Jacques BOUBAL
Georges
HENRY
085
9 Mars
1945
La
retraite de Chine
Guerre
1939 - 1945
Témoignages
Nice
- Décembre 1990
Analyse
des témoignages
Mille kilomètres de pistes
En
Indochine
Écriture
: 1990 - 60 Pages
Odyssée
vécue par Jacques Boubal et Georges Henry
à
la suite du coup de force japonais du
9
Mars 1945 en Indochine.
Postface de Michel El baze
Cho Bo, Moc Chau, Petit
Conoï, Son-La, Col des Méos, Tuan Giao,
Dien-Bien-Phu, Houei-Houn-Tay-Chang, Muong Khoua,
A Pa Chai, Malitao Des noms qui chantent, les
lieux des durs combats qu’évoquent Boubal et Henry
dans leur Odyssée vers la Chine après le coup de
force japonais du 9 mars 1945 en Indochine. 2219
victimes parmi les soldats français dont 716 tués
au combat. Lourd tribut avant d’atteindre Sze Mao
dans le Yunnan où se regroupent les rescapés avant
d’atteindre le camp de Tsao-Pa, dernière étape de
la longue marche vers la Chine. Après la défaite
japonaise, ce n’est que le 18 Janvier 1946 que le
général Salan obtient de Chang Kaï Check son
accord pour la relève des troupes chinoises du
Laos par les troupes françaises de Chine. Commence
alors un long périple de retour que Boubal et
Henry racontent avec le souci du détail et la
précision qui fait l’intérêt de ce témoignage,
contribution importante à notre connaissance de
l’oeuvre des troupes françaises en Extrême Orient.
Cho Bo, Moc Chau, Petit
Conoï, Son La, Collar of Méos, Tuan Giao, Dien
Bien Phu, Houei Houn Tay Chang, Muong Khoua, A
Pa Chai, Malitao Names that sing, places of the
hard combats That evoke Boubal and Henry in
their Odyssée to China after the Japanese force
knock of 9 March 1945 in Indochina. 2219 victims
among French soldiers whose 716 killed to the
combat. Heavy tribute before to reach Sze Mao in
the Yunnan where regroup survivors before to
reach the camp of Tsao Pa, last stop of long
walks to China. After the Japanese defeated,
this is not before the 18 January 1946 that the
general Salan obtains from Chang Kaï Check his
agreement for the relief of Chinese troop of
Laos by French troops of China. Begins then a
long journey of return that Boubal and Henry
tell with the concern of the detail and the
precision that makes the interest of this
testimony, important contribution to our
knowledge of the French troop work in Extreme
Orient.
PRÉFACE du
Général Jean Carbonel
Jusqu'à la deuxième guerre
mondiale, le dispositif militaire en Indochine du
Nord répondait à une double exigence : - d'une
part, assurer le maintien de la souveraineté
française et la protection éventuelle de nos
ressortissants - d'autre part, tenir le pays à
l'abri des incursions épisodiques de bandes
chinoises franchissant la frontière pour piller
nos villages. La première de ces missions était assurée
par l'implantation d'unités de l'ordre du
Bataillon, presque entièrement européennes, dans
les Centres du Delta, d'où elles étaient en mesure
d'intervenir rapidement en cas de besoin. La
sécurité intérieure ne fut d'ailleurs jamais
sérieusement inquiétée. L'affaire de Yen-Bay en
1930 ne fut qu'un coup de main d'éléments
hostiles, avorté grâce au loyalisme des unités
indochinoises de la garnison. Il existait, il est
vrai, quelques groupes d'irréductibles, mais ils
se cantonnaient dans le Bac Son et le Thanh Hoa et
étaient aussi réduits qu'inefficaces. Quant à la
population indochinoise, malgré une tendance
nationaliste fort compréhensible, elle restait
loyale et, jamais, la solidarité
franco-indochinoise ne fut aussi marquée que
durant l'Occupation japonaise de 1940 à 1945. La deuxième mission était confiée à des
unités indochinoises stationnées dans les
territoires frontières et d'une importance
inversement proportionnelle à leur éloignement de
la frontière. "Sonnettes" d'une section sur chaque
piste conduisant en Chine, on trouvait ensuite des
compagnies plus en arrière, puis des bataillons
sur chaque grand itinéraire menant à Hanoï. Une
sérieuse lacune : l'absence totale de rocade
intérieure permettant de déplacer nos réserves
latéralement tout le réseau routier convergeait en
étoile vers Hanoï. Ce dispositif était donc marqué
du signe de l'éparpillement, sans grande
possibilité de regroupements éventuels.Le début de la guerre, en 1939, éclata
comme un coup de tonnerre dans un ciel tranquille.
Il était en effet notoire que la Thaïlande et la
Chine nourrissaient des ambitions sur nos
territoires, et l'on pouvait craindre que ces
puissances ne profitent de la priorité donnée à
l'Europe pour se manifester. Il existait enfin un
corps de bataille japonais engagé contre les
Chinois au Kouang Si et au Kouang Toung, dont la
proximité était peu rassurante. Or, si notre
dispositif militaire suffisait à peu près pour la
routine du temps de paix, il était parfaitement
inadapté aux exigences d'un conflit contre une
armée moderne. Notre armement, très désuet, ne
pouvait, ni en nombre, ni en qualité, notamment en
artillerie et en aviation, rivaliser avec celui
d'un adversaire éventuel. D'autant que ce dernier,
déjà assuré de la supériorité numérique,
bénéficierait de possibilités de concentration,
pour nous irréalisables. Un conflit d'une certaine
envergure nous trouverait donc dans un état
d'infériorité dramatique, tant sur le plan
numérique que sur les plans matériel et tactique,
notre émiettement et l'insuffisance de nos moyens
de déplacement - camions et routes - ne nous
permettant aucune manoeuvre d'ensemble. Les
Japonais ne s'y trompèrent pas, qui, dès leur
entrée en Indochine en 1940, s'attachèrent à
"marquer" toutes nos unités. Dès 1939, les Hautes Autorités de
l'Indochine prirent les devants, d'abord en
accroissant les effectifs militaires par une levée
exceptionnelle, ensuite en cherchant à se procurer
le matériel nécessaire. Une mission fut envoyée
aux États-Unis. Mais l'Administration américaine,
superbement oublieuse du traitement infligé
autrefois aux Indiens sur leur territoire, était
foncièrement hostile à la présence française
"colonialiste" en Indochine, et notre demande fut
catégoriquement refusée. Il apparut alors que,
tout au moins dans l'immédiat, nous ne pourrions
compter que sur nous-mêmes, en espérant cependant
que, en cas de conflit grave, des éléments alliés
finiraient bien par nous venir en aide. D'où, je
pense, pour le Haut-Commandement, le souci de
pouvoir résister aussi longtemps que possible, et
l'espoir d'une intervention alliée avant qu'il ne
soit trop tard. C'est ainsi que furent fortifiées
certaines places de la frontière Nord-Est du
Tonkin. Mais des fortifications non continues,
entre lesquelles n'est prévu aucun corps de
bataille, et qui, par surcroît, ne disposent que
de moyens modestes, ne peuvent espérer tenir
longtemps. Nous en eûmes, hélas, la confirmation
cruelle. Quant à l'éventualité d'une aide
extérieure, j'ignore si le Haut-Commandement avait
reçu des assurances, mais je puis affirmer que le
Commandement local, en l'occurrence le Général
Alessandri, y croyait fermement. J'en donne
ci-dessous quelques preuves : - Quelques jours après le 9 Mars, le
général me déclara, avec un large sourire, "Je
vous garde en réserve car des renforts alliés vont
arriver dans la cuvette de Dien-Bien-Phu et, étant
donné votre connaissance de la langue anglaise,
vous serez mon Ministre des Affaires Étrangères
(sic)" - Vers la mi-Mars, des parachutistes furent
largués sur le P.C. du général à Son-La. L'un
d'eux tomba sur le toit de notre paillote le
général, radieux, le prit par le bras et, se
tournant vers nous, "Messieurs, nous dit-il, voici
le premier". L'enthousiasme tomba quand le
Capitaine Cortadellas, qui commandait le stick de
10 parachutistes, nous apprit qu'il venait des
Indes, où n'existaient que 3 sticks opérationnels
de 10 hommes chacun, et 2 en cours d'entraînement
- Lorsque, dans la nuit du 25 au 26 Mars, le
Général Alessandri me confia le commandement du
s/groupement "C", d'une valeur de 3 bataillons,
qui allait opérer sur l'axe Son-La, Tuan Giao,
Dien-Bien-Phu, Phong Saly, Muong Outay, ses ordres
furent très nets "Mener une action retardatrice
pour donner aux renforts le temps d'arriver". Mais l'espoir d'une aide extérieure
fondit rapidement, et la réalité ne fut exprimée
sans ambages, bien qu'avec compréhension et
sympathie, un jour de la deuxième quinzaine
d'Avril alors que, installés sur une colline, nous
attendions l'attaque japonaise que nous savions se
préparer. Deux avions légers se posèrent sur la
rizière sèche nous séparant du bois où se
rassemblaient les Japonais. En sortirent un haut
fonctionnaire venant de Paris et un Commandant
venant des Indes. J'exposai alors notre situation
: manque d'armes lourdes, absence de tout
ravitaillement, munitions touchant à leur fin,
manque total de médicaments, blessés laissés sur
place, hommes épuisés… Il me fut répondu que cette
situation était connue, qu'aucune aide ne pouvait
malheureusement nous être apportée, et que, en
fait, nous étions voués à un "bain de sang" (sic).
Et comme des coups de feu, partant des lignes
japonaises, commencèrent à claquer, les avions
décollèrent rapidement, mettant fin à des
illusions qu'en fait, nous avions déjà perdues. Dans ses "Mémoires de guerre", le Général
de Gaulle donne une appréciation très exacte de
cette période dramatique. En voici quelques
extraits :
On devait être assuré que,
d'un jour à l'autre, les Japonais liquideraient
l'Administration et la Force Françaises, et
qu'ils le feraient de la façon la plus soudaine
et la plus brutale… Connaissant la malveillance
des alliés, surtout américains, à l'égard de
notre position en Extrême-Orient, je tenais pour
essentiel que nous fussions, là aussi, des
belligérants… L'agression japonaise ne faisant
aucun doute, je voulais que nos troupes se
battent, en dépit de ce que leur situation
aurait de désespéré. Malgré les incessantes
démarches du gouvernement français, Washington
s'opposa toujours au transport, vers
l'Extrême-Orient, des troupes que nous tenions
prêtes en Afrique ou à Madagascar. Les combats
engagés en Indochine n'amenèrent aucun
changement dans l'attitude des États-Unis. Les
combats en Indochine se déroulèrent dans les
plus amères conditions : surprise, isolement,
manque de moyens, impression que Dieu est trop
haut et la France trop loin. Mais les efforts et
les sacrifices n'en furent que plus méritoires.
Dans le capital moral d'un peuple, rien ne se
perd des peines de ses soldats".
Cette dernière phrase ne
peut qu'aller droit au coeur des soldats
professionnels de ma génération qui, après avoir
entendu leur grand-père leur raconter la guerre de
1870, ont vécu leur adolescence durant la guerre
de 1914-1918 faite par leur père, puis ont connu
eux-mêmes - même s'ils n'y ont pas participé
directement - les guerres du Maroc et de Syrie
1925-1926, la guerre de 1939-1945, celle
d'Indochine 1945-1954, enfin celle d'Algérie
1954-1962. Mais que penser des garçons - non
professionnels, eux - que, seul, le fait d'avoir
leur âge au moment critique projeta dans une
aventure dramatique où ils risquèrent leur vie ?
Il est réconfortant de penser que certains d'entre
eux n'oublient pas, ne gardent aucune amertume de
leurs épreuves et les racontent avec une verve et
une précision non dépourvues d'humour. C'est le
cas de Monsieur Henry, qui servait alors au
Service Géographique de l'Indochine, et de
Monsieur Boubal qui, âgé de 20 ans, accomplissait
alors son service militaire. Je leur laisse la
parole et leur exprime ma très cordiale sympathie.
Until the second world
war, the military device in North Indochina
replied to a double demand : - on the one hand,
to insure the maintenance of the French
sovereignty and the possible protection of our
nationals - on the other hand, to hold the
country under cover episodic inroads of Chinese
bands crossing the frontier to loot our
villages. The first of these
missions was insured by the implantation of
units in the order the Battalion, almost
entirely European, in Centers of the Delta,
where they were in measure to intervene rapidly
in case of need. The internal security was not
elsewhere ever seriously worried. The affair of
Yen-Bay in 1930 was only a knock of hand of
hostile elements, aborted thanks to loyalisme of
indochinoises units of the garrison. It existed,
it is true, some group irreducible, but they
quartered in the Bac Son and the Thanh Hoa and
were also reduced that ineffective. As for the
indochinoise population, despite a strong
comprehensible nationalistic tendency, it would
remain loyal and, never, the solidarity
franco-indochinoise was also marked during the
Japanese Occupation of 1940 to 1945. The second mission was
confided to indochinoises units parked in
frontier territories and an importance
conversely proportional to their removal of the
frontier. "Bells" of a section on each tracks
driving to China, one found then more in rear
companies, then battalions on each great
itinerary leading to Hanoï. A serious gap : the
total absence of internal bypass allowing to
displace our reserves, all the road system
converged in star to Hanoï. This device was
therefore marked with the sign of the
scattering, without great possible roundup
possibility. The debut of the war, in
1939, burst as a knock of thunder in a tranquil
sky. It was indeed notorious that Thailand and
China fed ambitions on our territories, and one
could fear that these powers do not profit the
priority given to Europe to demonstrate. It
existed finally a Japanese battle body committed
against Chinese to the Kouang Si and to the
Kouang Toung, whose proximity was little
rassurante. If our military device sufficed
almost for the routine of the time of peace, it
was perfectly maladjusted to demands of a
conflict against a modern army. Our armament,
very obsolete, could not, neither in number,
neither in quality, notably in artillery and in
aviation, to rival with a possible adversary. As
much that this last, already insured the
numerical superiority, would benefit from
possibilities of concentration, for us
impracticable. A conflict of a certain scale
would find us therefore in a dramatic
inferiority state, so on the numerical plan that
on tactical and material plans, our émiettement
and the insufficiency of our ways of
displacement - trucks and roads - allowing us no
totality manoeuvre. Japanese did not deceive
there, that, from their entry in Indochina in
1940, attached "to mark" all our units. From 1939, the High
Authorities of Indochina take aheads, first in
increasing the effective soldiers by an
exceptional raising, then in seeking to obtain
the necessary equipment. A mission was sent to
U.S.. But the American Administration, superbly
oblivious of the inflicted processing formerly
to Indians on their territory, was fundamentally
hostile to the french colonialist presence in
Indochina, and our demand was categorically
refused. It seam while, whole at least in the
moment, we could have count only on ourselves,
in hoping however that, in case of serious
conflict, elements allied would finish by coming
us in assistance. From where, I think, for the
High-Commandment, the concern to power resist as
long as possible, and the hope of an
intervention allied before it is not too late.
Thus it is that were fortified some places of
the North-east frontier of the Tonkin. But non
continuous fortifications, between which is
anticipated no battle body, and that, moreover,
have only modest ways, can not hope to hold
long. We have had, hélas, the cruel
confirmation. As for the possibility of an
external assistance, I ignore if the
High-Commandment had received insurances, but I
am able to assert that the local Commandment, in
the occurrence the General Alessandri, believed
it firmly. I give below some evidences : - Some days after 9 Mars,
the general declared me, with a large smile, I
guard you in reserve because of reinforcements
allied are going to arrive in the basin of Dien
Bien Phu and, given your knowledge of the
English language, you will be my Foreign
Minister Businesses (sic) - To the mi-Mars,
parachutists were loosed on the P.C. of the
general in Son La. One of them came across the
roof of our "paillote" the general, radiant,
took him by the arm and, turning to us,
"Gentlemen, here is the first". The enthusiasm
fell when the Captain Cortadellas, that ordered
the stick of 10 parachutists, said that he came
from Indias, where existed only 3 operational
sticks 10 men each, and 2 under way of training.
- When, in the night of 25 to 26 Mars, the
General Alessandri confided me the commandment
of the s/ grouping C, a value of 3 battalions,
which was going to operate on it centers Son La,
Tuan Giao, Dien Bien Phu, Phong Saly, Muong
Outay, his orders were very net "to Lead an
action "retardatrice" to give to reinforcements
the time to arrive. But the hope of an
external assistance smelted rapidly, and the
reality was expressed, although with
comprehension and sympathy, a day of the second
fortnight of April while, installed on a hill,
we waited the Japanese attack that we knew to
prepare. Two light airplanes posed on a dry
"rizière" separating us from woods where
Japanese gathered. In exited a high official
coming from Paris and a Commander coming from
Indias. I exposed then our situation : lack of
heavy arm , absence of all supply, ammunitions
touching their end, total lack of medicine, hurt
left on the spot, men exhausted... It was
replied me that this situation was known, that
no assistance could unfortunately be brought us,
and that, in fact, we were vowed to a bath of
blood (sic). And as knocks of fire, leaving from
Japanese lines, began to smack, had unglued them
rapidly, putting an end to illusions that in
fact, we had already lost. In its Memories of war,
the General of Thrashes gives a very exact
appreciation of this dramatic period. In here is
some extract :This last sentence can only go straight
to the professional soldier heart of my
generation who, after having heard their
grandfather to tell them the war of 1870, have
lived their adolescence during the war of
1914-1918 made by their father, then have known
themselves - even if they have not there
directly participated - wars of Morocco and
Syria 1925-1926, the war of 1939-1945, this of
Indochina 1945-1954, finally that of Algeria
1954-1962. But what to think from boys - non
professionals, them - which, alone, the fact to
have their age to the critical moment projected
in a dramatic adventure where they risked their
life ? It is comforted to think that some of
them do not forget, keep no bitterness their
tests and tell them with an animation and a
precision non deprived of humor. It is the case
of Sir Henry, that served then to the
Geographical Service of Indochina, and Sir
Boubal who, old of 20 years, accomplished then
his military service. I leave them the word and
expresses them my very cordial sympathy.
Table
PREFACE 7
Situation géographique de
l'Indochine française 12
La
Mémoire 16
1ère
Partie 17
1000 km de piste
Notre
arrivée en Indochine 18
Georges
Henry 18
Jacques
Boubal 19
Tong
19
Le
coup de force japonais du 9 Mars 1945 22
Rapport
Fleutot 22
Autres
renseignements sur l'imminence
de
l'attaque 23
Nuit
du 9 au 10 Mars 1945 23
Le
bac de Trung-Ha 24
Than-Son
25
Itinéraire
26
Du
31 Mars au 4 Avril 45 28
Mai
45 28
Le
tragique bilan de cette campagne
Parachutages
anglais 31
Interventions
de la chasse américaine 31
Combats
31
Malitao
31
Chine/Yunnan
31
Chih-Ping-Tchou
32
Le
camp de Tsao-Pa 34
La
vie au camp 34
Qui
est le Lieutenant-Colonel
Robert
Quilichini ! 35
Formation
des T.F.C. -
Groupement
Quilichini
au
départ de Tsao Pa 37
L'équipement
des troupes 37
Kunming
38
2ème
Partie 41
Le
retour victorieux
Pourparlers
42
La
Mission Béarn 42
Mise
en route du Groupement Quilichini 43
Le
trajet de Tsao Pa à la
frontière
indochinoise 43
Lai-Chau
45
L'avancée
victorieuse 45
Tuan
Giao 46
La
victoire de Dien-Bien-Phu 47
Situation
militaire dans la région 48
Quilichini
à Dien-Bien-Phu 49
Extrait
de l'ouvrage "Le Destin de
l'Indochine"
52
Dien-Bien-Phu
le 15 Juin 1946 52
Ordre
du Jour du Général Leclerc
aux
Troupes Françaises de Chine 52
Texte
de la Citation à l'Ordre de l'Armée 53
attribuée
aux Forces Françaises de Chine.
"Morts
en forêt" 53
Les
Américains 54
Bombes
atomiques des 6 et 10 Août 54
sur
Hiroshima et Nagasaki au Japon
André
Teulières 54
A la mémoire de nos
camarades tués au combat
morts
d'épuisement sur les pistes
disparus
dans la jungle
et
aux survivants, héros inconnus de cette odyssée
prélude
d'une "guerre d'Indochine"
qui
dure encore à l'heure où nous écrivons ces lignes.
La mémoire
La
mémoire : seul bagage incessible
Jacques ATTALI
Situation géographique
de
l'Indochine française
En 1945 l'ensemble des pays
qui forment l'Union Indochinoise de souveraineté
française, c'est-à-dire : Tonkin, Annam,
Cochinchine, Cambodge et Laos s'étend sur 740 000
km2, soit 1 fois 1/2 la superficie de la France -
1 700 km de Dong-Dang sur la frontière chinoise, à
la pointe de Camau, soit la distance qui sépare
Norwich en Angleterre, de Valence en Espagne - 200
km dans sa partie la plus étroite - 2 600 km de
façade maritime - 3 200 km de frontière
continentale - 2 grands fleuves : le Mékong 4180 Kms,
qui prend sa source au Tibet, traverse le Yunnan,
le Laos (qu'il sépare de la Thaïlande), le
Cambodge et la Cochinchine, pour se jeter dans la
mer de Chine - le Fleuve Rouge (Song Laï) qui se
jette dans le Golfe du Tonkin (2000 km). Habitants aussi différents que le pays
lui-même. Le Tonkinois ne ressemble en rien, à
l'Annamite du centre, ou au Cochinchinois. Il n'a
rien à voir non plus avec le Cambodgien ou le
Laotien. Sans oublier de nombreux groupes
ethniques venant des migrations chinoises, ou
indonésienne, bien avant Jésus-Christ. Nombreux
Chinois dans les capitales, ils tiennent le
commerce. Au nord Tonkin : les Thaïs, les Thos,
les Muongs. Au sud : les Rhadés, les Moïs. Pour ne
citer que les plus importants. Hanoï : capitale administrative. Hue : la
Cour Royale. Saïgon : capitale commerciale.
Royaume du Cambodge : Capitale Phnom Penh. Royaume
du Laos : Luang Prabang. 40 000 Français environ
dont :15 000 militaires européens et 4000
fonctionnaires. Le reste : colons, planteurs,
commerçants, industriels. La présence française
ayant débuté en 1624 par l'arrivée du Père Jésuite
Alexandre de Rhodes. L'ensemble du pays est divisé en
provinces à la tête desquelles se trouvent des
Résidents, hauts fonctionnaires français. Un
gouverneur général, en poste à Hanoï est
dépositaire des pouvoirs de la République.
L'administration indigène demeure en place dans
les protectorats.
Rappel historique
Après avoir envahi la
Mandchourie en 1931 : les Japonais se battaient en
Chine depuis 1937, les Chinois étant ravitaillés
en matériel de guerre américain principalement par
le Tonkin (chemin de fer du Yunnan) et par la
route de Birmanie, d'où menaces réitérées du Japon
contre la France et contre l'Angleterre. Les Japonais profitent de la défaite
française de Juin 1940 pour imposer au Général
Catroux Gouverneur Général de l'Indochine, la
présence d'une Commission de contrôle nippone. Le
20 Juillet 1940, le Général Catroux est remplacé
par l'Amiral Decoux. Le 2 Août 1940 le
gouvernement japonais adresse un ultimatum à Vichy
réclamant, entre autres, le libre passage de ses
troupes sur le territoire indochinois. Le 30 Août
1940 est signé à Tokyo un accord établissant le
principe d'une présence militaire japonaise au
Tonkin. L'Amiral Decoux renâcle et fait traîner en
longueur les pourparlers d'application de cet
accord. Le 5 Septembre 1940 l'armée japonaise du
Kwang-Si se présente à la frontière près de
Dong-Dang à 20 km de Langson. L'Amiral Decoux y
ayant dépêché plusieurs bataillons, les Japonais
renoncent à entrer en force. La bataille aura lieu
quand même quelques jours plus tard,
vraisemblablement du fait de l'impatience des
chefs militaires japonais qui attaquent Langson du
22 au 25 Septembre 1940 cependant qu'une escadre
japonaise bombarde Haïphong. Bilan des combats de
Langson :150 morts dont 15 officiers. A noter que
ni les Chinois, ni les Anglais, ni les Américains
n'ont esquissé le moindre geste pour défendre
l'Indochine, ces derniers ayant même refusé toute
vente d'armes à la mission que le Général Catroux
avait envoyé aux U.S.A. à cet effet. Les Japonais
peuvent donc, dans un premier temps, occuper
l'Indochine du Nord, mais tempèrent cette
provocation en libérant 1000 prisonniers français
capturés à Langson. Encouragée par les Japonais, la Thaïlande
nous attaque à son tour au Cambodge et au Laos. A
noter dans ce conflit, la victoire de la flotte
française qui détruit à Ko-Chang en une seule
bataille la plus grande partie de la flotte
thaïlandaise. Le 27 Janvier 1941 le Japon impose
sa médiation et la signature d'un armistice puis
d'un traité de paix, le 9 Mai 1941, obligeant
l'Indochine à céder à la Thaïlande plusieurs
provinces du Cambodge et du Laos. Le 14 Juillet 1941, nouvel ultimatum du
Japon à Vichy. Cette fois les Japonais obtiennent
l'autorisation de stationnement et de transit pour
leurs troupes sur l'ensemble du territoire
indochinois qui leur servira ultérieurement de
base de départ pour attaquer la Birmanie, la
Malaisie et Singapour, tentant ainsi de réaliser
leur rêve de "Grande Asie Orientale".
L'administration et l'armée française demeuraient
en place avec toutes leurs prérogatives. A noter
que les militaires japonais, lorsque l'occasion
s'en présentait, s'arrêtaient pour saluer la
montée du drapeau français sur les édifices
publics. Poursuivant leurs conquêtes, les Japonais
attaquent Pearl Harbour le 8 Décembre 1941, puis
débarquent en Malaisie et s'emparent de Singapour.
La situation de compromis qui règne en Indochine
de 1942 à 1944 peut s'expliquer par le fait que le
Japon a besoin d'un certain ordre pour en
exploiter les richesses et se procurer les
approvisionnements nécessaires à son effort de
guerre : riz, maïs, poisson sec, caoutchouc,
charbon, bois, étain, wolfram, etc…
Paradoxalement, au cours de cette même période,
une convention de police de frontière, datant de
1896 continue à s'appliquer et permet à des
officiers français et chinois de correspondre
régulièrement et même de se rencontrer pour régler
les problèmes frontaliers. Un consensus d'attente
s'étant établi entre les partenaires français,
japonais et chinois… Les premiers coups d'arrêts à l'expansion
japonaise sont marqués par les revers de sa flotte
dans la Mer de Corail en Mai 1942 et à l'île de
Midway en Juin 1942. En 1943 les Japonais commencent à perdre
pied dans les îles Salomon, dans les Aléoutiennes
et en fin d'année dans les îles Gilbert. A partir de 1944 les forces nippones
perdent successivement : les îles Marshall en
Janvier, la Nouvelle-Guinée en Avril, Saipan et
Guam en Juillet, leur défaite se révèle à
l'horizon de l'Indochine avec le débarquement
américain aux Philippines en Octobre.
Parallèlement, les troupes britanniques,
indiennes, chinoises et américaines regroupées en
1943 pour constituer la South Eastern Asia Command
(S.E.A.C.), sous les ordres de Lord Moumbatten,
passent elles aussi à la contre-offensive.
Considérant que les 60 000 hommes dont 15 000
Européens de nos forces armées d'Indochine
risquaient à terme de constituer un danger pour
eux, les troupes japonaises, fortes de 4 divisions
attaquent nos garnisons par surprise dans la
soirée du Vendredi 9 Mars 1945. Etant en pleine
brousse George n'apprit cet événement que beaucoup
plus tard.
1ère Partie
**
1000 km de
piste
Dans notre récit nous
employons souvent le mot "piste"
mais
que peut représenter une piste à travers la
jungle, le long des flancs des montagnes. Avant
toute chose l'heure de marche y remplace le
kilomètre
unité
de distance totalement inconnue.
Sur une piste, avec une
poignée d'hommes l'on y arrête une compagnie.
Il
n'y a pas de place pour la guerre de position
et
les tactiques de l'Ecole de Guerre y perdent tous
leurs droits.
C'est
ça la piste de jungle.
Notre arrivée en Indochine
Georges
Henry En 1931, Georges Henry, alors âgé de onze
ans, visite l'exposition coloniale qui se tient à
Paris et où l'on a, entre autres, reconstitué en
stuc le célèbre temple d'Angkor Watt. Cette
exposition qui marque l'apogée de l'empire
colonial français, se double d'un film évocateur
de ces contrées lointaines où tout est encore à
faire et à découvrir : "L'Afrique vous Parle".
Pour lui c'est le coup de foudre, mais il lui
faudra patienter encore six ans avant de
s'embarquer pour Beyrouth et Damas où il est
engagé au titre du Régiment d'Artillerie Coloniale
du Levant. Rappelé en France en qualité
d'instructeur de Troupes Noires, il arrive juste
avant la débâcle, pour participer à la retraite en
Mai et Juin 1940. Il embarque à nouveau pour être
affecté au Régiment d'Artillerie Coloniale du
Maroc à Marrakech, puis à Casablanca d'où il
embarque sur le S/S Chenonceau le 4 Mars 1941. Ce
navire transformé en transport de troupes
transporte 2000 militaires à destination de
l'Indochine. Brève escale d'une journée à Dakar. Au large du Cap de Bonne Espérance nous
sommes arraisonnés par un bateau corsaire après
une poursuite de plusieurs heures et quelques
coups de semonce… Le lendemain nouvel
arraisonnement, cette fois par un sous-marin,
escortant un cargo. Apaisement après quelques
minutes d'inquiétude : le sous-marin et le cargo
sont français, ils ont capté la veille le S.O.S.
du Chenonceau. Escale à Tamatave dont la baie est
infestée de requins attirés par les déchets d'une
conserverie de viande, puis à Diego-Suarez. Traversée de l'Océan Indien et
arraisonnement dans le Détroit de la Sonde par un
bateau de guerre hollandais: pas de panique… Mer de Chine et accostage à Saïgon le 5
Mai 1941 (2 mois de voyage)… Affectation au 5ème R.A.C. Batterie de
côte du Cap Saint Jacques pendant cinq mois.
Détaché hors-cadre au Service Géographique
d'Indochine en qualité de topographie à partir du
mois d'Octobre 1941, il effectuera diverses
missions dont la délimitation de frontière du Siam
en 1942. Lors du coup de force japonais du 9 Mars
1945 il participait au levé de la carte de
Dien-Bien-Phu au 1/100000ème.Combattant Volontaire, Croix de Guerre
39/45, Médaillé Militaire, Georges Henry a dressé
3000 km2 de la carte de l'Indochine. Jacques
Boubal Jacques Boubal arrive en Indochine à
l'âge de 2 ans, en 1926, à la suite de
l'affectation de son père Henry Boubal, Contrôleur
Général de la Sûreté Indochinoise. Après ses
études au Lycée Albert Sarraut à Hanoï et au Lycée
Chasseloup Laubat à Saïgon, il s'engage par
devancement d'appel au 5ème Régiment d'Artillerie
Coloniale à Saïgon en Juillet 1944. Après un court séjour au 5ème R.A.C. à la
caserne Martin des Pallières à Saïgon, il est
dirigé en Septembre 1944 sur le Centre
d'Instruction Militaire de Chapa au Tonkin. Chapa
à 1 800 mètres d'altitude (sur les flancs du
Fan-Si-Pan dont le sommet culmine à 3 150 mètres)
est avec le Tam-Dao, une des deux stations de
montagne où les Français du Tonkin civils ou
fonctionnaires, venaient prendre des vacances, le
climat permettant de se refaire une santé. Nous
sommes à une cinquantaine de kilomètres de la
localité de Lao-Kay, située sur le Fleuve Rouge
sur la frontière chinoise du Yunnan. C'est en 1886
que les troupes d'infanterie de marine occupèrent
Lao-Kay - dont l'intérêt stratégique était
évident. Le "séjour" à Chapa durera jusqu'au début
de Février 1945. Les officiers, et sous-officiers,
chargés de l'instruction étaient bien entendu des
militaires de carrière, ayant déjà pour la plupart
quelques années de séjour en Indochine. Dans l'ensemble le contact avec les
cadres était bon. Il faut dire que la jeunesse
française en Indochine, était généralement très
patriotique et sportive. Ainsi l'effort physique
qui était demandé par le programme d'instruction
était bien accepté et supporté. Ils aiment cette
vie active, faite de marches et d'exercices de
combat, de jour comme de nuit - le mousqueton à la
main, le paquetage sur le dos. Ils ne pouvaient
savoir, que tout cela, allait leur servir dans les
épreuves qui les attendaient. Début Février 1945.
Leur stage prit fin, ils rejoignirent Lao-Kay à
pied, puis la garnison de Tong par le train. Tong Le camp militaire de Tong, à 50 km
d'Hanoï, représentait la plus forte concentration
de troupes de l'armée française en Indochine.
Toutes les armes y étaient représentées, y compris
l'aviation. Avec d'autres camarades, Jacques
Boubal est affecté au 4ème R.A.C., 3ème Batterie
où il poursuit son instruction, mais cette fois
sur les canons de montagne de 75 mm portés par des
mulets. Au Tonkin, en Février, il fait froid - et
il tombe une petite pluie fine, très pénétrante :
le crachin. A Chapa ils avaient perçu des effets
d'hiver: on leur complète le paquetage, et les
voilà transformés en soldats de 1914/18 : le
caleçon long, le pantalon de laine, les bandes
molletières, les souliers à clous, et la fameuse
capote, sur la tête le calot en laine kaki. 45 ans
après, il conserve encore dans sa mémoire, un
souvenir douloureux. En effet, ayant pu constater
que les souliers de l'intendance française,
n'étaient pas particulièrement souples, après les
marches, ils avaient les pieds garnis de
nombreuses ampoules, c'était un véritable
supplice… Jacques Boubal s'était fait ami avec le
cordonnier du régiment, qui moyennant quelques
piastres, devait s'occuper de rendre ses
brodequins aussi souples qu'une paire de gants…
Nous verrons ce qu'il en adviendra par la suite. Tous les jours, à 5 heures du matin
réveil avec la sonnerie réglementaire du clairon:
habillement, café chaud et direction les écuries
pour panser les mulets. Alors là, le cirque
commençait. Tout d'abord, il fallait faire en
sorte de rentrer dans le box du mulet ou de la
mule, qui leur était affecté. L'animal les
attendait et manoeuvrait de façon à les coincer
contre les murs latéraux du box. Il fallait que
l'un d'eux (ils étaient deux) arrive à lui saisir
une oreille et la tordre pour lui faire entendre
raison. Puis c'était les exercices de démontage
et remontage du 75 de montagne, avec l'énumération
à haute voix des différentes pièces composant le
canon. Enfin à deux, il fallait charger et fixer
ce matériel sur le dos du mulet, qui naturellement
faisait l'impossible pour les empêcher d'exécuter
parfaitement la manoeuvre. L'équitation, l'instruction en salle, le
sport, le tir au mousqueton, meublaient leurs
journées. Après la soupe du soir, ils ne
traînaient pas pour rejoindre les chambrées !
Aucun problème avec les "vieux" militaires
coloniaux de métier, ils avaient bien compris
qu'il ne fallait pas trop "importuner" les jeunes
d'Indochine. Fin Février, début Mars 1945,
l'atmosphère s'était brusquement tendue. Des
bruits couraient que les Japonais se préparaient à
nous attaquer. Il faut dire qu'ils n'y prêtaient
que peu d'attention, leurs chefs ne paraissaient
pas prendre tout cela au sérieux. Le camp de Tong
était calme. Cependant, quelques jours avant la
date fatidiqueJacques Boubal avait reçu une lettre
de son père - en poste à Saïgon - lui confirmant
ce qui se disait, et lui précisant même que
c'était pour le 9 Mars dans la soirée, d'après des
renseignements très précis obtenus par les
services de la Sûreté Française (cf rapport
Fleutot). Son camarade Alphonse Denis - le fils de
la Sté Denis-Frères à Saïgon - avait reçu de son
père la même information, avec en plus dans
l'enveloppe un billet de 20 dollars U.S.! en cas
de besoin… On n'ignorait pas que des commandos
parachutistes, avaient été largués au Laos dans le
centre du pays, ainsi qu'au Cambodge. On parlait
de "résistance" - le Général Mordant étant
responsable de celle-ci - mais tout cela était
très vague dans leurs esprits. Pour une bonne
compréhension de la suite, il semble nécessaire
de présenter les forces du Groupement de Tong,
avant l'attaque japonaise, et nous allons pour
cela, nous référer à l'ouvrage du Général
Sabattier, qui commandait la Division du Tonkin,
et qui avait sous ses ordres le Général
Alessandri commandant le Groupement Ouest du
Fleuve Rouge. . 1°) " Au
Sud, entre le Fleuve Rouge et la Rivière Noire:
(camp de Tong) l'Etat-Major du Groupement. - Infanterie : 1/5ème R.E.I., 2/5ème
R.E.I., 1/1er R.T.T., 2/4ème R.T.T. - Artillerie
2ème Batterie de 75 TT, 3/4ème R.A.C. à 2
batteries de 75 dont un à une section. - Motorisé
D.M.C. renforcé du peloton moto du D.M.M. -
Aviation groupe aérien d'observation et 1 section
du détachement porté de la base de Bach Mai. En plus de ces unités combattantes, les
instructeurs et élèves des nombreux cours et
stages fonctionnant à Tong. - Ecole Militaire :
dont une partie des élèves avait été répartie
comme chefs de section dans les unités du
groupement, le reliquat constituant un peloton
monté". - Le C.I.R.E. (Centre Instruction Recrues
Européennes). - Le Centre d'Instruction des
Transmissions. - La C.T.A.2 - Le Centre
d'Instruction Automobile et son atelier de
réparation. - Les Services de l'Intendance, de
l'Artillerie et de la Santé. 2°) Au
Nord du Fleuve Rouge : Le 3/5ème et la S.H.R. du 5ème R.E.I.
cantonnés dans la région de Cotich, la 4/19ème
R.I.C. ayant la garde des bases de ravitaillement
et munitions. Soit un total de 6 000 combattants,
dont seulement 1 1900 Européens, tels sont les
effectifs placés sous les ordres directs du
Général Alessandri. Cette poignée de Français et
Indochinois, était pratiquement encerclée par
quelques 10000 Japonais, parfaitement équipés, des
garnisons d'Hanoï, Xuan-Mai, Phu-To, Vinh Yen, et
de celles qui s'échelonnaient le long du Fleuve
Rouge jusqu'à Lao-Kay. Dans la nuit du 8 au 9 Mars 1945, le gros
des forces du camp de Tong sont en manoeuvre. Jacques Boubal.a noté dans son carnet
personnel : l'alerte générale est donnée vers 23
heures. Nous recevons l'ordre de prendre nos armes
et de relever les sentinelles indochinoises - la
garde du poste de police du quartier du 4ème
R.A.C. est renforcée, et nous allons retirer des
obus pour les canons de 75, à la pyrotechnie.
Toutes les unités en manoeuvres sont rentrées. Le 9 Mars dans la matinée, nous apprenons
que le Général Sabattier et son état-major qui
étaient arrivés d'Hanoï la veille, viennent de
quitter Tong, pour une destination inconnue. Vers
16 heures, un Potez d'observation signale des
colonnes de troupes japonaises cherchant à se
camoufler et convergeant vers le camp de Tong. On
parle de faire mouvement sur la Rivière Noire ou
le Fleuve Rouge. Nous n'en savons toujours pas
plus, et nous attendons.
Le coup de force japonais du 9 Mars
1945
Rapport
Fleutot Le Commissaire de la Sûreté Indochinoise
Fleutot a dirigé de 1942 au 9 Mars 45 la Section
d'Informations Spéciales de la Sûreté du Tonkin à
Hanoï, chargé du contre-espionnage. Dans un
rapport remis au Gouvernement Français à Paris en
Juillet 1947, Mr Fleutot relève qu'il a été le
seul au Tonkin à prévoir dès le mois de Février
1945, et à annoncer 24 h. à l'avance le coup de
force japonais du 9 Mars 1945. Dès Février il
avait fourni jour après jour des informations
signalant les préparatifs de l'armée nippone : -
par exemple le Commissaire Fleutot signalait que
les troupes nippones exécutaient des exercices
d'attaque de rues et de maisons - qu'elles étaient
chaussées de souliers à semelles de crêpes - que
les Japs raflaient en ville (Hanoï) toutes les
lampes électriques et le riz - que des munitions
étaient distribuées à la troupe - que les civils
japonais avaient ordonné à leurs domestiques
annamites (de préparer des réserves d'eau et de
vivres) - même ces derniers s'attendaient à une
attaque contre les Français et disaient que
l'indépendance sera proclamée le 10 Mars 1945. La
Sûreté à Saïgon était tenue journellement informée
(Contrôleur Henry Boubal).Mr Fleutot fut chargé de communiquer son
rapport, en personne, aux autorités militaires -
c'est-à-dire au Bureau des Statistiques Militaires
(B.S.M.) chargé du contre-espionnage ainsi qu'à
l'Etat-Major de la Division Annam-Tonkin. Le 8
Mars 1945 à 18 h., il voit le Lieutenant-Colonel
Cavalin Chef du B.S.M. Après lecture cet officier
estima que les renseignements étaient fantaisistes
- que c'était du "roman", que de toute façon le
B.S.M. n'était informé de rien et qu'en
conséquence les renseignements apportés par la
Sûreté ne pouvaient qu'être faux. Mr Fleutot
demanda néanmoins que ces renseignements soient
portés à la connaissance du Chef d'Etat-Major du
Général Commandant Supérieur (Général Aymé). Le Commissaire Fleutot portât son rapport
au Général Mordant à la Citadelle. Ce dernier fait
dire par un de ses officiers que les
renseignements donnés relevaient peut-être de
préparatifs de défense de la part des Japs, qui
s'attendaient à un débarquement américain mais que
de toute façon ces mesures n'étaient pas dirigées
contre les Français. Enfin le Commissaire Fleutot remet son
rapport au Général Sabattier, qui fut le seul à le
prendre en considération. Avec son chef
d'état-major, il prit immédiatement toutes mesures
utiles, transfert à Tong de son P.C., quartier
consigné, etc… Le 9 Mars au matin le Général Sabattier
envoya son officier de renseignement auprès du
Commissaire Fleutot pour obtenir confirmation des
informations de la veille. Fleutot confirme que
l'attaque se précisait de plus en plus et était
toujours prévue du 8 au 10 Mars 1945. Autres
renseignements sur l'imminence de l'attaque Par ailleurs, le 6 Mars, 2 officiers
japonais prisonniers en Australie, pratiquant
l'écoute radio pour les alliés, interceptèrent un
message : L'état-major impérial ordonnait
l'application du plan de désarmement des troupes
françaises en Indochine pour le 9 Mars 1945.
Averti par l'état-major australien, le Colonel
Renucci, notre attaché militaire, transmit
aussitôt le renseignement à la Défense Nationale à
Paris par le relais de Calcutta. Le Général Juin -
Chef d'Etat-Major Général, le porta à la
connaissance du Général De Gaulle - Ce
renseignement pourtant primordial n'a jamais été
exploité. Nuit du 9
au 10 Mars 1945 Vers 20 heures des bruits sourds de
canonnade sont perçus en direction de Hanoï on dit
que la Citadelle est attaquée et résiste. Cette
fois c'est le "branle-bas de combat". L'affaire
devenait sérieuse. Nous devons nous équiper en
vitesse, et nous recevons 48 cartouches pour le
mousqueton. Le quartier est en effervescence. Dans
une nuit noire, éclairée par des tas de documents
qui brûlent devant les bureaux, dont leurs livrets
militaires ils harnachent les animaux et chargent
les 75 de montagne, avec les munitions. J.B. est
affecté à la 8ème Batterie de Montagne avec
quelques camarades. Un mot sur les brodequins
confiés au cordonnier par J.B. Impossible dans ce
remue-ménage de joindre l'homme en question. Il
essaye de forcer la porte du local, sans succès.
Le voila dans l'obligation de garder aux pieds ses
sandales "tonkinoises" et c'est avec cela qu'il va
falloir marcher ! 23 heures . Ils quittent le quartier et
apprennent que les Nippons se sont emparés de
Vietri, par une attaque surprise. Le 4ème R.A.C. est commandé par le Chef
d'Escadron Prugnat. Le Lieutenant Bono est leur
chef de batterie. Le Fleuve Rouge n'étant plus
accessible après la chute de Vietri, ils se
dirigent sur Trung-Ha. Après avoir marché toute la nuit, ils
prennent position dans la matinée sur une colline,
où est déjà retranchée une Compagnie du 5ème
R.E.I. Les pièces sont camouflées derrière le
mamelon et reliées par téléphone, avec les postes
d'observateurs dont fait partie J.B. Ils sont sur
une tête de pont coupant de l'ouest à l'est la
boucle Fleuve Rouge/Rivière Noire, au Nord du camp
de Tong et du terrain d'aviation. Ils apprennent que le Bataillon du 2/4ème
Régiment Tonkinois, commandé par le Chef de
Bataillon Bixella, a été encerclé dans son
cantonnement à Song-Dong et mis hors de combat. Le terrain d'aviation a été occupé, il y
a eu de la résistance. On dit aussi que Phu-To au
Nord est aux mains des Nippons. On entend
distinctement les rafales de mitrailleuses et les
mortiers vers Tong. Les Japonais qui avancent sur
leurs positions sont motorisés (montés sur
camions) et possèdent des tanks. Vers 12 heures ils reçoivent l'ordre de
se replier sur une 2ème position, les Japonais
risquant de déborder le 3ème groupe du régiment
suite à l'absence - et pour cause - du Bataillon
Bixella. Cette batterie par ses tirs avait essayé
de combler le trou créé dans la tête de pont. Ils
sont sur les abords immédiats de Trung-Ha. En début d'après-midi, ils apprennent que
le Commandement a décidé de faire traverser la
Rivière Noire, les Japonais n'étant plus qu'à
quelques kilomètres de leurs positions, et de
regrouper tout le monde sur Hung-Hoa. Les unités
au contact avec l'ennemi - (2ème Cie du 5ème
R.E.I. et groupe motorisé de l'aviation)
décrochent également vers le bac de Trung-Ha.
L'ordre leur est donné de déclaveter les tubes
après le dernier tir, de jeter les culasses dans
le fleuve, et de faire sauter les munitions. Le
Lieutenant Bono - les larmes dans les yeux - fait
exécuter l'ordre, et ils se replient sur le bac.
Pour le moment, il n'y a aucune débandade parmi la
troupe. Le bac de
Trung-Ha La Rivière Noire à cet endroit fait 300
mètres de large avec un courant assez rapide.
Alors là, la pagaille et l'entassement sont
indescriptibles. Près de 4 000 hommes, des
centaines de chevaux, des mulets, des véhicules de
toutes sortes, tout cela entassé dans l'attente
d'un franchissement devenant de plus en plus
problématique au fur et à mesure des heures. Il
faut détruire tout le matériel et y mettre le feu.
Les animaux affolés se battent entre eux. Il y a
deux bacs en service mais bientôt l'un deux
surchargé coule, et il n'en reste plus qu'un. Un
vent de retraite et de fuite éperdue commencent à
souffler partout. La priorité de passage est
donnée aux hommes, avec leurs armes individuelles,
vivres et munitions qu'ils devront porter sur eux. J.B. conserve avec lui, son mousqueton,
ses munitions et cinq grenades. Sur le dos, une
chemise, un short et ses sandales aux pieds. Dans
la musette quelques boîtes de "corneed-beef" et
des biscuits de l'Intendance Militaire Française.
J.B. a conservé sa montre, et un couteau de poche.
Sur la tête toujours un calot . La deuxième priorité, c'est de faire
passer les 300 mètres de rivière au maximum de
chevaux et mulets de bâts. Pour cela on les
encorde, et des légionnaires se mettent à l'eau
pour aider leur passage. De nombreux animaux
n'arriveront pas de l'autre côté, emportés par le
courant. Il faut dire que toutes ces bêtes sont
affolées par les détonations, la mise à feu des
caisses de munitions, les hurlements et les cris. Le Lieutenant Bono demande des
volontaires pour poursuivre la destruction du
matériel - ils sont une dizaine de jeunes à
exécuter ce travail - jeter tout ce qu'ils ne
peuvent porter dans la rivière et faire sauter le
reste. Cette ambiance - si l'on peut appeler
cela ainsi - est terriblement déprimante pour le
moral des tirailleurs indochinois. Ils se rendent
bien compte que le Français vient de perdre la
face. Ils jettent leurs uniformes, se mettent à
piller et commencent à s'enfuir. Il faut bien
reconnaître qu'il n'y a plus d'autorité, et donc
plus d'ordres. Les Européens en général tiennent
le coup, mais ce n'est pas le cas des autochtones
qui ont besoin d'être commandés, et qui ne le sont
plus. J.B. et ses camarades agissent avec une
seule pensée en tête : surtout ne pas se faire
prendre par les Japonais. C'était cela leur grande
peur. Citons ici un paragraphe du livre du
Capitaine R. Charbonneau qui a pour titre "Les
parias de la victoire" sur cette affaire du bac de
Trung-Ha : " Parmi ceux qui ont vécu cette
dramatique improvisation, "beaucoup n'en évoquent
encore que le caractère spectaculaire d'un
"immense désordre digne de celui du fameux passage
de la Bérézina". En fin d'après-midi, le bac et les deux
ou trois "sampans" qu'ils avaient récupéré,
étaient pris sous le feu des mortiers japonais ;
deux heures plus tard sous celui des armes
automatiques. Avec le Lieutenant Bono et quelques
camarades ils les passent sur l'autre rive, sur un
sampan. Il fait presque nuit. Le 10 Mars au soir. Le gros des forces de
la garnison de Tong, est sorti de la nasse où
elles se trouvaient enfermées, les Japonais ne
traversent pas la Rivière Noire. Ils l'ont échappé
belle !.. Ils marchent sur Hung-Hoa, qui est à
environ 10 kilomètres. Dans ce petit village ils
retrouvent une partie du 4ème R.A.C. Avec un
groupe de jeunes, ils se précipitent dans la
première et peut-être la seule boutique chinoise
existante. La Légion est passée… mais ils y
trouvent de quoi manger. Cela fait 24 heures que
leur estomac crie famine ! Le brave Chinois attend
toujours d'être réglé ! leurs poches étaient bien
entendu vides de tout argent. Ils reçoivent l'ordre de poursuivre
jusqu'à Than-Son - village suivant - où ils
arrivent vers 7 heures du matin après avoir marché
toute la nuit. Ils sont rassemblés à la "ferme
Rouet" (concession appartenant à un Français
exploitant des caféiers). C'est là que leur sort
va se décider. Than-Son Ils attendent une décision du
Commandement. Il devient en effet évident aux yeux
de tous que sur les pistes du Nord, vers le
Yunnan, en traversant la Haute Région Tonkinoise,
va se poser en priorité le problème du
ravitaillement. Plus ils vont s'enfoncer dans la
montagne, moins ils auront de chance de trouver de
la nourriture. Ils apprennent que le Général
Alessandri vient de faire un choix : il faut
démobiliser sur place le maximum de militaires
indochinois, qui pourront rentrer chez eux. C'est
sans doute une décision douloureuse, car ces
hommes nous ont suivi jusqu'ici. L'ordre est donné
de les désarmer. Mais curieusement l'offre de
démobilisation est également faite aux Européens,
aux militaires de carrière déjà fatigués par un
long séjour sans rentrer en métropole. Le Chef
d'Escadron Prugnat demande aux jeunes du 4ème
R.A.C., de bien réfléchir - ce qui va suivre ne
sera pas une partie de plaisir - il va falloir
tenir jusqu'au bout. Le bruit circule qu'un semblant d'accord
avait été passé avec les Japonais, nous serions
internés comme prisonnier de guerre avec toutes
les garanties internationales. Nous avions appris
à connaître ces Japonais, qui n'avait de japonais
que le nom, puisque les troupes que nous avions
derrière nous étaient constituées de Coréens et de
Mandchous, dont la férocité était légendaire. On
venait d'apprendre également que l'officier
supérieur resté à Tong, avec les familles et les
inaptes avait été sauvagement assassiné. Et puis
nous n'avions pas du tout l'intention d'en rester
là. L'Indochine était notre pays, notre devoir
était de nous battre. Ainsi 90 % environ des
jeunes des Lycées Chasseloup Loubat, et Albert
Sarraut, seront volontaires, 50 % ne reviendront
pas. Le Groupement Alessandri représenté par
1500 hommes dont environ 850 légionnaires, et
quelques dizaines d'Indochinois est formé en 2
Sous-groupements : 1°) Le
premier, placé sous le commandement du Chef
d'Escadron Prugnat, comprenant : - le groupe
motorisé de Tong 150 hommes - le C.I.R.E. 50
hommes - 3ème Groupe du 4ème R.A.C. 120 hommes -
le détachement d'aviation 100 hommes - le 2/5ème
Etranger 350 hommes - Capitaine de Coekborne.
Total = 770 hommes, tous réduits à l'état de
fantassins. L'axe qui doit être suivi est : -
Thu-Cuc/Ngia-Lo/Gia
Hoï/Tulé/Than-Huyen/Binh-Lu/Phong-Tho et ce avant
que les Japonais venant de Lao-Kay, aient coupé
cet itinéraire de repli qui couvrait en outre
l'important centre de Lai-Chau, capitale du pays
Thaï - 2°) Le
second : sous le commandement du Colonel François,
comprend : 1/5ème R.E.I. Capitaine Gaucher 350
hommes 3/5ème R.E.I. Capitaine Lenoir 150 hommes
Des éléments du 1er R.T.T. et 2ème/4ème R.T.T. 100
hommes Groupement auto et divers 50 hommes Ecole
Militaire Commandant Carbonnel 50 hommes Total =
700 hommes Avec quelques autres jeunes, J.B. est
affecté au groupement du Colonel François. J.B.
quitte le groupe d'artillerie, le coeur un peu
serré - il ne reverra jamais plus certains
camarades, et n'apprendra leur disparition que
bien plus tard en Chine. En reprenant la marche,
il a une pensée pour sa famille à Saïgon. Il pense
que son père a dû être arrêté par la "Kempétaï" -
en raison de ses fonctions - mais que sont devenus
sa mère, son frère et sa soeur ? Il faudra qu'il
attende plus de six mois pour en avoir des
nouvelles! ItinérairePremier objectif : Ta Khoa sur la Rivière
Noire, puis Son-La, Tuan Giao et atteindre
Lai-Chau - soit par la R.P. 41, si le passage
était possible, ou bien par la Rivière Noire. A signaler que le Général Alessandri,
possède un poste de radio, parachuté avant le 9
Mars, et qu'il lui a été possible de rentrer en
contact avec Kumming et Calcutta. Il apprend ainsi
que la 14ème Air Force basée au Yunnan, ne
répondra pas à ses demandes d'appui aérien et de
ravitaillement. Les Américains abandonnent les
troupes françaises d'Indochine, ayant réussi à
échapper au coup de force japonais. Par contre,
Calcutta fait ce qu'il peut, pour soutenir nos
troupes. Un premier parachutage est effectué sur
Thu-Cuc par 2 Liberators anglais - nous recevons
un lot d'armes et de munitions, mieux adaptés au
combat de brousse, que nos mousquetons -
(mitraillettes Sten par exemple F.M. Bren -
plastic - grenades). Du 15 au 18 Mars. Sur l'incitation de
Calcutta le gros du groupement se rabat sur Son-La
encore libre de présence japonaise - tandis qu'un
détachement avec Prugnat continue sur Binh-Lu, et
que le Bataillon du 2ème/5ème R.E.I. Lenoir se
porte en flanc gauche sur le Song Ma. Du 19 au 30 Mars. Les combats se livrent
sur la route 41, principalement au Col de Méos et
devant Tuan Giao (Commandant Carbonel), d'où le
gros du groupement se dirigera à l'ouest vers
Dien-Bien-Phu, tandis qu'un détachement (d'Alverny
- qui sera tué par la suite au Col Claveau)
couvrira la route de Lai-Chau. C'est le 22 Mars. Que trois groupes de
volontaires - Lieutenant-Colonel Vicaire -
Capitaine Baudelaire des Troupes de l'Indochine,
et Capitaine Dampierre du SA en provenance des
Indes - ce dernier parachuté à Sonla avec une
petite équipe - l'ensemble représentant environ
une soixantaine d'hommes, formés en commandos,
partirent derrière les lignes japonaises, en
direction du Delta, avec mission de créer des
"maquis" de résistance. J.B. était volontaire,
comme ses camarades du Lycée Chasseloup Laubat :
Alphonse Denis, Yvon Leguyarder, Bassou, Gabriel
et d'autres ,. Quelques jours avant la formation
des commandos, J.B. est évacué sur l'hôpital de
Sonla avec une crise aiguë de paludisme,
vigoureusement soigné par le Médecin-Capitaine Riu
mais à sa sortie, quatre jours après, le groupe
était déjà parti! Pour lui le destin en avait
décidé autrement. A partir du 31 Mars. C'est-à-dire après
13 jours de combats les décrochages furent
orientés progressivement vers Lai-Chau et
Dien-Bien-Phu. Il faut dire que les opérations ont
commencé dans des conditions les plus précaires,
sans renseignements, ni ravitaillement, ni
armement lourd, avec un effectif réduit de moitié.
La Haute Vallée du Fleuve Rouge était occupée par
l'ennemi, dont les forces motorisées du Delta
Tonkinois, libérées avaient la possibilité de
gagner rapidement Son-La et Sam-Neua. Le
groupement était donc sous la menace d'un double
encerclement. Rappelons que les combats ont été
livrés dans des zones montagneuses couvertes,
coupées de vallées profondes, presque sans
ressources, avec une seule voie carrossable (non
asphaltée), la Route Provinciale 41, qui à l'ouest
de Son-La, gravit le difficile Col des Méos, avant
de redescendre sur Tuan-Giao, d'où 2 branches
divergentes gagnent : Lai-Chau par le Col Claveau
et Dien-Bien-Phu. Alessandri avait bien compris
qu'il ne fallait pas compter sur une aide
extérieure à part quelques parachutages anglais
dont une seule fois seulement des chaussures et
des vivres. Aussi la détermination d'une stratégie
valable, dans des conditions aussi défavorables
n'était pas objectivement une chose facile. Il
fallait essayer de durer, en se repliant sur les
Hautes Régions (4ème et 5ème Territoires
Militaires) - le Haut Laos, étant considéré à cet
égard comme un "réduit de défense" - et rester
politiquement présent sur une portion symbolique
de l'Indochine. La résistance prolongée des
colonnes, de plus en plus clairsemées, menées il
faut le dire, par des chefs énergiques, a été
jalonnée de durs combats. Mal nourris, ou bien
souvent pas du tout, pas vêtus, ou mal vêtus, mal
chaussés ou pas chaussés du tout, exténués par les
fatigues, la maladie (paludisme), les privations
et la souffrance; 1 200 légionnaires, coloniaux,
aviateurs, ont disputé le terrain, aux Japonais,
presque toujours sur des pistes de montagne,
pressés jusqu'à la frontière de Chine, par un
ennemi manoeuvrier et cruel, engageant toujours
des troupes fraîches, de plus en plus déterminées
à en finir avec cette poignée de Français qui leur
tenait tête. Du 31 Mars au 4 Avril 45 Le
sous-groupement Carbonel (1er et 2ème Bataillon du
5ème R.E.I. + détachement d'aviation) soutient
l'action retardatrice de Tuan Giao à
Dien-Bien-Phu. Le
31 Mars également, le
groupe du Commandant d'Alverny, se replie en
combattant vers Luan-Chau. Le
1er Avril, cet officier est tué au combat du
Col Claveau, qui ouvre la route de Lai-Chau. Ce
verrou tombé l'initiative reste aux forces
japonaises disposant de la route. Mai 45 Le gros du groupement Alessandri gagnera
Dien-Bien-Phu. A partir de Muong-Khoua, il va se
scinder en 3 colonnes, correspondant à chacun des
itinéraires principaux traversant du Nord au Sud,
le 5ème Territoire Militaire. Vers le 15 Mars 1945 G.H. poursuivait le
levé topographique de la carte au 1/100000ème de
Dien-Bien-Phu et se trouvait sur le plateau de
Co-Pia à 1800 m. d'altitude lorsqu'arriva à son
campement le garde de son Chef de Brigade, le
Commandant Detchepare, qui lui remit un pli
cacheté qu'il ouvre et qui lui ordonne de cesser
immédiatement ses travaux et de se replier sur
Dien-Bien-Phu, ceci sans autre explications. Ne
disposant d'aucun moyen d'information il est
abasourdi par cet ordre survenant en pleine
campagne topographique. Après avoir replié son
campement, il se met en marche dès le lendemain
avec ses porteurs et ses gardes, en direction de
la R.P. 41 qu'il atteint après une longue journée
de marche. Il lui faudra encore une journée pour
atteindre Tuan-Giao, gros bourg situé au carrefour
des routes de Son-La, Lai-Chau et Dien-Bien-Phu. Le lendemain il croise en cours de route
la compagnie du Lieutenant Johner qui a quitté le
poste de Dien-Bien-Phu et qui chemine en direction
de Tuan-Giao et de Son-La. Il apprend par eux
"qu'un corps expéditionnaire français a débarqué
sur les côtes d'Indochine et que les troupes de la
Haute Région font mouvement vers le delta pour
prendre les Japonais en sandwich"! Vexé de devoir
tourner le dos à l'ennemi il continue son chemin
vers Dien-Bien-Phu où il arrive après 3 jours de
marche (82 km). Il retrouve là son collègue
Martinel et quelques militaires dont un radio qui
sont demeurés pour garder le poste et assurer la
sécurité. Leur Chef de Brigade a déjà quitté
Dien-Bien-Phu pour Lai-Chau où il assume les
fonctions de Chef du 4ème Territoire Militaire par
intérim, le Colonel Fourmachat étant parti à la
tête de ses troupes au devant des Japonais. Le surlendemain de leur arrivée
Detchepare leur ordonne de le rejoindre à
Lai-Chau. Les militaires mettent des chevaux à
leur disposition, ce qui leur permet d'y arriver
en deux jours (90 km). Ils sont logés au poste
militaire où règne une atmosphère fiévreuse.
Apprenant qu'un groupe de Japonais se tient en
embuscade dans la forêt, en bordure de la Rivière
Noire, en aval de Lai-Chau, ils partent une
vingtaine pour tenter de les déloger. Avant même
de les avoir repérés ils sont pris sous un feu
nourri auquel ils essayent de riposter avec leurs
vieux mousquetons datant de la guerre 14/18 et des
munitions certainement périmées depuis longtemps
car il ne part guère plus d'un coup sur deux ou
trois. Ils réussiront néanmoins à les mettre en
fuite, mais la carence de leur armement augure mal
de la suite des événements. Les premiers
contingents arrivant du delta leur apprennent
enfin la réalité des faits à savoir qu'aucun corps
expéditionnaire n'a débarqué en Indochine et que
ce sont les Japonais qui ont attaqué par surprise
nos garnisons comme il vient d'être expliqué plus
haut. G.H. fait connaissance de J.B. qui arrive à
Lai-Chau avec ce groupe. Le 5 Avril nous recevons l'ordre
d'évacuer Lai-Chau par la piste qui remonte le
long de la rive gauche de la Rivière Noire. Troupe
hétéroclite composée d'une centaine d'hommes
placés sous le commandement du Chef de Bataillon
Detchepare. Beaucoup d'entre eux, partis du delta,
sont déjà très fatigués. A Muong-Boum que nous
atteignons après 3 jours de marche, talonnés par
les Japonais, le chef de poste, un sergent-chef
d'infanterie coloniale, sollicite l'honneur de
faire sauter lui-même et seul ce poste dont il
assumait le commandement depuis longtemps et qui
recèle un important stock de munitions et
d'explosifs. La nuit vient de tomber. Nous nous
sommes éloignés de quelques centaines de mètres et
abrités derrière un talus, nous attendons anxieux
le retour du chef de poste et la première
déflagration. Une demi heure se passe ainsi
lorsque retentit une formidable explosion. La tour
centrale du poste s'ouvre en deux, les éclats
d'obus sifflent de toutes parts. Le sergent-chef
n'étant pas réapparu, nous sommes de plus en plus
anxieux sur son sort. Au bout d'une demi-heure,
les explosions s'étant quelque peu calmées, nous
nous apprêtons à partir, persuadés qu'il avait
sauté avec son poste, lorsque un faible appel au
secours nous parvint. Malgré le danger que
continuait à faire peser les explosions nous nous
précipitons sous les éclats pour porter secours au
sergent-chef qui gît dans un fossé, en piteux
état: un éclat lui ayant sectionné l'artère
fémorale au niveau de la cheville il saigne
abondamment et souffre en outre de graves brûlures
sur tout le corps. Entre deux explosions nous le
traînons tant bien que mal hors de portée des
éclats et lui confectionnons une civière en
bambou, cependant que l'infirmier Furtoss lui pose
un pansement et soigne ses brûlures avec le peu de
moyens dont il dispose: une musette contenant des
médicaments de première nécessité. L'approche des
Japonais nous oblige à une pénible marche de nuit,
nous nous relayons quatre par quatre pour porter
le blessé sur l'étroite piste qui longe la rive
gauche de la Rivière Noire. Il convient de
préciser que le blessé est un gaillard de 90 kgs,
ce qui représente environ 120 kgs avec le poids de
la civière, soit 30 kgs par porteur… La lenteur de
leur progression est telle qu'ils doivent marcher
nuit et jour pour échapper à leurs poursuivants
japonais. Presque privé de nourriture ils sont
épuisés et le blessé également. Sa Phou Sao
(petite amie Thaï) qui ne l'a pas quitté un seul
instant le cachera dans la forêt avec les gens de
son village. Bien soigné par un médicastre Thaï,
il survivra à ses blessures et tentera quelques
mois plus tard de rallier Lai-Chau en descendant
en pirogue le cours de la Rivière Noire, persuadé
que les Français étaient de retour. Erreur fatale,
ce sont les Japonais qui l'accueillent et le
passent par les armes… Les Japonais, renseignés sur la manoeuvre
par des documents, trouvés sur le corps du
Commandant d'Alverny, opèrent une progression en
pince, pour nous couper l'accès à la frontière
chinoise, tandis qu'ils continuent de nous
talonner sur nos axes de marche. En conséquence
nous recevons l'ordre de quitter la Vallée de la
Rivière Noire et de nous diriger vers Muong-Nghié.
Nous confectionnons des radeaux en bambou et
traversons la Rivière Noire à Bam-Nam-Khao
opération assez périlleuse en raison de la force
du courant, de la fragilité des radeaux assemblés
à la hâte et de notre inexpérience en matière de
navigation fluviale dans de telles conditions.
L'opération se déroule bien, mais à peine
avons-nous pris pied sur la rive droite de la
Rivière Noire qu'une section japonaise apparaît
sur l'autre rive, regroupée autour de son chef.
L'occasion est trop belle : nous avons parmi nous
un caporal-chef champion du Tonkin de tir au F.M.
qui se met rapidement en batterie et abat comme un
château de cartes cette section ennemie,
imprudemment engagée à découvert. Nous décrochons
ensuite rapidement pour échapper aux tirs de
mortiers du gros de nos poursuivants. Muong-Nghié,
comme tous les villages de la région a été
abandonné par ses habitants, qui se sont cachés
dans les forêts environnantes, avec leur bétail et
leur stock de riz. Les quelques volailles ou
cochons qui pouvaient encore traîner dans les
villages ont été tués et mangés par les troupes
qui nous ont précédé. Notre état d'épuisement
physique ne nous permettant pas de transporter de
lourdes charges de riz, nous en sommes souvent
réduits à cuire des feuilles d'arbre dans des
bambous, à couper des pousses de bambou ou autres
racines pour tromper notre faim et continuer à
marcher, toujours poursuivis par les Japonais,
dévorés par les sangsues, piqués par les
moustiques et par les maringouins . Nous arrivons ainsi à A Pa Chai, village
Méo proche des frontières de Chine et du Laos à
1800 m. d'altitude, quelques habitants y demeurent
encore et nous fournissent un peu de riz nêp
(gluant) et de lard fumé. Nous poursuivons vers Ou-Neua dernière
grosse bourgade à l'extrême pointe Nord du Laos,
sur la Nam-Ou, gros affluent du Mékong. Nous
retrouvons là une partie des troupes de la colonne
Alessandri dont le Médecin-Capitaine Riu qui nous
distribue quelques cachets contre le paludisme et
la dysenterie, ainsi que quelques vitamines
parachutés par les Anglais. Nous recevons
également quelques morceaux de viande de buffle et
des légumes: la fiesta, pour nous qui en sommes
privés depuis notre départ de Lai-Chau. Nous
retrouvons également le Capitaine Latour-Dorey qui
fut le premier Chef de Brigade de G.H. au Service
Géographique d'Indochine en 1941. Chargé de la
destruction des ponts après le passage de nos
troupes, ses poches sont en permanence bourrées de
pains de plastic et de détonateurs. Sa grande joie
le matin étant de confectionner un petit boudin de
plastic qu'il allume avec son briquet pour
chauffer son café, provoquant la débandade autour
de lui… Trois jours de repos, un peu de
ravitaillement et quelques médicaments nous ont un
peu ragaillardi, heureusement car les "Japs"
commencent à s'infiltrer dans la région. Nous recevons l'ordre d'évacuer Ou-Neua
et nous franchissons la frontière de Chine le 27
Avril 1945 au Col de Ta Lou Ping. Cependant que
les derniers combats ont lieu dans la région d'A
Pa Chai et sur le 5ème Territoire Militaire qui
est définitivement abandonné le 2 Mai 1945, bien
que certains éléments français isolés en
provenance du Laos franchiront encore la frontière
chinoise le 20 Mai 1945. A part quelques rares
commandos parachutés au Laos en 1944, venant des
Indes, il ne reste plus de troupes françaises
combattant en Indochine. Le tragique bilan de cette
campagne:
Tués au combat
|
716
|
Morts des suites de blessures
|
116
|
Massacrés par les Japonais
|
88
|
Massacrés par les Viets
|
15
|
Morts de maladie ou
d'épuisement
|
327
|
Disparus
|
957
|
|
|
Total
|
2219
|
Encore que ces chiffres ne
concernent que les Européens, les chiffres
concernant les Indochinois ne nous étant pas
connus. Parachutages
anglais - 11 Mars à Thu Cuc - 13 Mars à Cho Bo -
22 Mars à Son-La le plus important - 29/30 Mars à
Dien-Bien-Phu (1 seule fois nous réceptionnons des
chaussures et quelques vivres).Interventions
de la chasse américaine : La 14ème Air Force est intervenue à 2
ou 3 reprises à la demande de Calcutta. (Son-La -
Tuan Giao). Combats
|
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Petit Conoï,
Son-La et environs
|
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|
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Chine /
Yunnan
Au Col de Ta-Lou-Ping
l'officier chinois qui commande ce passage veut
nous désarmer, il y renonce finalement après
plusieurs heures de discussion et face à
l'attitude très ferme de nos officiers, mais nous
avons frôlé la bagarre… Nous arrivons le lendemain à Muong Lié,
premier gros bourg chinois où il faudra encore
palabrer longuement et céder quand même quelques
armes avant que les autorités veuillent bien
autoriser les commerçants à nous vendre le
ravitaillement dont nous avons besoin (paiement en
pièces d'argent). Il nous faudra encore 4 jours de marche
pour atteindre Sze Mao, petite ville yunnanaise où
se regroupent peu à peu les rescapés de la colonne
Alessandri, soit environ 2 000 hommes, auxquels se
joindront les rescapés du Laos qui arrivent par
petits groupes via la Birmanie. Sze Mao est situé
au coeur d'une vaste dépression fertile,
regroupant de nombreux villages dont chacun sert
de cantonnement aux divers détachements. Grâce à
ses moyens financiers : pièces d'argent, opium et
piastres, la colonne Alessandri peut enfin se
ravitailler convenablement. Un terrain d'aviation
permet l'évacuation par des avions américains des
blessés, des malades et des quelques familles qui
ont réussi à fuir du Tonkin et du Laos. Des
propositions officielles sont faites au
Commandement français pour évacuer sur la France
l'intégralité de nos militaires "en trois jours
vous serez à Paris…". Une mission médicale de la
Croix Rouge Internationale qui revient de
Birmanie, jusqu'alors considéré comme le champ de
bataille, le plus dur physiquement déclare après
nous avoir examiné, que nos conditions de survie
ont été pires. Il convient de préciser que nous
sommes en haillons, beaucoup n'ont même plus de
chaussures, les autres les ont rafistolées avec de
la ficelle ou du fil de fer. Le paludisme, la
dysenterie, la malnutrition et la fatigue ont créé
presque autant de pertes que les combats contre
les Japonais. Seuls les plus robustes ou les plus
chanceux sont parvenus jusqu'à Sze Mao, encore
sont-ils dans un état sanitaire déplorable. Outre
un meilleur ravitaillement nous recevons quelques
médicaments de première urgence pour calmer nos
crises de paludisme et de dysenterie, soigner nos
plaies, etc… Il convient là d'attirer l'attention sur
le fait que le Président Roosevelt avait interdit
au Général Wedemeyer (Chef d'Etat-Major de Tchang
Kaï Chek) d'apporter son concours, aux troupes
françaises opérant en Indochine (Wedemeyer était
issu de la Krigsakademie de Berlin et
antifrançais). Jamais les Français qui avaient vu
tant d'appareils à l'étoile américaine dans le
ciel d'Indochine, n'en verront si peu, lorsqu'ils
en auront besoin et ce alors qu'ils avaient
secouru, dissimulé et rapatrié la plupart de leurs
aviateurs abattus avant le 9 Mars… Le Général
d'Aviation Claire Chennault, canadien d'origine
française héros des "Tigres Volants" écrit dans
ses mémoires qu'il reçoit ordre du grand quartier
général de n'envoyer ni armes, ni munitions aux
unités françaises et il précise qu'ayant appliqué
ces ordres à la lettre, il ne pouvait se faire à
l'idée de laisser des Français se faire massacrer
dans la jungle, tandis qu'on l'obligeait à ignorer
officiellement leur sort… Que reste-t-il aux troupes françaises,
leur goût pour le système D, quelques piastres, un
peu d'opium (excellente monnaie d'échange) et du
courage dans l'adversité. Du courage il allait
encore nous en falloir beaucoup. Nous sommes
reconstitués par unités de 100 à 150 hommes, c'est
le nombre qui convient pour qu'elles puissent à la
fois se nourrir et se défendre en cas d'agression.
Départs échelonnés à raison d'une unité par jour,
nous quittons donc Sze Mao le 29 Mai 1945. Et la
marche continue, hallucinante, les pistes de
montagne sont souvent étroites et glissantes,
entre Sze Mao qui est à une altitude de 700 m. et
Shi-Ping-Tchou qui est à 1500 m. nous grimpons
deux fois à 1800 m. et redescendons deux fois à
500 m. : tantôt une nuit à grelotter sans
couverture et la nuit suivante à transpirer. De
plus les pistes sont rendues glissantes par les
pluies. Les villages rencontrés sont pauvres,
dépourvus d'hygiène et infestés de vermine. Nous marquons une journée de pause à
Lo-Chui-Ching après le délicat passage de la
Rivière Noire sur un pont suspendu et à Yuan Kiang
Tcheou sur les rives du Fleuve Rouge où nous
apprécions la présence d'un poste de soins tenu
par des médecins canadiens et chinois, ainsi que
le cantonnement préparé par le Lieutenant
Demaison. A cause de la piraterie qui sévit dans
toute cette région, les rares villes traversées
sont entourées de remparts dont les portes sont
fermées chaque soir. Les sentinelles qui veillent
sur ces remparts ont la gâchette facile, ainsi les
camarades malades ou fatigués qui n'ont pas suivi
les colonnes sont-ils souvent accueillis à coups
de fusil. D'autres arrivent en caleçon après avoir
été détroussés du peu qu'ils possèdent par des
brigands. Nous gardons en mémoire le cadavre d'un
pauvre coolie abattu pour une charge de sel gemme.
Dans ces régions perdues, la vie d'un homme ne
vaut que le prix d'une balle bien tirée… Après une seizième et dernière étape dans
une longue vallée inhabitée nous atteignons enfin
le plateau et la grande cité de Chih-Ping-Tchou.
Par rapport aux 600 km que nous venons de
parcourir depuis Lai-Chau c'est la "terre
promise", la fin du cauchemar car Chih Ping est
relié par un chemin de fer: modeste voie de 60 sur
laquelle roulent des trains poussifs, alimentés
avec du charbon chargé de soufre, empestant dans
les tunnels, déraillant fréquemment, mais
qu'importe… Nous demeurons quelques jours à Chih
Ping dont la prospérité contraste avec les régions
désolées que nous venons de traverser: le lac est
bordé de vergers et de cultures maraîchères, les
rues grouillent de monde et d'éventaires
appétissants. Début Juillet 1945 arrive notre tour de
prendre place à bord du petit train et de regarder
défiler la campagne… Nous atteignons Mong Tzeu,
important centre sur la voie ferrée Hanoï/Kumming,
d'où le Capitaine Quinnec nous dirige sur le camp
de Tsao-Pa, étape finale de la "grande marche"
pour la plupart d'entre nous. Plutôt déçus car ce
camp est en fait une ancienne magnanerie
désaffectée au confort très rudimentaire : nous
couchons dans la paille, nous nous lavons dans des
abreuvoirs, pas de W.-C. mais des "feuillées"
pestilentielles, etc… G.H. n'y est resté heureusement que
quelques semaines, suffisamment toutefois pour
assister à l'arrivée d'un rescapé de Langson le
soldat Cron du 3ème R.T.T. dont la garnison avait
été presque entièrement massacrée par les Japonais
après une résistance héroïque digne de Bazeilles
et de Camerone. Ce soldat qui avait été fait
prisonnier fut conduit avec d'autres camarades,
mains liées dans le dos, dans une cour où les
attendaient des soldats japonais armés de
baïonnettes pour les massacrer. La poitrine
traversée de part en part par trois coups de
baïonnette mais vivant encore, il fut agenouillé
avec quelques survivants au bord d'une tranchée.
Un officier japonais décapitait ensuite au sabre,
un par un ces pauvres blessés qui tombaient dans
cette tranchée. Lorsque son tour arriva, il
feignit un malaise et se laissa tomber en avant,
amortissant ainsi le coup de sabre qui ne lui
entailla qu'une partie de la nuque. Assommé et
laissé pour mort au fond de cette tranchée, au
milieu d'autres cadavres, il revint à lui dans la
nuit, alors qu'il était piétiné par un tirailleur
vietnamien qui s'enfuyait. Le voyant bouger, le
tirailleur s'arrêta et l'aida à marcher jusque
chez lui. Bien soigné, il réussit avec la
complicité des habitants à regagner la Chine où il
fut pris en charge par la Mission Militaire
Française qui opérait dans cette région et envoyé
à Tsao-Pa dès qu'il fut un peu rétabli. Ayant vu
de nos propres yeux les blessures qu'il portait,
nous tenons à apporter notre témoignage sur ce cas
d'atrocités commises par les militaires japonais.
Il y en eut malheureusement beaucoup d'autres.
Le camp de Tsao-Pa
Tsao Pa sur les hauts plateaux du Yunnan
à 1 400 m. d'altitude est relié à la capitale
provinciale Kunming par - une voie ferrée : - une
gare - un village d'une trentaine de paillotes
dont la plupart sont transformées en gargotes. Le camp français est installé dans une
ancienne magnanerie (élevage de vers à soie), sur
un lac asséché où règne tour à tour, une terrible
poussière dense et une boue épaisse pendant la
saison des pluies - les nuits sont très froides et
il neige en hiver. Le camp lui-même : 5 rangées de
baraques en torchis - insalubre - au milieu une
sorte de cour avec un mât et le drapeau tricolore.
Nous dormons sur des claies à même le sol. La
nourriture est pauvre et mauvaise. Bien entendu
pas de médicaments, le Service de Santé fait ce
qu'il peut sans moyens. En face, de l'autre côté de la route, le
camp américain. On croit rêver : - dortoirs
climatisés - mess - nourriture - infirmerie -
cinéma tous les soirs - courrier par avion tous
les jours - nos relations sont très difficiles -
et bien souvent plus que tendues (bagarres). La vie au
camp Tout le monde est désoeuvré - le moral
est très bas - Nous recevons des offres
américaines d'engagement. Dans ces conditions le
moral et la discipline s'affaiblissent peu à peu.
Les Européens boivent trop, les Indochinois jouent
encore plus, et tous prêtent une oreille
complaisante aux bruits les plus fantaisistes, aux
rumeurs les plus alarmantes, privés de tout
contact extérieur, et de nouvelles des familles,
laissés aux mains d'un Occupant redoutable. La
Propagande Révolutionnaire et Nationaliste
(V.N.Q.D.D.) favorisée par les Chinois, va trouver
un terrain favorable dans les unités tonkinoises
et annamites, dont les hommes ont été pourtant
loyaux et fidèles lors des combats livrés du 9
Mars au 25 Mai 45. Un sentiment de défiance va se
développer entre Blancs et Jaunes. Le 12 Août à
Yenshau, une grenade lancée dans le mess des
officiers, coûte la vie à 2 off. et plusieurs
soldats européens du 9e R.I.C. Dans cette
ambiance, d'isolement, de déceptions, et
d'abandons, naissent des rivalités, et un
sentiment d'exaspération devant certaines
inégalités de traitement. Nous avions parcouru
dans la jungle 1000 km et même davantage pour
certains pour moisir dans un camp, après 60
combats contre les Japonais pour nous retrouver
totalement impuissants. Nous nous posons la
question : retournerons-nous un jour en Indochine
? Cela devenait une idée fixe. Personne n'avait de
réponse. Le 22 Mai 1945, le Général Leclerc a
accepté (avec quelques réticences néanmoins)
d'assumer le commandement du C.E.F.E.O. (Corps
Expéditionnaire Français d'Extrême-Orient). Le 22 Octobre 1945 à Calcutta, le
Lieutenant-Colonel Robert Quilichini reçoit
l'ordre suivant de Leclerc : "Rejoindre Troupes
Françaises de Chine, avec pleins pouvoirs, pour
procéder réorganisation en attendant arrivée du
Général Salan". Le Lieutenant-Colonel Quilichini
arrive à Tsao Pa le 1er Novembre 1945 en
transitant par Kunming. Qui est le
Lieutenant-Colonel Robert Quilichini ! Saint-Cyrien 1932 - A l'époque, le plus
jeune Colonel de l'Armée Française - 32 ans - Un
baroudeur qui suit Leclerc et sa 2ème Division
Blindée depuis 1940. Physiquement une carrure
massive - tout en muscles - doué d'une grande
force de volonté. Il donne confiance. Compagnon de
la Libération et couvert de décorations. Il en
impose, et rassure. Nous en avions bien besoin.
Son périple est éloquent: le Tchad, l'Afrique du
Nord, le débarquement en Normandie, l'Allemagne.
Blessé très sérieusement devant Strasbourg il en
gardera toujours des séquelles, et serrera les
dents pour marcher avec ses hommes. Quilichini,
connaît l'Indochine, et particulièrement la Haute
Région Tonkinoise. Il a servi sur la frontière
après sa sortie de St Cyr. Dans le pays Thaï, à
Lai-Chau, il a été "marié" à la mode du pays à une
fille de la famille des chefs. Il a eu une fille
(vivant actuellement à Paris, mariée à un
architecte). Pour dire que l'homme est
sentimentalement attaché à l'Indochine. Ce jeune
officier supérieur fait renaître l'espoir parmi
ces troupes à la limite du désespoir. Son but est
clair et il l'annonce: rentrer en armes au Tonkin,
bousculer les révolutionnaires annamites, et
rentrer à Hanoï. Malheureusement il ne pourra pas
tenir cette promesse, tout au moins en ce qui
concerne la prise d'Hanoï. Il y aura d'autres
décisions devant lesquels il devra s'incliner.
*
**
Dès son arrivée, le
moral remonte. L'instruction est remise en
honneur. Exercices de jour, comme de nuit, de
section, de compagnies, de bataillon, se succèdent
quotidiennement. La nourriture aidant, la forme
physique de tous s'améliore, les conditions de vie
aussi. Fin Décembre 45, les normes fixées de
passer directement à l'engagement et au combat, à
l'issue d'une marche de 30 km, sont atteintes.
Pour Quilichini, il s'agit de mener à bien, une
véritable expédition, avec toutes les fatigues et
tous les dangers que cela comporte. La désertion
en bloc, avec armes et bagages d'une compagnie
entièrement indochinoise, du 4ème R.T.T. quelques
jours après son arrivée. Cie commandée par le
Capitaine Vien - qui avait été fait Chevalier de
la Légion d'Honneur pour sa brillante conduite
durant les opérations du 9 Mars - renforce
Quilichini dans sa résolution de réorganisation.
Le Chef d'Escadron Prugnat, nommé Chef
d'Etat-Major s'y emploie. On procède au retour en
France d'officiers et s/officiers en surnombre.
Les hommes dont l'état physique ne supportera pas
une nouvelle épreuve, sont également rapatriés. La
sélection est sévère. Quilichini démobilise les
tirailleurs tonkinois qui ne sont plus chauds pour
combattre sous notre drapeau. Les Troupes
Françaises de Chine deviennent "Le Groupement
Quilichini". La fin de l'année 1945 approche et
quand arrivent les fêtes de Noël et du Nouvel An,
on ne reconnaît plus dans ces unités où règnent la
bonne humeur et l'entrain, les troupes
déguenillées et démoralisées des premiers mois
d'exil Concernant personnellement J.B. celui-ci
avait été nommé 1ère Classe le 12 Mai 1945 à Sze
Mao Le 22 Août il passe Brigadier En Décembre à
Tsao Pa, il est désigné pour le poste de
Chiffreur/Estafette à l'Etat-Major du Colonel
Quilichini. En tant qu'estafette il avait droit à
un cheval - mais il ne doit utiliser l'animal que
pour des missions (engueulade au colonel un jour
de paludisme . Ainsi, durant 9 mois, il va
marcher, vivre, manger et dormir auprès de ce
chef, et apprendre à bien connaître l'homme et
l'officier.
Formation des T.F.C.
Groupement
Quilichini
au
départ de Tsao Pa
- L'Etat-Major et la Cie du
Commandement dont 1 commando de 60 sous-off. triés
sur le volet. Chef Etat-Major Prugnat. - La
Compagnie de Transport. Capitaine Charpentier -
comprenant 3 sections de transport sur bât. Chaque
section = 1 tonne de capacité. - Le Bataillon de
Marche du 9ème R.I.C. Chef de Bataillon Droniou (4
compagnies dont 1 entièrement indochinoise). - Le
Bataillon de Marche du 16ème R.I.C. Chef de
Bataillon Lepage - deux Compagnies de Montagnards
Rhadés - 1 Cie de Tirailleurs Annamites (majorité
montagnards tonkinois). - Le Bataillon de Marche
du 5ème R.E.I. Chef de Bataillon Gaucher, 3 Cies +
1 Cie Légère. - La Brigade de Garde Indochinoise
du Laos (Inspecteur Cottin) valeur d'une petite
compagnie. - La Brigade de Garde Indochinoise du
Tonkin (Inspecteur Péré). - Services Intendance -
Service de Santé (remarquable) - Service
Vétérinaire. Au total 3 500 hommes et 1 100 animaux
(chevaux de bât./petits chevaux du Tibet).
*
**
1 500 Européens (dont
130 officiers) et 2 000 Indochinois c'est-à-dire :
Tonkinois - Rhadés - Laotiens et aussi quelques
centaines de montagnards : Thos, ou Nungs, et
surtout Thaïs de Lao-Kay et Lai-Chau. L'équipement
des troupes Il ne faut pas oublier qu'une partie de
notre armement individuel nous a été saisi par les
Chinois au passage de la frontière. Par la suite,
quelques armes, ont été rendues. Mais de toute
façon, il s'avérait indispensable de renouveler
l'armement. D'autre part, on manque de tout - ou à
peu près, de toiles de tente, de chaussures, de
munitions, de grenades, d'obus de mortiers, de
piles pour les postes de radios, de carabines et
de grenades, d'habillement, on achète aux Indes,
ou à Calcutta (avec l'aide des Britanniques). Pour
ce qui manque, il y a une autre voie dans laquelle
Quilichini n'hésite pas : on va acheter au "marché
noir" à Kunming. Il faut passer par la "mafia"
chinoise - celle-ci propose de tout: vêtements,
rations journalières (rations K), armes,
véhicules, on aurait même pu s'acheter un
Dakota!.. Chez les Français, une "équipe
spéciale", (légionnaires pour la plupart),
travaillent la nuit, avec leurs compères chinois,
pour récupérer le matériel directement dans les
camps US. (précisons que les Américains - sauf
quelques rares exceptions - préféraient brûler ou
détruire ce matériel plutôt que le donner aux
Français). En définitive, seuls les chevaux ou
mulets de bâts seront achetés en bonne et due
forme. Les unités de combat ont maintenant un
armement suffisant. Elles sont allégées au maximum
: même la toile de tente ne sera pas emportée. Les
chevaux et les mulets sont exclusivement consacrés
au transport des munitions, de l'armement de
réserve, de quelques vivres limités au riz, au sel
et au sucre. Pour le reste on se débrouillera sur
place, aussi bien en Chine, qu'au Tonkin. Nous
avions quand même quelques boîtes de ration K - et
puis on devait être, ravitaillé en cours de route,
par parachutage ! Kunming Parti de Tsao Pa tôt dans la matinée du
14 Août 1945, G.H. arrive tard dans la nuit à
Kunming, capitale du Yunnan avec quelques
camarades. Le chauffeur qui est venu les chercher
à la gare les dépose dans une villa aménagée en
dortoir avec des lits superposés. Toute la ville
est en liesse : les pétards et tirs de pistolet
claquent de toute part, ils apprendront le
lendemain que le Japon vient de demander
l'armistice après les bombes atomiques du 6 Août
1945 sur Hiroshima et du 10 Août sur Nagasaki.
Affecté à l'Etat-Major, il est, dans un premier
temps, mis à la disposition du Capitaine Peysset
qui rédige l'historique des troupes françaises
repliées en Chine, son travail consistant, avec la
cartographie dont nous disposons, à reconstituer
l'itinéraire de chacune des unités ayant pris part
à la retraite de Chine. Après les rudes moments
que nous venons de vivre, nous apprécions
l'hospitalité et la courtoisie du Capitaine
Peysset qui chaque après-midi vient partager une
tasse de thé et quelques biscuits avec nous.
Arrivé en guenille en Chine nos rescapés se
reéquipent tant bien que mal au marché noir
puisque Roosevelt a interdit toutes cessions
d'équipements ou d'armements à l'armée française.
Notre solde étant partiellement payée en dollars
chinois, chacun prélève sur ses maigres économies
pour s'acheter tantôt une chemise, tantôt un
blouson américain ou une paire de chaussures. Il
faut dire qu'à part quelques night-club minables,
les distractions sont plutôt rares à Kunming. Les
Chinois sont passés maîtres dans l'organisation de
ce marché noir. Ainsi les convois américains
arrivant par la célèbre Route de Birmanie,
sont-ils attendus à quelques kilomètres de Kunming
par des trafiquants chinois qui repèrent les
camions isolés, offrant un paquet de dollars US.
au chauffeur et disparaissant aussitôt dans la
nature après les transactions cependant que le
chauffeur dira qu'il a été attaqué par des
pirates… Nous avons une équipe spécialement
chargée de ces transactions y compris le
maquillage des jeeps volées aux Américains.
2ème Partie
**
Le retour
victorieux
Pourparlers Pendant que se poursuivait la
réorganisation des troupes, des négociations se
déroulaient à Chunking, en vue de leur retour en
Indochine. Les discutions se heurtent à mille
difficultés, les Chinois faisant traîner les
choses en longueur. Le 8 Janvier 1946, le Général Salan
arrive à Chunking et rencontre Chang Kaï Check. Le
18 Janvier il obtient l'accord de principe pour la
relève des troupes chinoises du Laos par les
Troupes Françaises de Chine. Mais il y a de la
part des Chinois, une réserve importante: les
Troupes Françaises ne doivent transiter que par le
Tonkin sans y laisser aucun élément. Mais il y a
plus grave encore. Sur le chemin du retour se
trouve la 93ème Division d'Infanterie Chinoise,
dite "indépendante" qui déclare ignorer les
décisions du Gouvernement Central et le Chef de
cette division, le Général Lou Han, ne se montre
pas favorable à notre passage. Le 20 Janvier 46
Chunking se déclare d'accord pour aider les T.F.C.
à gagner le Laos via Muong-La/Phong Tho/Lai-Chau.
Quilichini est prêt, et sans attendre va lancer
ses hommes sur les pistes yunnanaises vers la
frontière indochinoise. On verra après pour le
reste!… Ce retour implique que des itinéraires
soient clairement définis, G.H. est donc réintégré
à l'Etat-Major pour participer aux tracés de ces
itinéraires en compagnie du Capitaine Jacquin.
Dans le courant du mois de Janvier 1946, le
Général Salan obtient de Chunking un accord de
principe sur la relève des troupes chinoises par
les Troupes Françaises de Chine. La Mission
Béarn G.H. est désigné pour faire partie de la
"Mission Béarn", chargée de prendre contact avec
le Chef Déo Van An de Phong-Tho. Nous sommes trois
Français, accompagnés de deux des fils du Chef
Thaï du 4ème Territoire Militaire Déo Van Long et
d'une petite escorte thaï. Arrivé par le train à
Mong Tzeu, nous quittons cette localité pour
prendre la piste plein sud, franchissant le Fleuve
Rouge à Man Hao. A partir de là nous croisons
d'importants convois de mulets, et chevaux de bât,
escortés de militaires chinois en armes et chargés
de butins hétéroclites de tout ce qu'ils ont pu
piller en Indochine. Les biens les plus précieux
sont enfermés dans des caisses ou des cantines,
mais d'autres portent des baignoires, des lavabos,
des portes, fenêtres, mobiliers, etc… Nous
constaterons plus tard que là où l'armée chinoise
est passée il ne reste plus que les murs et les
toits des édifices… Nous atteignons les abords de
Phong-Tho dans la soirée du 31 Janvier 1946.
Embusqués derrière la haie qui borde le village,
nous attendons l'arme au poing, le retour des deux
Thaïs qui se sont introduits discrètement dans le
village pour contacter leur oncle Déo Van An. Ce
dernier réussit à persuader le chef de la
compagnie viet (Viet Nam Quoc Dan Dong:
V.N.Q.D.D.) qui occupe le village que la totalité
des T.F.C. manoeuvre pour les encercler. Les Viets
prennent peur et s'enfuient pendant que nous y
faisons une entrée discrète. Le soir Déo Van An
organise une fête très arrosée au chum de jarre en
l'honneur de ces premiers Français qui reviennent. Mise en
route du Groupement Quilichini Le 21 Janvier 1946 le S/Grpt. Lepage - BM
16ème R.I.C. + 1 Cie du 9ème R.I.C. + la G.I. du
Laos quitte le camp de Tsao Pa. Le 31 Janvier il passe la frontière au
col de San Sa Ho. Le 1er Février il rentre à Phong-Tho - y
reçoit un accueil chaleureux du Tri Phu Déo Van An
et de la population Thaï. Le 4 Février Lepage repart en direction
de Lai-Chau qu'il atteint le 7. Le 4/02 : le
S/Grpt. Droniou, c'est-à-dire le BM du 16ème
R.I.C. + la Cie de Transport, quitte à son tour
Tsao Pa par la même piste que le S/Grpt. Lepage.
Il doit atteindre son objectif Phong Tho vers le
18/02. Le 7/02 - Le détachement Thiriat suit -
il s'agit de la Cie de Commandement (dont faisait
partie J.B.) + 1 Compagnie du 5ème R.E.I. avec
Quilichini et son Etat-Major. Le chemin n'est pas
le même que Lepage et Droniou (tinté vert sur la
carte) Tsao Pa, Suichai, Kokieou, Ka Phang Man
Pan, (passage du Fleuve Rouge) Laou Tchay, Van
Pouten, et par le col de Sam Sa Ho rentrée en
Indochine le 16/02./1946.Enfin le 8/02 : le S/Grpt. Gaucher
c'est-à-dire le BM du 5ème R.E.I. se met en
marche. Il prend le même chemin que la Cie de Cdt.
mais passera la frontière à Ba Nam Coum le 19/02,
et se dirigera directement vers Lai-Chau. Le trajet
de Tsao Pa à la frontière indochinoise Les étapes sont dures pour atteindre la
frontière indochinoise; les pistes yunnanaises
(que nous avions déjà connues) s'accrochent aux
flancs des montagnes à des altitudes élevées
dépassant mille mètres. Ravinées par les eaux, ou
pavées de larges dalles rendues glissantes, elles
rendent la marche extrêmement pénible. Au milieu
de ces montagnes, la vallée encaissée du Fleuve
Rouge, présente une dénivellation importante, que
la piste dévale dans les cailloux, qui roulent
sous les pieds ou sur des marches rocheuses
bordant le ravin abrupt, 1 000 mètres qu'il faut
remonter le lendemain, voire le jour même, sous le
soleil ! Les nuits sont très froides (pour dormir:
la couverture du mulet) dans la matinée, le
brouillard et l'humidité l'eau suinte partout, les
hommes pataugent dans une boue rougeâtre ! Vers
midi, cela va mieux, le temps se dégage et l'on
découvre alors le spectacle grandiose de ces
profondes vallées, où s'étagent depuis la base,
jusqu'au sommet, les rizières entretenues par le
travail opiniâtre du paysan chinois. La marche se
poursuit, sous un soleil ardent jusqu'à la tombée
du jour. Les cantonnements offerts dans les
villages sont vastes, mais d'une saleté
repoussante. Il faut s'y faire: nous avons
l'habitude. Nous approchons de la frontière que
nous passons au Col de Sam Sa Ho. Déjà la nature
se fait plus accueillante, les belles forêts
réapparaissent, les torrents roulent dans les
vallées et de larges et bonnes pistes mènent vers
Phong Tho. Nous ressentons, en foulant à nouveau
le sol indochinois, une vive émotion. Nous
revenons chez nous, dans notre deuxième patrie,
avec un moral d'acier, car notre objectif reste
Hanoï mais nous savons que nos difficultés ne font
que commencer… Le pays que nous allons maintenant
traverser présente partout le même aspect: hautes
chaînes de montagnes boisées, coupées par des
vallées profondes et encaissées où coulent les
innombrables affluents de la Rivière Noire, du
Song Ma, et du Mékong. Les pistes se frayent un
chemin à travers la forêt, la brousse qui les
enserre favorise l'embuscade; elles sont coupées
de nombreux gués qui deviennent infranchissables
en saison des pluies, saison pendant laquelle les
pistes de plaine sont transformées en bourbiers,
en montagne le sol glissant ralentit
considérablement l'avance des hommes et des
chevaux. Les opérations vont se poursuivre avec
une ardeur inlassable, par des hommes déjà
affaiblis par un trop long séjour en Asie et
marqués par les épreuves subies. Chacun cependant
affecte la plus grande confiance mais ne peut
s'empêcher de penser à ce qui peut lui arriver
s'il est blessé au cours d'engagement, car malgré
le dévouement de tous les instants du Service de
Santé, il n'existe pour nous aucun moyen
d'évacuation donc aucun moyen d'intervention
chirurgicale majeure. De plus le fractionnement et
la mobilité des colonnes s'imposent pour ne pas
épuiser les ressources des régions traversées;
compte tenu de ces conditions particulières, une
très large initiative est laissée à chacun des
chefs de bataillon. Les liaisons indispensables
entre le Commandement et les différentes unités,
exigent souvent plusieurs journées de marche ou de
cheval - en plus des étapes quotidiennes de
cinquante km et quelquefois plus.
*
**
Pendant ce trajet,
Quilichini est informé du retour des nationalistes
V.N.Q.D.D. à Phong Tho sur les arrières de Lepage.
Droniou reçoit l'ordre d'accèlérer au maximum le
mouvement. Le 11/02 il atteint Van Pou Ten et
passe la frontière à San Sa Ho. Le Capitaine Braun
qui commande la 1ère Compagnie arrive le 13/02 au
soir à Bang Lang, à 10 km de Phong Tho. Bien
renseigné par les habitants et les partisans sur
la situation et l'armement des rebelles (4 F.M. -
2 mortiers - encadrement par des s/officiers.
japonais) il investit la place de nuit et attaque
le village le 14/02/46 au lever du jour. Le combat
est sévère . Après 6 heures de lutte Phong Tho
tombe entre nos mains. Nous avons à déplorer la
perte d'un officier, le Lieutenant Duchet-Suchaux,
du Caporal Lemeillour, un camarade de classe de
J.B. au Lycée Chasseloup Laubat de Saïgon,
auxquels il faut ajouter trois hommes de troupe.
Les rebelles perdent 30 tués recensés, et nous
faisons douze prisonniers; un important butin est
récupéré. La prise de Phong Tho - marquant la
rentrée des Troupes Françaises de Chine au Tonkin
- rétablit notre prestige auprès des populations.
Le "tam-tam" fonctionne. Les Français sont revenus
! Quilichini et son P.C. réduit qui précèdent la
colonne principale depuis le Fleuve Rouge arrivent
à Phong Tho, avec le Tri Phu Déo Van An
complètement rassuré (ce dernier s'était retiré en
Chine au retour des V.N.Q.D.D.). Le colonel
organise la province, met sur pied un nouveau
corps de partisans thaïs et répondant au désir de
la population décide de maintenir dans le village
les forces nécessaires pour assurer la sécurité
dans la région. Le 21/02/46 Quilichini quitte Phong Tho
en pirogue, pour Lai-Chau où il arrive le 22/02.
Il y a été précédé par Lepage, qui est arrivé le
7/02, qui a été reçu avec une certaine réticence
par les mandarins Déo Van Mun et Déo Van Long qui
redoutent, eux aussi, que le passage des Français
ne soit suivi de représailles. Mais lorsqu'ils
apprennent que nous maintiendrons la sécurité
derrière nous, toutes leurs inquiétudes tombent. Le 24/02, le Bataillon du 5ème R.E.I.,
après une marche difficile sur des pistes dures,
rejoint le groupement à Lai-Chau, où le Bataillon
du 16ème R.I.C. se trouve bloqué depuis 15 jours. Lai-Chau La 93ème Division Chinoise ayant fait
savoir qu'elle nous interdisait l'accès de
Dien-Bien-Phu et du Laos, seuls secteurs que le
Gouvernement Central chinois nous autorise à
occuper, nous restons bloqués pour le moment à
Lai-Chau. La raison de cette obstruction? Les
Chinois coiffent le "Triangle d'Or" de l'Opium.
Partir avant la récolte c'est, à leurs yeux, avoir
fait de l'occupation pour rien, chose impensable
pour les "Seigneurs de la Guerre" qui sont à leur
tête. Pour les T.F.C. cette obstruction risque de
devenir catastrophique car Lai-Chau se trouve au
fond d'une cuvette encaissée, trop pauvre pour
nourrir ses effectifs (2 500 hommes + animaux) et
son terrain d'atterrissage ne convient pas aux
avions lourds. Il n'est pas non plus possible
d'entrer en conflit armé avec les forces
chinoises, même dissidentes, en pleine période de
pourparlers en vue du retour des troupes
françaises en Indochine du Nord. Quelques
parachutages opérés par des avions venus du Sud
Laos recomplètent nos dotations en médicaments, en
munitions, piles pour nos postes radio, quelques
vivres. Le Commandement des Troupes n'a que la
ressource de "parlementer", tout en faisant
glisser le groupement vers Tuan Giao, et la vallée
du Song Ma pour aborder le Laos par la province de
Sam Neua. L'avancée
victorieuse Au moment de la reprise du mouvement vers
le Sud-Est, l'articulation du Groupement
Quilichini est la suivante : - Le Bataillon
Droniou - 9ème R.I.C. - assure la sécurité des
secteurs de Phong Tho - Lai-Chau - Luan Chau et de
la ligne de communication avec la Chine. - Le
Bataillon Lepage - 16ème R.I.C. - est stationné au
sud de Lai-Chau, prêt à faire mouvement sur Tuan
Giao où doit le précéder le Bataillon Gaucher du
5ème R.E.I. qui s'est mis en route le 28 Février.
A peine celui-ci s'est-il mis en route, que
d'importants groupes rebelles sont signalés se
déplaçant de Tuan Chau vers Luan Chau. En 2
journées de marche forcée de 50 km les
légionnaires occupent Luan Chau avant le Viet
Minh, culbutant les rebelles en 3 combats
successifs et s'emparant le 2 Mars de Tuan Chau.
Une compagnie poursuit le VM jusqu'à Muong He et
au col des Méos. Devant ce succès, nous arrive
l'autorisation de Hanoï de marcher sur Son-La,
capitale du pays thaï noir dont les habitants nous
supplient de les libérer du Viet Minh. La promesse
de Quilichini pointe à l'horizon, la destination
d'Hanoï se précise dans la pensée de tous. La mise
en place du dispositif pour l'attaque de Son-La
s'effectue à marches forcées et dans
l'enthousiasme. Le BM du 16ème R.I.C. accourt et
rejoint Tuan Giao. Deux compagnies provenant l'une
du 9ème R.I.C., l'autre du 16ème R.I.C., aux
ordres du Capitaine Menneboode assurent au
Nord-Ouest la couverture du groupement. Quinh Nhai
et Muong Giang sont occupés après une descente de
la Rivière Noire sur des radeaux de bambou. Le 6
Mars 1946 tout est prêt pour s'emparer de Son-La
et foncer sur Hanoï. La manoeuvre doit débuter le
7 Mars au matin. Quilichini est en tête de ses
troupes. Dans la nuit arrive au P.C. un message du
Général Leclerc, annonçant la signature des
accords franco-vietnamiens, et ordonnant de
stopper toutes les opérations en cours. En qualité
de chiffreur, J.B. a été témoin de l'accrochage
très vif entre Leclerc et Quilichini. Ce dernier
ne mâchant pas ses mots vis-à-vis de son camarade
et chef. Rappelons qu'à Tsao Pa, Quilichini avait
donné sa parole aux Troupes Françaises de Chine de
les faire défiler à Hanoï. La déconvenue de tous
est grande… Une fois de plus le début du mois de
Mars ne nous portait pas bonheur ! ! Tuan Giao Au 10 Mars 1946 les troupes françaises
ont occupé et rétabli l'ordre dans presque tout le
4ème Territoire Militaire à l'exception de
Dien-Bien-Phu occupé par la 93ème Division
Chinoise qui feint d'ignorer les ordres reçus du
Gouvernement Central chinois. Une période de
piétinement va donc s'ouvrir à Tuan Giao où
Quilichini est revenu s'installer avec son
état-major après l'interdiction qui lui a été
faite d'attaquer Son-La. Au mépris des accords
signés à Hanoï les bandes du V.N.Q.D.D. continuent
à circuler dans les régions que nos troupes
n'occupent pas, en particulier dans la partie Sud
et Sud-Ouest de Tuan Giao, depuis leur importante
base de Son-La. Des contacts ayant été pris avec
le Chef des Méos, Quilichini décide d'envoyer G.H.
dans son village avec un sergent-chef radio avec
pour mission de renseigner l'Etat-Major sur les
mouvements des bandes du V.N.Q.D.D. dans cette
région. Le Chef des Méos doit venir au devant de
nous, le rendez-vous étant fixé au village Méo de
Ban-Tham-Mi à deux jours de marche de Tuan Giao.
Après une première journée de marche, nous campons
dans un petit village thaï. Le radio tente une
première liaison avec le P.C. : impossible.
Pressés par le temps : nous devons atteindre le
point de rendez-vous. Le lendemain, nous repartons
et arrivons le soir à Ban-Tham-Mi : Le Chef Méo
n'étant pas encore arrivé nous passons la nuit
après avoir posté quelques sentinelles aux abords
du village. Le radio n'arrive toujours pas à
établir la liaison avec le P.C. c'est d'autant
plus grave que les sentinelles nous signalent
l'approche d'une compagnie viet qui se dirige vers
le village. Il est impossible d'entrer en liaison
radio avec le P.C. pour leur signaler : 1°) que le
Chef Méo n'est toujours pas arrivé 2°) que nous
allons être attaqués par la compagnie viet qui se
dirige vers nous. Quilichini m'ayant bien
recommandé au départ de passer le plus
discrètement possible (en raison des accords
franco-vietnamiens du 6 Mars), mais estimant par
ailleurs que la fuite devant l'ennemi aurait un
effet déplorable auprès de nos alliés Méos, je
fais poster la section en embuscade de part et
d'autre d'un petit col à quelques centaines de
mètres du village, espérant que les Viets s'y
engageront sans méfiance. Le scénario était bien
monté, mais les Viets soit par méfiance
instinctive, soit qu'ils aient eu vent de notre
présence dans la région, s'arrêtent au pied du col
et débouchent sur nous latéralement par la forêt.
Un tirailleur qui se trouve à une dizaine de
mètres de moi ouvre le feu et c'est alors la
fusillade générale. Les Viets surpris s'enfuient à
toutes jambes, franchissent une clairière à
quelques centaines de mètres en contrebas du col,
notre tireur leur fait un brin d'accompagnement au
F.M.… Nous revenons au village, chaleureusement
applaudis par les Méos qui ont assisté à toute la
scène. Notre radio ayant tenté une ultime liaison
sans résultat, et notre section ayant utilisé une
bonne partie de ses munitions il ne nous reste
plus qu'à revenir au P.C. de Tuan Giao pour rendre
compte. Notre mission de renseignement a été un
échec, mais la raclée infligée aux Viets, outre un
impact très favorable sur les populations Thaïs et
Méos, aura eu le mérite de les tenir éloignés de
cette région pendant quelques semaines. La
victoire de Dien-Bien-Phu Le 31 Mars 46, Quilichini reçoit de
nouvelles instructions d'Hanoï: On lui confirme
que des ordres ont été à nouveau donnés à la 93ème
Division pour la relève, et on lui demande de se
rendre le 3 Avril à Dien-Bien-Phu, avec une
compagnie, d'y prendre contact avec le
Commandement chinois, et de faire remettre par
priorité le terrain d'aviation en état de recevoir
des appareils. Quilichini, quoique peu convaincu,
par expérience de la volonté des Chinois
d'exécuter les clauses d'un accord conclu de si
loin et de si haut, envoie néanmoins son Chef du
2ème Bureau le Commandant Fouquet. Celui-ci est
porteur d'une lettre de Quilichini. Il est escorté
par la Compagnie Indochinoise du Capitaine Michel,
du 16ème R.I.C. Le 4 Avril cette Cie et Fouquet
sont attaqués près du but, par une bande Viet Minh
qui est repoussée facilement. La Cie s'installe
défensivement dans le village de Nuong-Duon tandis
que des émissaires vont porter la lettre de
Quilichini à Dien-Bien-Phu. Vers 18 heures -
toujours le 4 Avril 46 - arrive un sous-lieutenant
chinois, porteur lui également d'une lettre du
colonel commandant la région de Dien-Bien-Phu. La
réponse est menaçante. Le colonel chinois y
déclare sèchement n'avoir pas reçu d'ordre de
Luang Prabang (Laos) pour la relève, et demande au
Commandant Fouquet de se retirer. Le lendemain 5
Avril, nouvel ultimatum d'avoir à déguerpir, dans
l'après-midi, tous les villages et toutes les
crêtes environnantes sont occupés par des forces
armées, mixtes viet-minh et chinoise. Le 6 Avril,
ces forces attaquent, comptant sur un succès
facile. Durant 9 heures, la Cie Michel, tient le
village, dans un difficile combat défensif et
conserve intactes les positions, infligeant des
pertes sévères à l'adversaire. Dans l'après-midi
du 6 Avril, les combats cessent, et l'attitude des
Chinois change. L'affaire nous a coûté 2 tués et 6
blessés; du côté V.M./Chinois, une trentaine de
tués et de nombreux blessés. La Cie Michel se replie sur Ban Na Sang
et les pourparlers avec les Chinois s'engagent le
7 Avril. Les "chinoiseries" traditionnelles les
feront durer jusqu'au 22 Avril. Chaque entrevue
exige un déplacement à pied et à cheval de 140 km
pour notre représentant. Le Chef d'Etat-Major
Prugnat, fera 3 fois la navette. Quilichini s'y
rendra lui-même à plusieurs reprises, pensant
accélérer les choses (J.B. l'accompagnait). Enfin
le 26 Avril 1946 la Cie Michel prendra possession
du terrain d'aviation et entreprendra sa remise en
état. Le 2 Mai 1946, le premier avion français se
pose à Dien-Bien-Phu. Cet "événement" marque une
incontestable "perte de face" pour les Chinois, et
un regain de prestige pour nos forces dans toute
la région. Pendant tout ce temps de "palabres"
avec les Chinois, le Viet Minh a adopté dans le
secteur de Son-La une attitude agressive, peu
conforme à l'esprit des accords d'Hanoï. Situation
militaire dans la région Les populations Thaïs et Méos, qui ont
apporté leur concours au ravitaillement de nos
troupes, subissent des représailles sanglantes:. -
Tuan Chau, au Nord de Son-La, sur la R.P. 41, est
occupée et mise à sac. - Le Viet Minh détruit et
incendie les ponts sur cette même route
provinciale. - La population de Tuan Chau et des
environs se réfugie dans nos lignes et réclame
notre intervention. Quilichini demande au Général Valluy,
Commandant supérieur des Troupes au Tonkin
siégeant à Hanoï et qui a remplacé Salan, son
accord pour en finir en réoccupant Tuan Chau et la
vallée du Song Ma, avec pour objectif Sam Neua et
Luang Prabang (capitale du Laos). Le 15 Avril au matin, la Cie
Patureau-Miraud du détachement CUQ, tombe dans une
embuscade en arrivant sur l'objectif. Après une
série d'accrochages le village est enlevé
conjointement avec une Compagnie du 9ème R.I.C. Le 18 Avril, l'opération se prolonge par
l'Occupation de Ban Wong Muong. Le 19 Avril de
Chien Phuoc après les nouveaux engagements, avec
les rebelles retranchés dans les calcaires. De son côté le 3/5ème R.E.I., Commandant
Gaucher, occupe Muong Luon le 16 Avril et nettoie
la région les jours suivants. Le 19 Avril, Quilichini obtient d'Hanoï,
de poursuivre le mouvement sur Muong Hung et Soc
Cop, région qui offre d'importants possibilités de
ravitaillement. L'opération est confié au BM du
16ème R.I.C., qui dépassant la Légion, occupe Sop
Cop le 27 Avril et s'empare de Muong Hung le 30
Avril après une résistance sérieuse du V.M. Le
"grand retour" vers la province de Sam Neua et le
plateau du Tranninh n'a rien d'une promenade. Très
fréquemment, des groupes de rebelles, attaquent
nos postes et tendent des embuscades à nos troupes
en déplacement. En général ces "bandes" sont bien
commandées par des déserteurs japonais. Les V.M.
lancent habituellement leurs attaques au petit
jour, en cherchant à surprendre nos détachements
encore au repos. Ils attaquent en formation serrée
les combattants poussant des cris à la mode
japonaise, se portant droit sur leurs objectifs,
sans trop manoeuvrer, ni chercher à utiliser le
terrain. Ils tirent heureusement, assez mal mais
sont largement pourvus de munitions de tous
calibres, en passant du F.M. au mortier. Sur le
flanc du Groupement Quilichini, Son-La aux mains
du V.M., constitue une menace permanente. Le
Commandement est contraint d'adopter dans ce
secteur, une attitude seulement défensive. Les
ordres d'Hanoï étant formels: l'Occupation de
cette ville, aurait des conséquences sérieuses
dans les rapports franco-vietnamiens d'Hanoï. Il
faut y renoncer, quelqu'en soit l'intérêt
stratégique, militaire et administratif local. Quilichini
à Dien-Bien-Phu Fin Mai, après une dernière rencontre
entre le Colonel De Guillebon, représentant le
Général Valluy, le Colonel Quilichini et les
Chinois, ceux-ci consentent à évacuer Dien Bien
Phu avec leur récolte d'opium. Les Chinois se
replient lentement par la Nam-Ou (rivière) vers le
Yunnan, ils sont suivis, au plus près, par une
section française commandée par un sous-lieutenant
qui en profitera au passage pour réoccuper Phong
Saly le 17 Juin. Quilichini installe son P.C. à
Dien-Bien-Phu. Tout notre prestige est retrouvé.
La Légion reçoit l'ordre de prendre Sam Neua;
bousculant fortement la résistance V.M., elle
rentre dans la ville le 4 Juin 1946, accueilli par
des manifestations de joie de la population. Un
important butin est récupéré et quelques chefs
rebelles Laotiens, ou Annanites feront leur
soumission. Sauf dans la région de Tuan Chau, où
le BM du 16ème R.I.C., se mesure régulièrement aux
V.M. de Son-La Les 50 000 km2 qu'ont sillonnés les
Troupes Françaises de Chine, sont maintenant
relativement tranquilles. Les 4ème et 5ème
Territoire Militaire, la délégation de Phong Tho,
la province de Sam Neua, et la plus grande partie
de celle de Son-La, vivent, début Juillet 1946, à
l'heure de la paix française retrouvée. Luang
Prabang, capitale du Laos, ayant été récupérée le
13 Mai par nos commandos, les Chinois sont partis,
on va pouvoir libérer les fidèles tirailleurs
Rhadès du BM 16ème R.I.C., qui regagneront leur
région d'origine, les plateaux d'Annam, en
descendant le cours du Mékong. Le terrain de
Dien-Bien-Phu voit s'installer un trafic aérien
régulier, bien venu au moment où s'installe la
saison des pluies. Le 15 Juin 1946, le Général
Leclerc, est venu en personne, à Dien-Bien-Phu
nous rendre visite, et féliciter l'action de
l'ensemble du Groupement Quilichini. J.B. est
nommé Brigadier-Chef - En Septembre 1946, les
avions commencent à amener les premiers éléments
de la relève; celle-ci se fera progressivement,
pour ne pas bousculer notre dispositif, et
également faire comprendre aux populations que la
France n'avait pas l'intention de les abandonner.
Epilogue
Telle est l'oeuvre des
Troupes Françaises de Chine, au Yunnnan en Mai
1945, sous la pression japonaise, après avoir
jalonné les pistes, les montagnes, les rizières,
de camarades tués, ou épuisés, après avoir lutté
jusqu'à la plus extrême limite de leurs moyens,
sans soutien logistique, et sans aide extérieure.
Tout cela, au prix de quelles peines et de quelles
fatigues, la limite des forces humaines, ne peut
pas être mesurée : - marches de jour, marches de
nuit - marches pieds nus, sur des cailloutis, sur
des roches glissantes - dans l'eau, dans la boue,
dans les herbes coupantes, dans les lianes de la
forêt - marche dans les torrents, dévorés par les
sangsues, et les moustiques - avec la fièvre ou la
dysenterie - avec une fois par jour, le soir, une
boule de riz et parfois un coriace morceau de
buffle séché - sans graisse, sans sel - ou une
soupe tiède de coeur de bambou. - et les
embuscades à déjouer, les coups à rendre, les
camarades blessés à transporter, puis à abandonner Tout cela, pendant des mois sans
nouvelles, sans savoir même qu'on vous sait là
mais avec une volonté tenace de revenir dans un
pays d'où nous avions été chassés; une volonté de
résistance qui ne nous a jamais abandonné Chasser
aussi de notre esprit, la propagande japonaise, de
l'oeuf cassé dans une assiette (le jaune intact,
le blanc liquide visqueux). Certes ces contrées du pays thaï ont été
en 1954 le théâtre d'un combat inégal, dramatique
et glorieux, que l'Histoire a retenu au nombre des
plus grands. Le fier Commandant Gaucher, de la
Légion Etrangère, devenu Lieutenant-Colonel y
trouvera une mort digne de lui au milieu de ses
légionnaires à qui il avait consacré sa vie. Le
1er Octobre 1946, le Lieutenant-Colonel
Quilichini, fera ses adieux à ses troupes, sur le
terrain d'aviation de Dien-Bien-Phu. La mission
que lui avait confié le Général Leclerc, un an
avant, prenait fin. L'épopée des Troupes
Françaises de Chine était terminée.
Notes et documents
Extrait de l'ouvrage "Le Destin de
l'Indochine"
Enfin, quatre ou cinq jours
avant le 9 Mars, le Colonel Renucci, qui était à
l'époque attaché militaire en Australie, a été
appelé par le Chef d'Etat-Major des Forces
Australiennes qui lui a fait part d'un message que
venaient d'intercepter deux officiers japonais
prisonniers qui travaillaient pour le compte du
2ème Bureau Australien, d'après lequel les Nippons
devaient faire un coup de force contre l'Indochine
le 9 Mars 1945. Le Colonel Renucci demanda au Chef
d'E.-M. australien que cette information fut
communiquée au gouvernement français par la voie
la plus rapide, et la transmit lui-même avec son
chiffre à l'Etat-Major général de la Défense
Nationale. Il ne reçut aucun télégramme de Paris à
son sujet. Rentré en France, plusieurs mois après,
le Colonel Renucci se présenta au Général Juin et
profita de l'occasion pour s'assurer que son
télégramme avait bien été reçu. Le Général Juin
lui dit que oui, et qu'il avait été communiqué à
qui de droit (qui de droit veut dire Général De
Gaulle). Pourquoi n'avons-nous pas été prévenus en
Indochine ? Une information précise de cette
importance, confirmée par les indices recueillis
sur place aurait justifiée, même pour les plus
incrédules, la proclamation de l'état de tension.
Nos affaires auraient pris une moins mauvaise
tournure; la réalisation de l'agression par les
Japonais se serait heurtée à de plus grandes
difficultés; la surprise évitée, bien des nôtres
ne seraient pas morts lâchement assassinés.
Général de Division, C.
Sabattier commandant la Division du Tonkin,
nommé le 29 Mars 1945 Délégué Général du
Gouvernement et Commandant supérieur des
Troupes.
Dien-Bien-Phu
le 15 Juin 1946
Ordre
du Jour du Général Leclerc
aux
Troupes Françaises de Chine
Le Général Leclerc ,
Commandant supérieur des Troupes Françaises en
Extrême-Orient, à l'occasion de sa visite à
Dien-Bien-Phu, prie le Lieutenant-Colonel R.
Quilichini, de transmettre aux Troupes
Françaises de Chine, rentrées victorieusement en
Indochine, après une longue attente, son salut
tout particulier. Il regrette que les distances
entre les unités l'empêchent de le faire
lui-même,comme il l'aurait vivement désiré.
L'Armée Française et le Corps Expéditionnaire,
ont suivi avec admiration leur splendide
odyssée. L'endurance et la volonté qu'elles ont
manifestées au cours de longues et difficiles
étapes, leur magnifique attitude au cours des
combats ont témoigné de leur allant et de leur
qualité. Elles sont la garantie que la tâche
entreprise sera menée à bien.
Signé
Leclerc.
Texte de
la Citation à l'Ordre de l'Armée
attribuée
aux Forces Françaises de Chine.
Ordre Général n° 14, en date
du 18 Février 1947 de l'Amiral Thierry
d'Argenlieu, Haut Commissaire de France pour
l'Indochine - Commandant en Chef.
"Morts en forêt"
"A la mémoire de nos
compagnons morts d'épuisement en forêt alors
qu'ils tentaient d'échapper aux Nippons"
Colonne Alessandri 9/3/45
- Mai 1945
La Forêt se perd dans
l'espace, fouillis de fleurs et d'arbres, voûte
sombre où se mêlent, en des rondes saturnales, la
sinistre MORT et la VIE. Les parfums qui soûlent
se traînent dans l'air lourd et le brouillard se
plaque dans le creux des ravines, glacé comme un
linceul. Sur la sente qui rampe au pied des larges
fûts, il en est TROIS qui vont, glissant d'un pas
feutré, ombre parmi les ombres. Ce sont trois fils
de France, trois spectres en haillons, à qui la
fièvre a mis en des yeux qui se creusent, sa
grande flamme ardente. La soif leur tient la
gorge, et la faim les tenaille, mais ils vont sans
gémir, serrant leurs doigts brûlants sur un froid
mousqueton. Derrière eux : le Nippon - satrape à
face ronde qui les suit prudemment, comme les
hyènes suivent un relent de chair morte. Devant
eux : c'est l'ESPOIR - le combat qui reprend,
c'est le lointain mirage des charges héroïques, et
des drapeaux flottants. C'est la VIE, la clarté,
ce sont les vastes plaines dont le soleil est roi
et où l'écho s'en va, portant l'appel joyeux des
clairons. Depuis des jours ils marchent, mais
leurs pas sont moins sûrs, ils sentent obscurément
que la fin viendra là, car trop longue est la
route. Alors, ils ont grincé les dents pour un
ultime effort, ils ont tendu les bras, et
lentement, très lentement, ils se sont écroulés.
Leurs grands corps, en glissant, ont couché les
fougères - côte à côte, ils reposent et, de leurs
yeux voilés, ils cherchent la lumière. La vie,
comme à regret, se retire de leurs chairs, le
froid les a gagnés, et leurs mains décharnés se
crispent sur l'humus. Demain, quand le Nippon, en
quête de ces trois, aura, sur le sentier désert,
posé ses pieds fourchus, il ne trouvera rien. Les
fougères redressées couvriront les corps d'un
léger manteau vert, où l'araignée mettra une larme
de deuil. Seule, la forêt saura où sont couchés
nos morts, dont les os blanchiront, comme ceux des
oiseaux, parmi les fleurs fanées. Aussi, toi,
bûcheron, quant au siècle prochain, au travers des
halliers, pour des hommes nouveaux tu ouvriras des
routes, suspend l'envol de ta cognée lorsque tu
parviendras au plus puissant des troncs : cet
arbre a dans sa sève le sang de TROIS HEROS.
Les Américains
Le Président Roosevelt
nourrissait, depuis le début de la guerre du
Pacifique, des idées très arrêtées sur le sort
qu'il convenait de réserver à l'Indochine
Française. Elles procédaient à la fois d'un sens
aigu des intérêts économiques futurs des
Etats-Unis, et d'un anticolonialisme viscéral
inhérent à la mentalité américaine. Après les
conférences du Caire et de Téhéran, il annonça,
dans un mémorandum du 24 Janvier 1944 adressé à la
Grande Bretagne, que "l'Indochine ne devrait pas
redevenir française, mais qu'elle devait être
administrée par un conseil de tutelle" sous
l'égide de l'O.N.U. Un conseil dirigé, par les
Etats-Unis, la Chine et la Grande Bretagne comme
le craignait justement le Vietminh Une fois cette
politique arrêtée, Roosevelt donna comme
instructions de "ne rien faire concernant les
groupes de résistance ou tout autre question
concernant l'Indochine". Au Général Wedemeyer -
Chef E.-M. auprès des Chinois - il déclarait qu'il
allait faire tout son possible pour donner
l'indépendance aux peuples de ces régions.
Général Yves Gras
Histoire
de la Guerre d'Indochine
Bombes atomiques des 6 et 10 Août
sur
Hiroshima et Nagasaki au Japon
Il faut bien dire, et
reconnaître que cette action des Américains, a
accéléré sans aucun doute la reddition du Japon.
Sans compter les pertes énormes qu'aurait subi
l'armée des Etats-Unis en débarquant au Japon,
Concernant l'Indochine ces 2 bombes, sont venues à
temps, pour empêcher une extermination totale des
militaires et civils français. Des documents ont
été retrouvés confirmant ce fait. L'Etat-Major
Japonais, avait tout prévu dans les moindres
détails, de massacrer les internés militaires,
tandis que des bandes (les Japs locaux) obéissant
et à la solde de la Kempétaï (gestapo japonaise),
se chargeraient des civils, hommes, femmes et
enfants.
André Teulières
Le 9 Mars 1945 marqua ainsi
la fin de l'Indochine "française" et d'une
évolution pacifique des peuples indochinois,
évolution qui était sur le point de connaître des
développements décisifs une fois la guerre
terminée. Mais surtout, et c'était le but
recherché par Tokyo, la France "perdit la face"
dans cette aventure; en amenant en particulier les
Vietnamiens à conclure que "le ciel avait
abandonné les Français" ce qui psychologiquement
représentait à leurs yeux une tare déterminante.
C'est tout cela qu'un retour futur devait
exorciser.
"L'Indochine -
Guerres et paix" par André Teulières.
GENERAL QUILICHINI
Le général Quilichini n'est
plus... Arraché trop tôt a l'affection de sa
famille, de ses proches. de ses amis, il s'est
éteint, le 20 septembre 1979, dans sa
soixante-huitième année. Le Général de corps
d'armée Quilichini avait quitté le service actif
en décembre 1972 après avoir, en quarante-deux ans
d'une carrière toute entière consacrée au service
de la France, exercé les commandements les plus
brillants sur tous les théâtres d'opérations.
Admis en 1930 à I'Ecole Spéciale Militaire de
Saint-Cyr, il y choisit les Troupes Coloniales. Il
sert alors successivement au 4e Sénégalais puis en
Indochine au 9e R.l.C. et au 4e Régiment de
Tirailleurs Tonkinois, enfin au R.l.C.M. et en
A.O.F. au B.T.S. n°8. avant de rejoindre les
Forces Françaises Libres au mois de juin 1940.
Venant du Cameroun où il a été promu capitaine à
titre temporaire, il suit le général Leclerc et
participe aux opérations du Fezzan, de
Tripolitaine et de Tunisie où il est blessé en
février 1943. Promu chef de bataillon, il rejoint
la 2é D.B. où, après avoir servi a l'état-major,
il se distingue à la tête du 1er Régiment de
Marche du Tchad lors de la libération de Baccarat
et de Sarrebourg. Lieutenant-colonel en janvier
1945, il est désiqné pour prendre le commandement
des troupes françaises en Chine. Débarqué à Kun
Ming en octobre 1945, il regroupe ses unités au
Tonkin et réoccupe le pays Thaï après une
remarquable campagne. De retour en France, il est
affecté au R.C.C.C. et en prend le commandement en
1948. Il effectue ensuite un séjour de deux ans en
Afrique Equatoriale Française où il assume le
commandement du détachement motorisé autonome de
l'A.E.F. et le commandement militaire de
l'Oubangui-Chari. Promu colonel en janvier 1952
alors qu'il commande le 3e R.l.C., il est désigné
pour continuer ses services en Extrême-Orient.
Successivement commandant de la Zone autonome
nord-ouest puis du R.B.C.E.0. et du secteur de
Sontay, il prend le commandement du groupe mobile
n°7 avec lequel, en 1954, il participe à toutes
les opérations au Laos et au Nord Vietnam. Dans le
Sud tunisien en 1956, il forme un groupe mobile et
réduit la dissidence de tribus menaçantes pour nos
communications au Sahara. De 1957 à 1959, il est
mis à la disposition du général gouverneur
militaire de Lyon et est désigné comme commandant
supérieur des Forces Armées en Côte Française des
Somalis. Promu général en juillet 1960, il revient
en France en 1962 pour être nommé adjoint au
général commandant la 9e Région Militaire. En
1965, il est nommé commandant supérieur du Groupe
Antilles-Guyane. Promu général de division en
avril 1966, il est désigné, à l'issue de son
séjour, comme commandant en chef en Afrique
Centrale. Son expérience de chef de guerre, sa
connaissance des hommes et des territolres
extérieurs, son sens de la discipline et de
l'organisation en font alors le dynamique
Inspecteur des Troupes de Marine et des Forces
Armées en Afrique Centrale. C'est à ce poste qu'il
est nommé général de corps d’armée en octobre 1970
et qu'il terminera sa carrière le 27 décembre
1972. Grand officier de la Légion d’Honneur,
titulaire de la Croix de la Libératlon, grand
croix de I’Ordre National du Mérite, Croix de
Guerre 39-45, des T.O.E. et de la Valeur Militaire
avec 10 citations ainsi que de nombreuses
décorations étrangères, le général Ouilichlni est
un exemple pour les jeunes générations. Ses
obsèques ont été célébrées le 22 septembre en
l'église du Port de Mouguerre, en présence du
colonel Richard, représentant le général Duval
inspecteur des Troupes de Marine alors au Liban,
et des généraux Kergaravat, Lavergne et Moulier.
Un service a été célébré le 30 octobre 1979 à
Saint Louis des Invalides, auquel assistaient les
plus hautes autorités ou leurs représentants. |