortent des fours du métal
en fusion, l'aluminium. C'est un contraste de
notre camp, nous nous dirigeons au travail
nous-même sans être embrigadés par des gardiens.
Alors que ces soldats nazis sont martyrisés, soit
dans leur camp, soit pour se rendre à l'Arbeit,
soit dans l'usine, ils doivent déjà savoir
qu'ensuite ils iront dans la bagarre, pour mourir
sur le front russe, les grands froids. Prisonnier
des Soviets, ils n'ont plus aucun espoir de revoir
leur famille. Près de nos baraques, il y a le camp
de barbelés où sont enfermés les soldats P. G.
italiens. Ils se voient entre eux, à travers ces
barbelés, ils se regardent plutôt méchamment, ils
étaient des amis au début de la guerre pour
combattre la FRANCE, et tout ce monde est envoyé,
comme moi, comme nous Français, à cette usine pour
travailler dans les fours de métal en fusion. Puis
il y a ce grand camp de civils réfugiés de RUSSIE,
des familles entières avec leurs enfants, ils sont
très malheureux, ils ont froid et ils ne reçoivent
pas beaucoup de nourriture, beaucoup mourront
avant de connaître la victoire. Les jeunes gens,
encore valides dans ce camp de Russes, viennent
aussi travailler à l'usine. Quel hasard, je
retrouve les deux gars à qui je leur avais donné
une cigarette et une raie de chocolat, ils sont
heureux à nous revoir. Tout ce monde Russes,
Italiens, nazis, P. G. français, nous employons,
quand l'occasion se présente la même langue,
c'est-à-dire nous parlons quelques mots
d'allemand. Il y aura même un jour une
circonstance qu'un civil responsable de l'usine
nous prendra en photo, avec ces deux Russes. Par
un soir d'hiver, début Février 1943, je suis
allongé sur mon grabat. Il est 9 heures, une
sentinelle S.S. vient pour éteindre la lumière. Je
ne suis pas mis au courant de ce qu'il va arriver,
c'est une farce qui vient d'être faite, par un P.
G. de la chambrée. Le Boche arrive pour éteindre
et, qui sait, va peut-être nous souhaiter de
passer une bonne nuit les petits, il peut
quelquefois y en avoir des braves, aussi chez les
Allemands. Hélas ! la farce consistait à avoir
enduit la clenche de la porte de merde fraîche, ce
S.S. ouvre la porte, il est furieux, il contemple
sa main en colère. Mais je n'ai pas de chance, je
me trouve juste en face de la porte, son regard se
porte directement sur moi, et comme je rigole
comme tous les autres, pour lui, je suis le
fautif. De colère, il me jette hors de ma
paillasse et je dois le suivre pour aller au Poste
de Garde, pour me montrer à ses chefs, je peux
prendre ma capote de soldat autrichien, mes
savates ; comme je couche avec mon froc pour avoir
chaud, me voilà un peu habillé. Il n'y a pas eu
d'enquête, c'était pour eux, moi qui étais le
fautif. Les autres P. G. ont dit que celui qui
avait fait cette farce aurait dû se dénoncer et ne
pas me laisser punir à sa place. Je sais que
lorsque je suis rentré de prison, il s'est excusé,
il avait souffert beaucoup plus que moi
moralement. Ce S.S. a ordre de m'emmener illico, à
la prison du monastère, mais pas celle où j'ai
déjà été enfermé 2 jours, non ce sera dans un
cachot, au-dehors de ce monastère. Il y a un km à
faire depuis ma baraque. Au cachot, il fait très
froid, le chemin est couvert de neige. J'ai du mal
à tenir debout, aux pieds je n'ai que des savates,
je patine comme si j'avais des skis. Ce S.S. est
plutôt en colère, il n'arrête pas de vociférer, de
crier : " Guemma ! Guemma ! ". Je pense que cela
veut dire : " Schnell ! Plus vite ! ". Il a son
fusil, mais il me pousse plutôt avec son bras,
alors qu'il pourrait me donner des coups de crosse
de son fusil, dans mon dos. J'aurais eu dans toute
ma captivité beaucoup d'occasions d'être bousculé
assez rudement, mais cela ne s'est jamais produit,
alors que souvent, je m'y attendais, d'après mon
comportement, dans le travail. A part une seule
fois, étant au four d'aluminium, le Polir,
responsable, m'a un peu poussé en criant un peu
fort, on s'est attrapés par la gorge tous les
deux, comme si on voulait s'étrangler. Mais non,
aussitôt, la colère s'apaise. Lui prend peur
d'être puni, il pense aussi au front russe alors
qu'il est civil, mais tout de même sous l'autorité
militaire. Quant à moi, je me sentais plutôt
heureux de n'être pas considéré comme un mouton,
je me rebiffais après le régime nazi. Me voilà
jeté dans un cachot profond, très sombre, il n'y a
qu'un tout petit larmier, grand comme une ardoise
d'écolier, pour donner un semblant de lumière, si
on se met le visage à côté. Contre un mur, il y a
des planches inclinées, avec des couvertures de
chiens toutes humides. Il se trouve un gars P. G.,
il est du Nord, il chante, il est heureux, il
préfère se trouver là, plutôt que d'aller à
l'Arbeit. Son refrain est : "Elle s'appelle
Françoise" "C'est une Silloise"… etc. Le régime
est des pommes de terre cuites, mais froide tous
les 24 heures, les W.-C. sont un seau qu'il faut
vider tous les jours. Ce cachot est situé
en-dessous de l'infirmerie. Il y a un prêtre ;
au-dessus de nos têtes se trouve un genre de petit
larmier, c'est sans doute pour l'égoût de la salle
d'infirmerie. Ce prêtre a dû faire desceller cette
plaque et il peut faire passer des victuailles aux
P. G. qui sont en-dessous, il y a des bougies qui
sont les bienvenues dans cette tombe. Il y a
plusieurs prêtres parmi ces camps de P. G.
français, ils se seront montrés tous bien
courageux vis-à-vis des P. G., ils ont toujours
agi contre le régime nazi. Ils étaient en contact
avec les prêtres des villages, ainsi qu'avec les
Soeurs. Certains de ces prêtres et Soeurs étaient
vendus par des gens du pays, des voisins qui
travaillaient pour HITLER. Des enfants enrôlés
dans le régime des Jeunesses Nazis faisaient
déporter leurs parents, parce qu'ils n'étaient pas
d'accord avec leurs enfants pour tendre le bras en
criant : " Heil HITLER ! ". J'ai eu l'occasion en
passant devant le camp de barbelés, où étaient les
soldats italiens, de pouvoir leur balancer
quelques cigarettes, ainsi que dans le camp des
soldats ayant désobéi à HITLER, c'était
inimaginable de les voir se ruer pour ramasser ces
cigarettes. Ils en souffraient énormément du
manque de tabac. Ce n'était pas mon cas puisque je
ne fumais pas, tous ces gars avaient un grand
cafard, moi, j'évitais toujours le plus possible
d'être atteint de cette maladie. Je restais
confiant pour l'avenir. Dans l'usine, le travail
aux fours du métal en fusion est très dur, l'on
est revêtu de sacs pour se protéger le corps, aux
mains je porte des moufles, aux pieds des sandales
recouvertes de bandes en toile de sac. Avec
d'énormes massues, il faut crever la carapace qui
recouvre le métal, et aussitôt une ouverture
faite, un gros tuyau est jeté dans ce trou et le
métal est pompé dans un énorme chaudron, monté sur
une charrette, et cette charrette emmène ce métal
liquide dans un atelier où il sera mis en lingots.
Je me permets d'aller dehors un instant pour
respirer un peu d'air pur. Vient à passer un
Officier ingénieur, il est surpris de me voir
dehors et me fait rentrer, en me disant : - Vous
n'êtes pas à NICE ici ! Lui connaissait
certainement NICE. Moi, j'en avais entendu parler
de cette COTE-D'AZUR, je ne pensais pas que j'y
viendrais vivre à ma retraite. A présent, je suis
employé à aider à réparer des fours qui ne sont
plus en état de fonctionner, je suis avec des P.
G. Italiens, Russes civils. Je manque vraiment de
courage, je passe mon temps à me déplacer d'un
chantier à l'autre comme si j'avais le pouvoir de
freiner le travail de tous, c'est souvent le chef
qui m'avertit qu'il y a danger pour moi, car je me
suis fait repérer par la Gestapo de l'usine. Ce
chef me dit : - BELLOT attention ! C'est un brave,
il se nomme Karl. Il est de BERLIN. Un autre chef
est brave pour moi, c'est le gros Louis, il est
Autrichien, il est le grand responsable, il est
allé avec la Gestapo pour me défendre. Ces deux
chefs ont dû être contents lorsqu'ils ont appris
que je m'étais sauvé et ne m'ont plus revu. C'est
par un matin de la 1ère quinzaine de Janvier 1944
que j'ai décidé de ne pas rentrer dans l'usine.
J'avais teint en noir mon pantalon kaki, j'ai
obtenu une veste d'un civil, avec quelques barres
de chocolat. J'ai toujours mon béret basque. La
gare de SIMBACH est à 4 km, après avoir traversé
la petite ville où est né HITLER à BRAUNAU/s/INN,
je traverse en passant le pont sur l'INN à SIMBACH
et j'arrive à la gare. Je prends mon billet, je me
trouve mélangé dans le compartiment avec des
soldats S.S., des civils, et même des civils
français volontaires pour travailler en ALLEMAGNE.
Je ne parle à personne, j'arrive à MUNICH, la
ville a été bombardée, la gare est mal en point.
Je prends un billet pour SAVERNE en ALSACE. C'est
la gare terminus. Sur le quai se trouve une
sentinelle, il vient vers moi, arrive près de lui
un employé S.N.C.F., puis le chef de gare. Il dit
au Boche : - Laisse ! Je m'en occupe, et dit à son
employé, tu ne vas tout de même pas le faire payer
! Car mon billet n'était valable que jusqu'à
STRASBOURG. Le chef me fait entrer dans son bureau
et me dit que je ne devais pas garder mon béret
sur la tête, car les Allemands sont au courant que
les Résistants se reconnaissent par le port d'un
béret, et la Gestapo les arrête les envoie à la
mort au camp du STRUTHOF qui est en ALSACE, près
de SCHIRMECK. Je reprends le train pour
SARREBOURG, dans cette gare, il y a de nombreux
soldats Allemands de toutes les armes, ils vont en
permission, d'autres en reviennent. C'est vraiment
une grande pagaille, je m'aperçois que c'est
vraiment la guerre, à voir tous ces soldats
ennemis. Je reprends un train, il est 9 heures du
soir, il fait nuit noire. Arrive le contrôleur, il
me dit : - Monsieur, vous êtes dans un wagon 1ère
classe ! Je réponds : - Excusez-moi, il fait
tellement nuit que je n'ai pas pu voir si je me
trouvais en 1ère classe ! Il répond : - Bon, je
vous reverrai tout à l'heure à la prochaine gare !
Je suis arrivé à la gare de METZ, le contrôleur je
ne l'ai plus revu. Il avait compris que j'étais un
P. G. qui voulait rejoindre la FRANCE. En gare de
METZ, dès que je me trouve dehors des quais,
j'entends appeler : - Monsieur, nous n'avons pas
de billet de quai, procurez-nous en afin de
pouvoir sortir ! C'est 2 jeunes S.T.O. qui se
sauvent, tous les trois nous sommes recueillis par
des passeurs Résistants. Ils nous amènent à un
endroit plutôt caché, c'est un immeuble qui a été
bombardé. Ils y ont installé des paillasses, ils
font cuire des frites. Et tous les matins, avec
leurs P. G. qui s'évadent, ils leur prennent des
billets et les font mettre dans un wagon, pendant
qu'eux se mettent dans un autre wagon. Lorsque le
train arrive à la ligne de démarcation, à la gare
de PAGNY-SUR-MOSELLE, les Allemands font un
contrôle, il faut descendre et après avoir été
contrôlé, on doit remonter dans un autre wagon
plus en avant, les passeurs Résistants nous
attendent, mais ils ne nous verront plus à la
descente du train. Nous entendons crier : - Par
ici les gars ! Il fait nuit noire, mais nous
sommes accueillis par un traître, un faux passeur.
Nous entendons bien des appels, dans cette cohue,
c'est sûrement nos passeurs qui ne comprennent pas
pourquoi nous n'arrivons pas près d'eux, alors que
nous avons bien nos billets. Ils ne soupçonnent
pas que nous venons d'être emmenés par ce voyou.
Ils doivent être très ennuyés, ils devaient nous
présenter à la Maison du P. G. à NANCY, qui sont
aussi des Résistants et qui devaient nous remettre
tous les papiers nécessaires pour être tranquille
à tous les points de vue. Ces Résistants de la
Maison du P. G. de NANCY seront emmenés dans les
camps nazis et n'en reviendront pas, c'est encore
ce faux passeur qui les a vendus à la Gestapo.
Avec ce chenapan, nous voilà en plein champ, dans
la nature, de temps en temps, il nous crie : -
Couchez-vous les gars ! Les postes ennemis
pourraient nous voir. Je me dis en moi-même : "
Tout cela n'est peut-être que du chiqué, il n'y a
aucun risque, tout est bien trop calme dans cette
nuit, il est 5 heures du matin en hiver 1944 ".
Enfin ce mec nous crie : - Ça y est mes potes,
vous êtes à présent en FRANCE ! Vous venez de
passer la ligne de démarcation, vous voilà à
ARNAVILLE ! Il a loué ici, ou plutôt les Boches
lui livrent cette petite bicoque au bord d'une
petite route, qui mène à la gare d'ARNAVILLE. Sa
femme est là, il nous offre une petite soupe. Puis
il nous dit d'un ton sec : - Donnez-moi tout ce
que vous avez ! En somme, il rafle tous les P. de
G. qu'il recueille à tous les trains. Que doit-il
avoir ramassé pendant toute cette guerre, je
comprends qu'il ait pu se faire bâtir une belle
maison après la guerre, dans une belle contrée, où
l'air est très pur puisqu'à cet endroit, il y a un
préventorium, FLAVIGNY-SUR-MOSELLE, à 12 km de la
capitale de la LORRAINE, à NANCY. Beaucoup de ces
P. G. revenaient en FRANCE avec de nombreux marks,
ce faux passeur raflait tout, montres, enfin tout
ce qu'ils avaient sur eux. Ils étaient tellement
contents de se trouver en FRANCE que c'est de bon
coeur qu'ils donnaient tout ce qu'ils avaient. Ils
ne se doutaient pas des difficultés qu'ils
allaient encore devoir rencontrer. Il les faisait
reprendre par la Gestapo, partout où ils pouvaient
se trouver, puisqu'il travaillait pour eux, avec
eux. Il nous dit : - Maintenant, il vous faut une
carte d'identité pour pouvoir voyager ! Nous
n'acceptons rien, il faut encore payer, nous
n'avons plus confiance avec ce sale type. Nous
prenons le train, nous payons notre billet, nous
voilà dans le train. Après quelques minutes, nous
apercevons un contrôleur gendarme nazi dans le
train, nous sommes dans le noir, il a une lampe
électrique pour pouvoir contrôler. Alors nous nous
dirigeons vers les soufflets du wagon, les deux
jeunes ouvrent la portière à droite, moi celle de
gauche, à ce moment nous arrivons à la grand gare
de PONT-A-MOUSSON. On voit le contrôleur passer
avec sa lampe. Dans l'autre wagon, je viens
reprendre ma place, je m'étais accroupi sur le
marchepied. Le train démarre, j'entends crier mes
deux copains " Ne nous laissez pas ! Ne nous
laissez pas ! " presque en pleurant, ils n'ont pas
dû voir passer le contrôleur, ils étaient
descendus sur les voies. Il n'était plus question
que je descende pour me jeter dans la gueule du
loup. Que sont-ils devenus dans cette nuit, dans
toute cette gare au milieu de toutes ces voies ?
Ils ne pouvaient plus s'en sortir, il leur fallait
déjà pouvoir se diriger vers la gare qu'on ne
pouvait pas apercevoir, ils étaient tout jeunes à
peine 20 ans. J'arrive sans encombre à la gare de
NANCY, il n'y a aucune sentinelle nazie. Entre
METZ et PAGNY-SUR-MOSELLE, nos Résistants nous
avaient fait monter sur le toit du wagon, nous
étions à plat ventre mais il y a eu des instants
où la lune, entre des nuages, nous éclairait et au
passage, dans un petite gare, on pouvait nous
apercevoir, ils ont crié pour que nous
redescendions. Ils n'étaient pas sûrs que le
contrôle à PAGNY-SUR-MOSELLE se passerait bien. A
NANCY je me dirige chez moi, par la Rue de Serros.
Dans la nuit, je vois un judas éclairé, ce sont
des Soeurs. A tout hasard, je me renseigne, elle
me dit de m'adresser Place d'Alliance, où l'on
recueille les P. G. Je m'y rends et je vois par un
grand portail entrebâillé des soldats nazis, c'est
un Poste de Garde de la Kommandantur, c'est
l'état-major des Boches qui est près de la
Préfecture. Heureux pour moi que ce portail était
entrebâillé, sans quoi j'étais fait comme un rat.
Je ne m'explique pas pourquoi ces Soeurs
m'envoyaient à la Gestapo. Enfin j'arrive chez
moi, ma femme était là, à tout hasard je lui avais
écrit un mot, depuis mon camp en AUTRICHE, lui
faisant part que si j'avais de la chance, je
pourrais arriver à NANCY à telle date. Ainsi elle
y a cru, elle n'a pas hésité à prendre le train
depuis la Tour du Pin dans l'ISERE, à ses risques
et périls car c'était toujours la vraie guerre,
les gares surtout n'étaient pas sûres, même les
voies, la Résistance française faisait sa bonne
guerre contre les nazis. Les trains n'étaient pas
chauffés. Après 4 années d'absence, voilà que nous
nous retrouvions, nous étions très heureux de nous
étreindre, après tant d'épisodes tragiques, depuis
le début de cette terrible guerre. Le lendemain,
je me rends à la Maison du Prisonnier, j'obtiens
une carte d'identité, puis des tickets qui me
permettront d'obtenir de la nourriture. En me
présentant à la COOP où je travaillais, grande
maison d'alimentation, j'avais espéré qu'ils me
remettraient un colis d'épicerie. Non ! puisque la
Secrétaire me dit : - A présent que vous êtes
rentré, je vous supprime le colis car la Direction
nous faisait parvenir de temps en temps un colis à
tous les P. G. COOP. C'est dommage car nous
comptions beaucoup là-dessus, pour pouvoir nous
nourrir quelques jours. Surtout que je devais
avoir droit à un litre d'huile. J'ai pu toucher
assez vite quelque marchandise avec mes tickets de
rationnement à la mairie. Cette Secrétaire
m'autorise à me présenter au Directeur, il me
reconnaît mais contrairement à ce que je
m'attendais, il reste surpris de me voir arriver,
il ne me serre pas la main, il est plutôt
mécontent. Il me dit : - Mon devoir serait de vous
livrer aux autorités allemandes ! Il cherche
plutôt à connaître de quelle façon j'ai pu passer
la ligne de démarcation. Il se nomme Louis
NUSSBAUM. A la guerre de 1914-1918, il a porté
l'uniforme d'Officier allemand, il était Alsacien,
il fut enrôlé à combattre contre la FRANCE. A
présent, dans son bureau, il fraternise avec les
Officiers nazis, ils fument des cigares, c'est la
belle vie. C'est lui qui désigne tous les gars,
jeunes qui travaillent à l'entrepôt, pour les
expédier en ALLEMAGNE comme S.T.O., il ne s'en
prive pas, il aime faire plaisir à nos ennemis qui
viennent de gagner une bataille, mais ne gagneront
pas la guerre, il préférait les aider au lieu de
les combattre. Il continue à trahir. Il fait
arrêter par la Gestapo le P.D.G. de l'immense
Coopérative, qui a 1000 magasins, et est
représentée dans 12 départements. C'est les
Coopérateurs de LORRAINE. Ce P.D.G. se nomme
Marcel BROT, il le fait mettre à la prison CHARLES
III. Avec l'espoir que ce héros, qui défend son
pays, sera envoyé dans les camps de la mort en
ALLEMAGNE. Le lendemain de mon entrevue avec ce
triste Alsacien, j'ai reçu à la maison la visite
de la Gestapo, j'étais absent, ils se sont
adressés à des voisins d'où j'habite, en demandant
après Monsieur BELLOT. Ces voisins ont répondu que
j'étais P. G. en ALLEMAGNE. " Mais non ! Mr BELLOT
est ici en FRANCE ". Heureusement que ces voisins
ne m'ont pas vendu. Ils sont repartis, mais le
surlendemain, j'ai la visite de G.M.R., c'est la
milice à PETAIN et ils repartent encore
bredouilles. Quelle chance que j'ai. Puisque j'ai
une carte d'identité qui me permet de pouvoir
voyager, nous nous dépêchons d'aller prendre le
1er train pour partir à LYON. Le train s'arrête à
CHALON-SUR-SAONE pour un contrôle, c'est la ligne
de démarcation. Le contrôleur nazi me fait la
réflexion, en voyant ma carte : - Oh ! mais elle
est toute neuve ! Avec ma femme nous ne crânons
pas, nous pensons " Ce type va au moins nous faire
des ennuis ". Enfin, tout se passe bien. J'ai
appris que le grand patron des COOP a été libéré
de la prison CHARLES III. C'est grâce au grand
Chef de la Police de NANCY, Mr LUNOT, qui a fait
les démarches comme patriote. Aussitôt libéré, le
P.D.G. Marcel BROT mettait à la porte séance
tenante ce Chef de Service alsacien. Je suis à
LYON, nous logeons chez ma belle fille, je cherche
du travail, je suis accepté dans un atelier,
constructions mécaniques. Comme je ne connais rien
dans ce travail, je suis employé plutôt à nettoyer
l'atelier, les machines, aider les mécaniciens,
cela me plaît, j'aurai, nous aurons notre
nourriture d'assurée. Je me présente le lendemain
matin. Le patron me dit : - J'ai réfléchi, puisque
vous avez travaillé dans une maison
d'alimentation, j'en ai parlé à mon ami qui est
responsable aux Docks de l'Alimentation, vous irez
vous présenter ! Je m'adresse donc au bureau et
c'est convenu, vous pourrez venir demain matin. Le
lendemain je me présente pour travailler, mais
c'est le même refrain que l'autre chef de
l'atelier. (Le responsable me dit : - Nous n'avons
pas besoin de vous ! Nous le regrettons ! Veuillez
nous en excuser !). Il y a à LYON un entrepôt
(COOP) d'alimentation, j'y vais voir au culot.
J'apprends par des employés qu'il y a au bureau
Monsieur LEVY, Directeur à l'U.C.L. de NANCY, du
Service Mercerie, Ménage. Moi je le connaissais,
mais lui pas du tout, je ne l'ai pas vu. J'étais
surpris qu'il se trouve ici à ce COOP de LYON.
Mais si il se trouvait là, c'est parce qu'il était
Juif, par conséquent, il se cachait pour ne pas
être déporté en ALLEMAGNE, dans un camp de la
mort. Avec ma femme Simone, nous quittons LYON,
nous prenons le train pour nous rendre dans
l'ISERE, chez les beaux parents de ma belle fille.
Il y a ici beaucoup de neige, nous sommes début
Février 1944. Ma femme vivait plutôt dans cette
contrée, depuis qu'elle avait dû partir de NANCY,
à cause des bombardements, sa fille et son mari
venaient la retrouver tous les week-ends, avec
leur fille. Le papa, n'ayant pas été fait P. G.,
il était revenu à la maison depuis le 18 Juin
1940. La petite fille Michèle allait déjà sur ses
trois ans, lorsque je suis revenu de l'AUTRICHE.
Ma femme allait de temps en temps aider à faire de
menus travaux chez les paysans, car ici c'était la
vraie campagne, presque tous de petits exploitants
agricoles, il y avait une usine de soieries
importante, on y fabriquait des parachutes pour
les Allemands. Ce petit village s'appelait
CORBELIN, il se composait d'une dizaine de petits
hameaux. Nous étions logés dans le hameau appelé
la BARDELIERE, à 2 km du centre où étaient la
mairie, les écoles, les quelques petits
commerçants. Simone était sollicitée pour aller
fabriquer des pâtes, chez quelques croquants du
coin, elle était de temps en temps récompensée par
un peu de beurre, mais pas d'argent. La vie était
très dure et cependant, ici c'est un vrai pays de
COCAGNE, il y a absolument de tout. Les légumes,
les fruits, l'huile, le vin, le tabac, la viande
par des abattages clandestins en dehors du
contrôle ennemi, mais toutes ces denrées sont
réservées au marché noir. Avec de l'argent, on
peut obtenir facilement tout ce qu'on veut. Il y a
tellement de gens qui en possèdent de l'argent. Ce
n'est pas notre cas, nous sommes complètement
démunis. Tous ces croquants des campagnes en
profitent pour s'enrichir. Les guerres, c'est
souvent comme ça. Il y a aussi les scandales des
régions libérées. Les petits qui étaient pauvres
et qui ont tout perdu ont été oubliés, si bien
qu'ils se trouvent dans la misère. Mais ceux qui
possédaient déjà, qui avaient des biens démolis,
ils se sont retrouvés avec de belles maisons, de
beaux bâtiments agricoles et autres. Je vais
m'adresser à cette usine de soieries, je suis
accepté pour des travaux de manoeuvre, je serai
payé mais en-dessous du tarif légal. Il y a dans
cette industrie 3 familles patrons. Mon travail a
dû paraître pénible à la femme d'un patron, qui
m'a dit un jour : - Monsieur, vous faites là un
travail de bagnard ! J'ai répondu : - Il le faut
afin de pouvoir manger un peu pour vivre ! Au bout
de 4 mois, je quitte ces drôles de patrons qui
désirent plutôt la victoire de HITLER. Je me suis
disputé, j'ai préféré partir. Je trouve à être
employé dans une dizaine de petits exploitants, je
suis nourri, avec un petit salaire. Le travail est
très dur aussi. Je commence à 6 heures du matin
jusqu'à midi, je reprends à 2 heures jusqu'à 8
heures le soir. La belle saison est venue, par les
nuits claires on entend les avions anglais qui
tournent dans les airs repérant les signaux de la
Résistance. Ces avions viennent larguer du
matériel de guerre. Les Résistants combattent les
nazis, non loin de là où je me trouve, dans les
montagnes toutes proches du VERCORS. Je suis même
employé chez le curé pour bêcher son jardin, ainsi
que chez les Soeurs. Chez un Officier qui n'a pas
été fait P. de G., et qui a loué une petite ferme.
C'est le Lieutenant MOUFLET, il travaille, ainsi
que sa femme et moi aussi. Nous piochons des
pommes de terre, bêchons des betteraves, faire les
foins, etc. Je participerai aux moissons, aux
vendanges, aux travaux du tabac, la récolte des
fruits, des noix pour faire de l'huile, etc. Nous
voilà au mois d'Avril 1944. Simone et moi décidons
de nous marier, nous prenons un petit train de
campagne qui nous amène à LYON, nous allons nous
présenter à la mairie de la Place Jean Macé. Nous
vivions ensemble depuis 13 ans. Au mois de
Juillet, nous nous trouvions à être venus à LYON
pour le 14 Juillet. Des vagues d'avions de
bombardement américains viennent lancer des bombes
sur la ville, pour démolir les voies et la
Kommandantur. Nous prenons peur car ces bombes
tombent plutôt sur les immeubles, il y a beaucoup
de morts. Nous revenons à notre campagne dans
l'ISERE, nous voyons beaucoup de jeunes gens de 17
à 20 ans, qui vont se présenter à la Résistance
dans le VERCORS. Ce sont des braves, ils chantent,
hélas ! beaucoup ne reviendront plus, les
Allemands sont trop forts en matériel et en
hommes, ils seront mitraillés sans arrêt jusqu'à
la fin de la guerre. Nous sommes au mois de
Janvier 1945. Je vais me faire démobiliser à
GRENOBLE. Ils me remettent un paquet me spécifiant
que je vais à NANCY, à mes risques et périls, je
suis un rapatrié isolé. Je vais de suite me
présenter pour travailler à ma Maison COOP. Mais
comme il n'y a pas beaucoup de produits
alimentaires qui arrivent à l'entrepôt, ni les
vins, alors il n'y a pas de travail. Je vais me
présenter à la grande Direction, l'on me propose
la gérance d'un magasin, mais je n'ai pas l'argent
qu'il faut verser. Je ne peux accepter. Je suis
recommandé au nouveau Directeur de l'entrepôt et
me vois confier la réception des marchandises. Je
fais ce travail pendant 2 années, ensuite je
reprends le travail que je faisais avant de partir
à la guerre. Je remplissais des fûts de vins. Ma
femme avait obtenu un emploi au bureau. Nous nous
faisons muter au Service Mercerie et Comptabilité,
cela nous rapproche de la maison, nous sommes à 5
minutes. Mes trois dernières années avant la
retraite, je travaille à l'économat. Je dois
livrer des articles de bureau dans tous les
services c'est le filon. C'est déjà le
commencement de ma retraite, je me balade, en
allant me montrer par plaisir à tous ceux qui
n'ont connu, ils n'en reviennent pas que je sois
si pistonné. Ma femme est obligée de quitter son
travail, pour raison de santé. Elle est reconnue
inapte, elle devra rester à la maison, elle a le
coeur fatigué. Elle se fait opérer d'une hernie.
Elle est opérée dans la clinique de la Ste
Enfance. Quand je viens la voir, après
l'opération, elle me dit : - Ils m'ont charcuté,
je suis fichue ! Pendant 12 jours, la fièvre ne
descend pas. Je suis au travail, la clinique me
téléphone en disant : - Rentrez de suite à la
maison, on vous ramène votre femme ! Je ne peux y
croire, elle était si mal au point, encore la
veille. Je reviens à la maison, j'aperçois la
voiture, elle est dedans, je vois son visage très
pâle, bien sûr, elle est morte. C'est moi et le
chauffeur qui la montons au 3ème étage. Ils ont
osé la ramener morte de la clinique à la maison.
Une jeune Soeur accompagnait le convoi funèbre, je
la questionne, elle répond - On vous expliquera !
C'était pour moi un spectacle pénible, en la
portant dans les escaliers, avec son visage
couleur cire qui allait de gauche à droite, car
c'était difficile à porter dans des escaliers
tournants. Il fallait manipuler le brancard, tout
comme si il y avait au-dessus un objet quelconque.
Arrivés dans la chambre, nous l'étendons sur le
lit. Le chauffeur est parti sans dire un mot, la
Soeur, je ne l'ai pas revu. Ils respectaient la
consigne de la clinique, surtout : bouche cousue.
J'ai dû aller avertir son Docteur pour venir
constater le décès de sa cliente, qu'il avait fait
envoyer dans cette maudite clinique. Il n'a pas
été surpris que je lui apprenne qu'elle était
morte. Il s'en doutait, c'était un Juif, très
riche, il était assisté de deux jeunes médecins,
c'est une jeune femme qui s'est dérangée. Il était
très réputé. A l'église, le prêtre a fait un petit
discours pour la morte, il a fait pleurer les
enfants et moi-même, en retraçant sa vie de brave
maman, abandonnée par son mari italien, avec 2
enfants, un triste sire que j'ai bien connu. Il
devait se suicider et c'est encore sa femme,
devenue la mienne, qui devait aller à la morgue
pour reconnaître que ce macchabée était bien son
ancien époux. Il a fallu avec René, son grand
fils, que nous allions déménager et mettre le
logement convenablement en propre état, pour le
propriétaire. Il vivait avec une jeune femme. Avec
ce bandit de mari et père de ces deux enfants,
elle avait tenu à CLOUANGE en MOSELLE un café-bar,
dans lesquels se réunissaient la musique et les
joueurs de football le Dimanche, mais lui ne
l'aidait pas, elle devait se faire aider à servir
par des braves clients. Elle devait quitter ce
café, c'était trop pour elle, et elle revint à
NANCY, dans la ville où elle était née. Elle y
prit un commerce d'alimentation, et avec ses deux
enfants qu'elle rhabillait elle-même, les mettre à
l'école, sans jamais être aidé par son monstre
italien, c'était plutôt la misère. Beaucoup de
clients achetaient à crédit, mais ne la payaient
jamais. Et ces clients achetaient dans d'autres
épiceries, et avaient l'audace de passer devant
son magasin, comme pour la narguer, avec leurs
marchandises achetées chez les concurrents. Avant
qu'elle ne meure, cette brave maman avait dit sur
son lit de mort : - N'oubliez jamais ce que Louis
a fait pour vous ! Je ne possédais rien, mais j'ai
voulu que ses enfants aient un peu comme une arme
pour pouvoir affronter la vie. Plus tard ils se
sont mariés, ils nous invitaient souvent et
n'oubliaient pas leur maman et moi-même, ils nous
rendaient souvent visite. Ils habitaient LYON.
Elle aura eu la joie d'assister aux beaux mariages
de ses deux enfants, ainsi que de ses deux petits
enfants avant de nous quitter. Les enfants ont
voulu qu'elle repose près d'eux, à LYON, au
cimetière de la Rue du Repos. Ce cimetière touche
le fort LAMOTHE, où j'étais venu faire un stage de
trois semaines lorsque je faisais mon service
militaire, j'avais 20 ans. J'étais venu dans ce
fort pour passer les examens, suivre les Pelotons
de Brigadier et de Maréchal des Logis. Je fus reçu
aux 2 pelotons, devant de nombreux haut gradés,
réunis dans la grande cour de la caserne. A
l'église, le jour de son enterrement, pour
assister à la messe, elle n'a pas eu beaucoup de
monde du Personnel des COOP, là où nous
travaillons tous les deux. Elle n'était pas
syndiquée. Nous n'étions pas syndiqués, si bien
que tous ont respecté la consigne des délégués des
différents syndicats. Par contre, il y avait
présent le P.D.G., le Directeur Financier, le
Directeur Commercial et quelques autres grands
responsables. Toutes ces personnes représentaient
tous les coopérateurs de NANCY et de LORRAINE.
Dans son tombeau de 3 places, sa fille est allée
la rejoindre, 15 ans plus tard.
.c.MA RETRAITE;
Je viens d'avoir 65 ans, je
quitte la Maison COOP où je fus employé pendant 37
années. A mon départ nous sommes réunis à une
vingtaine, il y a le P.D.G., le Directeur
Financier, patron de ma femme, mon chef et tous
les autres, des responsables de différents
services. Ils m'ont fait cadeau d'un beau vélo,
avec lequel je vais faire de belles balades dans
les campagnes que j'ai connues dans ma jeunesse.
Je dois déménager, le propriétaire a vendu mon
appartement. J'ai trouvé un logement dans un
village de retraités, à St NICOLAS DE PORT. C'est
un petit village, spécialement construit par le
Député JACSON, sur un terrain qui appartient à
l'hôpital. C'est un village de l'Etat. Propriété
privée, défense d'entrer à toute personne
étrangère. Il y a 3 mois que j'habite dans ce
village, en face de moi vient s'installer dans le
logement de l'autre côté de la rue une dame, qui
sort de l'hôpital. Elle était soignée au Service
des Dépressifs, le Docteur a jugé qu'elle était
rétablie. Nous arrivons à échanger quelques mots,
un marchand ambulant passe avec sa voiture pour
vendre un peu de tout. Elle y vient acheter son
pain, viande et laitage, si bien que nous arrivons
à faire connaissance. Je vais lui chercher des
fleurs dans les prés, cela me permet de venir
frapper à sa porte. Elle me reçoit gentiment, il
nous arrive d'aller nous promener dans la belle
campagne fleurie, d'y cueillir des fruits. Cela
lui plaît, elle a repris goût à la vie. C'est une
maman qui, à la mort de son mari, s'est effondrée.
Ses enfants l'ont fait placer aussitôt à
l'hôpital, avec les malades mentaux, elle y est
demeurée 30 mois, sans avoir jamais la visite de
ses 4 enfants, tous mariés. Drôle de mentalité ses
enfants. A Noël, je l'ai emmené à la messe de
minuit du bourg, à la cathédrale où est venue
Jeanne d'ARC, depuis son village natal de DOMREMY,
à 80 km de St NICOLAS DE PORT. Cette soirée lui a
plu énormément. Nous avons fait un petit repas en
rentrant. Nous avons quitté ce village retraite,
qui s'appelait D.I.P.A.I. (Défense des Intérêts
des Personnes Agées et Infirmes). Nous sommes
venus à NANCY, capitale de la LORRAINE, dans un
petit appartement. La Maison COOP, où j'étais
employé, possédait 5 hôtels, je lui ai fait
connaître tous les cinq. Quel changement de vie
pour cette maman, délaissée par ses 4 grands
enfants. Elle possédait une vieille maison de ses
beaux parents, il y exerçait le métier de charron,
il y avait de grandes dépendances, l'atelier
mécanique, puis un jardin. Dans cette maison, ses
4 enfants y venaient à certaines fêtes, ils y
organisaient des noubas, en faisant de bons repas,
pendant que leur maman souffrait d'être enfermée
chez les malades mentaux, elle ne se trouvait
éloignée d'eux que d'un km. De véritables
bourreaux. Ils ont laissé cette maison
complètement délabrée, toutes les pièces étaient
devenues dégoûtantes, la cuisine et tout son
matériel dans un état épouvantable, d'ordures
repoussantes. C'est eux qui auraient dû être mis
chez les fous. Cette maison fut vendue cinq
millions de centimes, qu'il a fallu qu'elle
partage en cinq ; ses 4 enfants et elle. A l'Hôtel
COOP de la COTE-D'AZUR, nous y sommes venus 2
fois. C'est la Corniche d'Or, à MIRAMAR de
l'ESTEREL. Les gérants étaient très gentils, ils
nous offraient la plus belle chambre, avec un prix
inférieur. Je les avais mis au courant de la
situation de ma compagne de l'Automne de la Vie.
Excursion à PARIS, nous mangeons au restaurant de
la Télé, BUTTE-CHAUMONT, assistons Revue 14
Juillet, feux d'artifice à VINCENNES, etc. Depuis
cet endroit, nous partions en excursion de la
journée, des cars de luxe nous emmenaient visiter
l'ITALIE, avec des arrêts à MENTON, MONACO,
VINTIMILLE, puis SAN REMO, puis en bateau aux Iles
de Lérins, en car à HIERES, St TROPEZ, St RAPHAEL,
par la route du littoral méditerranéen. Ainsi que
par le petit train de Provence qui nous emmenait
jusqu'à DIGNE, toute la HAUTE-PROVENCE, ce train
nous grimpait jusqu'à 1000 mètres, en passant par
de nombreuses petites gares stratégiques. Nous
allons à l'Hôtel COOP de l'Ile d'Oléron, St TROJAN
nous visitons en car cette immense île, nous
dégustons des huîtres chez les producteurs.
Toujours en car, nous visitons, sur la Côte, à
ROCHEFORT, etc. Nous allons à l'Hôtel COOP, à
VANNES, chef-lieu de la BRETAGNE. Nous logeons
dans un grand immeuble, qui avait servi pour
recevoir les blessés, pendant la guerre 1914-1918,
c'est dans une pinède, à 50 mètres de la mer. De
là partent des petits bateaux pour touristes, on
visite les îles, avec arrêt dans les plus
importantes, surtout l'Ile aux Moines, il faut
attendre, si on veut y pénétrer à pied que la mer
se soit retirée, ou alors il y a un bac qui nous y
amène. Il y a de belles promenades dans l'île, il
s'y trouve un grand couvent avec un immense
jardin, des plages et des baigneurs. Il fait un
beau temps, nous prenons aussi des petits bains.
Nous allons visiter les dolmens tant réputés à
voir, ces énormes roches alignées dans la
campagne, mises là sans doute par les hommes, là
est le mystère. Puis la presqu'île de QUIBERON. La
COTE SAUVAGE, c'est beau à contempler. Nous y
descendons en allant assez loin lorsque la mer se
retire. Il y a des pique-niques dans les Cavernes
des Roches, puis aussi des amoureux. On y entend
le grondement de la mer au loin, imitant le
tonnerre ou le rugissement d'un lion. Un énorme
bateau emmène les touristes dans l'Ile
BELLE-ILE-EN-MER. Depuis la chambre à l'hôtel, de
notre lit on découvrait dans le soleil levant des
îles au lointain, puis de petits clochers dans la
clarté de l'horizon. Je ne connaissais pas encore
la GRECE, plus tard, j'ai constaté que c'était
aussi beau par les journées ensoleillées. Bien sûr
ce n'est pas la GRECE Antique avec son PARTHENON,
ses stades olympiques, ses théâtres. Nous
voyageons vers PERPIGNAN, de là nous prenons un
train qui nous monte à la chaîne de montagne du
CANIGOU, en passant par le fort du Mont St LOUIS.
L'Hôtel COOP est à FORMIGUERES, nous sommes à 1300
mètres de hauteur, un car nous prend à la gare
pour nous y emmener. Le chauffeur nous dit : -
Mais que venez-vous faire ? Il n'y a pas de neige
! En effet, nous voilà arrivés à Noël sans neige.
Je lui réponds : - Nous ferons du patin à
roulettes ! Mais pour le Nouvel An, la neige est
venue, il y a beaucoup de skieurs, les routes sont
enneigées, une fois dégagées, on peut tout de même
se promener. Nous empruntons même des pistes de
skis, ce sont des routes faites pour ceux qui
montent dans le haut, vers les champs de skis.
Nous allons en excursion par le Col de PUYMORENS,
à la Principauté de ANDORRE, nous rentrons sur le
territoire de l'ESPAGNE. Par la Tour de CAROL,
BOURG MADAME, en revenant, nous nous arrêtons à
FONT ROMEU, c'est un endroit où les grands
sportifs viennent pour s'y entraîner à l'air, qui
y est très pur. Nous allons séjourner 3 semaines
dans un studio appartenant aux COOP, dans les
VOSGES, près du lac de GERARDMER, nous nous
promenons, en faisant le tour du lac à pied et en
faire le tour sur l'eau en pédalo. Nous faisons
des pique-niques. Depuis NANCY, nous voyageons par
le train jusqu'à GERET, près de PERPIGNAN, entre
le BOULOU et AMELIE-LES-BAINS, le Col du PERTHUS à
la frontière d'ESPAGNE est tout proche, nous
allons faire quelques emplettes en ESPAGNE avec un
car régulier. Avec ce car, nous sommes allés
visiter les fameuses caves de BYRRH puis celles de
BANYULS-SUR-MER, un vin apéritif, qui sont à la
frontière aussi d'ESPAGNE, PORT-BOU. Depuis GERET,
le car d'excursion nous emmène au carnaval de NICE
pendant 4 jours nous sommes dans un grand hôtel,
tout près de la plage, pour l'aller, nous visitons
St TROPEZ. Je vois un écriteau sur lequel est
écrit " Domaine de la Jansonne " pour personnes
âgées. Retraité, je vais me renseigner. Les
conditions me plaisent, si l'on est malade, il y a
infirmerie, Docteur, pour être soigné sur place,
on a droit à une femme de ménage. On prend le
repas de midi, mais celui du soir n'est pas
obligatoire. Aussitôt revenu dans mon logement, à
NANCY, je fais le nécessaire pour avertir mon
propriétaire, et lui donner mon congé. Je commande
un container à la S.N.C.F., mes meubles sont mis
dedans, et je fais expédier le tout à NICE. Nous
avions quitté le village retraite, et étions en
appartement à NANCY. Cet appartement, c'était une
reprise avec les meubles, cela nous arrangeait
bien, nous n'avions pas grand-chose. Les
locataires nous disant : - Vous n'avez même pas
besoin de voir le propriétaire, il est au
courant.Nous, nous partons pour PANTIN, je suis
employé à la S.N.C.F. et je suis muté à la gare de
PANTIN. Alors nous nous installons aussitôt, nous
y passons une bonne nuit. Le lendemain matin, on y
frappe à la porte. C'est le propriétaire avec un
architecte. Il me dit : - Mais qu'est-ce que vous
faites ici vous ? Je lui réponds : - Votre ancien
locataire m'a dit que vous aviez été d'accord pour
le changement, et j'allais tout de même aller vous
voir. - Eh bien ! Vous vous êtes mis dans de beaux
draps, me dit-il. L'architecte réplique : - Non,
c'est votre ancien locataire qui s'est mis dans de
beaux draps. Est-ce que vous êtes mariés ? Je
réponds : - Je suis veuf, et cette dame aussi, et
nous vivons ensemble pour nous adoucir la vie. Il
a convoqué l'ancien locataire et sa femme, et nous
sommes allés voir un huissier. J'avais versé 5
000,00 francs anciens et j'ai retouché la moitié
de la somme, pour cela en me gardant comme
locataire, je m'occuperais de la cour et des
plates-bandes, et irais 2 fois par semaine
bricoler dans son jardin et tondre la pelouse. Il
me payera au S.M.I.C. Nous étions contents que
tout cela se passe bien. Nous y sommes demeurés 5
ans. L'ancien locataire n'avait pas été muté, je
les ai revus, ils étaient effondrés car ils
étaient bien estimés. Les propriétaires avaient
été gentils, pour eux, pour le propriétaire, ils
avaient très mal agi envers lui. C'est pour cela
qu'il les a mis à l'huissier. Nous venions de
quitter le village retraite et venions habiter
dans cette maison, Rue du Docteur Liébault,
Nabécor, n° 2. Propriétaire, Monsieur MONTPELLIER,
ancien Sous-Préfet de BRIEY en LORRAINE :
MEURTHE-ET-MOSELLE, et habitant au 42 Avenue de la
Malgrange, à JARVILLE-LA-MALGRANGE, près NANCY.
Avec Marcel, nous prenons le train et arrivons à
NICE, pour le jour du 1er Mai 1975. Une Niçoise
lui offre un bouquet de fleurs. Nous demeurons à
la Jansonne pendant 9 mois, un petit car est mis à
la disposition des retraités pour aller à la
ville, 2 fois par jour. Nous quittons, c'est un
peu trop cher. Je loue un studio à NICE, car à la
Jansonne, c'est un peu cher pour nous, c'est trop
juste pour nos retraites. Nous habitons près de la
belle cathédrale russe, où le fils du Tsar de
Russie, NICOLAS II, est mort. Cette cathédrale fut
construite en sa mémoire, et à côté est construit
une chapelle. Il y avait beaucoup de riches Russes
qui sont venus vivre à la COTE-D'AZUR, ils
occupaient de beaux sites qui dominaient la mer,
en ce temps-là vers 1900, il y avait encore des
grands champs d'orangers, de citrons, de fleurs,
ces coins leur appartenaient. C'est pour cela
qu'on y trouve un Boulevard Impérial, le Boulevard
Tzarewich, etc. Ils y avaient un immense château,
où ils organisaient des grandes fêtes. Vers
CIMIEZ, cité romaine. Il y a un grand cimetière
russe où sur les tombes, on peut y lire les plus
grands noms de la Cour Impériale de Russie. Près
de ce cimetière russe se trouve le cimetière
anglais, c'est la même chose, on peut y lire les
plus grands noms de la Cour d'Angleterre. C'est
tous ces gens illustres qui ont fait la renommée
de la COTE-D'AZUR, par suite de son climat, le
soleil, la mer, les collines aussi avec les pins,
sapins et les fleurs. Le bord de mer appelé la
BAIE DES ANGES, sur 7 km, c'est la PROMENADE DES
ANGLAIS. Sur les hauteurs de NICE, ils ont
construit un grand palais, les plus grandes
autorités y ont séjourné très longtemps, beaucoup
de noms de rues leur ont été donnés, toute une
colline était à eux. Il y a aussi la Rue Gustave
de SUEDE, pour rappeler son long passage à NICE,
où il a surtout créé un grand stade de tennis.
Cette maman de 4 enfants doit aller voir la
Doctoresse, elle se plaignait d'une douleur à
l'aine. Elle lui a donné un médicament beaucoup
trop fort. C'était dangereux, elle ne devait en
prendre que 25 gouttes, or elle lui en fait
prendre 50 gouttes. Aussitôt elle tombe dans les
pommes, son coeur flanche, je lui masse le coeur
car elle meurt. Enfin, elle est ranimée. Plus
tard, elle me demande de lui en faire prendre une
seconde fois, elle espère que cela irait peut-être
mieux. Cela se reproduit comme la 1ère fois. Cela
a dû lui occasionner un trou dans l'estomac, un
autre Docteur découvre qu'elle a l'estomac abîmé.
Le médicament était un produit très dangereux, je
me suis renseigné. Le Docteur l'a faite entrer à
la clinique du BELVEDERE et les chirurgiens, après
l'avoir examiné, doivent l'opérer de l'estomac,
puis elle sera dirigée à l'hôpital PASTEUR.
Ensuite, elle revient à la maison. Elle reprend
confiance à la vie. Elle se fait même faire une
robe sur mesure, mais elle maigrit, ses forces
l'abandonnent, et après 5 mois, elle mourra, sans
avoir souffert. Dans son délire, elle a toujours
appelé son père, jamais sa maman. Elle décédait le
26 Octobre 1979. Je suis allé l'accompagner à sa
dernière demeure par la route, avec le convoi
mortuaire, en traversant toute la FRANCE, de NICE
à VARANGEVILLE, près de NANCY, dans le cimetière
où est enterré son mari. J'ai trouvé là à l'église
ses 4 enfants, j'aurais aimé qu'il y eut une
assistance nombreuse à son enterrement, mais ils
m'en ont empêché. Ils auraient été trop vexés de
leur mauvaise conduite envers leur maman, à avoir
à remercier tous les gens présents à la cérémonie.
Ils étaient bien connus. Même jusqu'à la mort de
leur mère, ils se seront toujours mal conduits. Je
me suis enfui sans les saluer, et à l'office, je
me trouvais loin derrière eux. Après avoir vécu
seul pendant 6 mois, j'avais eu la surprise de
recevoir une lettre recommandée avec accusé de
réception. Ils me réclamaient surtout de l'argent,
ils ont fait certaines démarches en ce sens. Ils
ne se sont même pas occupés du cercueil, du grand
voyage de la dépouille de la maman, etc, etc. De
véritables enfants voyous. D'ailleurs, la maman ne
voulait jamais plus en entendre parler, elle les
maudissait. Sur la fin, elle aurait désiré avoir
la visite de sa petite fille. J'ai donc envoyé
l'argent nécessaire pour que l'enfant vienne avec
sa mère. Ils ne sont pas venus, avec l'argent, ils
sont allés se promener dans le département du LOT.
Le père, la mère et l'enfant, pendant que la
grand-mère mourait. Ne même pas lui apporter cette
joie de voir sa petite fille. Leur lettre
recommandée, je l'ai jeté à la poubelle, car je
les attends toujours de pied ferme. Ils devront
reconnaître, en comparant ma conduite envers leur
maman, et leur conduite qu'ils ont eu envers cette
très brave femme, que fut leur maman. Elle a pu
s'exclamer avant de mourir - Avec cet homme,
Monsieur BELLOT, j'ai vécu 11 années de bonheur !
Certaines personnes présentes connaissaient ses
enfants. Nous avons réalisé de beaux et grands
voyages, les 7 Perles de la Méditerranée, en
venant en voiture depuis NANCY prendre un bateau
sur la COTE-D'AZUR à CANNES. L'ESPAGNE, BARCELONE,
les BALEARES promenades dans la ville dans une
petite voiture attelée à un cheval. La TUNISIE,
BIZERTE, Ile de CAPRI, PALERME, la SICILE, GENES,
le VESUVE, POMPEI, NAPLES. Plusieurs excursions en
car de luxe à VENISE, la YOUGOSLAVIE, etc. Par
avion, nous allons à FRANCFORT, HAMBOURG, la Mer
BALTIQUE. Par avion, nous allons à MOSCOU, nous
logeons dans un hôtel de 3000 chambres. Tout près
du KREMLIN, que nous visitons, nous assistons à la
relève de la garde, devant le Mausolée de Lénine,
sur la Place-Rouge. Nous voyons une pièce de
théâtre, de la danse au Bolchoï à une soirée au
Cirque de Moscou, etc. Puis l'avion nous emmène à
LENINGRAD, au bord de la NEVA. Nous visitons St
PAUL, au bord du fleuve, beaucoup de musées datant
du temps des Tzars NICOLAS. Nous allons au Golfe
de FINLANDE, nous sommes demeurés 8 jours en
RUSSIE, nous avons vu le musée français qui
rappelle NAPOLEON pendant la guerre en RUSSIE,
avec ses troupes, pendant le terrible hiver. Le
passage de la rivière la BEREZINA, par les chevaux
et les canons, sur la glace. C'était la retraite,
la vraie débâcle par les soldats de l'An II. Nous
allons pendant une belle saison, l'année suivante,
faire une croisière, organisée par la Cie PAQUET,
sur le paquebot AZUR. Nous traversons quatre mers
et arrivons par la Mer NOIRE à ODESSA, c'est la
Côte-d'Azur de la RUSSIE. Nous sommes
admirablement reçus par les autorités soviétiques,
musique par une grande fanfare, de la danse,
toutes sortes de boissons, gâteaux. Nous goûtons à
la vodka, qui est offerte dans tous les repas que
nous avons participé dans toute la RUSSIE. Nous
visitons le sous-marin d'où serait partie la
Révolution de 1917. Nous visitons YALTA. Les
Accords de Yalta, signés par le Représentant de
l'AMERIQUE, ROOSEVELT ou EISENHOWER, par Winston
CHURCHILL pour l'ANGLETERRE, par STALINE pour la
RUSSIE, pour la FRANCE elle fut oubliée
volontairement. On y voit la chaise qui est restée
vide. C'était la place de DE GAULLE, le plus grand
Vainqueur de la guerre 1939-1945. Lui qui a repris
le combat, quand PETAIN et son Gouvernement
venaient de signer l'Armistice. Elle est souriante
dans le salon du paquebot Cie PAQUET moi, je
portai des moustaches. Aussitôt la FRANCE a
entendu DE GAULLE proclamer à la radio : "
Français, Françaises, nous avons perdu une
bataille, mais nous n'avons pas perdu la guerre…
". Pendant toutes ces années de guerre, de Juin
1940 jusqu'à la date du 8 Mai 1945, ce Général a
dirigé ou a participé à toutes les batailles.
Depuis l'ANGLETERRE, pas toujours d'accord avec le
1er Ministre anglais, puisque il y a même eu des
combats entre soldats anglais et français, les
Anglais ne reconnaissant pas la FRANCE DE GAULLE
qui, lui, devait lutter contre l'armée de PETAIN,
qui agissait en traître contre la FRANCE, pour
PETAIN c'était DE GAULLE qui était le traître. Il
devait être même puni de mort d'avoir désobéi au
Gouvernement PETAIN, ce Général qui, comme Jeanne
d'ARC, voulait sauver la FRANCE de l'hitlérisme,
qui n'aurait plus existé cette FRANCE, après avoir
enduré de terribles souffrances. Ce Général se
déplaçait partout dans toutes nos colonies, il a
nommé des chefs qui sont devenus des grands chefs,
qui sont arrivé à lever une armée dans nos
colonies. Celui qui devint le Général LECLERC,
toujours sous les ordres du Général DE GAULLE, qui
devait livrer de nombreuses batailles depuis nos
lointaines colonies contre leurs frères français,
qui étaient demeurés fidèles à PETAIN, leurs chefs
luttant contre les ordres de DE GAULLE. Puis il y
avait, en plus de l'armée d'HITLER, à combattre
contre les Italiens, alliés d'HITLER. Beaucoup de
Français, avaient à leurs risques et périls, pu
rejoindre par l'ESPAGNE le continent africain, et
être enrôlés dans l'armée LECLERC qui fut appelée
la 2ème Division Blindée. Cette vaillante armée
est parvenue à aller faire flotter le drapeau
français à STRASBOURG, à BERLIN et jusqu'au nid
d'aigle du chef nazi, Adolf HITLER, qui était venu
se mettre à l'abri, avec son ami Eva BRAUN et son
état-major dans les sous-sols du Reichtag, à
BERLIN. Ce Général DE GAULLE était le chef de la
Résistance française, ils ont beaucoup participé à
la victoire finale, des armes de toutes sortes,
venant d'ANGLETERRE par avions, étaient lâchés en
parachutes, à certains endroits en FRANCE.
Toujours la nuit, ces avions étaient dirigés par
des signaux lumineux agités par des Résistants, et
l'avion n'avait plus qu'à laisser tomber son
matériel et des hommes, devenus des chefs, formés
en ANGLETERRE par DE GAULLE. C'est grâce à ce
grand homme, qui par son énergie, qui n'a pas
toujours écouté les ordres des Alliés, que nous
avons arrivé à chasser, à écraser le Grand Reich
allemand. Mais ces drôles d'Alliés n'ont pas
reconnu DE GAULLE pour la signature à YALTA. Les
Américains n'étaient venus pour nous aider à la
guerre de 1914-1918, qu'en 1917. Ils sont venus
pour retirer les marrons du feu, car il a fallu
les payer en or, alors que la FRANCE était à
genoux. A cette guerre 1939-1945. Nous étions en
guerre depuis Septembre 1939, ils sont arrivés en
Juin 1944. Ils se sont crus les grands vainqueurs,
c'était surtout grâce à la grande Résistance
française, dirigée par les grands chefs fidèles à
DE GAULLE qui, depuis 3 années déjà, luttaient
contre l'envahisseur. L'AMERIQUE, après nous avoir
démoli nos villes et nos villages, et tué beaucoup
de civils français, éprouvait le désir de
s'implanter en FRANCE, en y créant des industries,
des commerces de toutes sortes. Mais DE GAULLE,
toujours grâce à lui, les a expulsé, nous
devenions une colonie. C'était leur façon de venir
nous délivrer bien tard, mais avec l'intention de
venir s'enrichir à notre détriment. La FRANCE,
notre territoire, était pour eux un champ de
bataille, ils repoussaient l'ennemi, mais en
écrasant tout sur leur passage, pourquoi s'en
faire puisqu'ils seront encore payés de leur drôle
de guerre. C'est DE GAULLE qui les a chassé et il
s'est dépêché de les payer le plus vite possible
pour qu'ils nous fichent la paix. Ils n'ont été
pour lui que des profiteurs de notre douce FRANCE.
Avec Marcelle, nous profitons que la Maison COOP,
où je fus employé pendant 37 ans, organise un
voyage à BERLIN en 1972. Nous sommes venus par le
train, c'est pour les fêtes du 1er Mai à
BERLIN-EST, de l'autre côté du Mur de la Honte.
C'est le commandement russe qui organise le défilé
des travailleurs allemands. Ils sont 1 million à
défiler, tous ceux qui sont valides doivent
défiler. Femmes, enfants, hommes, tous ceux qui
peuvent marcher. Ils ont chacun dans les mains une
petite branche, un peu comme à la Fête des
Rameaux. Ils défilent sur une douzaine de rangs,
dans un grand silence. C'est triste. Ils
n'éprouvent aucune joie et on les comprend, ils se
sentent comme des prisonniers, la plupart sont
divisés de leur famille, qui se trouve dans
l'autre partie de BERLIN, séparé par ce mur bien
gardé par des mitrailleuses. Il n'y a pas de
musique, aucun n'a envie de chanter. Je suis sur
le bord du trottoir avec Marcelle. Tout à coup,
nous sommes happés par des gars qui nous
entraînent avec eux, ils nous remettent un petit
rameau, et ils sont contents et nous aussi. La
dislocation se fait sur une immense place, où aura
lieu cet après-midi une fête organisée par les
Russes. Tout ce monde est content de pouvoir
rentrer dans leur bercail, ils se sentent libres.
L'après-midi, ils ne viendront pas pour assister à
la fête, aux chants des chorales militaires. Il y
aura surtout le monde paysan, venu des villages
voisins de BERLIN. Nous, en touristes libres, nous
viendrons à la fête pour écouter leur musique, les
chants militaires. C'est une kermesse, on peut
déguster des boissons, manger des saucisses. Avec
le car fourni par les Russes, nous visitons
BERLIN-EST. Nous nous arrêtons un instant devant
l'ancien Reichtag où se trouve enseveli HITLER,
GOEBBELS, avec toute leur famille et d'autres de
la clique du Führer Adolf. C'est un énorme
monticule recouvert de gazon. Puis nous venons
visiter le BERLIN-OUEST, il est sous la coupe des
Alliés, les Russes exceptés. Nous visitons le zoo
qui est superbe, mais c'est un BERLIN reconstruit
après la guerre 1945. Puisque tout BERLIN fut
démoli, d'abord par les avions de bombardement,
puis ensuite par les canon des Américains, des
Anglais, des Français, le BERLIN-EST fut surtout
écrasé par les Russes et fut reconstruit par eux,
avec de larges avenues, comme à MOSCOU. Américains
et Russes se sont chicanés pendant de longs mois,
les Russes avaient bloqué tout BERLIN. La moitié
de la ville a dû être ravitaillée par les avions
américains, en vivres et en charbon, afin de ne
pas laisser mourir tous ces habitants du
BERLIN-OUEST. Pour pouvoir traverser la ville,
nous étions contrôlés, et ce contrôle était très
sévère. De nombreux civils allemands furent
mitraillés pour avoir essayé de traverser, pour
venir voir leur famille. Ils étaient départagés,
depuis que la ville était coupée en 2 zones : zone
russe, zone américaine. Ces 2 géants se
méprisaient. Nous sommes allés en croisière sur un
paquebot de la Cie PAQUET, nous avons visité la
GRECE, le PARTHENON, les Théâtres Antiques
Romains. Nous avons vu le Stade Olympique, d'où
est partie la flamme olympique, portée par un
athlète qui courut pendant 42 km le marathon. Nous
sommes allés au Canal de CORINTHE, nous sommes
allés à ISTAMBOUL en TURQUIE, nous avons vu des
villes entières, de vestiges romains. Nous sommes
allés sur le territoire asiatique, en passant par
le grand pont qui traverse la Mer NOIRE. Par avion
et par bateau, nous sommes allés visiter l'EGYPTE,
ALEXANDRIE, le CAIRE, les fameuses Pyramides. Nous
avons un peu longé la rivière, le NIL. Partout
nous avons été très bien reçus, des fêtes étaient
organisées à notre intention. Par la mer, nous
sommes allés visiter le pays de Jésus, JERUSALEM,
nous avons emprunté les rues tortueuses du Chemin
de Croix, l'endroit où il est né, NAZARETH, le
Mont des OLIVIERS, la Mer MORTE, le JOURDAIN.
C'est un vrai coin de paradis. La nature, tous ses
champs couverts de fruits et légumes, de fleurs.
Les belles maisons, avec beaucoup de solariums sur
les toits, c'est un contraste d'avec ce que nous
avons découvert en EGYPTE, ils ont un siècle de
retard pour ce qui est de leur campagne, et encore
beaucoup de mal logés. Nous sommes allés, Marcelle
et moi, passer la Semaine Sainte en ITALIE, à
ROME. Nous avons assisté à la messe au VATICAN,
avons visité l'intérieur du VATICAN. Avec le car,
on est allé à la Résidence, où les Papes viennent
y passer leur vacance, à CASTEL GANDOLFO. Nous
nous arrêtons au grand stade magnifique, construit
par le Duce MUSSOLINI, le dictateur de l'ITALIE,
ami d'Adolf HITLER. MUSSOLINI fut pendu par les
Italiens, lui aussi était un monstre. La visite de
la ville de ROME nous a enchanté, ainsi que
d'autres villes de l'ITALIE. Après la mort de
cette brave maman, je suis désemparé. Je me
retrouve encore une fois bien seul. Je dois lutter
pour continuer à vivre. Je vais me reposer au
CANNET, près de CANNES, dans une maison qui avait
été construite par un mécène, pour y recevoir les
blessés de la guerre 1914-1918. Ils y étaient
soignés, puis ensuite repartaient sur le front.
Cette propriété devint une résidence pour les
anciens combattants, alors comme ancien combattant
de la guerre 1939-1945. Je fus accepté pour venir
m'y reposer pendant 1 mois. C'était aussitôt les
fêtes de fin d'année. Cette maison au CANNET, ou
plutôt le SUPER CANNES, est très bien située sur
une hauteur, avec un immense parc, des arbres de
toutes sortes, des fleurs, des bassins, des jets
d'eaux. Cette propriété se trouve en-dessous de la
superbe villa de la BEGUM, mariée à ce riche
pacha, il avait choisi cette fille, qui était très
jolie, et qui avait été reine de la plus belle
femme d'EUROPE. C'est pour elle qu'il avait
construit cette immense et magnifique propriété.
Je suis allé me promener tout autour. J'ai vu la
BEGUM plusieurs fois dans d'autres occasions,
surtout dans les salles des fêtes du CANNET, des
kermesses, pour distribuer et venir en aide aux
nécessiteux de sa ville. Tout ce qu'on appelle le
SUPER CANNES est habité par des milliardaires
étrangers, possédant des yacks. Dans cette pension
de famille où je me trouve, tous les invalides de
guerre y viennent s'y reposer pendant plusieurs
mois. Mais tous les retraités assurés sociaux y
ont droit aussi. Quelle ne fut pas ma surprise,
lorsque la Direction m'a indiqué ma chambre, en y
entrant il y avait déjà un homme, c'est des
chambres à 2 lits. Ce type, je le reconnais ;
c'est pourtant ce voyou de faux passeur de METZ,
PAGNY SUR MOSELLE. Je retourne aussi vite à la
Direction que je ne pourrai pas vivre à partager
la chambre avec lui. Ils me répondent - Nous avons
déjà eu des ennuis avec ce client, il a fallu
enlever celui qui partageait la chambre avec lui.
Alors ! Tâchez de vous arranger ensemble, nous ne
pouvons plus intervenir. Il n'a pas l'air de me
reconnaître, si bien que j'évite de lui dire que
je le connais bien, et pendant 1 mois je serai
pour lui un étranger qu'il n'a jamais vu. Notre
dernière entrevue de près de 40 ans, il y a
longtemps qu'il m'a oublié. Il sort en ville tous
les soirs, il rentre tard plutôt éméché, il a de
nombreux rendez-vous avec des femmes. Il me montre
sa carte de Déporté, dans un camp en ALLEMAGNE, je
n'en reviens pas. Ainsi, lui qui a fait déporter
des Résistants passeurs français, qui sont allés
mourir en ALLEMAGNE, est devenu un déporté
lui-même, pour la FRANCE, il est considéré comme
un héros. Il touche la plus forte retraite que
l'on puisse donner à cette catégorie de déporté.
Ils n'ont donc pas vu qu'il se portait comme un
chêne, à son arrivée en FRANCE. Il devait y avoir
un contraste, en le comparant avec les déportés
malades, mourants, squelettiques, et dont beaucoup
touchent une retraite moins forte que la sienne.
C'est bien la vraie crapule. Un jour il rentre
très tard, il est saoul, je ne l'ai pas entendu
rentrer. Lorsqu'il s'est levé dans la matinée, il
est allé directement à la Direction se plaindre
qu'on lui avait volé sa veste, avec son
portefeuille qui renfermait tous ses papiers,
ainsi qu'une somme de 150 000 anciens francs. A
moi, il ne m'en a pas fait allusion. A midi, en me
rendant à la salle du restaurant, la patronne me
dit : - C'est vous Mr BELLOT qui avez pris la
veste de votre voisin de lit ? J'ai répondu : -
Cet homme est fou ! en portant ma main sur ma
tempe, puis elle a bien ri, elle ne portait aucune
attention à la plainte de ce monstre, elle le
détestait. Il est allé porter plainte au bureau de
la Police à CANNES. J'attendais de pied ferme,
étant prêt à leur dire ce qu'était ce chenapan. Je
m'y suis rendu moi-même à la Police, le planton ne
m'a pas autorisé à rentrer. Dommage, je supposais
que cet individu devait me soupçonner, puisqu'il
n'y avait que moi dans sa chambre. Au bout de 2
jours, un homme, de la chambre voisine qui est
sourd, et partage la pièce avec un aveugle, vient
frapper à ma porte. Il me dit : - Ce n'est pas à
vous ce portefeuille, avec toutes ces pièces
d'identité, que je viens de trouver dans la poche
d'une veste, qui ne nous appartient pas. Tout de
suite je reconnais le nom MONNET, il avait entré
dans leur chambre, qui n'était pas fermée à clef,
et avait accroché sa veste dans leur vestiaire,
ces 2 hommes n'ont rien vu ni entendu. Ensuite il
a dû ressortir pour rechercher son chapeau, qu'il
avait laissé en bas sur un fauteuil puis il est
remonté, mais sans se tromper de chambre. Il ne
m'a fait allusion de rien, comme si j'étais resté
ignorant de toute cette histoire. J'avais connu ce
grand gaillard coureur cycliste MONNET. Lui ne me
connaissait pas, j'aimais aller voir les arrivées
de courses en vélo, il gagnait souvent. Je devais
le revoir en 1944, pendant la guerre à PAGNY SUR
MOSELLE, dépouiller les P. de G. Après guerre je
l'ai revu, il tenait un magasin de cycles et
motos, puis ensuite un café-comptoir. Il m'a
montré la belle maison, qu'il a fait construire
près de NANCY à FLAVIGNY SUR MOSELLE. Il avait la
photo sur lui, c'est un endroit que je connais
très bien, au bord d'une belle rivière
poissonneuse, la MOSELLE. Mon séjour d'un mois
s'est tout de même bien passé, malgré la présence
de ce triste gars, comme voisin de lit, dans ma
chambre, il partait tous les jours pour aller
bringuer dans la ville de CANNES. Voilà déjà
bientôt 6 mois que Marcelle m'a quitté. Je me fais
inscrire pour assister à un repas, avec les
Alsaciens, c'est à la VICTORINE, c'est l'endroit
où les artistes de cinéma viennent y tourner des
films. Nous sommes au mois de Mars 1980. Le repas,
c'est une bonne choucroute garnie. Je me trouve à
une table, à ma gauche, il y a 6 femmes, j'ai
devant moi une dame et à ma droite, j'ai 2 hommes,
c'est 2 Alsaciens. J'essaye de causer avec ma
voisine d'en face, c'est très difficile d'obtenir
une conversation, tellement il y a de bruit. La
musique invite à la danse, je lui demande si elle
veut faire une danse, elle dit " Oui ! ". Nous
dansons, elle est contente de son cavalier. Il est
l'heure de partir, nous sortons ensemble, je
l'emmène visiter la Jansonne, où j'avais résider
pendant 9 mois avec la maman Marcelle. Nous nous
sommes même assis sur un fauteuil, en attendant
l'arrivée du bus. Je suis allé la reconduire chez
elle, elle tient un meublé. Je lui ai plu, elle
m'a plu, je venais la voir tous les jours, et je
l'aidais quelque peu à faire ses chambres. Elle
est venue voir où j'habitais. Plus tard je louais
un studio, dans son immeuble, j'ai déménagé. La
porte de mon logement est juste en face du sien.
Elle a revendu son meublé, la voilà tout comme moi
en retraite. C'est une brave maman, elle a 5
enfants une dizaine de petits enfants, une 1/2
douzaine d'arrière-petits-enfants. Il y a une
fille qui habite la COTE-D'AZUR, pas loin de NICE,
avec son mari et 3 grands enfants. Je fais la
connaissance à l'occasion d'un Dimanche, où cette
fille nous a invité à un repas. Puis plus tard,
elle m'emmène à PARIS, où je fais la connaissance
des 4 autres enfants qui habitent tout autour de
PARIS. Comme je porte le prénom de Louis, je suis
appelé le Papylou, je deviens leur grand-père. Je
serai par la suite invité chez chacun. Ils ont
organisé une grande fête, tous réunis, ils étaient
30 de la même famille. Je suis dans l'album de
famille. Cette maman se nomme Marguerite TUTIN.
Nous avons aussi déjà fait de beaux voyages
ensemble. Plusieurs fois la GRECE, les Iles
BALEARES, TUNISIE, l'ALGERIE, le PORTUGAL, la
CORSE, l'ITALIE, la YOUGOSLAVIE, etc. Nous sommes
déjà inscrits pour aller en THAILANDE, BANGKOK,
par avion, début Novembre 1988. Il me revient en
mémoire que nous sommes allés visiter la POLOGNE,
VARSOVIE, KRACOVIE, et surtout le fameux camp de
déportés d'AUSCHWITZ, c'est quelque chose d'atroce
à voir. Des milliers de vieillards handicapés ont
passé dans le four crématoire après avoir enduré
de terribles souffrances d'être maltraités de
toutes sortes, la faim, les terribles hivers dans
des baraques, sur une espèce de paillasse, encore
ceux qui en avaient une. Elles étaient salies,
contaminées par ceux qui avaient passé dessus
avant eux, par les excréments de ces humains qui
souffraient de la dysenterie. Et puis ces milliers
de petits enfants de tout âge qui ont subi le même
sort. On y voit une montagne de toutes sortes
d'appareils chirurgicaux, jambes, bras, ceintures,
corsets, etc. Et bien sûr des tas de petites
chaussures pour tout âge. Des monceaux de
dentiers, l'or ayant été récupéré par les nazis,
après avoir vu les fours crématoires, on sort de
ce camp plutôt malade. Cette maman de 5 enfants
adore d'aller nager dans la mer, à la belle
saison, elle s'y amuse tous les jours, elle aime
surtout nager sur le dos. Je suis moins courageux
qu'elle pour nager. Il paraît que l'eau de mer
fait du bien à son arthrose. Nous sommes inscrits
dans un club de jeux de Scrabble. Elle se
débrouille mieux que moi, pour retenir des mots
qui rapportent des points, je dois dire qu'elle
s'en donne la peine. C'est un grand passe-temps
pour elle, je ne regrette pas de lui avoir montré
ce jeu qui est très instructif. Nous connaissons
toute la COTE-D'AZUR, à 200 km à la ronde, en
partant de NICE. En payant une adhésion dans un
club, qui compte les 36 provinces de FRANCE, on
choisit un programme qui nous plaît, et nous
faisons une excursion de la journée en car, ou en
bateau sur la mer, jusqu'à SAN REMO en ITALIE, St
TROPEZ en FRANCE, les Iles de LERINS, etc. La
retraite a vraiment du bon à tous les âges, dans
les clubs, on peut s'amuser à danser, sans même
connaître les vrais pas de danse, la musique nous
fait gigoter, on vit heureux comme de jeunes
insouciants. Nous dansons surtout la Danse du
Canard. Nous nous payons des petits séjours d'un
mois, dans des résidences qui appartiennent à nos
retraités, c'est surtout aux alentours de PARIS,
ce qui fait que tous ses enfants et petits enfants
peuvent venir nous voir, et même manger dans la
salle de restaurant, avec nous, alors tout. Alors,
tout le monde est heureux. Dans ces résidences
pour retraités 3ème âge, il y a tout pour se
distraire, toutes sortes de jeux, même des grandes
fêtes y sont organisées jusqu'à la danse, et la
soirée se termine par une bonne soupe à l'oignon.
La danse qui nous plaît le mieux, c'est la Danse
du Canard, c'est rigolo, elle sert de gymnastique.
Cette brave maman vient de subir l'opération du
cancer de la thyroïde, tout s'est bien passé, elle
est suivie par ses Docteurs. Elle est très
courageuse pour lutter contre toutes les petites
misères de la vie. Pour son genou, les chirurgiens
voulaient l'opérer, elle a refusé. Un Docteur la
soigne pour son arthrose, et elle marche de mieux
en mieux, elle aime beaucoup marcher, ce qui est
très bon pour le coeur et les jambes. Moi je me
suis fait opérer de la cataracte à l'oeil droit,
tout s'est bien passé, avec mes lunettes, je vois
mieux et de loin. Je pense, d'après ce succès, me
faire opérer l'oeil gauche. J'ai dû subir presque
en même temps l'opération de la prostate. Et après
quelques mois d'handicap, je suis redevenu un
homme presque neuf, je n'ai pas à me plaindre.
D'après mon âge, je suis plutôt un homme gâté pour
continuer à vivre une merveilleuse retraite,
toujours à la COTE-D'AZUR. Peut-être plus tard, si
Dieu nous prête vie, nous envisagerons d'aller
vivre dans une résidence pour 3ème âge, vers PARIS
dans la campagne, non loin de ses enfants et
petits-enfants. Pour l'anniversaire de leur maman
et mamie, nous allons nous réunir non loin de la
capitale. Nous serons 40. Ce sera pour fêter ses
80 ans. Au mois de Mai 1988. J'espère qu'il y en
aura encore beaucoup d'autres, de ces réunions
d'anniversaire. J'ai déjà assisté à 3 mariages de
trois de ses petites-filles. En ce moment il y a
déjà trois petits-fils qui sont en âge de se
marier, ils ont de 22 à 24 ans. Alors, j'espère
pouvoir être présent à leur mariage. Que de belles
photos à mettre dans l'album de famille. Puisque
je suis un ancien combattant de la guerre 1939 à
1945, je suis invité avec MAGUY, ma compagne de
l'automne de la vie, à un repas dans les collines
de la ville, à CASTAGNIERS. Il y aura des
notables, il sera remis par le Préfet des
documents à 40 anciens combattants et je serai
parmi ceux-là. J'aurai tout de même obtenu
quelques récompenses dans ma drôle de vie. Diplôme
d'Etat remis par le Ministre des Sports, avec
Médaille. Diplôme de Chevalier du Mérite Agricole
par le Ministre de l'Agriculture. Diplôme des
Anciens Combattants Prisonniers de Guerre, avec la
Médaille, remis par le Général commandant la Place
à NANCY. Je me permets de dire tout cela afin de
pouvoir comparer avec le passé de ce voyou qui fut
mon père, qui dès ma naissance m'abandonnait à
l'Assistance Publique, et abandonnant sa femme qui
était ma mère. C'était la misère au Foyer. Elle a
accouché du bébé que j'étais, à la Maison de
Secours, dirigée par des Soeurs de la Charité. Son
mari, celui qui était mon père, pendant ce temps,
menait une vie de débauche avec une autre femme,
il s'est débarrassé de sa femme et de son enfant,
sans jamais chercher à nous revoir. Dès sa sortie
de la Maison de Secours, elle l'a revu, mais déjà
avec sa nouvelle femme, il a même voulu la battre,
il a demandé le divorce, sitôt que je venais de
naître. En ce temps l'Assistance Publique
réclamait la somme de 12 francs anciens, pour
pouvoir retirer l'enfant que j'étais. Elle n'a
jamais pu payer. Sa maman qui était ma grand-mère,
était pauvre et indigente, et comme sa fille qui
était ma maman, étaient toutes les deux sans
emploi. Et les hivers étaient très rudes en
LORRAINE, ils n'avaient même pas les moyens
d'acheter du chauffage. Pas de gaz ni
d'électricité, la neige durait pendant des mois,
je songe à cette triste vie qu'elle a dû subir et
elle n'avait que 27 ans. Lui, son ex-mari, mon
père, j'espère qu'il a bien mérité de souffrir sur
cette terre. Bambocheur, fainéant, je dirai même
crapule, il était venu dans ce village de LORRAINE
que je connais très bien, pour y avoir vécu toute
mon enfance, au petit village d'HARAUCOURT près de
DOMBASLE SUR MEURTHE, lui est venu d'un village de
la LORRAINE annexée à NIDERHOFF-MOSELLE. Il est
allé à l'école allemande, et a fait son service
militaire dans l'armée du Grand Reich. J'ignore
d'après son âge qu'il avait à ma naissance, si il
a fait la guerre de 1914-18 contre la FRANCE. Son
nom n'est pas allemand, puisque il se nommait
BELLOT, et que ce nom est dans le dictionnaire.
BELLOT, petit homme, beau et gentil, inscrit dans
le LAROUSSE. Ce village, où il rencontra la fille
qui devint maman, ma maman, s'appelle
SOMMERVILLER, avec le village où je fus placé,
chez de très pauvres gens, les terres des 2
communes étaient plutôt mélangées. HARAUCOURT
avait des vignobles, et des houblonnières, sur les
terrains de SOMMERVILLER. Ce n'était qu'à 3 km de
la commune où je suis demeuré, jusqu'à l'âge de 13
ans. Cette fille a très bien pu travailler à
cueillir les raisins et le houblon, ainsi nous
vivions tout près l'un de l'autre, mais nous
l'ignorions et nous ne pouvions pas nous
connaître. J'étais abandonné à l'Assistance, elle
n'avait plus aucun droit sur moi. Cette maman n'a
pas pu payer les 12 francs à l'Etat. Je n'ai
appris tout cela qu'à l'âge de 84 ans. Leur
mariage, leur séparation, il est allé vivre à la
ville de LUNEVILLE, la mairie m'a répondu qu'il
avait complètement disparu. Ainsi pour une modique
somme de 12 francs, je fus abandonné à la
D.D.A.S.S. Puisque je n'ai pas connu une vraie
maman, j'ai passé ma vie, d'abord avec une maman
délaissée avec un enfant de 6 ans. Elle est morte
à 36 ans. J'avais 30 ans. J'ai fait la
connaissance plus tard d'une maman, délaissée avec
2 enfants, de 10 et 14 ans. Elle est morte, elle
aussi d'une opération à l'âge de 67 ans. Ses
dernières paroles : " Je suis fichue , ils m'ont
charcuté ! ". Moi, j'avais 64 ans. Je suis en
retraite, je rencontre une maman placée chez les
malades mentaux par ses 4 enfants 3 filles et un
garçon. La maman n'a jamais plus voulu en entendre
parler, de ses mauvais enfants. Après 11 années de
bonheur, elle mourait d'un cancer, elle avait
l'âge de 67 ans. Moi, 77 ans. Je me retrouvais
encore une fois orphelin, je n'ai pas eu
d'enfants, j'aurais dû en avoir 2, mais le destin
en avait décidé autrement. Voilà 8 ans que j'ai
rencontré cette brave maman et grand-maman de 80
ans. Me voilà dans ma 86ème année, mon plus grand
désir serait de pouvoir retourner en LORRAINE,
revoir ces villages où j'ai passé mon enfance
jusqu'à l'âge de 13 ans. Puis pouvoir montrer à ma
compagne la ferme, l'écurie des chevaux, c'était
l'endroit où je couchais dans un lit de paille,
hachée par les souris pendant près de 7 ans, les
toiles qui servaient de drap étaient plutôt
pourries. J'y ai été dévoré par les poux appelés
totos, par les poilus de la guerre 1914. Mon corps
n'était plus qu'une plaie. Mes cheveux étaient
remplis de poux de tête, et puis j'ai encore connu
d'autres poux appelés je crois, morpions. Je n'ai
su le vrai nom, j'avais déjà 17 ans. Pourquoi ne
jamais avoir eu la visite d'un
Contrôleur-Inspecteur de l'Assistance Publique.
C'est ces hommes là qui étaient très bien payés,
puisqu'ils étaient de hauts fonctionnaires de
l'Etat, qui auraient pu empêcher que beaucoup de
ces jeunes gens, ne deviennent pas des voyous,
puisqu'ils se vengeaient comme ils pouvaient, à
force de subir des mauvais traitements. Les bêtes
étaient mieux soignées que tous ces malheureux
jeunes gens, qui n'avaient pas le droit de se
plaindre, car ils risquaient la Maison de
Correction, les Camps de Redressement, qu'ils ne
méritaient pas si les fonctionnaires chargés de
les surveiller devaient aller sur place, les voir
dans les mauvaises conditions qu'ils subissaient,
s'occuper un peu de tous ces exploitants,
exploitants de jeunes gens abandonnés, à
travailler de 12 à 14 heures par jour pour
quelques francs, et qu'à leur majorité à 21 ans,
ils avaient un livret de Caisse d'Epargne, où il y
avait de 10,00 Fr. à 12,00 Fr., de quoi se
rhabiller enfin convenablement. Heureusement que
pendant la guerre 1914 à 1918, on pouvait
s'habiller, avec ce que laissaient nos pauvres
poilus. Vestes, capotes, gros souliers, soit
français, américains et anglais. J'avais 85 ans,
je me suis engagé pour courir un cross organisé
par le journal NICE-MATIN. Il fallait courir 10 km
dans un endroit très difficile, des buttes, des
forêts, le parcours était réputé le plus dur de
FRANCE, par les vrais coureurs spécialistes de
cross. Je l'ai terminé, mais j'ai souffert d'un
mollet, je m'étais fait un claquage. J'étais
content de ma résistance à avoir couru ces 10 km.
Mon coeur était encore bon. Je viens d'écrire mes
mémoires de la guerre 1939-1945. J'ai porté mes
récits de ma guerre, prisonnier en AUTRICHE,
pendant 4 années. Il paraît que nous sommes une
quarantaine à avoir apporté nos récits de guerre
au Président des Anciens Combattants de
l'Association Nationale des Croix de Guerre et de
la Valeur Militaire. Nos récits ont été imprimés
et envoyés à PARIS, aux archives de l'Histoire,
Hôtel National des Invalides. Le Samedi 15 Mai, je
suis invité par des hommes de valeur militaire,
avec ma compagne, à un repas à CASTAGNIERS, dans
les collines niçoises. Le Préfet sera là pour nous
féliciter, ainsi que quelques Généraux. Depuis un
certain temps, ma vue a beaucoup baissé. Je suis
allé consulter, à l'occasion d'un séjour près de
PARIS, à VERRIERES LE BUISSON, près d'ANTONY, un
spécialiste pour les yeux à l'hôpital des
Quinze-Vingt à PARIS. Après examen, il a jugé que
je devais me faire opérer de la cataracte. En
revenant à NICE, je me suis fait opérer de l'oeil
droit. Cette opération a très bien réussi, et plus
tard, il sera question de m'opérer de la cataracte
de l'oeil gauche. Lorsque je me suis réveillé de
mon opération, j'ai éprouvé des ennuis de vessie,
celle-ci s'était bloquée, j'ai beaucoup souffert
de ne plus pouvoir uriner. J'ai appelé une
infirmière, elle m'a conseillé d'avaler des
cachets pour me faire dormir. Mais il fallait que
j'avale encore du liquide, alors que ma vessie
était déjà prête à éclater. Je souffrais
énormément, je suis allé dans leur bureau pour que
l'on appelle un Docteur. Il est tout de même venu
un étudiant je pense, il m'a mis une sonde très
délicatement, il connaissait très bien ce genre
d'opération. Je suis soulagé, mais au matin, cette
sonde on me l'enlève. Si bien que me voilà revenu
au même point, je souffre de la vessie. J'appelle,
mais il n'y a pas de Docteur. C'est 2 infirmières,
qui ne sont pas habituées à ce genre de travail,
elles me font beaucoup souffrir, je suis plein de
sang, enfin me voilà soulagé. Au matin, ma sonde
est encore enlevée. Le Docteur m'autorise à
quitter la clinique, vers le soir, ma compagne
vient pour me ramener à la maison. Je lui dis que
je recommence à souffrir de la vessie. Il va
falloir que je me rende chez un Docteur, elle est
ennuyée. Elle me dit - Mais qu'est-ce que je vais
faire de toi, dans un cas pareil ? Elle prend une
décision énergique, elle téléphone à l'oculiste
qui m'avait opéré, et qui n'est jamais venue me
rendre visite, comme elle me l'avait promis. Elle
lui explique dans quelles conditions je suis sorti
de la clinique. L'oculiste répond : - Il faut tout
de suite retourner à la clinique, je vous envoie
un Docteur spécialiste. Nous prenons vite un taxi,
et après un petit quart d'heure, me voilà dans les
mains du spécialiste. Je souffre un peu, mais je
vais être délivré. Je dois pendant un mois garder
cette sonde. Je serai opéré ensuite de la
prostate. Après être demeuré pendant 10 jours à la
clinique, je reviens à la maison. MAGUY est déjà
une bonne infirmière pour moi. Mais le
Docteur-Chirurgien me fait venir une infirmière
diplômée, elle viendra pendant 2 mois à la maison,
pour me faire un pansement tous les soirs. Je
désespérais car cette ouverture ne se cicatrisait
pas, il a fallu que je retourne plusieurs fois
voir le spécialiste pour me recoudre, la guérison
fut longue, mais j'étais aussi très fatigué, par
suite des 2 opérations coup sur coup. Toutes ces
interventions m'ont redonné le plaisir de vouloir
vivre ma retraite en bonne santé, puisque je vois
beaucoup mieux, c'est autrement agréable à me
promener, et je n'ai plus d'ennuis pour me rendre
au petit coin. Je suis presque un homme neuf. Avec
ma compagne MAGUY, nous sommes allés faire un
séjour de 2 semaines dans une maison de retraite à
MASSY PALAISEAU, près d'ANTONY, banlieue de PARIS.
Elle vient d'avoir 80 ans. Ses 5 enfants ont voulu
à cette occasion lui faire une belle fête, car en
même temps c'était la Fête des Mamans. Ses 3
petites-filles sont des mamans, ses trois filles
tout d'abord des mamans bien sûr. Les
petites-filles ont aussi des enfants. Si bien que
nous étions près de 40, à cette réunion de
famille. Ce fut une belle grande fête, tout ce
monde était joyeux de se retrouver tous réunis.
Tout ce monde est arrivé en voiture, entre 11
heures et 1 heure de l'après-midi. On avait
l'impression de tourner un film à la campagne.
Nous débarquions tout comme des artistes, chacun à
la descente de voiture était filmé, par une caméra
qui nous filmait pendant 50 mètres jusqu'à
l'arrivée à la salle de restaurant. C'était dans
une ancienne grande ferme de cultivateurs, cela
donnait l'impression de rentrer dans la cour du
Château de VERSAILLES. Il y avait de gros pavés,
une belle porte tout comme l'entrée d'un musée.
Chacune et chacun avait revêtu ses plus beaux
habits pour la circonstance. Anniversaire de la
mamie, anniversaire de plusieurs enfants et Fête
des Mamans. Le soleil était au rendez-vous, un
vrai ciel bleu de COTE-D'AZUR, toutes sortes
d'oiseaux qui chantaient pour nous accueillir,
sans oublier les belles hirondelles qui
virevoltaient au-dessus de nos têtes. Cette
réunion avait lieu dans les environs de MEAUX,
après avoir passé près de SOISSONS. Cette grande
réunion familiale fut vraiment bien réussie. Tout
ce monde pourra revivre ces instants merveilleux
grâce à cette caméra. La date d'anniversaire
tombait bien pour les 80 ans de mamie, car la
nature était en fête. Les campagnes étaient
jolies. Les champs de blé qui semblaient se
sauver, tellement le vent les faisait onduler, on
y voyait des champs de toutes les couleurs,
ressemblant à des échantillons de tissus de toutes
sortes de couleurs. Pendant les 15 jours que nous
avons vécus à la Résidence de la Retraite pour
Cadres, nous avons été très bien traités. Tous les
matins, on nous apportait notre petit déjeuner
copieux dans la chambre, au restaurant les repas
étaient très bien servis, les menus étaient très
bons et très changeants. Nous y avons fait de très
bonnes nuits, nous ne nous levions qu'à 8 heures
et demi. Une vraie vie de pacha. Tous les jours,
les matins, j'allais faire des promenades dans un
immense parc, et je chantais pour accompagner les
oiseaux. Il y avait un grand lac avec de grandes
bandes de poissons rouges. C'était un beau
spectacle à les voir, lorsque le soleil éclairait
l'eau, cela ressemblait à un miroir, d'où l'on
pouvait distinguer de grandes taches rouges,
qu'étaient les poissons. Plusieurs après-midi,
nous nous sommes promenés, avec MAGUY et sa fille
Monique, et d'autres jours avec sa petite-fille
Elisabeth et ses 2 petits-enfants Nicolas et
Stéphanie. Puis un jour, elle nous a emmené voir
sa maison qu'elle fait construire à FORGES LES
BAINS dans la vraie campagne. Elle a voulu fêter
les 80 ans de sa mamie, en nous payant un petit
souper dans un restaurant de campagne, c'était un
coin de paradis, ce restaurant avec un jardin
superbe. MAGUY a envie de connaître l'ORIENT, elle
fait les démarches pour effectuer ce grand voyage
vers HONG-KONG non loin de la CHINE, dans le mois
de Novembre, où le climat est moins chaud. Elle
est en pourparlers avec les prix. Il y aurait de
grandes différences de prix à discuter entre
plusieurs agences. Si ce voyage s'accomplit, nous
aurions l'occasion de revoir des anciens collègues
de la Coopérative, où j'étais employé en LORRAINE.
Ma compagne MAGUY a dû décliner à l'agence qu'elle
n'était pas en assez bonne condition pour
effectuer ce long voyage en THAILANDE. Il m'a
fallu le faire seul, la chambre fut partagée par
un responsable de l'agence FILCOOP. J'ai visité le
pays dans tous les sens, mais je n'ai jamais eu le
coeur gai, bien sûr j'ai appris bien des choses
sur les coutumes de ces lointains pays d'ASIE. J'y
ai dégusté beaucoup de fruits directement des
arbres, bananes, noix de coco, pamplemousses, etc,
etc. J'ai vu des habitants émigrés des guerres du
VIET-NAM, CAMBODGE, LAOS, etc, vivant comme des
bestiaux en pleine jungle, beaucoup ne sont même
pas civilisés, lorsque j'ai visité, le temps était
froid et pluvieux, c'était à 1000 mètres, au Nord
de la THAILANDE, ils étaient à tous les vents et
grelottaient. Lorsqu'il fait chaud, ils vivent
avec ce qui pousse dans la forêt, et si il fait
froid, eh bien ils meurent tout simplement, ils ne
sont pas reconnus habitants de la THAILANDE. Par
bateau nous sommes allés jusqu'à la Mer de CHINE,
appelée dans une île, la Mer de CORAIL. On
découvre ces coraux par le fond du bateau qui est
verré, sous nos pieds, tout comme le Commandant
COUSTEAU. Je me suis baigné dans cette mer. Les
marchés sur les canaux se font en barques, chacun
apporte fruits et légumes qui poussent sans cesse,
par l'humidité et la chaleur. C'est pittoresque.
Nous sommes allés au TRIANGLE D'OR, c'est
l'endroit des trois frontières : la BIRMANIE, le
LAOS et la THAILANDE. C'est de là que part le plus
grand trafic de drogue, d'opium, pour tous pays.
J'ai vu le fleuve le MEKONG, long de 4 800 km.
Dans nos excursions en car, notre animateur était
un petit Chinois qui parlait bien le français, il
nous a appris beaucoup de choses sur la THAILANDE
et ses pays voisins, le LAOS, BIRMANIE. Nous avons
visité beaucoup de temples superbes, il y en avait
de très anciens. Certains étaient recouverts d'or.
Des anciens temples servent de petites montagnes
où les singes vivent en liberté. Il y en a des
centaines et des centaines. Ils traversent la
route où passent de nombreuses voitures, car ils
vont d'un temple à l'autre sans se soucier du
danger de la route. Ils n'ont pas peur, ils sont
voleurs, les dames doivent se méfier de leur sac à
main, de leur collier, ils attrapent tout.
Beaucoup de chiens vivent avec eux. C'est les
singes qui pouillent les chiots. Ces singes sont
venus de la jungle toute proche, ça pullule. Il y
en a à tous les immeubles, ils rentrent dans les
appartements. On visite un troupeau d'éléphants
dans la jungle, les cornacs les font travailler à
manipuler des troncs d'arbres. Il y a la rivière
KOUAILLE, on la traverse sur une passerelle
branlante, tout comme dans les films de TARZAN
chez les singes. Chaque touriste achète une
dizaine de bananes, que l'on distribue aux
éléphants. On monte à 2 personnes sur leur dos, et
on fait un petit dans la jungle. Le cornac
conduit, placé vers la tête. Nous visitons des
tribus de gens non civilisés, qui ne sont pas
habitants de THAILANDE. Tout était en fleurs dans
des coins de la forêt, au Nord du pays. C'est des
coins de paradis, tellement c'est beau, on voit
des papillons de toutes couleurs gros comme des
oiseaux. On voit des Bonzes partout, ils ne font
rien que de prier, leur nourriture est offerte par
les gens du pays. Partout dans les
hôtels-restaurants, des jeunes filles
cambodgiennes, chinoises, enfin de toutes les
races qui se trouvent dans ce pays, vous
accueillent en vous saluant, elles joignent leurs
mains et elles s'inclinent, elles vous épinglent
une fleur à la boutonnière, puis vous servent un
verre d'orangeade. Je leur trouve à toutes une
figure de Chinoises, elles ont l'air très douces.
Je suis monté sur un pousse-pousse vélo, le gars
pédale nous sommes 40, chacun son pousse-pousse.
Ils nous emmènent à 2 km. Nous sommes invités à un
théâtre, l'on doit se déchausser, nous nous
asseyons par terre sur la moquette, un repas
thaïlandais nous est servi. Sur la scène, il y a
de belles jeunes filles du pays, elles dansent,
elles sont gracieuses et l'on prend plaisir à les
contempler. C'était vraiment un beau spectacle. La
ville c'est le BANGKOK de fête la nuit, beaucoup
d'animation beaucoup de vendeurs d'objets de
toutes sortes. Nous avons visité une fabrique de
soie, depuis lever à soie, l'on voit tout le
travail jusqu'à la finition en bas, dessous
féminins, etc. Une fabrique d'objets en argent,
très beau travail. Une fabrique de petits
parapluies, ombrelles. Une fabrique de sacs en
cuir. Tous les articles sont ensuite présentés
dans de beaux magasins, où nous attendent des
jolies filles du pays. On nous offre une boisson,
elles nous épinglent un bouton de rose à la
boutonnière. Après il faut acheter, nous sommes
suivis par les vendeuses, elles talonnent le
client. Moi je n'achète rien, cela m'ennuie d'être
suivi ; à chaque magasin je m'efforce de retrouver
la sortie, je sors, et je repère la troupe lorsque
elle revient dans le car. Ce voyage me laisse de
beaux souvenirs de ces pays lointains d'ASIE.
Dommage qu'à quelques jours du départ j'ai dû
faire ce voyage seul, MAGUY était trop mal en
point pour accomplir toutes les visites,
excursions en THAILANDE. J'ai eu 85 ans voilà 6
mois. Une fête est donnée par la ville de NICE, et
le Conseil Général du département. Cela se passe
dans un nouveau parc appelé PARC DU CHATEAU DES 2
ROIS. Il y a un lac, où les enfants peuvent se
baigner sans danger, il y a des jets d'eau qui les
arrosent et ils s'en paient à coeur joie. Une
course est organisée, c'est un cross pour ceux qui
veulent éprouver la résistance de leur coeur. Je
me fais inscrire, puisqu'il n'y a pas de temps
limité pour l'arrivée devant les tribunes de
contrôle. Le départ a lieu à 10 heures. D'après
les responsables, je suis le plus âgé de tout le
lot. Il y a de tous les âges, des athlètes
professionnels, des vétérans de 50 à 78 ans. Dès
le départ tout le lot, comme les chevaux de
course, ils foncent à toute allure. Moi je reste
sage, l'essentiel pour moi est de contrôler mon
coeur, en espérant pouvoir terminer en assez bonne
forme. Les kracks n'ont mis qu'une 1/2 heure pour
accomplir les 12 km du parcours. Moi je terminerai
après 1 heure 40 minutes, il y a 4 km avec des
escaliers sur 500 mètres de montée. C'est un
parcours assez dur. Mais puisque j'ai soin de
ménager ma monture, je suis sûr de pouvoir finir.
On ne croit pas à ma victoire, le C.R.S. en
mobylette ne m'a pas vu. Il dit au 1er contrôle de
ravitaillement : - Vous pouvez remballer, il n'y a
plus de coureurs ! Tout à coup ils me voient
débusquer d'une montée, cachée par des taillis.
Ils sont très surpris que je sois encore dans la
course. Ils veulent me combler d'oranges, de
citrons, d'eau minérale. Je n'ai envie de rien, je
n'ai jamais trop forcé, je n'ai encore pas sué.
Après 8 km, c'est un responsable de la course, qui
vient me demander si j'abandonne. Je lui réponds :
- Lorsque je prends le départ, je vais jusqu'au
bout ! Maintenant, c'est un agent en mobylette qui
vient m'accompagner jusqu'à l'arrivée, en me
montrant le chemin. Il est à une dizaine de mètres
devant moi, je lui dis : - Je crois que
j'arriverai pour le repas de midi ! Il est
surpris. Je n'ai plus que 2 km à trottiner,
j'arrive à midi moins 20. Des chefs C.R.S. me
crient : - Allez, maintenant foncez vite vers le
podium ! Le micro de la tribune annonce : -
Applaudissez-le bien fort ! C'est le vétéran âgé
de 85 ans. Alors, c'est sous les applaudissements
nourris que je termine le cross de 12 km. Il y
avait un buffet bien garni de bonnes choses, et du
bon champagne. Je suis appelé pour monter à la
tribune, pour recevoir les récompenses et
félicitations. Je reviens à la maison pour
chercher ma compagne MAGUY, car l'après-midi il y
a une fête dans le parc, suivi encore d'un buffet
très bien garni. Je ne regrette pas d'avoir
participé à ce cross.
Peut-être plus tard, une
autre année, si le parcours était diminué de
moitié, il faut être sage.
Documents
Cf le CD
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