Ginette et Léon BERTRAND
057
LUNE DE
MIEL AVEC UN HEROS
**
LENDEMAINS
D'ÉVASION
Journal de
Marche du "Capitaine Malgache"
GUERRE
1939 - 1945
Témoignages
NICE
-Juillet 1988
Analyse
des témoignages
Résistance en Côte d'or
Ecriture
: 1945 - 112 pages
POSTFACE de Michel EL BAZE
Après plusieurs tentatives,
Léon Bertrand, captif dans "l'inhumaine Poméranie"
réussit son évasion et prend le maquis pour former
et diriger une Unité de Résistance, la "Compagnie
Madagascar" qui s'illustrera en Côte-d'Or,autour
de Dijon ;de Juin 1944 au 11 Novembre de cette
même année. C'est le Journal de Marche de ce
maquis tenu au jour le jour que Ginette, son
épouse, nous livre aujourd'hui. Ginette, qui
participa à l'action et qui fut citée pour une
liaison sous le feu, mais que son époux "fit
sauter" en disant :"On raconterait que cette
citation vient de moi, parce que je suis amoureux,
alors, contente-toi des miennes !" et sans doute
aussi de cette constante lune de miel que lui
offrait son "Malgache" de mari.
AVANT PROPOS de Ginette BERTRAND
Son pseudonyme de "Malgache"
vient du dernier séjour colonial effectué par Léon
Bertrand ;à Diégo-Suarez, dont il revint deux
jours avant la guerre, veuf avec une petite fille
de deux ans. La guerre de 1939/45 devait escamoter
ses permissions, et l'expédier sur le front avec
son unité le 221ème d'Artillerie Coloniale.
Refusant de se replier sans nécessité apparente,
il tint, avec un groupe, une position qui leur
permit de détruire 48 chars allemands, et il n'a
jamais pu comprendre la débâcle de 194O et
l'Occupation qui allait suivre. Entourés de S.S.,
fait prisonnier, ce petit groupe partit à pied
vers les camps de Poméranie, à travers la Belgique
;puis la Hollande. Il était facile de s'échapper,
mais les Allemands fusillaient aussi facilement
les civils surpris à aider un prisonnier, et Léon
Bertrand a vite décidé de rentrer tout seul,
depuis le territoire allemand. La vie en Stalag
devait lui faire retarder son évasion, afin
d'aider ses camarades, préparer leurs filières
d'évasion, faire soigner les malades, obtenir des
conditions de vie moins dures, écouter Radio
Londres ;pour eux. Cela paraît simple aujourd'hui,
mais à l'époque, il fallait un courage aussi
exceptionnel que persévérant, et cette forme de
Résistance avait, dans le souvenir de Léon
Bertrand, bien plus de valeur que la courte
période du Maquis. Réussissant sa 5ème tentative
d'évasion ;en 1944, Léon Bertrand ;débarque, dans
tous les sens du terme, dans une France dont il ne
connaissait pas l'ambiance. Il abandonne vite son
idée de rejoindre l'Angleterre, et gagne un maquis
des environs de Dijon, où ses parents
Francs-Comtois s'étaient fixés. Il ne tarde pas à
comprendre que son idéal de soldat voulant libérer
son pays serait mieux servi par une petite unité
mobile, dirigée et animée par lui-même, la
captivité lui ayant donné confiance en ses
possibilités d'entraîneur d'hommes. C'est ce récit
qu'il vous livre.
Introduction
de Léon BERTRAND
Ce témoignage fut écrit
immédiatement après la libération. Prismatique,
centré sur mes souvenirs personnels, il ne fut pas
diffusé. Deux ans ont passé.( Note : Nous sommes
en 1947) La Résistance, chaque jour plus déformée,
est odieusement calomniée. J'ai cru de mon devoir
de présenter sous son vrai jour cette Résistance
au combat en faisant revivre heure par heure, jour
après jour, la Compagnie F.T.P.F. MADAGASCAR, qui
groupait dans son sein des Français de toutes
opinions, des Alsaciens-Lorrains déserteurs de
l'armée allemande, quelques Russes, quelques
Polonais. Je me suis appuyé sur le souvenir de
tous, et je suis heureux de pouvoir insérer
quelques récits personnels de camarades. Les
événements auxquels ils ont été mêlés prennent
ainsi un éclairage particulier. Actuellement, tous
ont repris le travail, mais, déçus profondément
par le non-châtiment des traîtres et des
profiteurs, ils sont prêts à répondre " présent "
si les libertés républicaines venaient à être
attaquées. Dans ce récit, vous les trouverez
dépouillés et nus, afin de laisser à ce témoignage
son entière valeur historique. Rien n'est caché ni
de leurs faiblesses ni de leur héroïsme. La
défaillance de quelques-uns pèse peu en regard de
l'action de tous. La loi du maquis était dure,
stricte, sèche, sans indulgence. La sécheresse de
ce récit la situera avec exactitude. Avant de
faire revivre le climat du maquis, j'adresserai
mon meilleur, mon plus fidèle souvenir à tous mes
camarades de captivité du II B et du II D, et
particulièrement à ceux qui étaient avec moi au
Kommando 135 à ROSNOW, pendant l'hiver 1942-1943.
Nous étions là cent-cinquante qui n'avions qu'une
âme et qui, coude à coude, faisons face aux
geôliers. La maladie et la mort nous avaient
visité. La neige et le froid s'unissaient contre
nous, mais la radio nous apportait l'appel de la
FRANCE libre : " Ici LONDRES… Les Français parlent
aux Français ". Que soient remerciés ceux qui nous
ont ainsi aidé à tenir dans cette morne, dans
cette inhumaine POMERANIE. Je veux placer ici ce
sonnet, qui m'a été dédié par mon camarade
SINIBALDI, et qui m'a été offert par tous mes
camarades la veille de mon départ pour la
"STRAFKOMPAGNIE".
SOMMAIRE
LIVRE I
LA
MEMOIRE
**
PAGES
- La Compagnie
Liberté 7
- Compagnie
MADAGASCAR
3O Juin 1944 9
- 2 Juillet - 3
Juillet 1944 1O
- 4 Juillet - 5
Juillet 1944 11
- 8 Juillet 1944
12
- Jean LEVEQUE -
Paul ROYER 13
- Roger MARTIN -
Albert FORT - Victor SCHWINTE -
9 Juillet 1944 14
- 1O - 11 - 12 -
13 Juillet 1944 15
- 14 -15 - 17
Juillet 1944 16
- 18 - 19 Juillet
1944 17
- 2O - 21 Juillet
1944 18
- 22 - 23 Juillet
1944 19
- 24 - 25 Juillet
1944 2O
- 26 - 27 - 28
Juillet 1944 21
- 29 Juillet 1944
23
- 3O Juillet 1944
25
- 5 Août 1944 27
- 6 Août 1944 28
- 7 - 8 Août 1944
29
- 9 - 1O Août
1944 30
- 11 - 12 - 13
Août 1944 31
- 14 - 15 Août
1944 32
- 16 Août 1944 33
- 17 Août 1944 36
- 18 Août 1944 37
- 19 Août 1944 38
- 20 Août 1944 39
- Proclamation du
Commandement des F.F.I.
de BOURGOGNE 46
- 22 Août 1944 48
- 23 - 24 Août
1944 50
- 25 - 26 Août
1944 51
- 27 Août 1944 52
- 28 Août 1944 53
- 29 Août 1944 54
- 30 Août 1944 56
- 31 Août 1944 59
- 1er Septembre
1944 61
- 18 - 19 Août
1944 62
- 2O - 21 Août
1944 63
- 2 Septembre
1944 65
- 3 Septembre
1944 68
- 4 Septembre
1944 69
- 5 - 6 Septembre
1944 70
- 7 Septembre
1944 72
- 8 Septembre
1944 76
- 9 - 10 - 11
Septembre 1944 77
- 12 - 13 - 14
Septembre 1944 78
- 15 Septembre
1944 79
LIVRE II
DOCUMENTS
**
- Résultats des actions contre
l'armée allemande 80
- Services
Annexes ayant dépendu de l'Unité 81
- Décorations
obtenues par les membres de l'Unité,
pendant la durée
des combats, de 1939 à 1945 83
- Copie des
Attestations de Blessures 90
- Compte-rendu de
Gestion de la Compagnie 91
- Liste des
membres de la Compagnie 92
- Appendice 95
La mémoire
La
mémoire : seul bagage incessible
Jacques ATTALI
Quelques erreurs n'ont pu
être évitées. Les unes sont secondaires. (Par
exemple, SACHA, le Russe, parlait un allemand
minimum appris dans les camps, et communiquait
ainsi avec son capitaine MALGACHE. Ce n'était pas
toujours clair,. Deux évasions se trouvent
contractées en un seul récit, mais comment
corriger ? J'ai oublié les détails de la bonne
version). D'autres faits sont plus navrants. SACHA
pense, à propos de l'exécution des Officiers
Russes du poste de BLAISY-BAS, qu'ils étaient
sincères et voulaient vraiment gagner un maquis.
Malheureusement ils n'ont pas pu convaincre leurs
hommes à temps, certains préférant rester sous
l'uniforme allemand que risquer les mines de sel.
Cet exemple pose le problème des ordres
d'exécution demandés par l'Etat-Major F.F.I. dont
dépendait la Compagnie MADAGASCAR. (S'il y a eu
ensuite exploitation politique, l'évadé et ses
hommes ne pouvaient l'imaginer au moment de se
battre). Le responsable de cet Etat-Major était un
homme intègre et digne de confiance, mais il ne
pouvait parfois que transmettre d'autres décisions
hiérarchiques sans moyen de doubler l'enquête. Les
liaisons étaient prudentes, parfois coupées
pendant plusieurs jours. Les Résistants du dernier
trimestre avaient durement appris cette méfiance,
après l'hécatombe de 1943 décimant une Résistance
trop peu secrète. La peur des dénonciations
obligeait à des solutions dures. Léon BERTRAND,
refusant ou ajournant plusieurs ordres
d'exécution, apprenait dans le même temps que les
délations étaient souvent le fait de Français
apparemment dignes de confiance. (La FRANCE
profonde ?...). Qui savait au juste de qui il
pouvait répondre comme de lui-même ? Au moins,
dans ce contexte troublé, les Russes portant
l'uniforme allemand étaient-ils passés au service
du Reich, ce que SACHA et bien d'autres n'avaient
pas accepté. Par contre, des Allemands qui se sont
rendus au Maquis MADAGASCAR ont été prisonniers de
guerre, quoique bien encombrants sur la fin, et
Léon BERTRAND a tenu à se les faire présenter dans
le camp qui les rassemblait, car certaines Unités
fusillaient les prisonniers sans autre forme de
procès. Les prisonniers du Maquis MADAGASCAR
n'avaient d'ailleurs qu'à suivre la flèche
indiquant le maquis, sur la route de SOMBERNON : "
Achtung ! Terroristes ! ". J'ai travaillé à la
liquidation des Affaires de la Résistance à
l'Etat-Major, avec mon mari. Nous avons observé la
variété énorme des diverses formations dans la
clandestinité. Je suis mal placée pour dire que la
"COMPAGNIE MADAGASCAR "avait une cohérence, une
organisation et une efficacité tranchant sur
l'ensemble, mais je peux dire que, s'il ne
laissait passer aucune escroquerie morale, Léon
BERTRAND n'accablait jamais les " Amateurs
débordés ", c'était son mot : - J'étais militaire
de carrière, je savais mener une Unité. Les
Amateurs ont manqué de Cadres et d'Officiers, à
qui la faute Où étaient les uniformes ? Dans la
naphtaline. Tu les vois maintenant, plis
impeccables et tenues démodées, reprendre leur
Tableau d'Avancement là où ils l'avaient laissé
tomber en Juin 4O ? Je crois que je peux dire
cela, tant d'années ont passé que personne ne se
reconnaîtra… De cette lune de miel harassante je
garde encore le souvenir du marathon des
inaugurations commémoratives, des visages
homériques quand un candide venait quémander une
attestation d'appartenance à la Compagnie
MADAGASCAR, un rouleau de billets de banque à la
main et la fleur aux lèvres : - Vous comprenez, la
vôtre, ça fait sérieux… et tant d'autres
bizarreries humaines… Ici et là, LE MALGACHE
recevait une décoration, écoutait lire devant les
troupes quelque Citation ponctuelle, et me disait
: - J'ai un meilleur texte. C'est un Allemand qui
raconte : on prend 1O Français, on les enferme à
clef tous nus dans une baraque, on met les chiens
policiers autour, et dix minutes après, ils sont
en train de se faire des frites ! Il ajoutait de
son cru : - Même les Belges n'y arrivaient pas !
Je regrette un peu que son texte soit si sérieux,
alors qu'il riait de tant de choses qui
m'indignaient encore. Sans doute ce texte fait-il
partie de ses devoirs militaires, n'y touchons
pas. J'ai rencontré Léon BERTRAND le 13 Septembre
1944, nous nous sommes mariés le 8 Février 1945,
plus pour mettre fin aux tracasseries de nos
familles respectives que par impatience, et dans
l'incertitude complète du lendemain. Sa situation
militaire se régularisait dans le désordre, des
amis se retrouvaient au départ pour l'INDOCHINE
tandis que femme et enfants étaient embarqués par
erreur sur un bateau à destination de l'AFRIQUE,
le mariage avait au moins le mérite de me rendre
majeure, car je n'avais que 19 ans, lui 42, ce qui
nous attirait plus d'envieux ou de critiques que
d'amis encourageants. Surtout, attendre quoi ?
Comment ? Nous avions rêvé une Libération
apportant soulagement, joie profonde, possibilité
d'entreprendre et rebâtir dans l'efficacité. Ce
n'était pas encore le cas : la Libération ne
tenait aucune de ses promesses, autant citer Mr
MALAGIE : " ... lutte, brutalité, cruauté,
égoïsme, arrivisme forcené…/… courants psychiques
dans lesquels la FRANCE se débat, difficultés de
tous ordres : ravitaillement, finances,
reconstruction, etc, au milieu d'une atmosphère de
gangstérisme, non seulement rivalités
personnelles, marché noir, attentats à main armée,
mais lutte plus ou moins hypocrite ou violente des
intérêts collectifs ". Bref, le Chanoine KIR nous
maria civilement, prêt à " réconcilier nos
familles ", idée baroque dont il fallut le
dissuader énergiquement. Côté Eglise, le curé
ex-pro-allemand né DE COSSE-BRISSAC voulut se
blanchir un peu par un beau discours, toutes
soutanes retournées. Prévenu in extremis alors que
j'avais déjà le pied sur le tapis rouge des
grandes pompes dont nous ne voulions pas,
j'avançai vers l'autel dans des bruits divers
provenant de la sacristie : chaise cassée,
projections sourdes, éclats de voix d'une " colère
MALGACHE ", sur fond de BACH " Que ma joie demeure
", tandis que le frère jumeau de mon mari
détendait la montée à l'autel en murmurant, aussi
amusé que moi : - Ne te prends pas les pieds dans
le beau tapis, et n'y fais pas d'accrocs, je sens
qu'on ne nous fera rien payer ! Nous habitions des
lieux étranges, étriqués ou marginaux, en
cherchant un logement, tandis que l'Administration
Militaire cumulait les décisions contradictoires.
Mon mari, sollicitant une permission après cinq
années sans congé ni repos, cinq années de luttes
encore plus dangereuses en camp de prisonniers
qu'au Maquis, reçut une permission de trois mois
prenant effet du 2O Mai 1944 au 19 Août 1944,
juste le temps de la Résistance, et en bonne
logique militaire j'avais épousé un déserteur en
uniforme. Affectations successives puis ajournées,
congés sans solde ni indemnité pour boucher les
trous, il convenait que j'apprenne la règle : -
Que devez-vous faire quand vous recevez un ordre ?
- Je dois attendre le contre-ordre ! Considéré
Adjudant par l'Artillerie Coloniale, il fut "
atteint par la limite d'âge ", sans possibilité
d'être au tour de départ. J'avoue que ça me
convenait pour l'instant. Puis, il fut nommé
Capitaine et utilisé à diverses missions dans
lesquelles ses qualités d'improvisateur organisé
faisaient merveille, mais utiliser les compétences
réelles n'est pas le propre de l'armée, c'était
anormal. Cinquième Bureau de la 7ème Région, MELUN
à l'instruction, FONTAINEBLEAU au sport, CASTRES
au matériel, je crois, et je ne sais plus quoi
encore, et quand il a démontré partout ses
aptitudes, expédition dans une Ecole des Cadres à
REGENNES et rétrogradé Lieutenant tout en sortant
en tête de ce recyclage bidon. Les décorations
pleuvaient par ailleurs. Il s'agissait vraiment de
calmer et décourager les vrais héros : une armée
doit se composer d'hommes manipulables, qui ne
réfléchissent pas et obéissent sans discuter. Les
uniformes planqués dans la naphtaline en
ressortirent avec avancement et affectations
actives. J'appris un autre Article du Code : " La
discipline faisant la force principale des Armées,
il importe que… " etc. Pour Léon BERTRAND,
l'arrière était " un joli bordel ", et les choses
intéressantes se passaient à 2OO km de là, au
front, où ceux de ses hommes qui s'étaient engagés
piétinaient devant BELFORT. Il restait en liaison
avec un Officier qui lui avait promis de le
réclamer en cas de commandement libre, et il y eut
des trous à boucher, car les Allemands
s'accrochaient au Rhin. Le courrier de l'ami
Officier fut expédié à l'adresse familiale,
Laiterie de l'Est, dont nous n'habitions aucune
des nombreuses chambres vacantes, tant nous
dérangions la bourgeoisie dijonnaise. (Même chose
du côté de mes parents, nous étions à la rue et "
maudits ", c'était très 1900 !). Le lettre
proposant un commandement fut ouverte par ma
belle-mère, et délibérément détournée jusqu'à
l'Armistice. Nous n'aurions rien su si nous
n'avions rencontré son auteur par le plus grand
des hasards. Il y eut bien une " colère MALGACHE "
dans la cour de la Laiterie, mais c'était trop
tard, et ma belle-mère, qui avait viré de bord me
déclarait sa bru préférée, me dit très
sérieusement : - Dans l'état où il était, il se
serait fait tuer. Il en avait assez fait, et
puisqu'il n'y en avait que pour les naphtalinards,
c'était à eux d'aller un peu au feu. Léon a l'âge
de faire encore quelques enfants aussi idéalistes
que lui, pour la guerre suivante ! Génération
sacrifiée vouée au baby-boom, quant faut y aller,
faut y aller ! Dans la pagaille " libérée ",
chacun se trouvait un réseau de relations lui
convenant. Un médecin Résistant connaissait une
infirmière qui s'engageait pour le front et
réussit à nous faire louer l'appartement qu'elle
laissait, Place des Cordeliers : deux grandes
pièces en rez-de-chaussée sur cour, dans un hôtel
particulier, portail massif, fenêtre sur rue
permettant de voir qui sonne, mais défendue par
des barreaux de fer forgé, un lieu idéal pour
trier un peu les émissaires de l'adversité. Mais
s'il était facile de faire un camp retranché, il
restait à y créer notre foyer, et nous n'avions
qu'une vague idée de la chose, moi faute d'en
avoir un lointain souvenir, chez ma grand'mère,
Léon en ayant perdu l'habitude, les séjours
coloniaux étant campements au milieu des malles
plus qu'installations solides, pour un margy du
2ème R.A.C. Jacques et Jacqueline arrivèrent,
enfants de la première femme de mon mari. Jacques
avait 14 ans, son père ne s'en occupait pas, mon
mari n'avait pu l'emmener à MADAGASCAR puisqu'il
n'était pas son fils, et les grands-parents qui
l'hébergeaient étaient débordés. Je lui appris à
lire en taillant son premier manteau dans une
couverture teinte de l'U.S. ARMY. Jacqueline 12
ans, faisait aussi de la couture avec moi, nous
avions pris l'initiative risquée de raccourcir les
immenses shorts coloniaux qui flottaient en chute
libre sur les genoux masculins proéminents, pour
faire " la surprise " au grand chef. Content ou
pas, s'il voulait encore affubler le reste de son
unité de ces shorts démodés pour quelque prise
d'armes, nous serions moins ridicules… En fait, au
premier essayage du sien, il rit, et renonça aux
reconstitutions historiques. D'ailleurs la ruée
des inaugurations de monuments se calmait un peu,
et il possédait un uniforme correct pour honorer
les disparus. Et Jacqueline savait un peu coudre,
ce qui me paraissait utile, dans la vie. Comment
imaginer l'essor de la confection à tous les prix,
venant du monde entier nous ôter l'aiguille de la
main ? Les enfants m'appelaient maman, ce qui fit
dire à une dame horrifiée, un soir de cirque (le
premier cirque à revenir, cirque-colombe annonçant
la fin du déluge de fer et de feu) : - A quel âge
elle a bien pu les avoir ? La famille prenait
figure, joyeuse et vorace. Le MALGACHE me "
faisait confiance ", c'est-à-dire planait
au-dessus des contingences quotidiennes.
Heureusement quelques-uns de ses hommes, restés
dans leurs foyers ruraux, le connaissaient et nous
ravitaillaient un peu selon leurs possibilités.
Pour les légumes des soupes, il suffisait de
ramasser les restes des marchés avant balayage,
c'est-à-dire il suffisait de disputer ces rebuts à
des bonnes Soeurs super vaches qui n'avaient même
pas l'excuse de tenir cantine pour des orphelins.
Je mettais mes souliers de guerre à semelle de
bois pour " faire mon marché ", et j'eus bientôt
mon territoire de chasse : un petit coup de pied
dans les chevilles, un sourire jusqu'aux oreilles
: - Oh ! Pardon, ma Soeur ! Mais vous ramassiez
sous " mon " étal, ça vous a échappé. Je suis
désolée… Léon BERTRAND apprécia. J'appris qu'il
avait été promu Adjudant-Chef en 1940 pour avoir
organisé la meilleure cuisine du secteur. J'appris
aussi qu'il n'y aurait pas eu de Compagnie
MADAGASCAR efficace et toujours sur la brèche,
s'il n'avait pas eu la chance de trouver un
cuisinier-intendant capable d'assurer tous les
repas, tous les en-cas, et le quelque chose de
chaud à toute heure du jour et de la nuit. Cet
homme précieux aurait voulu se battre aussi, mais
LE MALGACHE sut le convaincre de l'importance de
sa fonction, dans laquelle il était irremplaçable,
sut se priver d'un excellent combattant, et sut
mettre à sa disposition les corvées de
ravitaillement et les bons de réquisition
raisonnables pour assurer un ordinaire correct.
J'appris une nouvelle maxime : " Ventre affamé n'a
plus de cran ", et " Honni soit qui joue sur les
mots ". Les crans de nos ceintures étaient sujet
tabou. Un domicile fixe, la bouffe assurée, les
jours de pénurie, par les frites à la graisse de
cheval de l'ami BOBY, homme de coeur et de
ressources, amour toujours, et ballades de maraude
ou de cueillettes offertes, (placer la maraude
avant la cueillette serait-il un lapsus révélateur
?) côté jardin, c'était sympa et on pouvait
attendre que l'avenir émerge, mais côté cour,
c'était plutôt panier de crabes et sables
mouvants. Je dépasserais le cadre de quelques
pages si je sortais ici en détail et
chronologiquement ce qui me reste en mémoire de ce
temps-là. Je préfère regrouper quelques souvenirs,
sans trier date ou importance, et c'est aussi vrai
qu'une reconstitution, puisque tout nous arrivait
par surprise, dans le désordre. .c.LE
TEMPS DU REVOLVER Léon BERTRAND, menacé, tiraillé, utilisé
à toutes les sauces, naturalisé rouge, puis blanc,
puis assassin, puis fou, ivrogne, danger public,
ou porté aux nues, type superman mâtiné de
SAINT-VINCENT-DE-PAUL, (" le jarret solide pour
déjouer les lacets tendus sur son chemin ", sic,
lettre d'admiratrice) Léon BERTRAND fut chargé de
liquider en un mois des effets et des fonds de
caisse aux plus démunis. Service Social avant la
lettre, enquêtes, justificatifs, tenue de stocks,
de comptes, archives de reçus, arrivée de nouveaux
ballots contenant des armes disparates, alors que
toutes celles de la Compagnie MADAGASCAR étaient
rendues, le foyer devint hall de gare, avec un
défilé dont nous avions hâte de voir la fin. Comme
nous étions deux impatients associés, ce fut fait
bien, et vite, dans les délais. Dans le même
temps, la famille s'occupait de ses affaires,
achetait des camions au nom du MALGACHE pour avoir
un prix préférentiel, ou se sortait du clos
SAINTE-MARIE où étaient internés les
collaborateurs trop vite enrichis grâce à cette
parenté, et voilà comment mon héros distributeur
désintéressé fut déclaré " profiteur " pas si pur
que ça. Et qu'est-ce qu'on peut faire contre sa
propre famille ? De toutes façons c'est suspect. -
Les chiens aboient, l'amour passe ! déclara mon
faiseur de proverbes. Il fut décidé de recevoir
tout le monde et n'importe qui. Mon mari installa
sa petite table-bureau devant la porte, afin de
rendre facile la fuite de certains, et me
transforma en gorille armé de son revolver. (Ne
pas confondre avec un pistolet, c'était un gros
revolver à barillet avec lequel je fus entraînée
sur des cibles de carton, dans des carrières
désertes). Plusieurs signes convenus furent mis au
point. Nul ne surveillerait la jeune dame dans
l'ombre, je pourrais tirer aux pieds du suspect,
ou en haut, ou si nécessaire " dans le buffet ",
après avoir compté un nombre de secondes
correspondant aux doigts montrés. L'envoyé du
Parti Communiste ne posa pas de problème.
Econduit, il se retira avec un sourire de pitié :
- Vous serez quand même des nôtres, puisque vous
étiez F.T.P.F. Mais vous n'aurez jamais
d'avancement, alors qu'en signant votre carte du
Parti, vous deveniez Commandant Et voilà comment
LE MALGACHE fut déclaré communiste. Il en resta
coi, sans proverbe ni texte réglementaire pour mon
instruction, et ne l'a jamais bien digéré. Mais si
vous avez lu la fin du Petit Cirque, vous vous en
doutez. Une femme vint pour l'autre bord, le
revolver était sous les petits pois que
j'écossais. Nous écoutions RADIO-LONDRES quand
l'Etat français, qui n'était plus une République,
rabâchait " Maréchal, nous voilà ". (Il était bien
mal loti, le pauvre !). Donc, nous avions déjà
perdu nos illusions à l'heure où les mêmes
trépignaient : - Vive DE GAULLE ! L'émissaire en
tailleur ignorait que les directives du grand
Charles, erreur ou tactique, avaient été
désastreuses pour la Résistance. De grands Maquis
surpeuplés et fixes, pour en disposer à son heure
et sous son commandement, avaient entraîné
représailles, pertes inefficaces, et attaques
comme celle du VERCORS. Mais les petits Maquis
mobiles et le harcèlement efficace en limitant les
destructions inutiles, pour ne pas avoir à trop
reconstruire, la guérilla type Compagnie
MADAGASCAR, ne pouvant amener que la libération du
territoire, et non l'accès à l'Elysée, n'étaient
pas du goût de tous. En outre, la dame arrivait
juste pendant une permission-éclair, mon mari se
tapait à l'Ecole des Cadres et ses cours insipides
" pour guerre de 1870 ", (? ? ?) mais il apprenait
beaucoup de choses de ses condisciples. La dame
eut droit à l'histoire du jeune Capitaine qui
avait conduit au feu, avec succès et peu de
pertes, ses Compagnies successives, du fond de
l'AFRIQUE en ITALIE, puis en PROVENCE, en ALSACE,
et qui fut expédié à REGENNES pour apprendre à
devenir un Officier et se voir rétrogradé
Lieutenant. Il en pleurait, encore un à décourager
de l'armée, il était trop bon soldat. - Je choisis
mes chefs, dit " Léon le Superbe ", et le vôtre ne
m'inspire plus rien du tout ! Et il ne fut pas
Colonel, car tel était le tarif à Droite. Mais il
fut suspecté de militer dans l'Extrême-Droite, ce
qui le laissa également sans réplique. Pour
recevoir l'envoyé du KREMLIN, je couvais mon
revolver sous l'oreiller, car notre second petit
garçon venait de partir dans un mini-cercueil
comme le premier. Je n'étais pas au meilleur de ma
forme, et les couveuses pour prématurés ne pouvant
s'obtenir sans caution dont nous n'avions pas le
premier centime, furent réservées aux enfants "
bien ", de parents riches. Nos fils n'étant que
petits-fils de riches, je n'aurais qu'à
recommencer, c'est simple. MOSCOU réorganisait son
Service de Renseignement, et se déclarait déçu par
les membres du Parti Communiste Français qui était
un Parti " bourgeois, sur lequel on ne pouvait pas
compter ". Nous avions repoussé leur carte, et
devenions intéressants. Ils étaient bien
renseignés. Nous aurions " la couverture de notre
choix, industrie, commerce ou emploi intéressant,
dans la région de notre choix, avec les frais de
fonctionnement que nous fixerions nous-mêmes ". -
Je viens d'en suer pour être libre dans mon pays,
dit mon mari, ce n'est pas pour troquer la Croix
Gammée contre une faucille et un marteau ! Beau
joueur, l'envoyé Russe se déclara ravi de
rencontrer un vrai patriote. Puis une conversation
suivit. Mon mari voulait savoir si l'appartenance
des Russes de son Maquis leur assurait un retour
sans problème dans leur pays. Il n'en était rien :
évadés ou engagés dans l'armée allemande, ils
étaient tous arrêtés, jugés et envoyés en "
rééducation ", car ils avaient commis la faute de
se laisser prendre par l'ennemi. Il était trop
tard pour plusieurs des anciens de la Compagnie,
mais Sacha, grâce à sa rééducation après blessure
ne partit pas avec les autres, comprit à temps, et
revint. La FRANCE reconnaissante lui remit une
carte d'apatride. Il s'est fait depuis naturaliser
Américain, donc la FRANCE ne financera pas, sans
un dossier du tonnerre de DIEU, l'extraction de la
balle qui lui reste, tandis que les U.S.A. ne
voudront rien entendre pour une balle allemande
reçue hors de l'un de leurs Régiments. " A ses
fils morts, la Patrie reconnaissante ". Mais pour
les vivants, qu'ils se débrouillent ou crèvent.
(Ça, c'est de mon cru). Nous avons aussi reçu pas
mal de naïfs, un rouleau de billets de banque à la
main, d'autres sortant des poches, pour acheter
une attestation d'appartenance à la Compagnie
MADAGASCAR, qui avait tout de même sa réputation
de sérieux. Mon mari leur expliquait patiemment :
- Le lendemain de la Libération, j'ai déposé la
liste de mes hommes. Inutile d'insister. Mais si
jamais je trouve une attestation fausse utilisant
le nom de ma Compagnie, cela vous coûtera plus
cher que vos rouleaux de papiers ! Je devais alors
me rapprocher aimablement en balançant le
revolver, ce que je ne trouvais pas nécessaire.
Ils achèteraient une autre attestation, et il me
semblait que nous vivions mal, ce revolver
toujours à portée entre Français. Mais les autres
aussi vivaient bizarrement. Autant innover et
poser le revolver un peu trop tôt, on verrait
bien. DIEU merci, on n'a rien vu. .c.LES
CITATIONS Pour les Croix de Guerre, Léon BERTRAND
avait sa coquetterie. Comme il avait son
franc-parler, on l'arrosait de médailles, que l'un
ou l'autre se faisait une joie, ou une corvée, de
lui offrir en attendant la remise officielle, et
je le vois les jetant dans une boîte de dominos
vide, en me disant : - On ne sait jamais, ça peut
toujours servir, avec tous ces cons ! Mais je le
revois aussi tempêtant contre un texte du genre :
" Brave soldat, s'est bravement battu, a bien
mérité de la patrie ", et filant à l'Etat-Major,
furieux, pour essayer de savoir qui avait pondu
cette " merde ", en tous cas pour se la faire
enlever. Il entreprit aussi de récupérer des
témoignages de ses camarades de captivité, j'en
conserve encore qui en disent long sur la trempe
de son caractère. Et le résultat ? Quand il a
décidé, en 1946, de bénéficier de la Loi de
Dégagement des Cadres pour quitter l'armée, il
avait trop de titres de guerre pour entrer dans le
cadre des personnels à dégager, et a dû en "
oublier " sur l'imprimé ! L'Administration
Militaire n'avait plus de secrets pour lui, il fut
" dégagé sur sa demande ". Un peu avant, nous
avions été affectés au Cinquième Bureau,
mi-liquidation des affaires de la Résistance,
mi-ébauche d'un Service de Renseignement. Léon
BERTRAND me mit d'office à son Service personnel,
Secrétaire favorisée par l'octroi d'une antique
machine à écrire comme seule l'armée peut en
trimbaler dans toute l'EUROPE. Mes mains s'y sont
musclées ! Et mon éducation poursuivit son cours.
Parfois j'étais " prêtée " pour une journée à un
Officier sans Secrétaire, et j'appréciai si peu
que je menaçai de regagner mes foyers. D'abord
j'étais bénévole, ensuite, autant mon mari savait
expliquer ce qu'on faisait, pourquoi, et comment
je devais trouver la bonne façon de le présenter,
autant les autres Officiers étaient vagues,
confus, donnant des ordres tantôt pour des
illettrés, tantôt pour des Généraux ayant pouvoir
de décision, et comme ils le sentaient, ils
étaient en permanence penchés sur mon clavier,
m'interrompant ou me faisant tout recommencer pour
un mot aussi mauvais que le précédent. Rédiger
intelligent dans ces conditions était impossible,
et taper des inepties me sapait le moral. C'est
mon point faible : je ne peux pas supporter d'être
commandée par moins capable que moi, et je prends
la tangente au moindre relent de médiocrité,
d'inefficacité, de mesquinerie, bref de sottise.
Cela ne m'a pas trop mal réussi, finalement. La
vie est trop courte pour l'accepter ennuyeuse. En
attendant, je méditais sur l'art de donner les
ordres, tout en admirant sans compter ce mari
enlevé de haute lutte : le spectacle, au Cinquième
Bureau, répétait à l'échelon régional le prologue
entrevu à notre domicile. Nous étions en butte à
une furieuse ruée sur les décorations, les places
à décrocher, les valises de billets parachutés à
répartir ou détourner, certains bijoux récupérés à
ne pas restituer, quitte à faire assassiner la
jeune convoyeuse. (Mission et ordre de la tuer
émanaient du même " chef " politique ; ne
précisons pas davantage, à quoi bon ?). J'en
oublie, et tant mieux. Léon BERTRAND restait
calme, courtois, précis, il posait quelques
questions, écoutait, recoupait l'histoire,
ajoutait quelques preuves à chaque dossier, puis
prenait seul une décision imparable, élégante de
netteté. Un baroudeur, une tête brûlée, cet
Officier ? Pas plus que le reste des jugements
téméraires émis à son propos. J'en retiens qu'il
faisait parler, et j'ai pris au Cinquième Bureau
quelques leçons de solidité qui m'ont servi pour
la vie, en plus de la joie de voir qu'on se
ressemblait juste assez pour faire une belle
équipe. Un exemple anodin précis : J'ai tapé
quantité de Citations pour un fait d'armes qui
n'avait engagé que deux Résistants auprès d'un
pont. Or, il s'en trouvait une bonne cinquantaine
cités pour cet exploit, et nous savions très bien
qui était au feu ce jour-là. Mon mari convoquait
le proposable, écoutait son histoire, puis
proposait une Citation selon ce qui lui était dit,
me la faisait taper, faisait signer le texte par
l'intéressé, mention manuscrite " sur l'honneur "
à la fin (et deux seulement se sont dégonflés, pas
plus). A peine la porte refermée, il déchirait la
Citation abusive et la jetait au panier. Un jour,
il avait encore les morceaux en main quand le
candidat est revenu ajouter " une preuve " orale
de son boniment, et Léon l'a tranquilisé : - Ta
Citation partira comme il convient, tu peux
compter sur moi ! Je le regardais, je pensais : "
Tu sais drôlement bien mentir, quand tu veux, mais
tu sais que je le sais ". Puis je râlais : - Tu
pourrais m'économiser la frappe de tout ça, on a
d'autres chats à fouetter ! - Justement, je ne
sais pas ce qui est important, dans cette
avalanche. On n'a pas de temps à perdre avec des
escrocs à la Citation, et si on ne les rassure
pas, ils iront se la faire faire ailleurs. De quoi
s'agit-il ? De mettre de l'ordre ? Mettons-en
partout, à toutes les occasions, et mentir aux
menteurs, c'est de la légitime défense !
Naturellement, l'épuration débordait sans vergogne
toutes les tentatives. Nous faisions le net ici,
un autre, Officier ou Résistant correct, faisait
le net dans un secteur voisin, mais il n'y avait
pas tache d'huile, seulement des yeux isolés sur
le bouillon des ambitions grasses. Un jour est
arrivée une Citation à mon nom de jeune fille
J'avais effectué un signalement improvisé pour une
avant-garde dont le téléphone ne marchait plus.
J'avais oublié complètement cet incident, d'autant
plus que si je me trouvais là, ce jour précis,
c'était avec l'envie de me faire tuer, et que la
mission reçue, en me rendant utile m'avait
probablement sauvé la vie. LE MALGACHE lit, rit,
puis me cite à haute voix cérémonieuse comme on
parlait alors, (cf. la radio d'époque) et il en
sort un dialogue du genre : - D'accord, c'est un
fait d'armes précis, daté, réel, tu peux avoir ta
Croix de Guerre. Mais si elle sort de ce bureau,
tapée par toi, que diront les chiens qui aboient ?
- Fous-la au panier, je n'ai aucun mérite ! Et je
lui explique pourquoi : - Mais pourquoi ne m'as-tu
jamais raconté cette histoire ? - Parce que tu
parles toujours de ta guerre, je ne peux pas.
Regarde autour de toi : des récits, des hommes.
Des femmes, pas de récit, elles sont déjà à faire
autre chose. Elles n'ont rien à se prouver. As-tu
vu une seule femme dans la queue des candidats au
petit ruban ? - Je dois t'ennuyer, à raconter,
mais je crois qu'il faut parler. Les gens ne
savent pas, et les collabos défigurent tout ! - Tu
m'ennuies au-delà du supportable, pas tellement
parce que je suis saturée de taxis de la MARNE ou
d'histoires de rats au siège de PARIS en 1870,
mais parce que tu ne supportes pas un seul verre
de vin, et que tu te laisses piéger par des
bistrots, comme attraction favorisant la vente,
dans des lieux minables. Si je me trouve un jour,
avec ton revolver dans un de ces hauts-lieux, je
te promets de tirer dans toutes les bouteilles et
de faire un joli scandale ! Il me répondit : - Je
t'aime ! et vint m'embrasser, un baiser pas comme
les autres, un peu désespéré. Je conclus avec "
simplicité " : - Je me battrai pour toi contre
tous ! Et je repris la frappe des Citations, ou
des bordereaux de pièces d'or récupérées en
SUISSE, ou de quoi encore, stoppons-là pour le
Cinquième Bureau. J'en garde deux souvenirs
différents : Le Capitaine REGIS nous fit connaître
Pierre CLOSTERMAN. " Le Petit Cirque " est un
hommage à son action, qu'il publiait à chaud sous
le titre : " Le Grand Cirque ". Mon mari aussi
venait de publier une mince brochure, surtout pour
couper l'herbe à temps, et rendre accessible à
tous la liste de ses hommes, pseudonymes et
état-civil exact, numéro d'immatriculation
chronologique au Maquis MADAGASCAR, compte-rendu
de gestion détaillé. Parer au plus urgent,
désamorçer les coups bas, plutôt que raconter le
temps du Maquis. Bref, échange de publications,
échange de dédicaces, et pourquoi, 44 ans après,
la page 264 de son livre est-elle encore marquée ?
" C'était trop vrai, on n'avait plus besoin de
nous et on nous le fit sentir vite. Suppression de
permissions, passages en avion réservés aux
Officiers Supérieurs, brimades sans fin,
inconscientes mais qui ulcéraient. Je reçus une
note du Ministère de l'Air contresignée d'un
Général F.F.I., m'annonçant que, par une grande
faveur et à titre exceptionnel, on me nommait
Lieutenant de Réserve ". Le second bon souvenir
est celui de la fin de notre Service au Cinquième
Bureau. Je ne sais plus s'il se réorganisait ou si
une affectation arrivait, mais il y eut une petite
fête entre gens de courage et d'honneur, et à un
moment, tout le monde a entonné en choeur " Le
Chant des Partisans ". Ce fut un moment d'intense
émotion, de communion parfaite. La FRANCE était
libre, nos enfants vivraient libres, on ne savait
pas de quoi, mais ils se débrouilleraient aussi
bien que nous, mieux même, sans les entraves d'une
Occupation. La victoire nous montait à la tête, à
défaut de champagne, et si, pour l'heure, les
grands projets sociaux butaient sur l'os de la
pénurie, nous aurions des lendemains ensoleillés.
" Chantez, compagnons, " Dans la nuit la Liberté
nous écoute. Ce chant, et la sonnerie " Aux Morts
" me remueront le plexus solaire jusqu'à ma
dernière heure, je crains. .c.LA
BARAKA, OU COMMENT RENDRE LES ARMES Il restait, effets et couvertures
distribués, une malle pleine d'armes que les gens
embarrassés apportaient. Elle était oubliée au
fond de la chambre des enfants, tant nous étions
occupés tous azimuth, et moi entre autres à élever
nos deux premiers bébés, relayée par les grands
quand quelque " mission " m'occupait au dehors. Je
me mis à rêver que tout sautait, une nuit, en
tuant les quatre enfants. Le rêve revint, toujours
le même, d'abord de loin en loin, puis plus
rapproché, et finalement avec un caractère
d'urgence, tous les jours, si bien que je finis
par le raconter à mon mari. Il piqua contre moi
une " colère MALGACHE décommanda tous ses
rendez-vous, sut dans l'heure où livrer les
mousquetons, et me mit à l'emballage des grenades
qu'il fallait donner au Docteur GREMEAUX, un
oculiste qui faisait des recherches sur les
explosifs pour la Défense Nationale. J'assurerais
cette dernière livraison. Je me revois emballant
les grenades dans du journal, comme des oeufs, ou
dans des cornets pour les grenades allemandes à
manches, posant des tas sur la poussette du
garçon, conduisant le tout de la Place des
Cordeliers au domicile du Docteur, près de
NOTRE-DAME, sur des pavés casse-bras, et me
demandant si les ressorts de la poussette allaient
tenir le coup. Il me fallut quatre voyages. Le
soir, tout était débarrassé, et nous avions les
adresses sur lesquelles diriger de nouveaux
donateurs. J'étais vidée, j'ai bien dormi. Le
lendemain, le Docteur GREMEAUX nous appelle par
téléphone, et nous dit : - Il était temps, une des
grenades allemandes a explosé pendant que je la
descendais dans le puits au bout d'une ficelle.
Ces poudres allemandes sont instables en
vieillissant, et j'ai dû les secouer un peu à mon
insu. Mais de toutes façons, elles n'auraient pas
tenu une semaine de plus ! Cette fois, j'ai eu
vraiment peur, mais ce n'était pas le moment de
perdre les pédales, si je voulais économiser une
autre " colère MALGACHE " : j'en pris
l'initiative, accusant mon mari médusé de ne rien
connaître aux explosifs, de négliger ces histoires
d'armement, et de ne même pas rêver utile, avec
ses cauchemars de camps de prisonniers. Je me
défoulais de ma frousse rétrospective en même
temps, et le tout finit entre nous par un fou-rire
nerveux, mais par la suite, même 20 ans après, on
n'a jamais pu rire en relatant l'incident du rêve.
Léon BERTRAND me raconta à cette occasion une
autre " colère MALGACHE ", au camp du Maquis :
deux jours avant sa mort, POLY avait dit à ses
camarades de tente : - Je ne reverrai pas
l'ALSACE, il va m'arriver quelque chose ! Mais il
avait interdit de répéter ce pressentiment au
Capitaine, et quand celui-ci l'apprit, car
finalement ses hommes lui disaient beaucoup de
choses, il paraît que " ça gueula sec ". Trop
tard, hélas, mais c'est une chose banale que
sentir venir la mort, dans toutes les armées du
monde. Mon mari prenait très au sérieux tout
indice, et me disait : - Moi, j'ai toujours su que
je reviendrais entier, je n'ai guère de mérite à
foncer au feu ! Il a gardé quelque temps le feutre
percé d'une balle " 4 centimètres trop haut ",
puis nous l'avons jeté. .c.LE
RETOUR DES DEPORTES Nous avions épuisé, comme demandé, notre
" fonds social ", lorsque les premiers déportés
arrivèrent peu à peu. Avec sa liberté profonde
vis-à-vis de l'argent, Léon BERTRAND décida : - On
va organiser un bal à leur profit ! Une salle fut
trouvée, des boissons offertes par des vignerons
en mal de bonnes manières pour qu'on oublie leurs
lessiveuses pleines de profit, le corps de ballet
du théâtre de DIJON fut volontaire pour un
intermède en tutu, mon mari recevrait une
délégation de déportés en tenues rayées, il avait
une autorisation de porter l'uniforme, et toutes
ses décorations pour l'occasion. Moi, éternelle
cheville ouvrière obscure mais solide, je
tiendrais et défendrais la caisse. Le gros
revolver fit place à un jouet 6.35, ce qui ne
m'enchantait pas, mais puisqu'on vivrait sans
tirer, autant l'oublier dans un tiroir à la
maison. Des hommes de la Cie MADAGASCAR
assureraient l'ordre. Le bal fut un triomphe
financier, mais je ne dansai guère pourtant cette
fois, j'étais " à peine " enceinte. L'orage surgit
soudainement sous la forme de deux Jeep de soldats
Américains éméchés. Ils renversèrent le buffet
fleuri, buvant et cassant, agressant tout le
monde, coursant les femmes à leur portée. J'eus le
réflexe de planquer la recette, puis fis alerter
mon mari, occupé au fond à remercier le corps de
ballet. (Pas fâchée de le distraire de cette
soi-disante obligation). Les hommes du service
d'ordre en appelaient d'autres en renfort, le
Capitaine, en un instant, regroupa et organisa son
monde, civils au fond, chaises en défense. Un
malheureux déporté n'avait pu se replier à temps,
je vis un Américain l'assommer d'un coup de
quelque chose sur la tête. Je vis en même temps
mon ex-talonneur de rugby le plaquer en grand
style, puis le soulever en l'air et lui expédier
un upercut de toute la force de son indignation.
L'Américain partit à reculon, tomba sur le bord du
trottoir, et resta K.O. Les autres, dégrisés et
vidés, se sauvaient vers les Jeep et filaient dans
la nuit, encore plus vite qu'ils n'étaient venus.
Cinq minutes après, la Military Police était là, à
croire qu'elle les suivait. Léon leur expliqua la
cause de la bagarre, preuve rayée à l'appui,
hébétée, un torchon-compresse sur la tête, un
regard incrédule pathétique et le corps tremblant
encore dans l'habit de malheur trop grand pour
lui. Les M.P. chargèrent l'Américain K.O., puis
s'éloignèrent à l'écart avec mon mari :
l'Américain était mort dans sa chute dont ils
voulaient " oublier " les circonstances, sa
famille aurait une Citation. (Eux aussi ?) Mon
mari devait présenter leurs excuses aux déportés,
un don leur serait envoyé. Et comme les Américains
ne peuvent parler sans prêcher d'exemple, nous
apprîmes qu'eux, gens pragmatiques, mettaient en
première ligne leurs prisonniers de droit commun,
ceci expliquant cela, tandis que nous, Européens
étranges inventeurs du franc de dommages-intérêts
qui leur paraissait le comble de l'inconséquence,
nous gardions nos voyous bien à l'abri de la
guerre, dans nos prisons, et nous faisions tuer à
leur place. Tel fut mon premier bal de jeune
épousée. .c.LE
PREMIER VOYAGE DE NOCES Nous avions alors une jolie petite brune,
aujourd'hui infirmière de choc. Elle était née en
Août 1948, au temps où se réalisait le grand
déménagement de cadavres qui suit toutes guerres.
Il était anonyme et discret, mais enfin, la
Compagnie MADAGASCAR avait gagné, avec une loterie
si je ne me mélange pas les pinceaux, les moyens
d'affréter un mini-car pour raccompagner le corps
de POLY en ALSACE. Naturellement, je serais du
voyage, Léon avait besoin de ma présence. Je dus
acheter une panière à linge pour le bébé, car
BRAC, le Gitan du Maquis, qui m'avais promis " le
plus beau berceau d'osier de toute la FRANCE pour
les petits MALGACHE ", n'en finissait pas de
terminer son chef-d'oeuvre, que nous n'avons
jamais vu. J'allaitais, c'était pratique et
rapide. Mon mari prit le volant, relayé quand il
voulait par un des camarades qui raccompagnaient
POLY. En ALSACE, la famille préparait la cérémonie
d'inhumation, avec le Sous-Préfet, les enfants des
écoles, les gens du pays, y compris, détail qui
m'étonna, un ex-soldat Allemand enrôlé malgré lui,
auquel nul ne semblait tenir rancune de n'avoir
pas déserté, puis gagné un Maquis, même du type
colonie de vacances. Etait-ce une exception ? Une
règle locale d'apaisement ? Nous n'avions pas tous
les éléments d'appréciation, ni le temps de nous
informer, nous ne finissions pas une guerre, mais
dix, cents guerres éparpillées sur toute la terre
et sur l'EUROPE, en ce qui nous concernait. La
cérémonie, émouvante et digne, nous fit grand bien
: nous rencontrions des gens courageux qui
n'avaient pas calculé le risque en terme de
négoce, comme dans la riche BOURGOGNE, et cette
ALSACE du retour de ses tués nous avait réservé un
accueil plein de chaleur. POLY ne serait pas
oublié avant longtemps, nous sentions poindre une
sérénité encore étonnée, frileuse, et comme un
pardon des parents et des amis du mort. Nous
allions pouvoir signer notre armistice personnel,
et terminer moralement notre guerre. Changer
d'air, s'installer loin de notre zone d'épuration,
concrétiserait la paix revenue, mais il nous
faudrait attendre encore un peu. Aucune
importance, nous n'étions pas à un voyage de noces
près. .c.CICATRICES
ET MUTATION Mon patchwork de petits souvenirs touche
à sa fin, passons vite sur nos courriers et
visites amicales. Un grand désir d'oubli
s'installait. Un récit de prisonniers de guerre
s'intitula " Les Grandes Vacances ", ce qui choqua
mon évadé-baroudeur. D'AFRIQUE nous vint une
histoire navrante. Mon mari a toujours aimé ses
hommes, sans trier la couleur de la peau ou le
niveau des études, car : - On a du coeur, ou on
n'en a pas, c'est le seul critère ! Aussi fut-il
affecté de l'histoire d'un de ses anciens
Sénégalais du R.A.C. - Les Français nous ont
parqué derrière des barbelés pour nous démobiliser
et nous renvoyer dans nos villages, avec un petit
pécule et 40 cigarettes. Les premiers, toute leur
famille s'est moquée d'eux, alors ils ont prévenu
ceux qui étaient encore au camp, et il y a eu les
palabres, la révolte. On s'est déculotté et on a
montré nos derrières aux Français. On avait
combattu ensemble, non ? Alors, tu sais quoi,
margy ? Les Officiers Français sur place là-bas
ont fait tirer sur nous à balles réelles. Il y a
eu des blessés. On a compris, c'est fini, la
FRANCE. Mais toi, si tu viens en civil dans mon
village avec ta famille, on fera la fête comme tu
n'as jamais vu ! D'INDOCHINE, les histoires du
genre " Trafic des Piastres " nous sont expliquées
bien avant la sortie du livre portant ce titre,
livre vite disparu des librairies. Anasthasie la
censure aurait-elle encore sévi ? Côté déportés,
les Juifs parlent, écrivent, pourchassent leurs
bourreaux, et c'est très bien. Mais d'autres
peuples ont subi un génocide encore plus
implacable, proportionnellement, faute de disposer
d'une diaspora équivalente. Nous connaissons
surtout celui du peuple des Gitans. Ils ne lisent
ni n'écrivent, ils chantent le malheur, donc ils
sont voués à l'oubli à plus ou moins brève
échéance, mais je rêve que leur musique survive,
comme celle des " bois d'ébène " déportés jadis
aux AMERIQUES. Nous recevons une invitation
gribouillée au crayon sur un papier d'écolier,
pour le premier pèlerinage aux
SAINTES-MARIES-DE-LA-MER après l'holocauste. Nous
sommes englués dans le " ménage du bordel ", nous
sommes contaminés par l'ambiance et devenus
idiots, ou quoi ? Nous avons longtemps regretté de
n'avoir pas été aux SAINTES-MARIES, quitte à faire
la route à pied, comme eux. On marchait beaucoup,
alors. D'ailleurs, BRAC nous aurait bien trouvé
une charrette… Il faut cicatriser les anthrax
conjugaux énormes, que je vide avec délice : une
vacherie de moins. Il faut guérir ses crises de
paludisme, et cette dépression classique du Héros
Epuisé. Il faut, côté cour, boucler le compte
Profits et Pertes, et commencer autre chose,
cesser de vivoter de métiers disparates pour
rester disponibles à tous, commencer autre chose
avec nos enfants et pour eux, renoncer à l'appel
des amis, des destins croisés, des vivants, des
blessés, des morts. Albert a sauté sur une mine,
nous sommes témoins de son mariage avec son
infirmière, lui sur le chariot d'infirme qui ne
lui servira pas longtemps, (il est mort) et nous
honteux d'être heureux, entier, comme une nouvelle
espèce de profiteurs de guerre. Complexe à
expulser. Léon BERTRAND obtint un emploi civil
dans l'Administration Militaire, un petit poste de
comptable, son âge l'empêchait d'être titularisé,
mais ses titres lui permettaient d'être engagé
comme auxiliaire. Il prit le chemin d'un bureau à
des heures régulières, avec l'idée de se faire
muter dans le Midi, dès que la première nichée
serait autonome. Jacques, menuisier, fit son
service puis se maria. Jacqueline, assistante
sociale, eut un poste dans l'armée sans rien
demander, car il n'était pas question de " piston
". Aussi fut-elle nommée ailleurs qu'à DIJON. Nous
pouvions demander une mutation et reprendre nos
projets. BORDEAUX humide ? MARSEILLE et son
mistral ? Notre fils était asthmatique. NICE ?
C'était tellement demandé par les militaires de
toutes catégories qu'un auxiliaire ne risquait pas
de l'obtenir. Nous avons été mutés à NICE. Ce
n'était pas le coup de faveur d'un ami perdu de
vue tombant par hasard sur la demande, c'était le
coup de dés d'un militaire inconnu jugeant sur
pièces, c'est-à-dire sur l'état signalétique, et
ayant un poste pourri à pourvoir : un vieux renard
plein d'initiatives ferait l'affaire. En effet,
mon mari assuma imperturbablement trois fonctions
très différentes pour le même salaire, sous les
ordres d'une " vieille culotte de peau ". (Je dis
ce que j'ai vécu, qui se sent visé se mouche).
Système bien établi, Léon BERTRAND fit alors son
rapport et demanda " aide et protection " au
Général commandant la place, car " il lui était
impossible de faire face aux ordres reçus, pour la
première fois de sa carrière pourtant bien remplie
". On reçoit un petit comptable si gradé et si
décoré, il doit savoir ce qu'il dit. Mon mari fut
reçu, invité à choisir celui des trois emplois qui
lui convenait le mieux, opta pour les Travaux du
Génie, et eut le droit de respirer. L'abusif qui
nous avait valu la place à NICE fut muté pour
raisons disciplinaires à LILLE, il pourrait
compléter sa retraite, poursuivre son ancienneté,
et tout le monde fut content. Un certain ordre se
rétablissait décidément, et les médailles avaient
enfin servi à quelque chose. La suite est une
autre histoire, d'une famille comme une autre.
Avions-nous trop parlé d'armes, ou était-ce
héréditaire Je trouvai un jour notre fils avec une
balle de pistolet dans l'épaule, et le fis soigner
d'urgence. Nous fûmes convoqués au Commissariat.
Notre fils expliqua que la montagne était pleine
d'obus, de munitions, d'armes abandonnées, et ces
sacrés gamins tapaient sur les culots pour voir
ceux qui " partaient ". Mon mari piqua une
mini-colère, raconta le nettoyage des alentours
minés de son Maquis, s'indigna de la laxité
locale. Le commissaire fit apporter une carte à
grande échelle et se fit montrer le lieu des
principaux dépôts, promettant de les faire
nettoyer aussi. Naturellement, mon fils et son
copain d'expédition n'ont pas dit s'ils avaient
signalé tous les endroits pourvus d'armes, ou
seulement ceux qui ne les intéressaient pas, mais
les voilà quadragénaires, chargés d'enfants qu'ils
adorent, je peux respirer à mon tour. On verra
bien pour l'adolescence des petits-fils. Nous
avions inventé un Service Social, notre aînée
démarrait le modèle suivant, et il fallait
envisager la relève salariale, de la retraite
proche du chef de famille au jour où la seconde
vague des enfants prendrait à son tour son envol :
je décidai de me faire diplômer assistante
sociale, reçus tous les découragements possibles
vu mon âge qui ne permettrait aucune
titularisation (je suis restée contractuelle, et
c'est tout) et fis, en étudiante, la révolution de
1968. Comparée à 45, c'était cocasse et instructif
à la fois. Un certain 17 Novembre 1977, Léon
BERTRAND est mort rapidement, heureux d'avoir vu
l'Equipe de FRANCE de football gagner son billet
pour l'ARGENTINE en accédant à la demi-finale. Il
est mort avant qu'elle ne perde, c'est bien. Comme
nous sommes gens à pressentiments, rêves et
télépathies en ligne directe, je n'ai pas été
étonnée du rêve de notre fils peu après le décès
de son père : - Ne t'en fais pas, maman ! J'ai vu
papa à un petit bureau couvert de dossiers, en
train de trier ceux qui pouvaient entrer, ceux qui
devaient attendre, et ceux qui devaient
redescendre tout de suite sur terre. Il était
tellement occupé qu'il a juste eu le temps de me
faire un signe amical. Je suis rassuré, tout va
bien pour lui ! Alors si tout va bien pour lui, ne
vous en faites pas pour moi, il me fera entrer
tout droit. Comme c'est mon fils qui a été chargé
du message, il aura les mêmes facilités. L'aînée,
infirmière, dispose de la petite porte d'entrée
réservée au corps médical et signalée comme "
Entrée des Fournisseurs ". La cadette est
tellement débrouillarde qu'elle sera à l'intérieur
quand son père en sera encore à chercher son
dossier pour la faire passer. On devrait bien
prévoir une petite décoration pour les surdoués du
Troisième Type, mais sur terre, rien n'est
parfait, ce que j'espère avoir démontré. Enfin, et pour conclure . Si cela m'était
permis, j'adresserai cette " Citation " à mon "
MALGACHE " de mari:
Ginette BERTRAND
Léon
BERTRAND
***
Lendemains
d'évasion
Journal de Marche du
"Capitaine Malgache"
*
**
La mémoire
DEDICACE
**
Dédié à
tous ceux qui ont servi sous mes ordres à la "
Compagnie MADAGASCAR ", en souvenir et en
témoignage d'amitié, et plus particulièrement à
nos morts : Félix ROBLET (Christophe). Vieux
vigneron, père de famille, animé d'un profond
mépris de la mort, extraordinaire de courage et
d'énergie. Paul ROYER (Poly ou Kaufmann). Le
meilleur d'entre nous, jeune Alsacien animé d'un
violent amour de la FRANCE et du plus pur esprit
de sacrifice. Alphonse BOUCHARD (Le Noir). Vieux
Résistant de la S.N.C.F., qui n'a pas hésité à
quitter les siens pour contribuer à chasser
l'envahisseur. Puissent leurs exemples nous aider
à continuer à servir.
RETOUR
Pâques ! Dans le ciel clair
que la cloche frémisse ; Que le captif s'éveille
et quitte sa prison, Qu'il retrouve un instant la
réelle maison Où l'honneur de l'amour est la seule
justice. Après la part d'effort, d'écueil, de
sacrifice, Qu'il prenne saintement, pour croire à
la raison, Cette part de bonheur et de chaude
moisson Que l'enfant a lié avec un art novice.
Qu'il embrasse en pleurant le regard et la voix,
Qu'il touche l'avenir dans les jeux d'autrefois,
Qu'avec un fier sourire il montre ses chairs
vives, Afin que, par son oeuvre éparse à tous les
vents, Il atteste au-dessus des luttes collectives
La grandeur de la vie aux rêves émouvants.
ROSNOW, 25 Avril 1943.
LA COMPAGNIE
LIBERTE
Quelques jours après ma
rentrée d'ALLEMAGNE, j'apprends qu'un maquis
stationne à la ferme de SAVRANGE. J'emprunte la
voiture du laitier Jean BOEUF et prends contact.
SIMONNOT se porte garant pour moi. Je retournerai
prendre mon paquetage et apporterai en même temps
une somme de 20 000 francs, prélevée sur mes
économies, car la caisse du maquis est vide. Je
suis chargé d'assurer la discipline intérieure.
Alors que l'Unité stationne à MARIGNY, je suis
chargé de la capture et de l'exécution d'un membre
de la Gestapo. La mission est accomplie en
compagnie de DIEUDONNE. Nous prenons l'affût à la
nuit tombante. Les heures sont longues,
finalement, à l'aurore, des pierres roulent, un
bruit de course se fait entendre : - Halte, haut
les mains !
Nous le tenons et le
conduisons à son domicile. Perquisition,
interrogatoire et exécution.
La Compagnie change
fréquemment de camp : De SAVRANGE au bois d'AGEY,
puis au château de MARIGNY, puis à la vieille
ferme de la POURRIE. Un dimanche, GANDILLET, le
chef de camp, et DHOCOURT, descendent sans arme
pour aller à la ferme voisine. A quelques
centaines de mètres du camp, ils sont arrêtés par
deux miliciens de VEVEY, armés de revolvers : -
Haut les mains ! Tous deux s'exécutent et sont
fouillés. Quelques minutes après, CASANOVA et
REBOUILLAT descendent du camp, l'un armé de sa
mitraillette, l'autre de son revolver et de ses
grenades. Ils s'avancent sans méfiance vers le
groupe formé par GANDILLET, DHOCOURT et les deux
miliciens. Arrivés à quelques mètres, ils essuient
le feu des miliciens qui sont près de leurs
prisonniers. Ceux-ci n'ont rien tenté pour
prévenir ou alerter. CASANOVA est blessé, une
balle pénètre dans le bras, suit l'os et se loge
dans la poitrine, à deux centimètres du coeur…
REBOUILLAT est manqué, il riposte, lance une
grenade : un des miliciens blessé à la cuisse
reste sur le terrain, l'autre s'échappe. Du camp
alerté par les coups de feu, des renforts arrivent
et la chasse à l'homme s'organise. Nous sommes
treize qui, regroupés près de la camionnette,
recevons l'ordre d'aller à VEVEY : " Cerner la
maison des D…, tuer tous les habitants et
incendier la ferme… ". La camionnette tombe en
panne une centaine de mètres plus loin. D'accord
avec ROCHET, je décide de ne pas poursuivre la
mission avant d'opérer une reconnaissance. A ce
moment, des renseignements nous parviennent,
transmis par une jeune fille à bicyclette.
Trois-cents Allemands alertés occupent VEVEY et
nous attendent. Je décide de regagner le camp. Le
milicien blessé y est transporté. Il est condamné
à mort… CASANOVA part en compagnie de ROCHET et
d'une jeune fille à COMMARIN, pour y être soigné.
Les explosifs sont enterrés, les sacs bouclés et
le camp décroche. Les camions allemands sont
signalés. J'exécute le milicien avant de partir.
Quelques instants plus tard, les premières rafales
allemandes se font entendre. Je m'enfonce sous
bois avec le groupe des G.M.R. Nous marchons à la
boussole et arrivons à la nuit a proximité du
point de rassemblement prévu, où nous stationnons
24 heures. J'étudie sur ma carte la topographie de
la région et décide de me rapprocher de la
République, où je puis avoir facilement une
liaison sur DIJON. A REMILLY-en-MONTAGNE, je
regroupe des éléments divers de la Compagnie
LIBERTE, j'élimine les tièdes après les avoir
désarmés et prends le commandement. (DHOCOURT qui
se trouve là n'a pas besoin d'être désarmé, il me
remet sa mitraillette et ses chargeurs, et me dit
: - J'ai compris ; avec ma jambe, je ne peux rien
faire, et je vais me planquer ! Je lui réponds : -
Tu as raison, mon vieux ! Je fais connaître à
BENE, responsable F.T.P.F., les incidents survenus
à la POURRIE et lui annonce que je refuse à servir
à nouveau sous les ordres d'incapables. Je me suis
évadé dans l'intention de payer ma dette aux
Allemands et non pour me faire tuer bêtement. Ce
qui serait arrivé si la camionnette n'était pas
tombée en panne à la POURRIE, Qu'aurions-nous pu
faire à treize contre trois-cents ?
LA
COMPAGNIE
MADAGASCAR
**
30 Juin 1944
Je récupère toutes les armes
et les munitions ; ceux qui ont peur nous quittent
les mains vides. Je laisse aux autres le choix de
servir sous mes ordres, ou de rejoindre la
Compagnie LIBERTE dès son point de stationnement
connu, ce qui ne saurait tarder. Mon groupe prend
le nom de " MADAGASCAR ". Je décide de considérer
comme déserteur celui qui aura plus de 6 heures
d'absence non autorisée : il sera puni de mort.
J'exigerai une obéissance passive, immédiate. Ce
qu'il me faut, c'est former des cadres et être
prêt dès que les armes et les nouvelles recrues
arriveront. Parmi les regroupés, Victor MAILLY se
révèle particulièrement précieux par sa
connaissance des lieux. Je visite avec lui et
quelques camarades le Plateau du Télégraphe, et
situe l'emplacement de notre futur camp. Pendant
ces quelques jours, nous cantonnâmes à
REMILLY-en-MONTAGNE, dans une grange appartenant à
la famille MAILLY. Le père, glorieux soldat de la
guerre de 1914-1918, n'a pas peur du Boche,
cependant, c'est un paysan intéressé et âpre au
gain. La mère est d'un dévouement et d'une
gentillesse sans bornes ; elle est charitable à
tous, et chacun de nous garde pieusement son
souvenir. Les deux soeurs de Victor sont également
très dévouées. La petite Renée, qui connaissait
bien tous les sentiers, est venue spontanément
avertir des mouvements de troupes allemandes, et
nous a transmis plusieurs messages et
renseignements apportés par les liaisons. Le plus
jeune fils se joindra également à nous, et fera le
coup de feu à SAINTE-MARIE. Le camp une fois
installé, le contrôle de la Nationale n° 5, de la
vallée de l'OUCHE et de la voie ferrée
PARIS-DIJON, est facile. Je prends les premières
dispositions suivantes : pas de promesses aux
recrues ; s'il y a du tabac, ils fumeront. Ils
devront se contenter de la nourriture qu'un
ravitaillement difficile pourra procurer. Notre
but : se battre le plus tôt possible contre
l'ennemi. Je n'accepterai aucune liaison au camp,
personne ne devant en connaître les accès.
2 Juillet 1944
J'apprends que je suis porté
déserteur à la Compagnie LIBERTE. Je prends
contact avec BENE à MALAIN ; il est notre
responsable régional F.T.P.F. Je lui fais
connaître les dispositions que j'ai prises. Je
poursuivrai mon action jusqu'au bout, et ne me
laisserai pas désarmer. J'ai son approbation.
Je supprime le mot de
passe et le remplace par le cri du coucou. Je
constitue un réseau d'indicateurs à AGEY, la
République et REMILLY. Je choisis FICHOT comme
adjoint et lui confie la première mission :
reconnaître les postes de liaison des écluses 34
et 37.
Au cours de cette
mission, FICHOT prend contact avec des éléments
isolés de la Compagnie LIBERTE, et apprend que
plusieurs membres capturés par les Allemands du
camp de SAINT-JEAN-de-BOEUF, ont été remis en
liberté sur l'intervention d'AMIOT, interprète,
cafetier à BARBIREY-sur-OUCHE. FICHOT est de
retour au camp avec DIEUDONNE, et je donne à
celui-ci le commandement du Corps-Franc. Je prends
personnellement contact avec VALTI, à la
République, et avec Jean BOEUF, qui fait chaque
jour la tournée de ramassage du lait, depuis
DIJON. Je charge ce dernier de mettre au courant
mon beau-frère NAGEL et ma soeur. NAGEL devient
mon officier de renseignements et de
ravitaillement, et je recevrai chaque jour un
minimum : pain, épicerie, légumes, argent,
pharmacie. C'est grâce au dévouement de tous que
je peux tenir, et que le moral de mes hommes tient
aussi. Notre armement n'est constitué que par des
mitraillettes, et ne nous permet pas
d'entreprendre des actions immédiates contre
l'ennemi, ces armes ne peuvent servir que pour la
défense immédiate du camp.
3 Juillet 1944
Nous sommes 10 : 5 anciens
G.M.R. : SINGEY, FICHOT, LAMARTINECHE,
RENOUD-GRAPIN, NEUGNOT. (MALVOISIN a rejoint la
Compagnie LIBERTE le 2 Juillet). 4 membres du
Corps-Franc : DIEUDONNE, MAILLY Victor, KEGELS
Gabriel, FAIVRE René et moi. Je donne à FICHOT
l'ordre de récupérer des explosifs à la ferme de
la POURRIE. Ce dernier se rend à l'écluse 34 à la
tombée de la nuit, il y mange, emprunte une
bicyclette, et par le chemin de halage, arrive à
LA BUSSIERE, où il apprend que des sentinelles
allemandes surveillent notre ancien camp. Il
renonce à accomplir sa mission, mais récupère à
VEVEY deux revolvers de 12 mm et des cartouches,
et songe au retour. Il est 2 h 10 du matin. En
reprenant le chemin de halage, il arrive au
lieu-dit " LE MARTINET ", à la hauteur d'un dépôt
de munitions allemandes, pense aux sentinelles,
mais il est trop tard pour faire demi-tour : il
faut passer. Au même instant un " Achtung ! "
retentit, et, baissant la tête, le nez dans son
guidon, il fonce tant qu'il peut. L'Allemand tire,
FICHOT est manqué. Les 4 kilomètres qui le
séparent de LA BUSSIERE sont parcourus à une
vitesse record. FICHOT tombe épuisé pendant
quelques minutes sur l'herbe : il l'a échappé
belle.
4 Juillet 1944
Notre cantonnement s'établit
dans une baraque située au faîte du plateau ; le
toit laisse passer le jour, mais nous sommes
cependant un peu à l'abri. Un foyer a été
installé, le bois ne manque pas, et notre camarade
LAMARTINECHE prend la direction de la cuisine.
Pendant toute la durée du maquis, il assurera la
confection des repas, et souvent une partie des
missions de ravitaillement, avec un dévouement
absolu, jamais démenti. Il a contribué pour une
large part à assurer un peu de bien-être matériel
à tous, et n'a jamais ménagé ses efforts ni sa
peine.
5 Juillet 1944
Nous sommes loin d'avoir
l'appui unanime des populations qui nous
entourent, et le nombre de ceux qui mettent la
FRANCE au-dessus de tout et même de leur vie,
n'est pas très grand. 10 heures : descendu en
liaison à la République et sur le point de
regagner le camp, je vois s'arrêter une
camionnette des P.T.T. Un individu botté et
revolver au côté, en descend et se présente : -
Aviateur " (MARANGE), résistant traqué en
HAUTE-MARNE, dans l'illégalité en COTE-D'OR. Je
poursuis depuis plusieurs jours la récupération et
la remise en état de mousquetons et de fusils 36,
ainsi que de quelques pistolets et grenades. Un
stock de 4 000 cartouches environ est constitué.
BENE m'adresse à vous, et je viens prendre
contact. Le chauffeur de la camionnette se tient à
l'écart. Je refrène une forte envie de rire.
MARANGE a un peu l'air d'un DON QUICHOTTE :
maigre, chaussé de bottes allemandes, coiffé d'un
feutre brun dont un des bords relevé d'une façon
burlesque, il est pour le moins pittoresque et ne
doit pas passer inaperçu. Je le soupçonne de ne
pas aimer beaucoup la marche, et d'avoir un
certain culot pour réquisitionner une camionnette
aux fins d'effectuer une dizaine de kilomètres. -
Mon vieux, enchanté de vous connaître, mais il
était inutile de venir dans cet équipage, je vous
aurais aussi bien reçu si vous étiez venu à pied.
Il me répond : - Passant au Puits 15, ces
messieurs des P.T.T. étaient en train de réparer
une ligne téléphonique coupée par des camarades de
la Résistance ; étant pressé, je n'ai pu faire
autrement que de leur emprunter leur véhicule et
le chauffeur. Ce sont de très braves garçons. Je
renvoie la camionnette et son conducteur, ce
dernier est averti que sa vie et celle des siens
dépendront de son silence. J'incorpore MARANGE. Sa
venue est providentielle : si les armes sont
bonnes, nous allons pouvoir commencer les
embuscades. Au camp, Conseil de Guerre. Examen des
dispositions de sécurité, bilan des ressources :
il ne reste en caisse que quelques mille francs
envoyés par NAGEL. MARANGE s'offre à en trouver.
Après son exposé, je lui fais confiance, et le
charge d'imposer une contribution volontaire : - à
un délateur de LANTENAY, - à une brute
germanophile, maire de la commune de PANGES. Pas
d'effusion de sang, simple avertissement. 14
heures : départ de la mission : MARANGE,
DIEUDONNE, MAILLY et FICHOT, tous armés de
mitraillettes. Arrivés à LANTENAY à 16 heures, ils
attendent M. X… une demi-heure. Une amende de 2
000 francs est versée. En sortant de la maison du
délateur, mes hommes rencontrent dans le village
des Allemands, qui continuent leur chemin bien
sagement. Ce ne sera pas la seule fois où les
troupes allemandes, rencontrant des Résistants en
armes, ne les attaqueront pas. A travers bois, la
mission se dirige sur PANGES. Elle entre dans le
village au moment où une trentaine d'Allemands,
venus réparer une ligne téléphonique, en sortaient
par un autre chemin. Non sans mal, MARANGE et ses
compagnons mettent la main sur le maire. Ce
dernier, qui prenait plaisir à se livrer à des
voies de fait sur des évadés, est beaucoup moins
brillant qu'à son habitude. Il remet à MARANGE 40
000 francs, ceci sans préjudice de sanctions
judiciaires pouvant intervenir après la
Libération. Il reçoit un avertissement solennel.
La mission rentre le 6 Juillet sans autre
incident.
8 Juillet 1944
Je décide d'aller à pied,
avec MARANGE, prendre possession des armes
stockées à CHARMOY. Nous sommes très bien
accueillis, et recherchons, puis recensons les
armes, qui sont placées dans le fond d'un
tombereau et recouvertes de paille. Très heureux
du résultat, nous décidons d'aller casser la
croûte au café, avant d'entreprendre le retour au
camp. A une table du fond, un groupe de cinq
jeunes gens vêtus de costumes bleu (golf et
blouson), coiffés de casquettes montagnardes,
buvaient. Notre première pensée fut : 5 miliciens
! Dans ma musette portée en sautoir autour du cou,
mon revolver est prêt à fonctionner, mes grenades
également. Je donne l'ordre à MARANGE de
dégoupiller une grenade, et d'attaquer
immédiatement à la première sommation venue d'en
face. (Jean LEVEQUE, qui commandait ce petit
groupe, venait, à notre entrée, de faire préparer
les mitraillettes à ses camarades). Une fois la
commande prise par le patron, un lourd silence
s'établit dans la salle. Combien a-t-il duré, 2
minutes, 5 minutes, un quart d'heure… je ne puis
préciser. Brusquement, je demande à MARANGE : -
Es-tu prêt ? - Oui ! Je proclame alors à haute
voix : - Ici la Résistance ! Du fond, la réponse
jaillit, hurlée par la tablée : - Ici, la
Résistance ! J'annonce alors : - Compagnie du
maquis MADAGASCAR, stationné dans la région ; je
vous en prie, messieurs, venez à notre table. Jean
répond : - Très volontiers ; groupe Franc venant
de SAVOIE après l'attaque d'ATTIGNAT-ONCIN par les
forces allemandes, le 19 Mai 1944, sans liaison
depuis. L'entente est vite établie, ils seront de
magnifiques recrues pour l'Unité. Au cours de ce
récit, nous les retrouverons tous, toujours
présents dans les actions les plus dangereuses ;
mais déjà je veux leur rendre l'hommage qu'a
mérité leur courage, leur patriotisme, leur mépris
du danger, leur fanatique amour de la FRANCE et
leur indéfectible foi en la victoire, que tous ont
poursuivi jusqu'au bout.
JEAN LEVEQUE
Le chef, 30 ans,
énergique, dynamique, est dans la Résistance
Active depuis le 1er Janvier 1942. Robuste et de
petite taille, il porte dans son clair regard
l'âme de la FRANCE invaincue, sa figure respire le
courage. Lieutenant F.F.I., il s'engagera à
l'armée DE LATTRE de TASSIGNY avec son grade de
réserve de sergent-chef, et poursuivra la lutte
jusqu'à l'écrasement complet de l'ennemi. Il a été
pour moi un fidèle lieutenant, et pour tous un
incomparable camarade. 5 Citations, 2 blessures,
Médaille de la Résistance. Proposé pour la Croix
de la Légion d'Honneur.
PAUL ROYER
21 ans, jeune héros évadé
d'ALSACE, en SAVOIE depuis 1942, s'est vaillamment
comporté. Trop pur, trop ardent, d'un farouche
patriotisme, il fut tué le 2 Septembre à mes
côtés, me permettant par son sacrifice d'enlever
la voiture de liaison sous le feu, et de venir
rechercher le survivant. 3 Citations, Médaille
Militaire à titre posthume. Proposé pour la
Médaille de la Résistance.
ROGER MARTIN
21 ans, grand et robuste, un
peu fou. Alsacien évadé ayant également refusé
d'abdiquer, il sert en SAVOIE depuis 1942.
Insensible à la peur, il continuera le combat dans
la 1ère Armée jusqu'à la victoire. 2 Citations.
Proposé pour la Médaille de la Résistance.
ALBERT FORT
20 ans, est né à
LADOIX-SERRIGNY (COTE-D'OR). Dès 1941, à dix-sept
ans et demi, il participe en HAUTE-SAVOIE à
l'attaque de petits postes italiens. Traqué, il
s'engage au 159ème R.I.A. à GRENOBLE en Février
1942, déserte en Mars 1942 et rejoint l'A.S. Beau
garçon, brun, d'un extraordinaire courage,
toujours volontaire pour les missions les plus
dangereuses, il a continué à servir dans la 1ère
Armée. Grièvement blessé par éclats de mine le 17
Avril 1945 près de PONT-SAINT-LOUIS
(ALPES-MARITIMES) (3 fractures de la colonne
vertébrale, éclats multiples), il est encore
actuellement en traitement à l'hôpital militaire
de DIJON. 2 Citations. Médaille Militaire,
Médaille de la Résistance. Proposé pour la Croix
de la Libération.
VICTOR SCHWINTE
20 ans, est comme ses
camarades, un Alsacien évadé, en SAVOIE depuis
1942. Moins dynamique que ses camarades, il
poursuit cependant le combat jusqu'à la victoire.
1 Citation, blessure par éclat de balle explosive
à l'oeil gauche.
9 Juillet 1944
Retour au camp ; j'éclaire
la marche avec LEVEQUE, ROYER, SCHWINTE, FORT et
MARTIN. MARANGE suit avec la voiture et les armes
à 300 mètres. A la République, deux recrues,
MOUCHOT et CONTASSOT, arrivées par l'intermédiaire
de BENE, nous attendent. Sans incident, nous
revenons au camp. Après le nettoyage des armes et
le tri des cartouches, des tirs d'essai ont lieu :
de nombreuses cartouches sont défectueuses. Notre
puissante offensive est cependant considérablement
augmentée, le moral de mes petits épatant. Je
rends compte à BENE. L'effectif est de 19 : Moi,
groupe FICHOT 5. 7 au Corps-Franc : DIEUDONNE,
MAILLY Victor, KEGELS, FAIVRE, DETRE, MOUCHOT,
CONTASSOT, RAIMBAUD. 5 Savoyards : LEVEQUE,
MARTIN, ROYER, FORT, SCHWINTE. 1 liaison :
MARANGE.
10 Juillet 1944
Une mission de sabotage est
organisée contre la voie ferrée PARIS-DIJON. Chef
de mission DIEUDONNE, membres MOUCHOT, CONTASSOT,
RAIMBAUD. Au cours de cette mission, DIEUDONNE
décide la capture d'un ingénieur allemand à ANCEY
et transgresse mes ordres. (Je ne l'ai su que
longtemps après la Libération). Dans la nuit, à
ANCEY, rencontre avec une patrouille allemande,
combat de rue et poursuite du combat dans la cour
d'une ferme à la grenade. Grâce à l'obscurité, les
différents groupes allemands se prennent à partie.
Plusieurs tués Boches. La mission rentre au
complet.
11 Juillet 1944
En liaison chez BENE, notre
responsable F.T.P.F., je reçois 16 000 francs et
des renseignements. J'ai ordre de désarmer les
gendarmes de SOMBERNON qui font du zèle pour
détecter les réfractaires et les évadés, s'ils
résistent, les tuer. ROYER réquisitionne du tabac.
12 Juillet 1944
Liaison aux écluses 34 et 37
par FICHOT. A PRALON, chez SEGUIN, par MARANGE.
Liaison chez la Comtesse de MONTALEMBERT à LA
BUSSIERE, par SINGEY. Celle-ci a établi un poste
de secours clandestin avec les BARBE de la ferme
de la FORET et les PARIZOT.
13 Juillet 1944
Désarmement des gendarmes de
SOMBERNON et attaque du Camp de Jeunesse. Ces deux
opérations ont lieu simultanément sous les ordres
de Jean LEVEQUE, qui en quelques jours est devenu
mon second. J'ai une entière confiance en lui.
Calme et énergique il dirigera ces deux coups de
main, évitera toute effusion de sang et rejoindra
le camp dans le courant de la nuit. Les vêtements
et équipements saisis au Camp de Jeunesse sont
déposés au P.C. Un mousqueton, deux revolvers, une
motocyclette, sont saisis à la Gendarmerie. Le
groupe FICHOT est renforcé.
14 Juillet 1944
Revue générale des
équipements et des armes. Inspection des
cantonnements qui forment un dispositif de
sécurité. Au Sud : le Corps-Franc, au Centre : les
Savoyards, au Nord : P.C. et groupe FICHOT. La
discipline est stricte, mais elle est librement
consentie. Tous communient dans l'amour de la
Patrie et dans l'espérance d'une proche victoire.
Le groupe des Savoyards domine tous les autres.
Avec l'expérience de plus de deux ans de lutte,
chacun de ses membres apporte un extraordinaire
courage et un ardent dynamisme. Leur moral est
inattaquable. Avec eux tout est possible. C'est
une magnifique équipe de jeunes, je n'ai plus
d'inquiétude en l'avenir. La lutte est commencée,
la vie est belle.
15 Juillet 1944
Les missions de
reconnaissance dans la vallée de l'OUCHE et aux
environs des postes allemands de
SAINT-JEAN-de-BOEUF et de CRUGEY sont spécialement
confiées à FICHOT ? Il maintient le contact étroit
avec les BOURDILLAT. A 16 heures je reçois l'ordre
d'exécuter un couple à VANDENESSE : un ancien chef
de Gendarmerie et sa maîtresse, la grande Odette.
Mes Savoyards partent, réquisitionnent une
camionnette qui passait sur la route, se font
conduire, exécutent leur mission. Le gendarme est
effondré, la femme est brave : - Viens, il faut
payer ! lui dit-elle, et elle l'embrasse avant
d'être exécutée. La mission est de retour au camp
à 2 heures du matin.
17 Juillet 1944
L'institutrice de VELARS,
Mlle JACQUET, Alsacienne, communique à Mr PAQUETTE
des renseignements concernant deux soldats
allemands alsaciens-lorrains qui désirent s'évader
et rejoindre le maquis. (Mlle JACQUET s'est mariée
avec l'un d'eux après la Libération). Rendez-vous
est pris à l'auberge du RELAI à la CUDE. NEUGNOT
conduit la motocyclette. ROYER passe par la
cuisine, j'entre par la porte donnant sur la
route. Le long du canal plusieurs soldats
allemands se promènent. Je m'installe à une table
contre le mur près de la fenêtre. Quelques
consommateurs jouent au tarots. Les deux Alsaciens
sont là, assis, leur fusil et leurs cartouchières
pendus au dossier de leur chaise. Le premier,
Albert, appelé par le patron, va à la cuisine et
laisse ses armes. L'autre attend et le temps
passe. Je consulte fréquemment ma montre. Les
joueurs sont tout à leur jeu. Enfin, au bout de
vingt minutes, le deuxième Alsacien se lève et
avance en direction du couloir. Je me lève, avance
vivement et m'empare des armes et des
cartouchières, à ce moment André se retourne. Je
plonge la main dans ma musette et braque mon
Canadien : - Haut les mains ! - Ne me tuez pas, je
suis Alsacien ! - Vite, en avant, dépêche-toi,
direction la cuisine ! Et m'adressant alors aux
joueurs : - Que personne ne bouge, vous n'avez
rien vu. Ici, la Résistance. Dans la cuisine nos
deux déserteurs ne sont pas brillants : - Pitié,
chef, ne nous tuez pas ! Je leur donne deux
minutes pour se décider : ou ils désertent et
viennent avec nous, ou nous les attachons en
chemise à un arbre derrière la cour. Nous avons
besoin d'armes et d'uniformes allemands. Ils
viennent. La moto emmène d'abord les armes et les
vestes qui ont été mises dans un sac. Elle revient
chercher les déserteurs. Moi et ROYER partons à
pied. La moto nous retrouvera sur la route. Le
soir, je réquisitionne à SOMBERNON deux vêtements
civils pour nos recrues, qui ne sont pas très
brillantes. Le joug allemand pèse encore sur eux
et ils ont peur que des représailles soient
exercées sur leurs familles. Ils croient encore en
la puissance de l'armée allemande. Dans quelques
semaines ils se rendront compte que l'orgueilleuse
Wehrmacht est malade.
18 Juillet 1944
ROYER et DIEUDONNE, en
mission à VELARS, se trouvent cernés par des
groupes allemands opérant la recherche des
déserteurs. Un inconnu met spontanément une moto à
leur disposition et ils s'échappent en direction
du sanatorium, poursuivis par les Allemands. Ils
en seront quitte pour faire du tout terrain et
rentreront sain et sauf.
19 Juillet 1944
Nouvel ordre d'exécution
d'un couple. ROYER et MARTIN étrennent les
uniformes allemands. LEVEQUE et moi sommes en
blouson de cuir, tous armés. Nous cernons la
maison à la nuit et opérons comme si nous étions
de la Gestapo. Nous parlons allemand. La porte
s'ouvre, l'homme est en bras de chemise, la femme
est couchée. Protestation d'amitié envers
l'ALLEMAGNE : -Nous avons fourni des
renseignements sur la Résistance, etc, etc… Je
coupe court : - Habillez-vous et suivez-nous ! Sur
la route, en dehors du village, la comédie change
: - Ici, la Résistance ! Tous les deux sont
effondrés. Mais ils se reprennent : - Ce que nous
avons dit n'est pas vrai, nous avons menti pour ne
pas être arrêtés ! La femme s'accroche à mon cou.
Après consultation avec LEVEQUE, celui-ci part
demander confirmation de l'ordre d'exécution. La
veillée est lugubre, la femme surtout est
effondrée. Des patrouilles allemandes peuvent
passer. Les minutes durent des siècles. LEVEQUE
revient, l'ordre est formel. Nous repartons. FORT
et ROYER m'arrachent la femme, qui supplie : -Ne
me tuez pas, ne me tuez pas ! L'homme, blessé,
s'échappe, il se réfugie sous des épineux, nous
rampons sous les ronces, nous avons la figure et
les mains en sang. Enfin nous le tenons. Nous
faisons disparaître les cadavres. Tous me disent :
-Chef, ce n'est pas du travail pour nous !
J'explique que nous ne pouvons discuter les ordres
et que la mort de deux traîtres épargnera
probablement la vie de beaucoup de bons Français.
Mais demain je rendrai compte et demanderai que
d'autres missions nous soient confiées. La fatigue
commence à se faire sentir. Nous couchons tout
habillés, prêts à la moindre alerte. Le service de
garde est très dur de jour comme de nuit.
20 Juillet 1944
Pour éviter toute méprise,
j'interdis aux diverses missions de rentrer de
nuit au camp. Cependant, ayant été retardé et
devant obligatoirement rejoindre le plus
rapidement possible, je regagne le camp en pleine
nuit. La sentinelle répond au cri du coucou, mais
prend peur et me tire dessus. Je suis manqué et
j'engueule cet imbécile qui tire si mal. Un petit
poste est installé entre la République et la ferme
de la SERREE. Quelques hommes sous les ordres de
Jean LEVEQUE, une moto et un gazo sont garés à cet
endroit. Du camp, un système de signaux est mis au
point et permet de communiquer avec le poste.
21 Juillet 1944
J'effectue avec Jean LEVEQUE
une liaison à MEUILLEY, chez Mr JANNIARD. Nous
évoquons avec ce dernier l'agression allemande
d'ARCENANS et nous informons JANNIARD de nos
points de liaison au cas où des isolés se
présenteraient à lui. Rentrant par DIJON pour
contacter NAGEL, nous tombons en panne à proximité
de VOUGEOT et nous nous présentons à un garagiste
pour la réparation. Ce dernier nous demande nos
papiers : - Voici, ils sont signés DE GAULLE ! et
nous sortons nos revolvers. Stupéfait, ce dernier
nous regarde et nous dit : - Vous avez un sacré
culot ! Très chic, il effectue la réparation et
nous repartons. De nouveau en panne sur la route
nous sommes rattrapés par le garagiste et sommes
définitivement dépannés. Nous couchons à DIJON
chez Mr NAGEL. Sa mère n'est rien moins que
rassurée lorsqu'elle nous voit arriver : les
revolvers et les grenades ne lui inspirent pas
confiance. Pierrette, la soeur de NAGEL nous cède
sa chambre, elle est dans le bain ainsi que ma
petite soeur Suzanne.
22 Juillet 1944
Départ de DIJON à 8 heures.
Nous passons par la COTE pour éviter PLOMBIERES.
Au croisement de la route de MARSANNAY, un collier
de chien (gendarme allemand) monte la garde. Nous
ne l'apercevons qu'une fois arrivés à 20 mètres de
lui. Je dis à Jean : - Continue et s'il te fait
signe , ralentis, je tirerai aussitôt ! Je plonge
ma main dans ma musette, portée comme toujours en
sautoir autour de mon cou, et saisis mon Colt. Le
frisé ne bronche pas et nous regarde passer. Il ne
saura jamais que la mort vient de le frôler. Dans
GEVREY-CHAMBERTIN nous tombons au milieu d'un
convoi allemand arrêté ; nous doublons, prêts à
vendre chèrement notre peau. Les hommes du convoi,
debout près de leurs véhicules, nous regardent
passer avec une morne indifférence. A
NUITS-Saint-GEORGES nous prenons la route d'URCY
et rentrons en passant par PONT-de-PANY. Ce même
jour MOUCHOT et CONTASSOT reconnaissent les postes
allemands gardant la voie ferrée entre MALAIN et
VELARS. MARANGE situe ceux situés aux environs de
BLAISY et de la route du Puits XV.
23 Juillet 1944
VALTI, à la République, est
surpris de nuit par des faux Résistants qui lui
prennent de l'argent, des vêtements, et le
menacent de mort. J'envoie MARANGE, accompagné de
LEVEQUE, ROYER, FORT et MARTIN, procéder à
l'arrestation des présumés coupables, dont nous
possédons le signalement et qui semblent opérer
dans la région de POUILLY-en-AUXOIS. Un industriel
patriote de POUILLY-en-AUXOIS, Mr CHAUSSIER,
confie à MARANGE sa voiture personnelle et lui
offre le gîte et le manger ainsi qu'à ses
camarades. Pendant toute la période clandestine Mr
CHAUSSIER nous rendra de nombreux services,
hébergeant de nombreuses fois nos missions et
mettant sa voiture à notre entière disposition à
chaque occasion. MARANGE arrête deux suspects,
BRAC et son neveu. La confrontation à la
République ne donne rien. Tous deux plaident non
coupable et, sur le rapport détaillé de MARANGE,
je relâche BRAC et son neveu et leur fixe une
résidence. Après le départ des suspects, LEVEQUE,
ROYER et FORT me disent : - Nous n'aurions pas dû
les relâcher ! Je leur réponds : - Il n'y avait
que deux solutions, ou les tuer ou les relâcher.
Il nous est impossible de les monter au camp, où
leur présence nécessiterait une garde et serait
une source de danger.
24 Juillet 1944
DETRE, au cours d'une
mission de ravitaillement, vend plusieurs jambons
appartenant à l'Unité. Il disparaît avant d'avoir
été jugé. Il est condamné à mort par contumace
pour vol au préjudice de l'Unité et pour
désertion. Une plainte a été déposée contre lui à
la Libération. DETRE n'a pas été retrouvé. A la
suite de cet incident, la garde, ainsi que la
surveillance des abords du camp sont renforcées.
Etant descendu en liaison à la République, VALTI
m'avertit qu'il vient de recevoir un coup de
téléphone de Mr LALLIGANT. Ce dernier vient d'être
attaqué par un inconnu, qui a tiré sur ses
enfants. Je prends une mitraillette au petit poste
et NEUGNOT m'emmène à moto. A AGEY je rejoins et
arraisonne le coupable. Je lui fais prendre place
sur le tansad et décide de le confronter avec les
LALLIGANT. Dans la montée près de l'église, le
prisonnier s'échappe et tire sur NEUGNOT, son
revolver dissimulé avait échappé à la fouille. Je
tire à mon tour et la poursuite commence. Le fils
aîné des LALLIGANT me rejoint, je lui passe mon
revolver et nous continuons la poursuite. L'homme
est blessé et capturé. Il est porteur de papiers
allemands, port d'armes, etc. Il est formellement
reconnu par le fils LALLIGANT. Je l'exécute. Les
suspects comprendront que les abords du camp ne
sont pas favorables à leurs exploits.
25 Juillet 1944
De nouvelles recrues ont été
incorporées. Elles ont été dirigées sur l'unité
par BENE, de MALAIN, ou par les BOURDILLAT des
écluses. (Point de rassemblement à la croix entre
BEAUMOTTE et AGEY). Je n'ai accepté que ceux qui
m'ont paru dynamiques et ai refusé l'incorporation
d'une vingtaine, et notamment de tous ceux qui, à
la première question posée : " Que venez-vous
faire ? " ont répondu : " Je viens me planquer !
". Le maquis n'est pas une colonie de vacances.
Notre effectif est de 30. Le Corps-Franc comprend
deux groupes. Le groupe FICHOT est à nouveau
renforcé. Une nouvelle mission de récupération
d'armes a lieu à CHARMOY et à PANGES. Elle est
effectuée par LELIEVRE et BESSE Raymond. LELIEVRE
va devenir un spécialiste du ravitaillement; vêtu
comme un paysan de la région, avec son cheval et
son tombereau il passera partout sans éveiller de
soupçon. BRAC et son neveu se présentent
spontanément au petit poste de la République.
SINGEY, qui est de garde, les monte directement au
camp malgré les ordres. J'accueille les arrivants
par ces mots : - Vous tombez bien, je regrettais
de vous avoir rendu la liberté, vous êtes de faux
Résistants, je vais vous fusiller immédiatement !
Ils deviennent livides. Je réunis un Conseil de
Guerre. La défense des accusés est présentée par
DIEUDONNE. Celui-ci demande que BRAC et son neveu
soient incorporés au Corps-Franc sous son
commandement, qu'il en répondra sur sa tête. Je
lui accorde satisfaction. Tous deux se conduiront
avec courage.
26 Juillet 1944
BENE monte au camp
accompagné du responsable aux explosifs. Visite du
camp et des dispositions de sécurité. Instruction
détaillée sur le maniement des explosifs.
Rendez-vous est pris pour le lendemain pour
percevoir des explosifs à la vieille ferme de la
République, où un stock a été constitué depuis le
parachutage de 1943. SEGUIN, de PRALON, en
assurera la distribution aux autres groupes de
Résistance, qui seront avertis. Je prendrai les
mesures de sécurité qui s'imposent. Pour mettre
immédiatement en pratique l'instruction qui vient
d'être faite, MAILLY et un de ses camarades, puis
FICHOT et SINGEY, sont désignés pour couper au
plastic chacun un pylône de la ligne de force. Les
deux équipes accomplissent leur mission sans
incident.
27 Juillet 1944
La distribution d'explosifs
a lieu. L'équipe des Savoyards effectue un raid
dans la région et rejoint le camp à la nuit. Tout
tourne rond.
28 Juillet 1944
Une liaison de DIJON vient
recevoir l'instruction sur l'emploi des explosifs
pour pouvoir opérer dans DIJON. Pour ne pas la
retarder, l'instruction est donnée à la laiterie
même de la République. Une demi-heure après
l'homme repart, il est 16 heures environ. Il est
arrêté un kilomètre plus loin par une patrouille
allemande à la recherche du lieutenant MARANDET,
des G.M.R. L'homme parle. Quelques minutes plus
tard, les ennemis arrivent, une automitrailleuse
route de PRALON, un camion sur la route face à la
laiterie où nous sommes. J'aperçois par la fenêtre
le camion allemand qui s'arrête. Je donne l'alerte
et, ouvrant la porte, saute dans la cour. Les
Allemands tirent immédiatement dans ma direction.
Je me baisse, oblique à droite en courant et
enfile le sentier en direction de la BELLE-IDEE.
Les Allemands tirent toujours, je me jette dans
une haie et, pendant quelques minutes, j'essaie de
me rendre compte de la situation. Personne n'est
sorti derrière moi. Il me faut rejoindre et
alerter le camp. Je reprends ma course, traverse
la Route Nationale et prends une ligne qui monte
au camp. La fusillade dure toujours. J'arrive au
Corps-Franc, rassemble les cinq ou six hommes qui
y sont, prends au P.C. mon mousqueton et, avec
cette petite troupe, descends en toute hâte en
direction de BEAUMOTTE. Le groupe FICHOT et les
Savoyards sont déjà descendus, accourant au feu.
Pendant ce temps, ceux de mes camarades qui
étaient avec moi à la laiterie se sont échappés
par la fenêtre et ont été pris à partie par
l'automitrailleuse stationnée route de PRALON.
Tous s'échappent en direction de la ferme de la
SERREE. En passant près du petit poste, Jean
LEVEQUE prend une mitraillette et revient
au-devant de plusieurs soldats allemands. Abrité
par le petit bois, il les ajuste à 30 mètres, en
blesse un, mais sa mitraillette s'enraye et il
réussit de justesse à leur échapper. Ses camarades
sont déjà loin. DIEUDONNE, qui a été entouré de
balles et n'a échappé que par miracle à la mort,
n'arrêtera sa course qu'à MALAIN, et là il
annoncera : - Le MALGACHE est tué ! Depuis ce jour
il ne sera plus que l'ombre de lui-même et la peur
restera incrustée en lui. Quant aux deux groupes
accourus au feu, celui commandé par BAYARD prend
position à proximité de la route pour prendre le
camion allemand en enfilade, mais au moment
d'ouvrir le feu un civil survient, qui leur crie :
- Sauve-qui-peut, le MALGACHE est tué ! Le groupe
décroche. ROYER et MANU, pendant ce temps, se sont
installés face au camion ennemi. L'un dans un
petit fossé, l'autre derrière une grosse touffe
d'herbes. Une dizaine de frisés sont debout près
du camion. ROYER et MANU ouvrent le feu. Aussitôt
les Allemands mettent deux fusils-mitrailleurs en
batterie. Les balles allemandes encadrent mes
petits qui ne reculent pas d'un centimètre et qui,
après chaque rafale, tirent à leur tour. Ils
voient tomber trois Allemands. L'automitrailleuse
allemande est partie à la poursuite des isolés,
elle ne trouvera personne. Et tout d'un coup, sans
que rien puisse le faire prévoir, ROYER et MARTIN
entendent crier en allemand : - Einladen ! Tous
les Allemands sautent dans le camion où les morts
ont déjà été chargés. Puis ils entendent : -
Auffahren ! Et les Allemands se sauvent. Lorsque,
avec mes hommes du Corps-Franc, je débouche du
sous-bois à proximité de BEAUMOTTE, nous
apercevons le camion allemand qui démarre. Cinq
minutes après je rejoins ROYER et MARTIN. Au cours
de cet accrochage la valeur de mes Savoyards vient
de se manifester d'une façon éclatante. LEVEQUE,
le chef, revenu seul au combat et ne décrochant
qu'une fois son arme enrayée ; ROYER et MARTIN
faisant seuls face à l'ennemi et tenant
remarquablement alors que le groupe FICHOT avait
décroché. Nous réoccupons la République. Je décide
de déménager le petit poste, fais enlever le gazo,
la tente et les armes, puis nous établissons deux
barrages et attendons jusqu'à 22 heures un retour
éventuel des Allemands. Pendant cette attente une
camionnette est arraisonnée ; elle transportait
des moutons, nous en réquisitionnons deux et les
enfermons dans une pâture. Nous les abattrons plus
tard. Retour au camp. A minuit le groupe FICHOT
n'est pas de retour. Il rentre à 3 heures du
matin. Réfugié à l'écluse 34 il a appris très tard
la fin du combat et FICHOT m'explique dans quelles
conditions le décrochage a eu lieu. Il y a une
sérieuse engueulade à la clef. Je réunis tous mes
hommes. Les Savoyards sont enragés, ils veulent du
Boche et une embuscade est décidée pour le
lendemain. DIEUDONNE s'offre de nous conduire dans
une position idéale, sur la route de SAULIEU,
après SOMBERNON. Avant l'attaque allemande MARANGE
était parti à DIJON faire réparer une pièce de
fusil-mitrailleur dans l'atelier de NAGEL.
29 Juillet 1944
Après quelques heures de
repos, branle-bas de combat. Départ par groupe,
colonne par un. Nous passons par
REMILLY-en-MONTAGNE, et de là, par des chemins de
terre et des sous-bois, arrivons au lieu prévu
pour l'embuscade. J'effectue une reconnaissance
approfondie de la position et des environs en
compagnie de LEVEQUE et de ROYER. Nous sommes tous
les trois convaincus du mauvais emplacement choisi
: pas de vues, pas de chemin de repli camouflé. Je
donne l'ordre de décrocher et j'engueule
sérieusement DIEUDONNE. Nous sommes de retour au
camp à midi. A 14 heures le passage d'un car
contenant Allemands et miliciens est signalé en
direction SOMBERNON et au-delà. Ce car doit être
de retour à DIJON dans la soirée. Je décide
d'établir une embuscade immédiatement entre la
BELLE-IDEE et la République. Deux groupes y
participeront. L'équipe la plus rapprochée de la
BELLE-IDEE a pour mission principale
l'identification du car, afin d'éviter toute
méprise. Dès le car identifié, feu de toutes les
armes. Deux hommes en haut d'un arbre lancent les
grenades. La deuxième équipe, située 80 mètres
plus bas, entre alors en action. Aucun ennemi ne
doit rester vivant. Je prends le commandement de
la deuxième équipe, mes Savoyards sont à mes
côtés, et l'attente commence. Après une heure
environ le car arrive, passe le premier barrage,
personne ne tire. Croyant avoir affaire à un car
civil je donne l'ordre de ne pas tirer et je
constate avec stupeur que le car qui passe devant
nous est rempli de soldats allemands et de
miliciens. Il roule à très vive allure. Plusieurs
de ses occupants nous aperçoivent, ils rient, mais
le conducteur accélère. Je donne l'ordre du
départ, je suis fou furieux. - Pourquoi
n'avez-vous pas tiré, nom de Dieu ? C'est la plus
belle occasion manquée et rien de semblable ne se
reproduira jusqu'à la Libération. Mes petits
groupes de tête ont cru que le car transportait
des civils et c'est pour cette raison qu'ils n'ont
pas tiré. Pour achever le récit de ces deux
journées, il me reste à parler de MARANGE. Ce
dernier quitte DIJON sa mission accomplie et passe
deux barrages de miliciens après PLOMBIERES ; par
la petite route, il se dirige sur CHARMOY et
apprend qu'un combat a eu lieu la veille à la
République ; les paysans lui certifient que le
MALGACHE est tué. MARANGE se dirige aussitôt sur
la République et fait halte à la ferme de la
SERREE ; les JOLY le rassurent et lui affirment
que le maquis n'a subi aucune perte. Continuant sa
route, notre camarade trouve la ferme abandonnée
par VALTI et sa famille. Il monte alors au camp,
celui-ci est vide. Une profonde impression le
saisit alors, et il se dirige sur
REMILLY-en-MONTAGNE, où il apprend avec joie que
le maquis tout entier est parti en opérations.
Chez MAILLY, une équipe de Boches arrive pour
consommer dans la salle du bas. MARANGE se couche
sur le plancher pour essayer de surprendre leur
conversation et s'endort. Nous le reprenons en
passant et rentrons au camp. La surexcitation des
hommes est tombée, la fatigue se fait lourdement
sentir. J'apprends alors par l'intermédiaire des
BOURDILLAT qu'un capitaine anglais et sa troupe de
parachutistes séjournent au LEUZEU, au camp
LIBERTE. Je décide de m'y rendre pour m'y armer
convenablement et pour faire reposer mon équipe.
MARANGE et LELIEVRE partent aussitôt en
reconnaissance au LEUZEU. Ils sont à motocyclette,
mitraillettes en bandoulière, et croisent
plusieurs voitures allemandes. Leurs occupants ne
manifestent aucun signe d'animosité. Au LEUZEU,
MARANGE prend contact. Il participe au jugement de
deux miliciens, qui sont condamnés à mort et
exécutés. MARANGE a été spécialement chargé du
dépouillement des votes par les membres du Conseil
de Guerre dont il faisait partie. Parmi les
bulletins un seul mentionnait : " Surseoir à
l'exécution ". Tous les autres concluaient à la
condamnation à mort et exécution immédiate.
MARANGE a demandé qui était le membre réticent. Il
n'y eut pas de réponse. Le camp fut attaqué deux
jours après. Nous faisons mouvement de nuit, à
pied, avec armes et bagages. Deux chariots
transportent par la route la cuisine et les toiles
de tente. Nous traversons un barrage allemand sans
encombre. Nous arrivons dans la nuit et nous nous
installons dans la ferme abandonnée, sans
opposition de la part du commandement de la
compagnie LIBERTE. Nous sommes entourés de bois de
tous côtés, le seul chemin d'accès carrossable est
celui par lequel nous sommes arrivés en provenance
de la Nationale n° 5. La compagnie LIBERTE occupe
avec ses différents groupes toutes les lisières du
bois environnant la ferme et s'étend en outre en
profondeur dans les bois. Les Anglais sont en
retrait des lisières. Un de mes Alsaciens
(TISLER), qui a vu un Anglais à la cuisine,
demande à me parler : - Chef, voulez-vous me
laisser à cette compagnie ? J'ai eu trop peur sur
le plateau de REMILLY. Si vous saviez comme j'ai
eu peur ! Je ris : - C'est entendu, mon vieux !
30 Juillet 1944
La position de mon groupe,
avec son effectif de 36, a, d'après un article
paru dans la presse dijonnaise (" BOURGOGNE
COMBATTANTE " du 5 Août 1945) été très gênante
pour le groupe LIBERTE, cette position contrariant
le plan de défense établi. J'aimerais savoir
pourquoi MARANGE, qui était arrivé en liaison la
veille, n'avait pas été mis au courant et pourquoi
je n'ai appris moi-même que plus d'un an après et
par la presse cette particularité. En fait, pour
mon Unité, l'engagement du LEUZEU a été le
suivant. A 6 heures du matin, un coup de feu : -
Quel est le con ?… Quelques secondes après, une
rafale de fusil mitrailleur. J'enfile mes
souliers; c'est bien ma veine, pour une fois que
je m'étais déchaussé pour dormir. Les rafales de
F.M. continuent, mes hommes s'apprêtent et
s'arment. J'arrive vers la sentinelle et lui
demande des renseignements. Cinq miliciens se sont
infiltrés sur le terre-plein entre la ferme et la
cuisine, maintenant on ne les voit plus. Trois
camions sont arrêtés dans le chemin d'accès à 400
mètres. Je décide d'attaquer et de cerner ces cinq
hommes, un gosse me suit, ainsi que PORTHOS, de la
compagnie LIBERTE ; deux autres rejoignent. Cents
mètres plus bas je surgis sur le terre-plein. Les
fusils mitrailleurs français tirent sur moi.
J'enlève mon chapeau, et hurle : -Ici, le
MALGACHE, cessez le feu, bande de cons ! J'avance
alors en direction des miliciens cachés. Arrivé à
trente mètres d'un buisson on tire sur moi, le
petit qui me suit reçoit une balle dans le pied.
Je vide mon chargeur en direction du buisson, plus
rien ne bouge. La crosse de mon mousqueton est
cassée. J'arrache le fusil anglais au blessé et je
poursuis. En levant les yeux, j'aperçois à vingt
mètres derrière une murée un milicien qui me vise,
je tire en épaulant, un corps bondit et retombe.
J'avance toujours. Un milicien se sauve devant
moi, un coup de feu claque venant de gauche, un
nouveau corps tombe. Deux autres miliciens
s'échappent dans les ruines, j'épaule, PORTHOS
tire avant moi, un milicien est grièvement blessé,
l'autre se glisse sous bois, il sera tué par des
membres de la compagnie LIBERTE. Je rejoins mon
groupe, le milicien blessé hurlera pendant près de
deux heures avant d'être achevé. Je dispose mes
hommes en tirailleurs et, avec ROYER et LEVEQUE,
casse la croûte. Tout à coup, très près, des
rafales claquent, des branches coupées tombent à
nos côtés. J'ignore si ce sont des amis ou des
ennemis qui tirent et ne puis riposter. Je saute
sur mon fusil et donne l'ordre de repli. J'établis
une ligne de résistance 200 mètres plus loin,
perpendiculairement à la crête du bois. Je suis
sans liaison avec les éléments de LIBERTE. Au
cours d'une reconnaissance, dans un sentier, deux
miliciens me mettent en joue. BRAC, qui se trouve
derrière moi, tire par-dessus ma tête, loge une
balle dans le front du premier, l'autre se sauve.
J'ai à peine eu le temps de réaliser et je
remercie cordialement BRAC. J'apprendrai quelques
heures plus tard que des éléments miliciens
s'étaient infiltrés jusqu'à la cuisine, conduits
par un membre de la compagnie LIBERTE qui, capturé
à URCY par la Milice, avait trahi. D'autres
infiltrations avaient eu lieu, mais partout les
miliciens sont tombés sur un os. La compagnie
LIBERTE, contrairement aux renseignements dont
disposait l'assaillant, était formidablement
armée, ayant reçu un gros parachutage la veille,
et chaque élément assaillant a été accueilli au
F.M. Non seulement l'attaque a échoué, mais la
compagnie LIBERTE a infligé une dure punition à
ces salauds. CALAIS, avec les hommes de son
groupe, fit sauter tous les véhicules ennemis au
plastic. Dans l'après-midi, et malgré l'opposition
de l'état-major de la compagnie LIBERTE, je prends
contact avec le capitaine anglais et lui demande
des armes, particulièrement des fusils
mitrailleurs et des grenades. Ce dernier me répond
: - Je suis chargé par mon gouvernement
d'accomplir des missions, il me faut un maquis
tranquille pour ma défense personnelle. Si vous
voulez faire partie de mon maquis, je vous arme !
Je le regarde en face et lui réponds : - Je ne
suis pas une nourrice sèche pour un capitaine
anglais, je suis Français, je fais la guerre !
MARANGE intervient, sa diplomatie fait merveille
et il réussit à obtenir une lettre de
recommandation pour le colonel HASTING, chef des
missions anglaises en FRANCE et stationné à OUROUX
(NIEVRE). LEVEQUE est blessé en désarmant un fusil
MAUSER. Il est évacué sur le poste de secours de
la Comtesse de MONTALEMBERT. Je suis navré de
perdre celui que je considérais comme mon bras
droit et en qui je pouvais avoir toute confiance.
REBOUILLAT et RONCHONOT m'offrent le commandement
d'une compagnie. Je refuse. Je ne suis pas
partisan à ce moment d'un rassemblement massif.
Les Unités de Résistance doivent être légères et
pouvoir se déplacer rapidement. D'autre part, j'ai
déjà servi à la compagnie LIBERTE du 6 Juin au 28
Juin 1944. L'emplacement des camps que cette
compagnie a successivement occupé ne répond pas
aux conditions qui sont les miennes. J'assurerai
avec un groupe une mission de protection pour le
décrochage qui doit avoir lieu dans la nuit en
direction de QUEMILLY. DIEUDONNE est chargé de
cette mission avec son groupe. Il inaugura à cette
occasion la série malheureuse due à la peur,
évidence qui m'échappera encore. Au cours du
déplacement de nuit, son groupe, au lieu de
couvrir, attaquera un camion du camp LIBERTE et un
de mes hommes sera blessé. Il est évacué également
sur le poste de secours de la Comtesse de
MONTALEMBERT. J'inflige un tour de garde
supplémentaire à ses camarades, ainsi qu'un
avertissement à DIEUDONNE. Au matin, j'occupe une
corne de bois aux environs de QUEMILLY. Tout à
fait à une aile du dispositif de la compagnie
LIBERTE. Des rafales claquent au loin en direction
de CHAMBOEUF. La peur apparaît, je suis entouré :
- Chef, il faut partir, nous seront tous tués, il
y a au moins 40 camions allemands qui arrivent.
J'appelle MARANGE : - Passe-moi tes jumelles !
J'inspecte les environs et la route, pas un
camion, pas une âme. Je ris et renvoie tout le
monde à son poste. MARANGE est près de moi. Je lui
annonce ma volonté formelle de quitter la
compagnie LIBERTE et de reprendre ma liberté
d'action. Il insiste pour que nous restions
quelques jours encore et me promet qu'il obtiendra
des armes. Je suis intraitable. Mon Alsacien
TISLER vient à nouveau me parler : - Chef,
emmenez-moi avec vous, j'aurais plus peur encore
dans cette compagnie ! - Bon, viens ! Prise de
contact avec REBOUILLAT, qui commande la compagnie
LIBERTE. Je lui fais connaître qu'il ne m'est pas
possible de rester plus longtemps avec lui, le
moral de mon groupe ne me le permettant pas.
J'assurerai la reconnaissance de la nouvelle
position et, dès l'arrivée des éléments de son
Unité, je décrocherai pour me réinstaller dans le
secteur REMILLY-AGEY. Je resterai en liaison avec
lui et nous convenons d'un secours mutuel. Il me
passe deux fusils mitrailleurs français.
REBOUILLAT me donne l'itinéraire. Je pars avec mon
groupe en éclaireur. Au point de rassemblement
prévu tout est normal. La compagnie LIBERTE arrive
à son tour. Je donne à mes hommes mes instructions
et l'itinéraire que nous allons suivre. Puis je
passe l'inspection et prends la tête. Notre
matériel de cuisine et les tentes ont été
camouflés dans un coin du bois sous un très gros
tas de fagots. Des repères ont été faits afin de
pouvoir revenir les chercher. Nous coupons à
travers bois et nous dirigeons sur l'écluse 34. La
pluie a fait son apparition. Outre ses armes et
ses munitions, chaque homme porte son équipement
de rechange. La charge de chacun dépasse 3O kilos.
Le déplacement est très dur. Nous passons par
GERGUEIL, la ferme du CHAMP GRILLOT, où nous nous
ravitaillons. Deux membres seulement vont jusqu'à
la ferme. Le reste du groupe reste sous bois et
des sentinelles sont mises en place. Nous
stationnons ensuite près de trois jours en lisière
du bois situé derrière l'écluse 34. Nous sommes
entièrement mouillés. MAILLY, FORT et ROYER
partent reconnaître une position susceptible
d'être aménagée et défendue et qui offre le
maximum de sécurité. FICHOT effectue les corvées
de ravitaillement, la famille BOURDILLAT prépare
des repas chauds. Un juste hommage doit être rendu
à ces vaillants Français qui se sont dépensés sans
compter, hébergeant de nombreux patriotes,
assurant les liaisons et participant aux combats.
La mission de reconnaissance me rend compte des
positions visitées. Je pars avec ROYER et fixe mon
choix sur le plateau au lieu-dit BOIS MORON.
Admirable emplacement avec un à-pic de 80 mètres
sur la route REMILLY-AGEY et des vues sur
SOMBERNON, REMILLY, AGEY, GRENANT, route du Puits
XV, écluse 34, PONT-de-PANY, viaducs et voie
ferrée. Pour augmenter la sécurité, je ferai miner
tous les sous-bois en direction du hameau de la
MONTAGNE, du village de GRENANT, de la ferme du
TREMBLOY et de la vallée de l'OUCHE.
5 Août 1944
Le Corps-Franc occupe une
extrémité du dispositif et fournit en permanence
un guetteur la journée, une sentinelle la nuit. Le
groupe FICHOT et le P.C. occupent l'autre
extrémité du dispositif et fournissent la même
permanence. L'emplacement de trois autres
sentinelles est fixé. J'établis les consignes du
camp : le cri de la chouette remplace le cri du
coucou. Chaque chef de groupe sera personnellement
responsable de l'effectif de son groupe, à son
défaut le sous-chef de groupe. Interdiction
formelle de quitter le camp sans ordre de mission.
La tente des Savoyards est très peu éloignée du
P.C. ROYER remplace LEVEQUE. Côté FICHOT, la
fonction de guetteur sera assurée par
l'Alsacien-Lorrain TISLER, déserteur de l'armée
allemande. Aucun mouvement ne lui échappera.
Lorsqu'il sera de garde la nuit, il me signalera
le moindre bruit. Il me réveillera un jour en me
disant : - Chef, venez vite, il y a un chien qui
aboie ! Je le renvoie à son poste et lui dis : -
Si tu me réveilles encore une fois pour rien, je
te tuerai ; laisse-moi dormir, nom de Dieu, ce
n'est pas si souvent que je le peux !
6 Août 1944
Les sous-bois attenant à la
source, et les lignes, sont minés. L'interdiction
formelle de s'approcher du camp est notifiée aux
maires des diverses communes environnantes, à
charge par eux d'avertir leurs administrés. Toute
personne trouvée aux abords du camp sera
immédiatement passée par les armes. Une corvée
part récupérer les toiles de tente. Des bâches
sont réquisitionnées pour permettre à chaque
groupe d'établir une tente confortable, où tous
seront à l'abri de la pluie. De la paille est
également réquisitionnée, les râteliers d'armes
sont obligatoires. Des recrues arrivent, assez
nombreuses ; leur encadrement s'effectue sans
à-coup. Un contrôle de garde est établi, chaque
chef de groupe prend le quart et participe aux
rondes de nuit. La cuisine est installée non loin
du P.C. Du matériel est réquisitionné à GRENANT et
complète celui qui vient d'être récupéré.
LAMARTINECHE dirige la cuisine et la préparation
des repas, il prévoit également les besoins de
l'unité et établit un ordre d'urgence pour les
réquisitions à effectuer. Chaque matin il demande
les hommes de corvée qui lui sont nécessaires.
Ceux-ci sont pris dans les nouveaux arrivés et
spécialement parmi les vieux. LELIEVRE est
toujours le spécialiste du ravitaillement avec
cheval et tombereau. Café et casse-croûte à 6 h
30. Repas à midi et à 19 heures. Chaque groupe
envoie percevoir ses rations à la cuisine. Au fur
et à mesure de l'arrivée des recrues la cuisine
s'étoffera et un boucher-charcutier y sera affecté
en permanence.
7 Août 1944
L'instruction des recrues a
lieu dans le cadre du groupe. Elle tend à donner à
tous des notions essentielles sur l'emploi des
armes et des explosifs, ainsi que la technique de
la guerre d'embuscade. Chaque chef de groupe, de
section ou de détachement est responsable devant
moi de l'instruction de ses hommes et de la
discipline. Une armurerie est installée sous une
tente. Les munitions, explosifs et armements non
distribués y sont stockés sous la surveillance de
deux nouveaux G.M.R. du groupe BRIE qui viennent
d'être incorporés : GEMCE Jacques et BOUTIN Jean.
Ceux-ci sont chargés de préparer les explosifs
nécessaires aux diverses missions à la demande des
chefs de groupe. Ils effectuent des revues d'armes
dans les groupes, assurent la remise en état des
armes qui n'ont besoin que de réparations légères.
Très dévoués, connaissant bien leur métier, ils
ont été pour moi de très précieux auxiliaires. En
outre, ils ont présidé aux tirs d'essai effectués
au camp et en ont assuré la sécurité d'une façon
parfaite.
8 Août 1944
L'activité au camp est
fiévreuse, le service de garde et de guet
fonctionne sans à-coup. Des consignes sévères
interdisent le retour au camp la nuit, à moins de
nécessité absolue. Nous sommes survolés à
plusieurs reprises par un avion allemand. Afin de
faciliter le ravitaillement en pain, le contact
est établi avec MAXIME, de GRENANT. Ce dernier
fera deux ou trois fournées de pain par semaine et
nous lui fournirons la farine. Jean LEVEQUE, dont
la jambe est à peine cicatrisée, a rejoint l'unité
et reprend son activité. Il part en mission de
ravitaillement à BLAISY-BAS avec ROYER, SCHWINTE
et MARANGE. Le gazo est capricieux. La mission
arrive à BLAISY-BAS à 11 heures. Réquisition d'une
motocyclette et d'huile à la fabrique. A midi,
LEVEQUE décide de prendre les repas au
café-restaurant près de la gare. Mitraillettes à
l'épaule, grenades et pistolets au côté, ils
entrent dans la salle de l'établissement, où déjà
des Boches consomment. Les mitraillettes sont
disposées sur la table, ainsi que les grenades. Si
les Boches sont sages, la mission le sera
également. Les quatre prennent tranquillement leur
repas et quittent le restaurant sans que les
soldats allemands fassent un seul geste. Eux-mêmes
n'ont pas attaqué, car j'avais donné à chaque
mission l'ordre formel de ne jamais engager le
combat dans un village, à moins d'y être
absolument forcé, ceci afin d'éviter les
représailles de l'ennemi. Une fois à la voiture,
celle-ci ne veut plus marcher et le garagiste doit
intervenir. Il effectue la réparation et la
mission quitte le village sous le regard passif
d'une équipe de Boches qui se gardent prudemment
d'intervenir. Retour au camp sans incident.
GEORGES et BESSE partent à moto effectuer une
distribution de tabac et de ravitaillement à nos
blessés au poste de secours. Là, ils apprennent
que la Comtesse de MONTALEMBERT, qui a été pour
nos blessés d'un dévouement inlassable, est
menacée. Ils se rendent au Château de la BUSSIERE,
tout est normal et ils font demi-tour. Ils
rencontrent alors SINGEY. Celui-ci fait connaître
que dans les environs de l'écluse 26 se trouve le
nommé CHEVALIER, qui faisait partie des 4 G.M.R.
affiliés à la Gestapo et qui avaient trahi leurs
camarades. GEORGES se joint à SINGEY et tous deux
partent opérer la capture. BESSE revient au camp
et m'alerte. Je descends au parc à voitures et
rejoins à motocyclette mes deux hommes aux
environs de BARBIREY. CHEVALIER, qui vient d'être
arrêté, reconnaît avoir été en relations avec la
Gestapo ; il désigne BRUGIERE, BON et CHARNAY
comme compagnons de trahison et confirme les
renseignements que nous connaissions déjà. Il est
jugé sur place et condamné à mort. Je laisse à ses
deux anciens camarades la possibilité de
l'exécuter. Tous deux refusent. Je donne alors
l'ordre à CHEVALIER de prendre place pour être
exécuté. Il supplie, pleure ; devant sa lâcheté,
je le pousse devant moi et l'abats d'une balle
dans la nuque. Il tombe, je le retourne et lui
donne le coup de grâce. SINGEY fait connaître au
maire le plus voisin d'envoyer le plus rapidement
possible une corvée chargée d'enterrer sur place
le condamné.
9 Août 1944
Je suis pressenti pour
exécuter le commandant Guy ALLIZON, soupçonné
d'entretenir des relations avec la Gestapo.
J'envoie Paul ROYER à DIJON en vélomoteur. Par
l'intermédiaire de NAGEL, il prend contact avec
FOISSAC, beau-frère du colonel BALLET, sous les
ordres duquel s'était trouvé le commandant
ALLIZON. FOISSAC se porte garant du patriotisme du
commandant ALLIZON. Je rends compte à mon
responsable, le commandant BENE, l'ordre
d'exécution est annulé. Mon équipe de DIJON, sous
les ordres de NAGEL, prépare les réquisitions
nécessaires et m'envoie des bulletins de
renseignements sur les mouvements des troupes
allemandes, ainsi que sur l'activité des
miliciens. Je demande la dotation de deux
silencieux, afin de pouvoir envoyer sur DIJON une
équipe chargée des opérations urgentes contre les
traîtres.
10 Août 1944
La compagnie dispose d'un
gazo, de plusieurs vélomoteurs et motocyclettes.
Les Savoyards partent à MEUILLEY et effectuent une
tournée de ravitaillement. Ils approvisionnent
l'Unité en vin. Du tabac est également
réquisitionné. La ration de vin est fixée à 3/4 de
litre par jour. Le tabac est distribué par groupe
par les armuriers qui, à compter de ce jour,
seront chargés de la gérance du magasin. Un petit
stock de chaussures est disponible. Ils en
assurent l'échange et portent au cordonnier d'AGEY
les chaussures à réparer. Le bourrelier de
SOMBERNON est chargé de confectionner des musettes
avec de la toile de bâche fournie par l'Unité.
Chaque combattant recevra une musette pour porter
ses munitions. L'Unité s'achemine vers sa
formation définitive, à savoir une formation
militaire au combat.
11 Août 1944
L'ordre arrive de s'opposer
par tous les moyens à la réquisition par les
troupes allemandes de véhicules automobiles.
Prévoir également des moyens de transport.
CARLEVATTO, gendarme à SOMBERNON, prend contact et
indique dans quelles conditions peut être enlevée
la traction-avant, garée au transformateur de
SOMBERNON. Désirant être incorporé à l'Unité,
CARLEVATTO demande à être kidnappé avec la
voiture, ceci pour éviter des représailles à sa
famille. J'opère l'enlèvement en compagnie de Paul
ROYER qui assure la protection à l'extérieur. Un
gardien civil tient compagnie au gendarme. Je
désarme le gardien, enlève le gendarme et la
voiture et regagne le camp. L'opération a duré une
demi-heure. L'instruction se poursuit activement
dans les groupes. Les missions journalières de
ravitaillement s'effectuent sans incident.
12 Août 1944
La traction-avant est revue,
de l'essence est réquisitionnée chez des
particuliers et la voiture est provisoirement
garée à REMILLY-en-MONTAGNE, prête à servir.
MARANGE part en mission à BLAISY-BAS et CHARMOY.
Il doit effectuer avec Victor SCHWINTE une
nouvelle tournée de récupération d'armes.
13 Août 1944
Près d'une murée sur le
chemin de PANGES à CHARMOY il rencontre une
religieuse, Soeur CAMUS, demeurant à BLAISY-BAS.
Celle-ci engage la conversation et informe MARANGE
que, parlant couramment le russe, elle a eu
plusieurs contacts avec l'officier russe qui
commande le poste de garde du tunnel de
BLAISY-BAS. Celui-ci a laissé entendre qu'il
désirerait vivement quitter l'armée allemande et
rejoindre le maquis avec ses hommes et toutes ses
armes. MARANGE charge alors Soeur CAMUS de prendre
à nouveau contact dans la matinée avec l'officier
et plusieurs soldats sympathisants. Un rendez-vous
est prévu pour 17 heures sous le Château de
BLAISY-HAUT. Victor SCHWINTE revient au camp et me
rend compte des tractations en cours. Je décide de
me rendre immédiatement à BLAISY, désigne pour
m'accompagner Paul ROYER et un Russe nouvellement
incorporé, Sacha LIOUTIKOFF. Ce dernier avait été
dirigé sur l'Unité par l'intermédiaire du
commandant CETRE, qui l'avait connu en prison.
Pendant ce temps, MARANGE avait repris contact
avec Soeur CAMUS et s'était rendu au rendez-vous.
Au moment de mon arrivée, les conversations
engagées avec les Russes duraient depuis plus
d'une heure. La mise au point de la désertion
d'une partie des Russes et l'anéantissement des
autres posait de multiples problèmes. La
traction-avant est laissée sur la route, je
pénètre sous bois avec mes deux hommes, l'officier
et sept Russes sont présents. Je réalise
immédiatement la disproportion des forces et de
l'armement, je suis engagé dans un coupe-gorge, je
saisis alors le fusil à répétition du premier
soldat russe et, tenant le groupe sous le feu, je
charge Sacha de prendre contact. Les Russes
semblent dégonflés. Au bout d'un quart d'heure,
Sacha revient près de moi et il me dit : - Pas bon
ici ! Je le charge de faire connaître à l'officier
que le bois est cerné par le maquis et qu'au
moindre geste, tous les Russes seront tués. Lui
restera là en compagnie de MARANGE, ils
continueront les conversations. En principe,
l'attaque du poste russe est fixée au lendemain 22
heures. J'aurai alors pu prendre toutes les
dispositions et serai prêt à entrer en action avec
un groupe solide. Je rentre au camp et prépare
l'opération. A 23 h 30, Sacha arrive en bicyclette
et m'explique qu'après mon départ, lui et MARANGE
ont quitté les Russes, puis ont repris contact
dans la soirée au café. Des discussions ont eu
lieu entre Russes et l'un de ceux-ci a téléphoné à
la Gestapo. Selon toute vraisemblance, des troupes
allemandes seront là demain matin. Cependant,
après les discussions, mes deux hommes ont réussi
par un coup d'audace à enlever le lieutenant russe
et son ordonnance. Ceux-ci sont gardés à vue à
CHARMOY par MARANGE, avec un revolver qui ne
marche plus. Soeur CAMUS a rejoint également
CHARMOY. Il ne me reste plus qu'à aller les
ramasser, Sacha m'accompagne avec un fusil
mitrailleur, la traction-avant tourne rond. Arrivé
à CHARMOY, j'embarque tout le monde. Je descends
les deux Russes à AGEY, ils sont montés au camp et
gardés à vue. Je réveille le curé d'AGEY qui vient
avec nous à SAINTE-MARIE, le curé de SAINTE-MARIE
est réveillé à son tour et Soeur CAMUS est placée
chez les Soeurs de SAINT-VINCENT-de-PAUL qui ont
une maison dans cette commune.
14 Août 1944
Retour au camp, il fait
jour. Casse-croûte et départ pour MALAIN, où j'ai
une entrevue avec BENE : compte-rendu des
événements et de l'opération effectuée. Ordre
m'est donné de fusiller les deux Russes,
l'officier en particulier s'était rendu coupable
de nombreux actes de sauvagerie dans la région. Il
meurt en lâche, l'ordonnance courageusement. A
cette occasion, je rencontre à MALAIN le
commandant CETRE, responsable inter-régional aux
opérations, qui vient d'arriver. Nous avons deux
uniformes allemands de plus et quelques
provisions.
15 Août 1944
Les nouvelles sont mauvaises
: Les Allemands ont enquêté à BLAISY-BAS, le café
a été pillé. Nous avons manqué une superbe
opération qui nous aurait permis d'interdire
complètement le trafic entre DIJON et PARIS
pendant plusieurs semaines, en obstruant
complètement le tunnel. De plus, nous aurions
récupéré un précieux matériel d'armement. Descendu
en liaison à REMILLY, je rencontre ROBLET Félix
qui, un fusil mitrailleur sur l'épaule, faisait
son entrée au village. Il se présente : - Sergent
Christophe, du groupe MORANE. Notre car s'étant
trouvé en panne, nous avons fait appel au
garagiste de SOMBERNON et un engagement a eu lieu.
Je suis resté le dernier, et après quelques
détours, j'arrive ici ! - Bien, mon vieux, vous
monterez au camp avec moi ! Dans la matinée, une
fusillade avait effectivement eu lieu à SOMBERNON,
la mission que j'avais envoyé aux renseignements
n'était pas encore de retour. Elle arrive quelques
instants plus tard et j'apprends qu'au cours de
l'engagement, ROBLET, resté seul sur le toit du
car, avait arrosé au fusil mitrailleur un groupe
allemand, arrachant d'une rafale le bras d'un
colonel. Descendu du toit, il avait appuyé son
fusil mitrailleur sur le côté et avait
tranquillement roulé une cigarette, en attendant
le retour des Allemands, puis les avait à nouveau
arrosé et dispersé de quelques rafales. Mettant
alors son fusil mitrailleur sur l'épaule, il
s'était éloigné. Nous remontons au camp et je
reçois de BENE l'ordre suivant : - Les Allemands,
en représailles de l'enlèvement de l'officier
russe et de son ordonnance, et si ceux-ci ne sont
pas immédiatement libérés, brûleront BLAISY-HAUT,
BLAISY-BAS et CHARMOY. L'effectif probable des
forces ennemies devant être engagées dans ces
opérations sera de 300. En conséquence, empêcher
par tous les moyens les forces allemandes d'opérer
! Je décide de partir le lendemain matin en
opération, il m'est impossible de rendre les
prisonniers qui sont fusillés. Je fais appeler
Jean LEVEQUE et Paul ROYER et leur expose le
problème ; je leur fais connaître mes intentions.
Moyen de transport : la traction-avant, armement
trois fusils mitrailleurs très largement
approvisionnés, effectif sept hommes. En aucun
cas, n'accepter le combat rangé, procéder par
coups de boutoir et décrocher après chaque
engagement pour porter l'attaque sur un autre
point. Nous devons obtenir ainsi le maximum de
résultats. Entraîner ensuite, si possible, le gros
de l'ennemi en direction du camp, où il sera reçu
comme il convient. Consignes générales pour le
camp : état d'alerte. Chaque groupe doit être prêt
à marcher au feu, un groupe se tenant en
permanence aux lisières en direction de REMILLY,
un autre groupe, même dispositif, en direction
d'AGEY.
16 Août 1944
Pendant cette journée, au
cours d'une reconnaissance, MARANGE est agressé
par DIEUDONNE, qui commet une nouvelle méprise. La
balle coupe la médaille de SAINTE-THERESE que
MARANGE portait au poignet et le blesse légèrement
au doigt. Pour l'opération de harcèlement, je
choisis Jean LEVEQUE, Paul ROYER, Albert FORT,
Roger MARTIN, Sacha LIOUTIKOFF et SCHWINTE,
j'accepte également ROBLET, du groupe MORANE, qui
est volontaire ; j'assurerai moi-même la direction
des opérations. Nous patrouillons dans la région
menacée, nous établissons successivement plusieurs
barrages, après avoir garé la voiture à proximité
pour permettre le décrochage ; pas un Allemand ne
se présente. Au cours d'une patrouille, nous
crevons à proximité de la route conduisant au camp
d'aviation de FROMENTEAU. Les fusils mitrailleurs
sont mis en batterie. Deux camions allemands
arrivent, ils nous aperçoivent à plus de 100
mètres, font demi-tour sur la route et se sauvent.
Le soir tombe, je décide le retour. ROBLET me
demande alors de passer à SOMBERNON pour récupérer
des armes laissées par ses camarades. Il avait
pris rendez-vous chez NIVELLE. J'entre à SOMBERNON
tous phares éteints et j'arrête la voiture devant
la maison où doit avoir lieu la rencontre. ROBLET
prend contact avec un civil et entame la
conversation au sujet des armes recueillies. A ce
moment, le maire, Mr FOURNIER, arrive et dit : -
Messieurs, je vous paie une tournée, si vous
partez de suite ! L'homme qui se trouvait avec
ROBLET s'efface dès qu'il aperçoit Mr FOURNIER.
ROBLET se tournant alors vers le maire, lui
répond: - Avec plaisir, à condition que vous
buviez avec nous ! Mr NIVELLE sert à boire. Le
maire s'en va et les conversations reprennent
entre ROBLET et son correspondant. Deux minutes se
passent : deux touristes et une camionnette
d'Allemands s'arrêtent en face de la maison. Je
saute sur mon fusil, enfile le couloir en donnant
l'alerte, et fais irruption face aux Allemands. Je
n'obéis pas à leurs sommations et m'échappe en
direction de l'église. Des trois voitures partent
des rafales. Je ne suis pas touché et enfile la
ruelle descendant vers le cimetière. Je m'arrête
cinq minutes pour faire le point. D'une part, six
camarades cernés, d'autre part, le camp à
proximité en état d'alerte. Le groupe de REMILLY
doit avoir entendu les coups de feu et doit
marcher sur SOMBERNON. En conséquence, je me hâte
à leur rencontre. A SOMBERNON, la fusillade a
repris et je cours ; je trouve enfin CARLEVATTO et
six hommes, laisse une liaison et les entraîne en
direction de SOMBERNON. Les coups de feu durent
toujours. J'ai peur maintenant d'arriver trop tard
et suis certain que mes petits ont tenté une
sortie. Aux premières maison de SOMBERNON nous
rencontrons Jean LEVEQUE qui est blessé. Je lui
laisse un homme et prends un sentier pour arriver
dans le haut du pays. La fusillade a cessé. Nous
arrivons vers la voiture, le combat est fini. Deux
cadavres allemands sont allongés dans le fossé,
mais ROBLET est très grièvement blessé : une balle
lui a perforé les intestins, Sacha, mon Russe, a
reçu six balles, deux dans chaque jambe, deux dans
le côté. ROYER a été marqué au front par une
balle, MARTIN, FORT et SCHWINTE sont sains et
saufs. Ils se précipitent vers moi - C'est vous,
chef, vous n'êtes pas tué ? Nous n'avions plus
d'espoir, nous avons entendu les rafales ennemies
aussitôt après votre sortie et nous n'imaginions
pas que vous puissiez avoir été manqué, les
voitures allemandes se trouvant à moins de dix
mètres de la porte ! - J'ai la baraka, ne vous en
faites pas. Chargeons vite les blessés et vous
m'expliquerez le combat en route ! Je donne à
CARLEVATTO l'ordre de retourner au camp avec ses
hommes. Nous chargeons ROBLET et Sacha, prenons
LEVEQUE et, fusil mitrailleur en batterie, tous
phares allumés, la voiture fonce à 100 à l'heure
en direction du poste de secours. En passant par
LA BUSSIERE, arrêt à la ferme de la FORET, où les
blessés sont placés dans une voiture hippo et
conduits au poste de secours, pendant qu'en
compagnie de ROYER et du Comte de MONTALEMBERT, je
vais chercher le docteur de COMMARIN. En cours de
route, ROYER m'explique : - Lorsque vous êtes
sortis, nous nous sommes précipités derrière vous,
mais aussitôt la fusillade a crépité et nous
avions la quasi-certitude que nous ne vous
reverrions plus. Nous avons mis un fusil
mitrailleur en batterie dans le couloir après
avoir cadenassé la porte. Puis, nous avons
envisagé un moyen de sortie, toutes les lumières
ont été éteintes, la fenêtre entr'ouverte sur la
cour. Albert lance deux grenades qui éclatent ;
ROYER sort aussitôt et Albert lui passe le fusil
mitrailleur. ROYER met en batterie et tire : tous
les autres sortent, à l'exception de LIOUTIKOFF,
qui tient la porte du couloir sous son F.M. ROBLET
ouvre à son tour le feu avec son arme automatique
et les Allemands sont copieusement arrosés.
LIOUTIKOFF en profite et fait irruption par la
porte face au couloir, il ouvre le feu, mais son
arme s'enraye. Les Allemands s'avancent en sa
direction sans tirer, avec l'intention de le faire
prisonnier. Sacha attaque alors à coups de poing
le premier Allemand qui se présente, celui-ci lui
donne un coup de crosse en pleine figure et, une
fois à terre, LIOUTIKOFF est arrosé par l'ennemi.
Le maquis, qui avait marqué un temps d'arrêt pour
ne pas blesser Sacha, reprend son tir. SCHWINTE et
MARTIN se précipitent au secours de Sacha et
réussissent, en rampant, à le sortir de la zone
dangereuse. La réaction ennemi faiblit, mais
ROBLET à son tour est grièvement blessé. Dans la
nuit, les Fritz ne savent pas à combien
d'adversaires ils ont affaire et tout d'un coup,
ROYER crie en allemand : - Les Alsaciens, en
avant, tuons-les tous ! L'ennemi reflue vers les
voitures, s'y précipite et lâche pied, abandonnant
deux cadavres dans le fossé. Il est poursuivi par
trois démons : LEVEQUE, ROYER et FORT. La dernière
voiture ouvre le feu pour se couvrir. LEVEQUE a le
côté gauche traversé de part en part. ROYER est
légèrement marqué au front par un éclat de balle
explosive. Il se précipite avec FORT et, par le
sentier près de l'église, tous deux dévalent pour
couper la retraite à l'ennemi. Ils arrivent trop
tard. Ainsi, une fois encore, mes Savoyards ont
été magnifiques. Ils ont mis en fuite un ennemi
bien supérieur en nombre et mieux armé. Nous avons
cependant trois blessés graves. Nous ramenons le
docteur au poste de secours et nous regagnons le
camp ; il fait jour. Arrivé au camp, je retrouve
la petite équipe sous les ordres de CARLEVATTO ;
rentrée depuis peu, celle-ci n'a trouvé au camp
que le vieux COURAGEOT et deux jeunes au poste de
guet. Les autres avaient abandonné le camp. Je
suis dans une colère indescriptible et décidé à
tirer sur n'importe quel élément qui se
présentera. Je m'explique maintenant le peu
d'hommes trouvés pour monter en renfort, et
également le chemin que j'ai eu à parcourir pour
les trouver. Si mes ordres avaient été exécutés,
un barrage aurait pu être établi à la sortie de
SOMBERNON, pendant que le renfort conduit par moi,
serait arrivé assez tôt pour réduire le nombre des
blessés. En outre, tous les Chleus auraient été
tués et les voitures détruites. ROYER et FORT
viennent vers moi et me disent : - Calme-toi,
MALGACHE, on va faire une enquête ! J'y consens.
17 Août 1944
Ce ne fut point sur le champ
de bataille que nous jetâmes l'épée, mais pendant
la garde solitaire dans les ténèbres, près du gué,
les eaux léchaient la rive, le vent de la nuit
soufflait. La terreur naquit tout armée et grandit
et nous étions en fuite avant même de ne rien
savoir de la panique nocturne. 10 heures, les
groupes font une timide apparition et regagnent
leurs cantonnements respectifs. L'enquête
effectuée par ROYER et FORT révèle que le
sauve-qui-peut fut dû à un bruit répandu par
DIEUDONNE : le camp est cerné, les
automitrailleuses allemandes sont là, elles
arrivent, il faut partir ! Je fixe un
rassemblement général pour 14 heures. Au
rassemblement, je relève DIEUDONNE de son
commandement de chef du Corps-Franc, je le dégrade
devant tous, lui retire ses armes que je jette à
terre. Je lui accorde la chance de se racheter en
se faisant tuer à la prochaine embuscade. Je lui
donne un chef et charge ce dernier de l'exécuter à
la moindre défaillance. Pour la dernière fois, je
pardonne, à l'avenir je serai impitoyable. Il
m'est possible aujourd'hui de retracer cette
panique, cette peur collective qui, lorsqu'elle
apparaît, souvent sans cause réelle, détruit les
meilleures troupes si le chef ne réagit pas
immédiatement et vigoureusement. IMBERT Albert,
dit Plumeau, de FLEUREY-sur-OUCHE, était de garde
au Corps-Franc, lorsque l'engagement de SOMBERNON
commença. Les balles allemandes perdues lui
sifflèrent aux oreilles, quelques-unes rencontrant
une branche, explosèrent, des phares d'auto
balayèrent la route. Il n'en fallut pas plus pour
que la peur irraisonnée se fasse jour dans sa
pauvre cervelle et aussitôt il affirme : - Les
automitrailleuses allemandes sont là, nous sommes
cernés ! Son chef DIEUDONNE, qui lui aussi a déjà
connu la peur à LA REPUBLIQUE, lâche pied
immédiatement. Seul du Corps-Franc TRUILLOT refuse
énergiquement de partir et IMBERT reviendra le
chercher trois ou quatre fois. Le Corps-Franc
décrochant, c'est la presque totalité des armes
automatiques restant au camp qui disparaît. Les
Savoyards sont avec moi. Seul MARANGE essaie
d'enrayer la panique. FICHOT, qui a la
responsabilité des autres groupes, reste avec une
trentaine d'hommes, dont plus de la moitié ne sont
pas armés. Il ne lui est pas possible de les
maintenir et il suit le mouvement de repli, imposé
par DIEUDONNE. Il est difficile d'imaginer peur
plus bête. Les automitrailleuses allemandes n'ont
existé que dans l'imagination d'IMBERT et de
DIEUDONNE. De toute façon, elles n'auraient pu
escalader un à-pic de plus de quatre-vingts
mètres, ni franchir les sentiers ou lignes minés.
Je ne connais que depuis peu de temps le rôle joué
par IMBERT Albert. Il est cependant certain que si
ses camarades avaient parlé lors de l'enquête
faite au camp, Monsieur IMBERT, dit Plumeau,
reposerait quelque part dans le bois avec une
balle dans la tête. Le même jour partait de DIJON
pour OUROUX une mission, composée de mon frère
Pierre et de mon beau-frère NAGEL. Ils établissent
le contact avec le maquis de MONTSAUCHE, mais ne
peuvent percevoir d'armes.
18 Août 1944
CARLEVATTO veillera au camp
à l'application stricte des consignes, surtout en
mon absence, en particulier au contrôle des
départs et des rentrées. Il est responsable sur sa
tête si le camp est de nouveau abandonné.
L'encadrement est revu. TARLET Victor, alias
Baliveau, prend le commandement de la première
section ; il a pour adjoint MAILLY Victor et GODE
Lucien. CHATELET Julien prend le commandement de
la deuxième section avec comme adjoints GEORGES
Michel et LELIEVRE. SINGEY prend le commandement
de la troisième section avec comme adjoint FICHOT.
Paul ROYER remplacera LEVEQUE et commandera en
second. Les Savoyards et MARANGE restent à ma
disposition, les premiers pour les actions
immédiates, le second pour les missions. Très
mauvaises nouvelles de notre camarade ROBLET. Son
transport à l'hôpital est urgent. Je pars dès
réception du message à 16 heures, ROYER et FORT
m'accompagnent avec un fusil mitrailleur. Au poste
de secours, ROBLET et ses camarades ont été
veillés et soignés par la Comtesse de
MONTALEMBERT, qui s'imposait de vivre dans les
bois pour donner les soins à nos blessés. Son
fils, âgé de quelques mois et qu'elle allaitait,
avait son berceau au poste de secours également.
Le Comte de MONTALEMBERT était dans le bain et a
mené à bien plusieurs missions délicates. Rengagé
à la Libération dans la 1ère Armée, il continuera
le combat jusqu'à la victoire. Les BARBE de la
ferme de la FORET et les PARIZOT, d'une ferme
voisine, se sont dépensés également sans compter.
Depuis très longtemps, leurs fermes étaient un
lieu de passage et de refuge pour les Français
traqués. Qu'ils soient remerciés pour tous les
services qu'ils nous ont rendu, en acceptant
d'avance tous les risques. LEVEQUE va bien, Sacha
également. KEGELS est convalescent. Notre pauvre
camarade ROBLET est très bas. Nous le transportons
jusqu'à la sortie du bois sur un brancard. Une
voiture hippo l'amène à la traction-avant. Là,
nous l'étendons le mieux possible.
Fusil-mitrailleur en batterie à l'avant, trajet
sans histoire. Arrivé à l'hôpital de POUILLY,
ROBLET est immédiatement préparé pour être opéré.
Il est admirable de volonté et d'énergie, son
courage reste intact. Il désire fumer, je lui
allume une cigarette. J'ai malgré tout bon espoir.
Au retour, la voiture est garée à mi-hauteur entre
REMILLY et le camp, constamment sous le feu des
armes automatiques. Le même jour, BRAC, parti dès
le matin pour réquisitionner à POUILLY une voiture
et un cheval, est revenu au camp avec un pur-sang
et une voiture légère. Je lui demande s'il lui
reste une lueur de bon sens. Croit-il qu'avec un
pareil équipage, les corvées vont passer
inaperçues ? Ce qu'il nous faut, c'est un simple
cheval de trait et un tombereau comme il en existe
des dizaines dans chaque village. Avant de partir
évacuer ROBLET, j'avais donné à BRAC l'ordre de
remettre au maire de PRALON le cheval et la
voiture, ce dernier les fera reconduire à son
propriétaire par un de ses administrés. Dans la
matinée, COURAGEOT et BESSE sont partis effectuer
une nouvelle tournée de récupération d'armes. Par
PRALON et MALAIN, ils arrivent à BAULME-la-ROCHE.
Visite au fils du maire, qui mettra le lendemain
matin un cheval et une voiture à leur disposition
pour transporter les armes. COURAGEOT et BESSE se
rendent à PANGES. A travers champs BESSE conduit
COURAGEOT et, lui montrant une murée, lui dit : -
C'est ici ! Tous deux enlèvent des pierres
moussues et une plaque de fer apparaît cachant 12
fusils et 3 caisses de cartouches. Ils
construisent alors un petit bât et transportent
une partie des armes à travers des friches. Ils
rejoignent la route de BAULME et par la coursière,
descendent au Calvaire, où le matériel doit passer
la nuit. Avant d'arriver, BESSE, entendant un
bruit de pas, crut voir un Boche. COURAGEOT lui
conseille la prudence et tous deux, cachés dans un
buisson, attendent, le revolver au poing. C'est un
vieux bûcheron qui apparaît et il les aidera à
transporter les armes. 19 Août
1944 De bonne heure COURAGEOT et BESSE
quittent BAULME-la-ROCHE, les armes dans le fond
du tombereau, recouvertes de paille. De BAULME ils
rejoignent la route du Puits XV par chemin de
terre, puis regagnent le camp par SOMBERNON, la
BELLE-IDEE et LA REPUBLIQUE. A la hauteur de la
BELLE-IDEE un barrage boche arrête toutes les
autos. Il est trop tard pour reculer. Mes deux
hommes dégoupillent une grenade, prêts à vendre
chèrement leur peau. Mais les Allemands, les
prenant pour deux paysans, les laissent passer
sans rien leur demander. Dès le barrage franchi,
le cheval est mis au trot et ne s'arrête qu'à
AGEY. Les armes, transportées au camp sont
stockées à l'armurerie, elles seront distribuées
suivant les ordres. MARANGE et LELIEVRE
réquisitionnent un cheval et une voiture à AGEY.
L'équipage sera à la disposition permanente de
LELIEVRE pour ses corvées de ravitaillement.
FICHOT et JAUMET effectuent une patrouille dans la
vallée de l'OUCHE et reconnaissent, à VEVEY,
l'emplacement du dépôt de munitions allemand au
lieu-dit " LE MARTINET ". Ce dépôt est entouré de
fils de fer barbelés, l'effectif du poste est de
quatre-vingts ; dix sentinelles, trois
fusils-mitrailleurs, deux mitrailleuses lourdes en
assurent la garde en permanence. C'est un os trop
dur pour nous. BOUCHARD et MOUCHOT effectuent une
liaison à DIJON et rapportent un message de NAGEL
: " Faire attendre à la sortie de PONT-de-PANY, en
direction de SAINTE-MARIE-sur-OUCHE, un convoi
composé de quatre tractions CITROEN et d'un
camion, qui quittera DIJON le 20 Août 1944 au
matin. Il s'agit du Service de dépannage de
l'Intendance de Police qui rejoint le maquis. Il
est à incorporer à l'Unité ou à diriger sur une
autre formation ". J'établis un contact personnel
à REMILLY-en-MONTAGNE avec le lieutenant DUPONT,
dit Tob, de l'état-major départemental F.F.I.
Echange de vues, je lui demande des armes, des
munitions et de l'argent. Rendez-vous est pris
pour le 21 Août à la croix d'AGEY. Les messages
urgents me seront apportés chez MAILLY par Hébert,
de SOLES, qui est en liaison permanente avec le
P.C. A 19 heures je pars, en emmenant ROYER,
Albert FORT et SCHWINTE. Nous visitons nos blessés
et leur apportons du tabac. A minuit nous quittons
le poste de secours et nous dirigeons sur
l'hôpital de POUILLY. Je remets des cigarettes à
ROBLET, toujours extraordinaire de courage. Je le
trouve très bas. Au retour, raid dans la vallée de
l'OUCHE, pas de Chleus, couchons à REMILLY chez
MAILLY et rentrons au jour. 20 Août
1944 A PONT-de-PANY avec ROYER, je prends
contact avec Mr BERTHET, de l'Intendance de Police
; il a pu s'échapper avec une seule voiture. A la
suite d'une trahison les autres n'ont pu partir.
Je camoufle sa voiture et ses compagnons dans le
parc du Château d'AGEY, puis, après un long
échange de vues, je le dirige sur OUROUX. Je ne
résiste pas au plaisir de donner la parole à
MARTIN Marcel, dit PISTOULET, qui, arrêté par la
milice à la suite de la fuite manquée, a rejoint
l'Unité quelques jours après. Son témoignage
éclaire d'un jour particulier la vie au camp, il
est particulièrement savoureux. J'aurais aimé
pouvoir insérer les impressions de beaucoup
d'autres, trop paresseux, hélas !
**
Au mois
d'Août 1944, mon chef, Mr BERTHET, du garage de
l'Intendance de Police, me prit à part et me dit :
- Mon vieux MARTIN, je connais ton opinion et
aussi bien je compte sur toi. Voici : je suis en
contact avec un des chefs de la Résistance, qui
doit venir sous peu, et auquel je te présenterai.
J'ai décidé de lui apporter mon aide et j'ai
l'intention de former une équipe de réparation de
voitures pour son maquis. Il va falloir équiper
les meilleures voitures qui se trouvent dans le
garage, faire leurs pleins complets et y charger
tout l'outillage et les pièces nécessaires pour
les réparations du premier degré. Tu choisiras
parmi tes camarades ceux qui veulent venir avec
nous ! Après cet entretien, je me suis mis en
quête et je trouvai cinq volontaires. Le
lendemain, nous oeuvrâmes après les voitures en
bon état de marche. Le samedi après-midi, les
ateliers étant fermés pour le travail, nous en
profitâmes pour nous réunir. Nous avons eu la
visite du lieutenant NAGEL, qui fut enchanté de
notre choix : cinq voitures CITROEN traction AV,
ainsi qu'un camion FORD 23 CV bourré de pièces,
d'outillage et de pneus neufs. Trois camions de ce
genre étaient stockés, ils appartenaient à la
milice. Les deux camions ne pouvant être emmenés
seraient mis hors d'usage. Le soir, à ma pension,
je trouvai un jeune camarade qui brûlait d'envie
de rejoindre le maquis et décidai de l'emmener
avec moi. Après avoir préparé nos effets et deux
jours de vivres, nous nous rendîmes au garage
avant le couvre-feu. Nous préférions coucher là
pour ne pas être en retard le lendemain matin.
Nous y trouvâmes les deux agents de garde de nuit,
ainsi qu'un autre, chauffeur. La présence de ce
dernier m'intrigua et je lui demandai comment il
se faisait qu'il soit resté au garage. Il me
répondit : - N'ayant pu rentrer chez moi avant le
couvre-feu, j'ai préféré passer la nuit ici ! Je
fus momentanément rassuré. Je choisis pour moi et
mon camarade des effets dans un lot qui avait été
enlevé au Camp de Jeunesse, et nous allâmes nous
coucher dans les voitures en attendant l'arrivée
des autres camarades. Le départ était prévu à 5
heures du matin. Le garage était mal aéré ; ne
pouvant dormir dans les voitures, nous nous
couchâmes à même le ciment, au pied des fenêtres.
Vers une heure du matin, nous fûmes surpris par le
crépitement d'une mitraillette, et des débris de
verre tombèrent sur nous. Croyant en attribuer la
cause à la lumière, je fermai l'électricité, et ne
pus me rendormir. J'allai au sous-sol jeter un
coup d'oeil sur les voitures. Je remarquai une
roue à plat à l'avant d'une traction, et, avec
l'aide de mon camarade, j'effectuai rapidement le
changement de roue (sous le regard d'un chef de la
milice qui nous épiait sans que nous le voyions).
Le temps me paraissait très long. Le jour
approchait et les camarades n'arrivaient pas.
Enfin, LAMY, qui devait conduire le camion arrive.
Il m'annonce qu'il ne pourra nous suivre parce
qu'à l'annonce de son départ, sa mère s'était
trouvée mal. Il avait prévenu Mr BERTHET et,
d'accord avec lui, ne ferait que sortir le camion
de DIJON. Puis survient un mécano, nommé PERRIERE,
adjudant d'aviation, qui avait été prompt à
acquiescer. Il nous dit en arrivant : - Dites
donc, avez-vous vu les gars qui sont couchés sur
le trottoir de la Bourse du Travail ? Puis arrive
un chauffeur du nom de BIZARRO, qui nous fait la
même réflexion. Je leur dis : - Il faut aller vous
rendre compte de ce qui se passe ! PERRIERE et
LAMY sortent et nous ne les voyons plus revenir.
BIZARRO jette un coup d'oeil sur la porte d'entrée
et me dit : - Nous sommes vendus, ce sont des
miliciens ! Puis : - Tiens, prend ça ! et il me
tend un pistolet 6,35 m/m. Je jetai un regard de
mépris sur un pareil engin et je regrettai la
décision prise la veille, de partir sans armes
pour avoir plus de chances de passer les barrages.
J'appelai mon camarade Serge : - Prends ton sac et
suis-moi ! Au cas de l'envahissement de l'atelier,
j'avais préparé une corde d'environ cinq mètres
pour atteindre les jardins voisins qui sont en
contrebas. Cette corde était attachée en
permanence à une fenêtre, j'y conduisis mon
camarade, mais la corde avait disparu. Nous
étions, hélas ! bien vendus. Je tentai la sortie
par derrière, Rue du Transvaal. Trois ou quatre
hommes étaient debout, près de la Bourse du
Travail. A deux mètres à notre gauche, un milicien
était de faction et nous épiait. Passant alors
devant lui, je dis à mon camarade : - Pour une
fois que nous allons manger sur l'herbe, nous
n'avons pas de chance, il pleut ! A peine engagés
dans la rue, les miliciens crient à celui de
faction : - Arrête-les ! Et aussitôt le milicien
crie : - Halte ! Nous allongeâmes le pas. Une
deuxième sommation et un coup de sifflet retentit.
Alors nous courûmes et enfilâmes la Rue du
Chaignot, surpris de n'avoir pas été flingués. Le
poids de mon sac et surtout celui de mes
quarante-quatre ans me fit perdre du terrain sur
mon camarade, et je me jetai dans un chantier de
confection de pavés se trouvant au coin de la rue.
Hélas ! Des murs de sept à huit mètres de haut, et
pas de cachette. J'entendis les miliciens passer.
Une petite cabane dans laquelle se trouvaient des
briques de mâchefer me parut un refuge et je
m'empressai, après m'être débarrassé de mon sac et
de ma veste, de boucher l'entrée, qui ne possédait
pas de porte, à l'aide des briques en question,
lorsque des pas, que j'entendrai longtemps,
s'approchèrent et un milicien, l'arme au poing,
m'apparut. Il me dit : - Que fais-tu là ? -
J'attends le boulot, je travaille sur le chantier
! - Ce n'est pas toi qui sortais du garage ? - Non
! - Tu n'as pas de sac à dos ? - Non ! - Relève
voir ta veste ! Hélas ! Celle-ci couvrait mon sac.
- Mais c'est toi ! Allez ! Sors de là ! Aussitôt,
coup de sifflet et la bande rapplique. - Donne-moi
tes poignets. C'est toi qui les étrenne, ce sont
celles des gendarmes qui ont filé. Ah ! C'est ça,
la police ! Heureusement que nous ne sommes pas
pourris comme vous ! - Mon vieux, tu as joué, tu
as paumé, il faut payer ! me dit un autre. J'étais
résigné et tout surpris de ne pas avoir encore
encaissé un coup. M'ayant demandé mon nom et mon
adresse, ils me conduisirent à l'entrée des allées
du Parc, et me laissèrent là, sous la garde d'un
milicien. Les autres partirent aux renseignements
chez mon hôtelière, Mme BOUVET, du CHALET.
Celle-ci fut accusée d'être au courant de mon
départ et de m'avoir fourni des vivres. Mon
gardien, contrairement à ce que je pensais, fut
très indulgent, il me passa mon bidon pour que je
boive. Et comme j'avais des provisions de
cigarettes, qui m'avaient été données pour
emporter au maquis, il me dit : - Ce sont les
cigarettes du bureau de PLOMBIERES, qui a été
visité hier ! Je lui répondis : - Vous pouvez les
fumer si vous voulez ! Puis un camion allemand
passe, chargé d'un matériel hétéroclite ; à sa
vue, je lui dis : - Vous pouvez me fusiller, ce
qui me console, c'est que les copains se barrent !
Aussitôt, il alla au-devant du camion et il le fit
stopper, mais une moto suivait, pilotée par un
Allemand et il comprit sa méprise (il croyait que
c'étaient les copains du garage qui se sauvaient).
Sur ce, il me dit : - Ne t'en fais pas, ils ne
vont pas loin et ils reviendront ! Les autres
miliciens reviennent, une voiture arrive
également. C'étaient les deux chefs de la milice ;
l'un portait des lunettes et j'avais déjà eu
affaire à eux pour le travail au garage. - Tiens !
C'est donc toi qui voulais voler nos camions,
monte et nous allons voir ça ! Ils me conduisirent
au garage : - Nous avons arrêté ton camarade !
Mais, à ma grande joie, il y avait erreur, je ne
connaissais pas celui qui était là, mon camarade
avait donc réussi à s'échapper. Ils me
félicitèrent alors ironiquement de notre
préparation. Je restai quelques instants sous
surveillance et ne savais à quoi attribuer les
égards que l'on prenait pour moi. Je dis à mes
gardiens : - Inutile de me faire traîner.
Fusillez-moi tout de suite ! Sur ce, ils rirent et
me dirent : - Le cas est moins grave que cela,
puisque vous n'étiez pas armé, car nous avons
cherché et n'avons pas découvert d'armes ! Les
chefs me font monter en voiture et me conduisent
rue Hoche. Ils disent - Tu veux donc être fusillé
? Mais non, mon vieux, nous allons être copains,
tu feras nos réparations de voitures. Nous avons
déjà recruté des maquisards : cinq dernièrement,
et ils sont contents d'être avec nous. Tiens, en
voilà un ! Et sur ce, il me montra une tête
d'abruti qui faisait une corvée quelconque. Je lui
répondis : - Je doute fort que vous ayiez un
pareil résultat avec moi, mais ne me comparez tout
de même pas à un pareil type ! Je fus gardé à vue
au poste de garde, le chef de garage vint me
rejoindre et nous y passâmes la journée. Dans
l'après-midi, nous eûmes la visite de Mr
l'Intendant, qui faisait le nécessaire pour nous
faire libérer. Le chauffeur qui l'avait conduit
vint au poste et me dit : - Tout va bien, BERTHET
est passé avec PERRIERES et PIOT, tu peux te
décharger sur lui ! Ce fut alors un grand
soulagement pour moi, je pouvais dès lors causer
pour mon interrogatoire sans compromettre
personne. Malgré l'insistance de Mr l'Intendant
CURRIER, les miliciens refusèrent de nous libérer
avant de nous avoir interrogé. J'entendis Mr
l'Intendant dire : - Alors, c'est non ! Vous savez
à qui vous avez affaire, vous ne viendrez plus
rien me demander ! Nous fûmes conduits dans une
pièce où deux femmes miliciennes étaient occupées
à repasser. J'entrai en conversation avec elles
pendant que l'on interrogeait mon chef de garage.
J'appris que le chef milicien avait reçu un coup
de téléphone vers minuit au sujet de notre départ.
Je fus introduis à l'interrogatoire après mon
chef. Renseignements d'identité d'abord, par un
des huit miliciens qui étaient là. Puis l'un d'eux
me dit : - Sais-tu ce qu'ils ont fait, tes copains
de la Résistance ? J'avais un garçon de cinq ans,
ils l'ont coupé en morceaux et l'ont mis devant ma
porte ! A quoi je répondis : - Ce n'est pas vrai,
des Français n'ont pas pu faire cela. Ce n'étaient
pas des Français, mais des maquisards ! La séance
s'annonçait bien. Puis des questions me furent
posées au sujet de nos intentions. J'expliquai que
nous devions rejoindre un groupe F.F.I. pour
monter une section de dépannage. J'étais sous les
ordres de Mr BERTHET et je ne savais pas du tout
où j'allais. J'avais pour consigne de suivre la
voiture qui me précédait et qui était celle du
chef du convoi. Ils me questionnèrent également
sur mes idées politiques : - Mon seul désir,
dis-je, est de voir les Boches foutre le camp !
Ils dirent alors : - Nous aussi, mais trop peu
nous comprennent. Alors je ne comprends plus !
Tiens, regarde, voici monsieur qui est ingénieur,
cet autre qui est directeur d'une firme de
carburant, etc… Du reste, tu as été en contact
avec nous au garage. Tu as dû remarquer que
l'adjudant COQUELLE était chic. Evidemment,
cependant, ses hommes nous avaient menacé et nous
avaient dit : " Si vous ne travaillez pas pour
nous, nous vous y obligerons à coups de
mitraillettes ! ". Un des hommes présents reconnut
l'exactitude de ce que je disais. Plusieurs me
dirent : - Vois-tu, tu as foi en la victoire
anglaise, tu ne feras que changer d'occupant ! Et
mon interrogatoire se termina sur ces mots. Je
passe sur la conduite du chef de poste, lequel m'a
fait fumer et boire. Jusqu'à ce jour, j'avais
toujours refusé de boire avec un milicien, mais
aujourd'hui, au poste, je sentais bien que ce
n'était pas pour m'acheter, et que ce milicien
sentait déjà la défaite. Il me dit : - Ils peuvent
venir, tes copains du maquis, je n'ai rien à me
reprocher, je me suis mis là-dedans pour ne pas
partir en ALLEMAGNE ! Une voiture de la police
vint me chercher et m'emmena au poste où je passai
la nuit sur le bat-flanc dans une pièce fermée,
d'une inimaginable puanteur. Le lendemain, on me
conduisit à Mr l'Intendant de Police, qui me dit :
- Après votre coup manqué, l'air de DIJON ne vous
vaut plus rien, en représailles, je vous mute à
BELFORT, que vous rejoindrez dans les plus brefs
délais par n'importe quel moyen, en vélo si vous
voulez ! Je lui fis remarquer que, n'étant pas
fonctionnaire, je lui devais seulement
l'obéissance qu'un employé pouvait avoir pour son
directeur, et qu'auparavant, je tenais à aller
voir ma femme. Il me répondit : - Nous sommes
entièrement d'accord. Votre femme est à CHATILLON
? Sur mon affirmative, il se tourna vers un
employé et lui dit : - Il y a pas mal de maquis
dans cette région ! Il aurait fallu être niais
pour ne pas comprendre. Je l'avisai alors que les
miliciens m'avaient pris mon portefeuille et que
j'étais sans papier. Il téléphona aussitôt et je
pus réclamer mon portefeuille, qui me fut remis.
Je retournai à ma pension pour les rassurer, pris
quelques affaires, un sac à dos, et la décision de
rejoindre le groupe de maquis en vélo. Je ne lui
apportais comme appoint que ma bonne volonté.
Après plusieurs alertes le long de la route,
j'arrivai sans encombre au café DORET, à AGEY, où
nous devions être attendus la veille. La
convention était de demander le chemin de REMILLY.
On m'indiqua bien le chemin, mais ce n'était pas
cela que je voulais. En cours de route, je
rencontrai un cycliste porteur d'un brassard de la
CROIX-ROUGE. Je l'arrêtai et lui confiai l'objet
de mes recherches. Il me parut très embarrassé et
m'envoya vers le laitier. C'est alors qu'à
l'entrée du pays, j'aperçus deux gars, l'un armé
d'un fusil mitrailleur et l'autre d'une
mitraillette. Je m'approchai alors tout joyeux en
leur disant : - Ah ! Vous voilà, c'est de la veine
! (Je sus après que c'étaient nos braves Albert et
POLY). Pas plus communicatif que cela, Albert me
tint en respect et me demanda : - Qui es-tu ? D'où
viens-tu ? Je les mis au courant, et comme ils
connaissaient l'histoire, ils me firent confiance.
Albert me conduisit chez un habitant où je me
défis de mon vélo et, la nuit étant venue, il me
monta au camp. En cours de route, je lui fis part
de mon étonnement de l'aisance avec laquelle il
circulait. Il me répondit : - Il ne faut pas t'en
faire, mon vieux, ici, tu es en FRANCE libre,
aucun Boche n'a accès, nous sommes les maîtres !
Arrivé au camp, après un bon quart d'heure de
marche, je fus conduit à la cuisine où la soupe
était déjà servie. Je trouvai dans le chef cuistot
une figure de connaissance. J'appris que notre
capitaine n'était pas encore rentré, mais ne
tarderait pas. J'aperçus un groupe d'hommes
entourant un prisonnier. Alors surgit un homme en
short, chapeau de feutre mou, une musette sur la
poitrine, le regard dur : - Connais-tu ce milicien
? Je répondis par la négative. - Et toi, comment
es-tu monté ici ? - C'est votre fusil mitrailleur
qui m'a amené, je l'avais rencontré à REMILLY. -
Tu as eu de la chance ! Il est probable qu'avec
moi tu ne serais pas monté si haut ! J'avais
deviné le chef, mais ne sentais pas l'importance
de ces paroles. Un des cuisiniers m'accompagna me
coucher et resta près de moi jusqu'à minuit, me
demandant des renseignements sur ce que j'avais
fait et les raisons qui m'amenaient au maquis. Au
cours de la conversation, nous nous trouvâmes des
amis communs et nous devînmes vite camarades. Le
matin, je me trouvai au milieu de gars tous bien
jeunes relativement à moi. Ils avaient entendu ma
conversation avec le cuisinier, et je ne trouvai
que des regards sympathiques. Je les suivis au jus
et là, le chef cuistot me dit : - Tu as de la
chance que je te connaissais, car tu étais pris
pour le chauffeur de l'Intendance qui avait trahi
et le capitaine voulait te loger une balle dans la
tête ! Il exagérait sûrement, car je vis par la
suite que de pareilles décisions n'étaient jamais
prises à la légère. Je retournai à la tente où
quelques instants après un des lieutenants FIFI
vint me demander les renseignements exigés pour
mon incorporation et me dit de prendre un nom de
guerre. Je me souviens des temps de mon enfance où
l'oncle qui m'a élevé m'appelait PISTOULET. Je
devins donc PISTOULET, matricule 1414, et j'en
suis très fier. Dans le courant de la journée, le
capitaine me fit appeler. Il me questionna très
longuement sur notre expédition manquée. De mon
côté, j'étais assez déçu, car mes points de vue
étaient évanouis. Je comptais rejoindre une
formation où j'aurais pu apporter mes qualités
professionnelles, avec plus de vingt-cinq ans de
pratique. Le capitaine me fit part de son regret
de ne pouvoir me diriger sur le maquis d'OUROUX
comme il l'avait fait pour Mr BERTHET et ses
camarades. Ce qu'il lui fallait, c'étaient des
hommes pour le baroud. En attendant et vu mon âge,
il décida de me verser dans le groupe des
artificiers. Je passai ainsi les premiers jours
aux corvées de bois, d'eau, de légumes. Je
participai à la garde, au guet. Il va de soi que
la confiance des missions ne m'était encore pas
acquise, et je n'y prenais part que sous la tente
quand elles nous étaient relatées par les
camarades, de retour. Mon chef de groupe, SANCHO,
me racontant l'attaque d'une voiture légère
allemande à PONT-de-PANY, me disait : - PISTOULET,
tu viendras la prochaine fois, tu verras, on se
croirait au cinéma ; si tu savais, quand on voit
que le but approche, cela fait une émotion ! Mais
je vous en fiche, les jeunes qui entendaient et
qui n'y étaient pas allés non plus, protestaient :
- C'est à nous, on s'emmerde ici !
**
Patrouilles effectuées
sous les ordres de LESAGE Robert et de GEORGES
Michel. Un détachement auto est constitué : trois
chauffeurs, un mécanicien. La réquisition de deux
camionnettes en parfait état est envisagée. DORET
et MOUCHOT sont désignés pour opérer plusieurs
exécutions sur DIJON, à la suite de la
transmission d'une liste de suspects par notre
responsable BENE. Tous ceux dont les noms figurent
sur la liste doivent être tués. DIDIER Paul,
pseudo Stanislas, adjudant-chef d'active, qui
avait été incorporé comme chef de groupe, s'est,
au cours d'une mission à REMILLY-en-MONTAGNE,
livré à du chantage dans plusieurs maisons du
village. Il s'est présenté comme étant le nouveau
chef de camp et s'est fait remettre du vin en
brandissant son revolver. Je l'envoie chercher à
son groupe puis, perdant patience, je vais à sa
rencontre. Je le trouve au milieu du sentier
joignant les postes de garde et lui administre une
correction en règle. Je fais appeler son chef de
section, TARLET, et l'informe qu'à compter de ce
jour Stanislas servira comme deuxième classe ; si
sa tenue laisse à désirer, soit en corvée, soit au
camp, je tiens à en être immédiatement informé et
n'hésiterai pas à le fusiller sur le champ. Mme
MORELOT, liaison DIJON-AGEY, remet une
cinquantaine d'affiches signées du colonel
commandant la région BOURGOGNE et FRANCHE-COMTE.
Elle a été arrêtée par deux barrages allemands et
s'en tire à bon compte. Au rassemblement général
que je provoque, je donne lecture de la
proclamation à tous les membres de l'Unité. La
voici "in extenso".
GOUVERNEMENT
PROVISOIRE
DE LA REPUBLIQUE FRANÇAISE
FORCES FRANÇAISES DE L'INTERIEUR
Commandement Régional de
Bourgogne
et de Franche-Comté
_______
Au moment où se livre sur notre sol la bataille
décisive dont l'enjeu est pour nous la libération
de la FRANCE, il importe que tous les Français
prennent conscience de leurs responsabilités, et
apportent leur contribution au succès des
opérations. Ce manifeste a pour but de situer la
position de la Résistance et des F.F.I. Ainsi
seront dissipés les malentendus et les équivoques
qu'une propagande mensongère a voulu créer pour
égarer l'opinion. La Résistance Française est née
du refus de la défaite, refus non motivé, qui ne
s'appuyait sur aucun raisonnement, aucun intérêt,
il venait du plus profond de notre être, du
sentiment instinctif que, malgré un tel
effondrement, l'honneur du pays pouvait être
sauvé. La Résistance Française a pris pour mission
de maintenir l'honneur. Elle a groupé tous les
hommes pour qui une telle mission paraissait
désormais, malgré son apparente inconséquence, la
seule raison de vivre. Incarnée par son chef, le
général DE GAULLE, la Résistance n'a cessé durant
quatre ans de suivre" la voie la plus dure, mais
aussi la plus habile, la voie droite " .
Aujourd'hui, la Résistance voit se réaliser
l'espoir, chimérique alors, de la reprise de la
lutte armée contre l'envahisseur. Toutes les
forces para-militaires qu'avaient mises sur pied
les mouvements de Résistance, se sont unifiées
pour constituer les FORCES FRANÇAISES DE
L'INTERIEUR. Les F.F.I. constituent une armée
régulière, entraînée, disciplinée, encadrée. Elles
font partie intégrante de l'armée française. Elles
ont pour chef le général KOENIG, le héros de
BIR-HAKEIM, et sont placées sous l'autorité du
commandement suprême interallié. Les F.F.I. font
la guerre. Pour elles, tout est centré autour de
cette dure nécessité…, leur mission la plus
impérieuse est de s'attaquer au dispositif ennemi
: Retarder par tous les moyens l'acheminement des
convois routiers ou ferroviaires de l'ennemi.
Désorganiser son appareil de liaison et de
transmission. Détruire ses dépôts de matériel, de
munitions, d'armes et de vivres. Aucun objectif
n'est désigné arbitrairement par une initiative
locale, mais chaque mission entre dans les cadres
d'un plan d'action général, établi depuis
plusieurs mois. Les F.F.I. ont également pour
mission de pourchasser les Français, traîtres à
leur pays : collaborateurs, miliciens, membres de
la L.V.F. affiliés à la Gestapo, militants du
P.P.F. ou du R.N.P. Ces traîtres sont jugés
régulièrement et châtiés comme ils le méritent.
Enfin, les F.F.I. s'opposent par tous les moyens
au terrorisme, au brigandage, au pillage. Des
ordres formels ont été donnés pour que soient
passés par les armes, séance tenante, tout
individu ou groupe qui s'est rendu coupable d'un
de ces délits. C'est à vous, Français, de nous le
signaler ! Toute réquisition (sauf chez les
collaborateurs notoires ou agents de l'ennemi) est
réglée : soit par paiement direct, soit par bons
réguliers dûment numérotés, timbrés, et signés
conformément à la lettre de service de l'autorité
F.F.I. requérante. Les F.F.I. représentent, à
l'heure actuelle, la seule autorité française,
ayant un pouvoir légal sur l'ensemble du
territoire. La population doit donc se considérer
comme vivant désormais sous la loi martiale
française. En vertu des pouvoirs qui nous sont
conférés par le Gouvernement Provisoire de LA
REPUBLIQUE, nous exigeons donc que la population
obéisse aux directives suivantes : I] l'ensemble
de la population française est mobilisé au service
de la nation. Elle doit fournir une aide totale
aux F.F.I., et pour cela : 1°) Déférer à toutes
réquisitions, prestations ou services qui seront
demandés. 2°) Fournir tous les renseignements de
tous ordres, dont le commandement peut avoir
besoin. 3°) Refuser aux autorités d'occupation
temporaire toute réquisition, prestation ou
service, chaque fois que cela vous est possible.
4°) Refuser d'obéir aux directives données par le
pseudo-gouvernement de VICHY. 5°) Observer la
discrétion la plus absolue sur ce qu'elle peut
savoir de la Résistance. Entre le bavardage
inconsidéré et la délation, il n'y a qu'une
nuance. L'un et l'autre seront impitoyablement
châtiés. " Se taire est un ordre ! ". 6°) Offrir
asile ou assistance à tous les membres de la
Résistance. 7°) Repérer tous les agents
travaillant pour le compte de l'ennemi, les
signaler aux F.F.I. au plus tôt. II] Les
administrations publiques et les grands services
doivent se mettre à l'entière disposition des
F.F.I. Les mairies, les postes, les préfectures,
les services de transports routiers S.N.C.F.
doivent activement ou passivement entraver le
fonctionnement des services allemands. Ils doivent
fournir aux F.F.I. tous les renseignements qu'ils
peuvent obtenir et leur désigner les objectifs
qu'éventuellement ils pourront repérer. III] Les
forces de police, la gendarmerie, le G.M.R.
doivent faciliter la tâche des patriotes. Ils ne
doivent pas confondre terroristes et F.F.I. Tout
agent de police, gendarme, G.M.R., qui participera
à une action contre les F.F.I. sera puni de mort.
Fait le 14 Août 1944.
Le
Colonel commandant la Région.
FICHOT, SINGEY, GEORGES, ROYER, MARANGE
sont désignés pour afficher dans seize communes
avoisinantes cette proclamation. Liaison avec
l'état-major départemental. Je n'ai pas encore une
confiance absolue et je décide d'attendre la
liaison seul debout devant la croix d'AGEY. Je me
fais couvrir par deux barrages, l'un à proximité
de la ferme de BEAUMOTTE, l'autre à mi-chemin de
la croix et d'AGEY. Ordre de laisser passer la ou
les voitures, surveiller les conversations qui
vont s'engager et, si je lève le bras, tirer à
mort dans le tas, tant pis si je suis tué. A 10
heures, la voiture de liaison arrive. Tout est
normal, je reçois 100 000 francs et quelques
grenades, pas d'armes automatiques. J'adresserai
un compte-rendu à l'état-major pour situer avec
exactitude mon Unité. (Effectif, organisation,
armement, moyens de transport, ravitaillement,
missions, liaisons, recrutement, encadrement,
résultats obtenus). J'enverrai également un
compte-rendu à chaque nouvelle action ou mission.
Le commandement fixe officiellement le secteur de
l'Unité de GROSBOIS à PONT-DE-PANY et au-delà,
consacrant ainsi un état de fait. 22 Août
1944 CHATELET, TAILLEFER et DARMLIGNY
effectuent une reconnaissance dans les bois
environnants, rien à signaler. FICHOT est chargé
avec son groupe d'attaquer et de détruire un
camion allemand allant de VEVEY à BARBIREY. Cette
attaque aura lieu demain matin au petit jour. Elle
est préparée par FICHOT, qui reçoit entière
liberté de manoeuvre. Les mines et dispositifs
sont en place à 2 heures du matin. FICHOT, malgré
une chute douloureuse (entorse au genou gauche)
continue à assurer le commandement de la mission.
A 4 heures du matin, Mr AMIOT, de BARBIREY, vient
de communiquer à FICHOT un important renseignement
: - Les Allemands viennent d'être avertis de la
présence du barrage ! En conséquence FICHOT donne
l'ordre d'enlever les mines et décroche avec tout
son personnel. GREE et FORT réquisitionnent à
PONT-DE-PANY du tabac, de la viande et la
camionnette RENAULT d'un collaborateur notoire, Mr
GREBILLE. Ce véhicule est enlevé à proximité de
soldats allemands. Il m'est signalé qu'un troupeau
de bêtes réquisitionnées par les troupes
allemandes est en station à PONT-DE-PANY. J'envoie
immédiatement une mission sous les ordres de
TARLET. Aux premières rafales de mitraillettes les
sentinelles allemandes se sauvent et nos hommes
s'emparent de douze bêtes, qui sont mises en
pâture à proximité immédiate du camp. Missions
diverses exécutées au cours de la journée par
FORT, SCHWINTE, SINGEY, MOUCHOT, ROYER, COURAGEOT,
LELIEVRE, CARLEVATTO. MARANGE, rentré la veille,
est volontaire pour aller à OUROUX contacter le
colonel anglais HASTING, chef des services de
parachutage, pour essayer d'obtenir des armes
automatiques, qui nous font grandement défaut. Il
part avec BOUCHARD, en empruntant une voiture et
un cheval à Mr LALLIGANT, fermier à BEAUMOTTE. Le
chargement est constitué par de la paille et une
caisse à claire-voie servant habituellement au
transport des petits cochons. Arrivé à SAULIEU, la
ville est en alerte, remplie de S.S., plusieurs
automitrailleuses allemandes stationnent. MARANGE
gare la voiture et s'approche des détachements
ennemis. Ceux-ci sont chargés d'assurer la garde
et la protection de l'ex-maréchal PETAIN. Les
habitants de SAULIEU voient passer le vieux
traître. Deux heures plus tard, des éléments
F.F.I. venant de MONTSAUCHE arrivent pour attaquer
le détachement allemand, c'est trop tard, ils ne
peuvent que faire quelques prisonniers parmi les
personnalités de la suite de PETAIN. Quelques
instants plus tard MARANGE prend contact avec
COCO, des F.F.I. de la région, et ce dernier lui
passe en communication la proclamation du maréchal
gâteux. Dans l'après-midi, départ pour OUROUX.
Contact avec le capitaine anglais DENBY. La
mission stationne presque deux jours et n'obtient
pas d'armes. MARANGE désespère d'obtenir un
résultat, lorsqu'à la suite de circonstances
heureuses il participe à une mission pour le
compte du maquis. Deux agents ennemis étant
signalés dans la région, il prend part à une
patrouille effectuée en auto. Vers la fin de la
mission, il a contact dans un café avec le
capitaine Serge, commandant un important maquis
F.T.P.F. Ce dernier est charmant, et promet à
MARANGE d'essayer de le dépanner. BOUCHARD et
MARANGE se rendent au maquis Serge et sont
présentés au lieutenant DEDE, commandant d'un
autre maquis F.T.P.F. occupant ANNAUT et plusieurs
autres localités. Un parachutage doit avoir lieu
dans la nuit. Il a lieu, mais un seul avion
décharge sa cargaison. Malgré ce contretemps DEDE
remet à MARANGE un fusil mitrailleur anglais, 40
chargeurs et plusieurs milliers de cartouches. De
retour au maquis Serge, ce dernier remet également
un fusil mitrailleur anglais, chargeurs et
cartouches à MARANGE et BOUCHARD, qui sont
accompagnés jusqu'à SAULIEU. Le retour s'effectue
au milieu des convois allemands. Aux environs de
POUILLY-EN-AUXOIS la mission tombe dans un barrage
F.F.I. Le commandant de l'embuscade, qui dispose
d'une trentaine d'hommes, procède à
l'interrogatoire de MARANGE et de BOUCHARD.
MARANGE répond : - Je transporte deux F.M. et des
munitions pour le service de ces armes, pour la
compagnie MADAGASCAR ! Pendant ce temps les trente
maquisards se mettent en position face à la
voiture. Le commandant, après être resté un moment
silencieux, déclare : - J'ai besoin d'armes et
suis obligé de vous prendre ces deux fusils
mitrailleurs ! MARANGE lui répond : - Nous ne
venons pas de risquer notre peau pour nous laisser
désarmer par les premiers venus ! Et aussitôt,
dégoupillant une grenade, il lui dit : - Au
moindre geste nous sautons tous les deux ! Pendant
ce temps, BOUCHARD saisit dans la voiture un fusil
mitrailleur, l'approvisionne et le braque sur le
groupe. Devant l'attitude résolue de mes deux
hommes le commandant donne l'ordre de laisser
passer. MARANGE et BOUCHARD se rendent alors à
POUILLY, chez Mr CHAUSSIER, où ils passeront la
nuit. La maison est transformée en blockhaus et
les deux fusils mitrailleurs sont mis en batterie,
un au rez-de-chaussée, servi par Mr CHAUSSIER,
l'autre au premier étage, servi par MARANGE et
BOUCHARD. La nuit s'écoule sans incident.23 Août
1944 GARNIER Raoul est désigné pour assurer
les fonctions de boucher. Deux bovins seront tués
chaque semaine parmi les bêtes enlevées aux
Allemands. Une fois l'approvisionnement de l'Unité
assuré, la viande disponible sera vendue soit à
AGEY, soit à REMILLY, à tous les habitants des
villages voisins, à la taxe. Paul ROYER, Albert
FORT, SCHWINTE réquisitionnent chez des
particuliers de l'essence. (Des stocks clandestins
avaient été constitués par des paysans de la
région lors de la débâcle en 194O, une péniche
stationnée aux environs de SAINTE-MARIE-SUR-OUCHE
ayant été vidée de son contenu par les riverains).
Je dispose de 3OO litres de carburant. DIEUDONNE
et FAIVRE, en mauvais état de santé, sont évacués
et hébergés par Hébert, de SOLES. Réparation des
véhicules au parc par MARTIN Marcel. Un infirmier
est chargé du service sanitaire au camp. Il
passera chaque matin la visite des malades, qui
sont en très petit nombre et qui, à l'exception de
DIEUDONNE et FAIVRE, refuseront toujours de se
faire évacuer. L'infirmier reçoit l'ordre de me
soumettre personnellement les cas graves qu'il
rencontrera. 24 Août
1944 J'envoie SINGEY faire émarger aux maires
des villages avoisinants une note de service en
application des dispositions de la proclamation du
colonel commandant les Forces Françaises de la
région D. (BOURGOGNE et FRANCHE-COMTE). Je
rencontre à PRALON, chez SEGUIN, le commandant Guy
ALLISON, commandant départemental F.F.I. Au cours
de notre conversation le commandant m'informe des
différents lieux de liaison. Les opérations contre
les troupes ennemies doivent s'intensifier. De mon
côté je fais connaître que j'ai un besoin très
urgent d'armes et de munitions. Beaucoup de
recrues se présentent que je ne peux accueillir de
ce fait seulement. De plus, j'ai des groupes qui
ne disposent que d'un armement ridicule. Il est
convenu que je percevrai armes et munitions dès
que possible. J'aurais aimé une réponse ferme.
Cependant la venue du commandant a éclairci la
situation et m'a permis de situer les différents
secteurs des groupes voisins. Je charge à mon
retour M.M. PREVOSTO et Jeannot d'organiser un
poste de secours au château d'AGEY. 25 Août
1944 Je prends cette journée pour passer une
inspection dans chaque groupe sans avertir et
également pour faire le point. MARANGE n'est pas
encore rentré d'OUROUX, je n'ai cependant aucune
inquiétude à son sujet. Il doit passer et rentrer
sain et sauf. Quelques missions s'effectuent. Dans
l'après-midi, AMIOT, de BARBIREY, me demande une
entrevue à AGEY. Je me rends au rendez-vous en
compagnie de Paul ROYER et FICHOT. AMIOT est
accompagné d'un civil qui refuse de dire son nom.
Celui-ci me demande de reprendre aux Allemands son
camion qui vient d'être réquisitionné. Je lui fais
comprendre que ce travail ne m'intéresse pas, il
lui appartenait de mettre son camion à notre
disposition avant. Il me fait alors connaître
l'horaire et l'itinéraire suivis par les camions
ennemis au camp de SAINT-JEAN-DE-BOEUF. Dans ces
conditions, je l'informe que j'établirai une
embuscade. Aussitôt, l'inconnu me remet une somme
de 20 000 francs, don pour l'Unité. Il donne en
outre à FICHOT tous les renseignements
complémentaires sur les mouvements des véhicules
ennemis. FICHOT est donc chargé de préparer
l'embuscade. Aucune date ni aucun autre détail ne
sont communiqués à AMIOT et à X…, qui nous
quittent. Une colonne allemande passant sur la
Route Nationale n° 5 et ayant dépassé la
République agresse plusieurs civils travaillant
dans les champs. Jeannot, notre infirmier, se rend
à la ferme de BEAUMOTTE, où se trouvent les
blessés, et en l'absence du médecin leur donne les
premiers soins. D'après des renseignements
parvenus de DIJON, par l'intermédiaire de NAGEL,
il est possible d'enlever les armes stockées à
l'Intendance de police de DIJON, rue d'Assas. Sont
désignés pour participer à cette opération :
BOBEY, MOUCHOT, CONTASSOT et MAILLY Victor. Départ
demain matin à 8 h 30. Prendre contact avec
l'équipe travaillant sur DIJON et établir
minutieusement le rôle de chacun. 26 Août
1944 La mission de récupération d'armes part
pour DIJON. LELIEVRE et LESAGE partent au
ravitaillement. A 16 heures, FICHOT, SINGEY et
GEORGES quittent le camp. Ils vont établir une
embuscade sur la route qui mène au camp de
SAINT-JEAN-DE-BOEUF. Les trois hommes sont à pied
d'oeuvre à 20 heures. FICHOT creuse la route pour
pouvoir effectuer la pose des mines. Il est
couvert dans chaque direction par un de ses
camarades. A 20 h 45 le dispositif est prêt. Un
ronflement de moteur se fait entendre, aussitôt
tous se dissimulent. Le camion se dirige sur
SAINT-JEAN-DE-BOEUF, contrairement à l'itinéraire
prévu. Il passe sur le dispositif mais rien ne
saute. FICHOT décide d'attendre encore quelques
minutes, puis d'aller voir la cause du
non-fonctionnement. Arrivé à quelques mètres,
nouveau bruit de moteur ; aussitôt tous
s'aplatissent une nouvelle fois. Ils ont la joie
de voir sauter un camion plein de troupes. La
cabine est littéralement broyée. Les Allemands
hurlent, mais réagissent, ils tirent de tous les
côtés et les projectiles sifflent aux oreilles de
mes hommes. Le premier camion allemand a fait
demi-tour, et les Allemands se prennent
mutuellement à partie pendant que mes hommes
décrochent et réussissent à quitter la zone
dangereuse. Un camion ennemi détruit, quatre tués,
trois morts des suites de leurs blessures et de
nombreux blessés. Les 20 000 francs sont bien
gagnés. La mission rentre au complet à 7 heures du
matin, après avoir séjourné une partie de la nuit
dans les bois. A 19 h 30 une autre mission,
composée de CHATELET, DIDIER Albert, TRUILLOT
Jules et IMBERT Robert, quitte le camp et se
dirige vers la voie ferrée PARIS-DIJON. Elle
réussit à couper la voie et rentre au complet à 3
heures du matin. Pendant cette journée j'ai donné
l'ordre formel à tous les cafés des villages
avoisinants de refuser de servir à boire aux
membres de l'Unité. Je porte également à la
connaissance des chefs de groupe que tous les
cafés sont consignés. Le ravitaillement marche
sans à-coup. La nourriture et la boisson sont
largement suffisantes maintenant. Des sanctions
seront prises contre les coupables. 27 Août
1944 1 h 30. MOUCHOT, MAILLY, CONTASSOT et
GODE sont de retour. La mission à DIJON a échoué.
Au moment où le stock d'armes allait être enlevé,
un S.S. et deux miliciens surprirent MOUCHOT qui,
tirant à bout portant, tua l'Allemand et un
milicien, l'autre se sauva et, poursuivi par
MOUCHOT, fut abattu dans la cour. La camionnette
qui devait servir au transport d'armes et qui
avait été réquisitionnée chez Mr MALTETE a été
abandonnée dans la cour de l'Intendance de police.
Un homme manque, c'est BOBEY. BESSE et GEORGES
partent en mission à PLOMBIERES pour rechercher le
traître BRUGIERES, des G.M.R. CHATELET, BRAC,
DUCAROUGE et TAILLEFER préparent une embuscade sur
la Nationale n° 5 ; ils rentrent dans la nuit sans
avoir pu accrocher. ROYER et SCHWINTE effectuent
une liaison chez JEANNIARD, à MEUILLEY. LELIEVRE
et LESAGE vont en corvée de ravitaillement. Didier
Albert et IMBERT Robert font une enquête à
FLEUREY. MOUCHOT et IMBERT Albert partent pour
effectuer des recherches afin de retrouver BOBEY,
disparu à la suite de la mission manquée. GODE et
DORET sont chargés d'enlever la voiture de liaison
appartenant à l'Intendant de police. Cette voiture
nous a été signalée comme ayant été garée à
BROCHON. Ils ne la trouvent pas et sont suivis en
regagnant le camp et après avoir passé à
GEVREY-CHAMBERTIN par quatre jeunes gens, avec qui
ils prennent contact à QUEMILLY. Ceux-ci
recherchent une liaison. Ce sont : ALADENISE
Bernard, BURGUET Yvon, TERRET Noël, LENTZEN
Pierre. DORET leur fait connaître qu'il rendra
compte et reviendra les chercher le lendemain
matin.28 Août
1944 DORET ayant mon accord se rend à QUEMILLY
pour retrouver les quatre jeunes gens de
CHEVREY-CHAMBERTIN. Il ne les trouve pas, ceux-ci
s'étant dirigés sur FLEUREY-SUR-OUCHE. Il les
rejoint dans ce pays et les monte au camp. Le
matin, une mission est partie pour récupérer de
l'armement à PLOMBIERES (GEORGES, BESSE, LAGRANGE
et ROBIN). LELIEVRE et LESAGE partent également en
réquisition. Lorsque l'équipe de GEVREY arrive au
camp, je les interroge. Tous déclarent que,
faisant partie d'un petit groupe de résistance
sédentaire sous les ordres de LEIBUNDGUT et ce
dernier venant d'être arrêté par les Allemands,
ils ont jugé plus prudent de prendre le large.
Interrogés sur la disposition des forces
allemandes dans la région et des dépôts ennemis,
ils me signalent l'existence à proximité de GEVREY
d'un stock d'essence allemand. Je décide d'envoyer
le lendemain matin mon second ROYER Paul à GEVREY
pour reconnaître l'emplacement du dépôt et
effectuer une reconnaissance complète afin de
préparer l'attaque et l'enlèvement d'un stock
important de carburant. Un des hommes venant
d'arriver l'accompagnera : BURGUET est volontaire.
Les quatre recrues sont affectées au groupe
commandé par GEORGES. J'effectue une liaison à
MALAIN chez BENE, je mets au courant mon
responsable F.T.P.F. des divers contacts établis
avec l'état-major F.F.I., lui rends compte des
sommes que j'ai perçues et des promesses qui m'ont
été faites. Il est convenu que mon Unité reste
subordonnée à l'état-major F.T.P.F. et qu'elle
sera prête comme par le passé à effectuer toutes
les missions qui pourraient lui être confiées.
C'est grâce à l'organisation F.T.P.F. qu'elle a pu
naître et se développer. Le soutien moral qui m'a
été fourni en toutes occasions par BENE m'a été
particulièrement précieux au cours des très dures
journées que nous avons vécues. ROYER, FORT et
GREE réquisitionnent une camionnette " MATFORD " à
VELARS. Pendant que Mr BOULLANT, garagiste, met
cette voiture au point, la mission prend contact
avec Mr LOCATELLI, qui signale la présence à la
PERGOLA d'un S.D. qui consomme en compagnie d'une
femme. ROYER prend contact avec PAQUETTE, qui lui
confirme les renseignements de LOCATELLI au cours
du repas pris au domicile de PAQUETTE. La
réparation de la voiture terminée, mes trois
hommes procèdent à l'arrestation de l'homme et de
la femme, qui sont embarqués dans la camionnette.
De retour de MALAIN, je trouve la camionnette à
AGEY. Les papiers saisis sur l'homme ne laissent
aucun doute sur son activité. La femme proteste de
son innocence, elle est relâchée. L'homme est
conduit au camp, où il est exécuté sur le champ.
Dans la journée, un message arrive au camp,
MARANGE signale son retour, il est à POUILLY, chez
CHAUSSIER. Aussitôt, BRAC, DUCAROUGE, AUFRERE et
FOLIGUET partent à leur rencontre, les rejoignent
à POUILLY. Ils sont de retour au camp à 19 heures.
Les fusils mitrailleurs anglais font l'admiration
de tous. SCHWINTE reconduit la voiture et le
cheval à son propriétaire, Mr LALLIGANT, de la
ferme de BEAUMOTTE. Après l'exécution du S.D., une
liaison venant de DIJON me transmet un message de
mon officier de renseignements NAGEL, qui vient
d'établir un contact avec BRANTUS. Un rendez-vous
est prévu aux environs de SELONGEY. " Prière de
rechercher un terrain de parachutage à proximité
du camp et d'en transmettre immédiatement les
cotes ". Le message transmis par radio avec les
renseignements sera le suivant : " Le MALGACHE est
un bon type ". Dès le retour de MARANGE je
l'appelle et le mets au courant. Il repartira
demain matin et assurera la mission en passant
prendre NAGEL à DIJON. J'effectue avec MARANGE une
rapide reconnaissance et choisis un terrain aux
environs de la ferme de L'OIZEROLLES. Référence
carte d'état-major type 1889, révisée en 1913,
BEAUNE, n° 125. Centre du terrain : x = 253.3 ; y
= 777.4 ; feux de balisage habituels après
réception du message. Je vais préparer dès demain
une équipe chargée du parachutage. L'écoute de la
radio sera assurée par celle-ci en permanence aux
heures d'émission. A 20 heures, GARNIER et
TAILLEFER descendent à AGEY et procèdent à
l'abattage d'une bête choisie dans le lot qui a
été enlevé aux Allemands. 29 Août
1944 MARANGE quitte le camp de bonne heure en
compagnie de Paul ROYER et de Victor SCHWINTE. Ils
se rendent dans la maison de Mr PREVOTO, poste de
secours urgent et poste de liaison. Une carte de
la région COTE-D'OR et HAUTE-MARNE est installée
sur une table et MARANGE établit l'itinéraire
qu'il va suivre pour se rendre à SELONGEY. ROYER
remontera au camp pour m'en communiquer les
détails avant de partir lui-même à GEVREY en
compagnie de BURGUET. Pendant ces préparatifs,
deux jeunes gens ont été introduits, ils
cherchaient le contact avec le maquis et, par
l'intermédiaire de l'écluse 34, ils ont été
conduits au poste de liaison. Ce sont LEIBUNDGUT
et SANVOISIN. L'un d'eux, LEIBUNDGUT, s'adressant
à MARANGE qu'il prend pour le chef, lui demande
l'autorisation de repartir à GEVREY pour aller
chercher ses affaires qu'il a oubliées. MARANGE
demande : - Depuis combien de temps
appartenez-vous au camp ? - Nous venons d'arriver
! déclare LEIBUNDGUT. - En ce cas, vous devez voir
le chef ! Et MARANGE charge ROYER de conduire au
camp les deux nouveaux. Comme ceux-ci ont assisté
à la préparation de sa mission et que la demande
de LEIBUNDGUT lui paraît insolite, il attendra,
avant de repartir, que ROYER redescende du camp
après y avoir conduit les deux nouveaux. Paul
ROYER me les présente et me rend compte des
soupçons de MARANGE. J'interroge LEIBUNDGUT,
pendant que ROYER interroge SANVOISIN. LEIBUNDGUT
m'apprend son arrestation par les Allemands, son
odyssée et sa mise en liberté. Il me demande de
repartir pour GEVREY, je refuse. Je le laisse
libre de circuler dans le camp pour le mettre à
l'épreuve et charge SINGEY et BRENOT de ne pas le
perdre de vue et de l'abattre immédiatement s'il
manifestait l'intention de quitter le camp. Au
cours de ce premier interrogatoire, LEIBUNDGUT n'a
soufflé mot de la liste en clair trouvée à son
domicile par les Allemands. ROYER me rend compte
des déclarations de SANVOISIN et part à GEVREY en
compagnie de BURGUET. LELIEVRE et LESAGE partent
aux corvées de ravitaillement. A midi, ROYER et
BURGUET rentrent de GEVREY. ROYER me rend compte
qu'ils se sont heurtés à des forces ennemies
venues perquisitionner au domicile de tous les
membres du petit groupe de GEVREY, les familles de
ces derniers ont été pillées. ROYER et BURGUET ont
échappé de peu au contact avec les forces
ennemies. ROYER et BURGUET accusent formellement
LEIBUNDGUT d'avoir trahi, et ROYER me dit - Il
faut immédiatement le tuer ! Je refuse et fais
appeler l'accusé, et, avant de l'interroger, je
demande à SINGEY comment s'est comporté LEIBUNDGUT
au cours de la matinée. J'apprends que l'accusé a
posé de nombreuses questions au sujet des chemins
d'accès, de l'armement, de l'effectif, des postes
de garde et des endroits minés. LEIBUNDGUT est
interrogé en présence de ROYER. Il explique alors
qu'au cours d'une fouille à son domicile, les
Allemands ont saisi une liste en clair contenant
le nom de tous ses camarades de groupe. Interrogé
plus tard par l'ennemi, LEIBUNDGUT, sans avoir été
brutalisé, reconnaît que tous ses camarades et lui
faisaient partie de la Résistance, il déclare
également qu'il a désigné BURGUET comme chef du
petit groupe. A ce moment, il a reçu de moi-même
une paire de gifles : - Comment, toi, le chef, non
seulement tu ne nies pas, mais encore tu reconnais
spontanément que tous tes camarades sont
résistants et tu désignes un autre à ta place ? Tu
es vraiment un beau salaud ! ROYER veut à nouveau
exécuter LEIBUNDGUT, je m'y oppose une fois encore
et fais arrêter LEIBUNDGUT, qui est conduit sous
la tente du groupe FICHOT, les mains et les pieds
liés. SINGEY me répondra du prisonnier sur sa
tête. ROYER est chargé de procéder à une enquête
supplémentaire. Un compte-rendu est envoyé à notre
responsable départemental F.T.P.F., BENE, de
MALAIN. BESSE quitte le camp et part récupérer du
matériel mécanique à BARBIREY. A 15 heures, je
quitte le camp en direction de SOUSSEY, P.C. de
l'état-major F.F.I. J'ai été convoqué pour
percevoir de l'armement et des munitions.
J'utilise à cette occasion la camionnette RENAULT,
Albert FORT m'accompagne avec un fusil
mitrailleur. Je prends en passant à SOLES, Hébert,
qui est en liaison constante avec l'état-major. Au
presbytère de SOUSSEY, échange du mot de passe, et
nous montons à la ferme. A l'état-major, je suis
reçu par le commandant Guy ALLIZON, le capitaine
PAREME, le capitaine METZ et le lieutenant
CORRIDA. Je mets rapidement au courant le
commandant de l'affaire LEIBUNDGUT, lui signale
que LEIBUNDGUT est en état d'arrestation et gardé
sous une tente. Le commandant me donne son
approbation pour juger, condamner et exécuter. Il
me confirme à cette occasion sa note de service au
sujet de la sécurité des maquis, à savoir : " En
raison de l'intensification de la guérilla dans le
secteur, des nombreux convois ennemis qui le
sillonnent, et pour assurer au maximum la
protection des maquis, ordre est donné d'exécuter
immédiatement les coupables et même les suspects.
La vie d'un homme ne compte pas en regard de
celles de plus de cent ". (L'organisation F.T.P.F.
m'avait déjà fait parvenir les mêmes
instructions). Je perçois 45 fusils anglais, 1
carabine à répétition, 10 grenades, 20 vieux
fusils, 1 fusil mitrailleur anglais. D'autres
groupes perçoivent également des armes. Je
proteste avec énergie, cette répartition n'est pas
à ma convenance. J'ai surtout besoin d'armes
automatiques ou à défaut de munitions pour le
service de mes fusils mitrailleurs français. Ce
sont les armes automatiques qui, à mon avis, sont
seules nécessaires et suffisantes pour obtenir au
cours d'une embuscade le résultat recherché : la
destruction de l'ennemi. Seules elles ont la
puissance de feu nécessaire. De leur nombre dépend
la valeur combative d'une Unité. Occupant une
position stratégique et isolée de première
importance (contrôle de la vallée de l'OUCHE, de
la Nationale n° 5, de la route de SAINT-SEINE et
de la voie ferrée DIJON-PARIS), le nombre des
embuscades que je puis mettre sur pied est
fonction de ces armes. Mes hommes sont entraînés,
prêts à accomplir toutes les missions à condition
d'en avoir les moyens. Je suis obligé de les
freiner et ne puis mettre sur pied simultanément
une série de barrages constituant une interdiction
systématique. J'estime qu'un droit de priorité
devrait être réservé à mon Unité. (A titre
indicatif, je signale qu'une Unité voisine du
P.C., et armée par Mr ZOLL, avait à la libération
plus de 50 fusils mitrailleurs non dégraissés). Je
fais connaître au commandement les cotes de mon
terrain de parachutage au cas où il serait
possible d'obtenir directement un avion. Je
regagne le camp en laissant Hébert à SOLES. Il est
20 heures, les armes sont stockées à l'armurerie.
Elles seront distribuées dans les groupes demain
matin. J'envoie DEROU Maurice et MAIRE Joseph
donner l'ordre à MARTIN Roger de rejoindre
immédiatement l'Unité. 30 Août
1944 Mon petit groupe est devenu une belle
Unité, dont l'effectif dépasse la centaine. De
plus, j'ai été particulièrement servi par la
chance et dispose d'une équipe de cadres
magnifiques. Grâce à leur dynamisme et malgré un
armement ridiculement insuffisant, l'Unité va
pouvoir infliger à l'ennemi plusieurs sévères
punitions. EFFECTIF
Deux autres déserteurs :
RAGONNOT et RIVOIRE, qui, après avoir signé leur
engagement, ont disparu après le combat de la
République. Tous deux étaient venus au maquis
pour abriter leurs précieuses personnes, mais
pas pour redonner à la FRANCE sa grandeur.
BOBEY part en mission et
réquisitionne une motocyclette. FORT et LAGRANGE
réquisitionnent deux bâches. La petite Renée
MAILLY apporte au parc à voitures un message de
l'état-major et plusieurs notes de service qui ont
été transmises par la jeune PAULETTE Hébert, fille
de notre liaison de SOLES. Je descends à AGEY
après avoir dîné et contacte Mme MORELOT, venant
de DIJON en liaison habituelle. Elle a été de
nouveau arrêtée par deux barrages allemands. Elle
a été fouillée, mais l'ennemi n'a pas trouvé les
documents qui étaient cachés dans la douille de sa
selle de bicyclette. Dans la soirée elle
effectuera encore une fois le trajet DIJON-AGEY et
AGEY-DIJON. Elle tombera malade quelques jours
plus tard et devra être hospitalisée à la clinique
" GAGNEREAUX ", à DIJON. Cette maladie est
consécutive aux fatigues encourues au cours des
diverses missions. Avant de regagner le camp, je
rencontre à AGEY BENE, mon responsable
départemental aux opérations. Celui-ci me fait
connaître qu'ayant reçu mon compte-rendu au sujet
de LEIBUNDGUT, il vient de procéder au camp à une
enquête, après interrogatoire des camarades de
LEIBUNDGUT et de ce dernier. Il me charge de
réunir rapidement une Cour Martiale et me donne
son avis : peine de mort pour LEIBUNDGUT. Je
signale à BENE qu'en exécution de notes de service
de l'état-major, tous les véhicules de l'Unité
reçoivent une immatriculation départementale. La
Croix de Lorraine est peinte sur les ailes et une
étoile blanche très apparente est également peinte
sur la carrosserie. De plus, sur chaque porte,
l'écusson de l'Unité sera dessiné : croquis de
MADAGASCAR, frappé de la Croix de Lorraine et de
l'ancre coloniale qui m'est particulièrement
chère. A 17 heures, je réunis et préside un
Conseil de Guerre, avec deux chefs de section :
SINGEY et ROYER, pour juger LEIBUNDGUT. LEIBUNDGUT
comparaît. Il reconnaît une fois encore avoir eu à
son domicile une liste en clair contenant les noms
de tous les hommes de son groupe, et avoir
confirmé aux Allemands ces renseignements sans
avoir été ni frappé ni molesté par ceux-ci. Il
semble ignorer que le seul fait de détenir une
liste en clair est puni de mort. D'autre part, il
ne peut expliquer pourquoi il n'a pas, dès son
arrivée, révélé ce fait, laissant partir une
mission à GEVREY, et n'avouant qu'au retour de
cette mission. Le tribunal condamne, à
l'unanimité, LEIBUNDGUT à la peine de mort. La
sentence est immédiatement exécutable. Le condamné
demande alors à être confronté avec ses camarades.
Mis en présence de TERRET, BURGUET et LENTZEN, il
leur demande de prendre sa défense. Ces derniers
lui répondent : - Traître ! Salaud ! Lâche ! La
cause est définitivement entendue. ALADENISE ne
prend en aucune façon la défense de son chef et ne
protestera jamais contre la sentence. Aucune
indulgence ne m'est permise. La présence de
LEIBUNDGUT au camp serait un sujet d'inquiétude
pour tous. De plus, après la panique collective du
16 Août, j'ai le devoir de me montrer intraitable.
LEIBUNDGUT demande alors comme faveur de commander
le peloton d'exécution et refuse de se recueillir
en déclarant qu'il n'est pas croyant. Pour ces
corvées d'exécution particulièrement pénibles, je
procède moi-même. C'est moi qui ai exécuté
LEIBUNDGUT et lui ai donné le coup de grâce. Paul
ROYER m'assistait. Dans la soirée j'ai contact à
REMILLY-EN-MONTAGNE avec le lieutenant ERNEST,
JOFFROY et SEGUIN, résistants de
GEVREY-CHAMBERTIN. Ceux-ci sont venus en
automobile et ont été chargés par le lieutenant
ROGELET, de BEAUNE, d'opérer l'arrestation de
LEIBUNDGUT, qui doit être jugé à BEAUNE pour
dénonciation de camarades et réquisitions
illégales, le lieutenant LEVEQUE ayant signalé au
lieutenant ROGELET que LEIBUNDGUT utilisait des
bons de réquisition revêtus de la signature de
ROGELET. Il est pertinent que le chef de
LEIBUNDGUT, Mr RIVIERE, ignorait tout de ce trafic
illégal. Je me félicite d'avoir été sans
indulgence et je me demande jusqu'à quel point le
jeune ALADENISE, qui habitait chez lui, était au
courant de son trafic. Ceci expliquerait la
position prise par ce dernier, en complet
désaccord avec tous ses camarades de GEVREY, après
la libération. Je tiens en outre à signaler que
dans mon secteur, qui allait à ce moment de
GROSBOIS à PONT-DE-PANY, toutes réquisitions
illégales étaient punies de mort, et qu'à
l'intérieur de la Compagnie le vol d'un simple
paquet de tabac était puni de mort. En résumé, si
j'avais à recommencer dans les mêmes circonstances
le jugement de LEIBUNDGUT, je prononcerais la
PEINE DE MORT. Si tous les actes délictueux
avaient été sanctionnés avec la même sévérité, il
y aurait eu moins de Français dans les geôles
allemandes, moins de maquis trahis, moins de
Français fusillés par l'ennemi. J'ai exercé mon
commandement en soldat, fort d'un passé de 17 ans
de services dans l'artillerie coloniale et déjà
titulaire à ce moment de la Médaille Militaire et
de la Croix de Guerre. Pour en terminer avec
l'affaire LEIBUNDGUT, je tiens également à
signaler que CIRILLOT, responsable F.T.P.F. mis au
courant par Mme CLAUDOT, de BROCHON, des
événements survenus, avait donné l'ordre à
LEIBUNDGUT de rejoindre le maquis de BEAUNE. Ce
dernier n'a pas exécuté cet ordre et s'est dirigé
dans une direction opposée. Il savait par le
lieutenant LEVEQUE qu'une enquête était ouverte à
BEAUNE sur ses agissements ; il est à présumer que
le jeune LEIBUNDGUT n'avait aucun désir d'exécuter
cet ordre. Notre camarade PISTOULET, dont on a vu
l'arrivée mouvementée, nous donne quelques détails
sur la vie au camp : " La vie au camp ne me pesait
pas. Les premières journées s'usaient à la garde
et au guet, heures que je consacrais aussi au
gravage de ma pipe. J'avais reçu une médaille de
SAINTE-THERESE à mon départ du CHALET, elle me fut
d'une grande protection, nous l'avons vu ; aussi
bien, je m'ingéniais à la recopier sur ma pipe, en
cas de perte. Ensuite, mes fréquentes sorties à
REMILLY et à AGEY, et le travail que je devais
assurer au parc auto, remplirent mes journées, je
participai plusieurs fois à des missions. De temps
à autre, quelque événement amenait un peu de
nouveau. Un matin, à peine éveillé, j'entendis des
cris : - A moi ! Au secours ! Il me tue !
Qu'est-ce qui se passe donc ? Mais devant les
rires d'un camarade qui entrait au même instant,
je fus rassuré, et j'appris que notre capitaine
était en train de faire des éloges à un des nôtres
qui s'était bien conduit en mission : il avait bu,
ou tout au moins commandé des bouteilles dans un
café, et avait délivré un bon signé " MALGACHE ".
Ledit bon étant revenu au camp, le capitaine
MALGACHE était en train de l'honorer sur le dos de
son auteur. Il profita de l'occasion pour nous
renouveler au rapport les consignes du camp : six
heures d'absence non motivée ; toute présence
inopportune dans un café ; le vol, même d'un
paquet de tabac ou d'une paire de chaussettes,
Tarif : une balle dans la tête ". Les journées
passaient vite, nos Alliés étaient là, l'activité
au camp grandissait : pas une nuit qui ne fut
employée à tendre des mines ; et je me remémore le
dépit de notre BALIVEAU au retour, un matin, parce
que les Boches n'étaient pas passés par là.
Plusieurs exécutions eurent lieu pendant mon
séjour au camp. Ayant toujours évité d'y assister,
je ne puis les relater. Je me souviens seulement
de la condamnation à mort d'un agent de la
Gestapo, arrêté à la PERGOLA, un gamin de vingt
ans qui ne se rendait pas compte de la gravité de
son cas, et me disait : - Dis donc, toi, tu
pourrais être mon père, fais donc quelque chose
pour moi ...Hélas ! Ceux qu'il a pu faire arrêter
et exécuter avaient, eux aussi, un père et une
mère. Ma pitié ne fut point pour lui, je
n'assistai pas non plus à son exécution. Sur la
fin, nous fûmes plusieurs fois en alerte par des
fusillades entendues en direction de SOMBERNON, et
nous sûmes qu'il s'agissait des convois allemands
qui se repliaient et qui tiraient sur tous les
bosquets à proximité de la route. Pour les
rassurer, le capitaine leur dépêchait quelques-uns
de ses élites, qui leur donnaient des jambes à
coups de grenades. Plus grands faits à signaler,
si ce n'est l'arrivée d'un groupe de prisonniers
allemands. Ils se trouvaient étonnés de notre
conduite envers eux, et nous disaient : - Vous,
nix terroristes, patriotes !
31 Août 1944
TARLET est parti en mission
la veille, à 20 heures, avec MOUCHOT, IMBERT
Robert et TRUILLOT, armés de 4 mitraillettes, un
fusil mitrailleur, 5 grenades. Interdire à un
groupe d'Allemands l'accès de FLEUREY, où l'ennemi
doit procéder à des réquisitions automobiles. La
mission patrouille aux environs de FLEUREY jusqu'à
23 heures. TARLET décide de tendre une embuscade à
une patrouille allemande passant tous les soirs
sur la route de LANTENAY. A O h 3O décrochage. La
mission passe la nuit à FLEUREY. Le lendemain, à 5
heures, le chef décide de regagner le camp avec
une voiture automobile qui sera ainsi soustraite
aux réquisitions allemandes. La voiture ne pouvant
être mise en route est abandonnée. A 8 heures,
retour par le canal. A mi-chemin entre FLEUREY et
PONT-DE-PANY, TARLET situe un endroit favorable à
une embuscade, après l'écluse, sur la grande
route. La position est occupée à 9 h 30, l'attente
dure jusqu'à 13 h 15. A ce moment une voiture
légère et deux camions allemands se présentent,
venant de DIJON. MOUCHOT, au fusil mitrailleur,
laisse passer les deux camions et ouvre le feu sur
la voiture légère, qui, atteinte, stoppe
immédiatement : victimes allemandes non
dénombrées. A ce moment, le fusil mitrailleur
s'enraye. Aussitôt MOUCHOT et IMBERT se replient
dans le bois. TARLET reste avec TRUILLOT afin
d'aider ce dernier à ramasser les chargeurs et
tous deux se replient à leur tour en essuyant les
rafales ennemies. Aucune trace des deux camarades.
TARLET et TRUILLOT rentrent au camp à 19 h 30.
TARLET rend compte. MOUCHOT et IMBERT rejoignent
le 1er Septembre à 9 h 30. Interrogés à leur
retour, ils expliquent s'être perdus dans le bois,
puis avoir été attaqués par des miliciens, et
finalement, à la nuit, avoir regagné FLEUREY pour
y passer la nuit. Ils sont tous deux avertis pour
la dernière fois que si, au cours d'une mission et
sans l'ordre de leur chef, ils s'arrêtent pour
coucher dans un village, j'appliquerai le tarif
prévu pour 6 heures d'absence illégale,
c'est-à-dire une balle dans la tête. Je charge
tous les chefs de groupe de bien vouloir rappeler
une fois encore à leurs hommes cette consigne
particulière. La sécurité du camp peut être
gravement menacée si, au cours d'une mission,
chacun décide de ne rentrer que lorsqu'il lui
plaira. Nombreux sont ceux qui, dans les maquis
voisins, ont été surpris par une perquisition
inopinée et capturés. Dans la plupart des cas
leurs langues se délient, les Allemands employant
des méthodes d'interrogatoire particulières.
Souvent les prisonniers sont obligés de conduire
une troupe contre le maquis par des sentiers
connus seulement par eux, et l'attaque allemande
ayant lieu par surprise est très difficile à
neutraliser. Aucune excuse ne sera, à compter
d'aujourd'hui, prise en considération, et le
coupable sera abattu immédiatement, sans jugement.
Départ de FOLLIGUET pour réquisitionner de
l'essence. Retour au camp avec une motocyclette
réquisitionnée à DIJON. Dans la soirée MARANGE
rentre de SELONGEY. Voici la relation de sa
mission : Départ de DIJON le 30 au matin, à vélo.
Il franchit deux barrages allemands sans
difficulté, l'un à hauteur de RUFFEY, l'autre près
de SAINT-JULIEN-CLENAY. MARANGE et NAGEL sont sans
armes, papiers en règle. A SELONGEY, ils se
présentent au chef de secteur. Mauvais jour : le
maquis de FONCEGRIVES vient d'être attaqué par les
Allemands. Le chef de secteur transmettra leur
message à BRANTUS et leur prête une motocyclette
pour rentrer. Arrivés à ORVILLE, MARANGE et NAGEL
passent la nuit dans un petit hôtel tenu par une
brave Lorraine et son petit-fils ; la moto est
garée dans une remise attenante à l'établissement.
Le matin, impossible de mettre en route ; tous
deux s'enferment dans la grange qui donne sur la
grand'route où ne cessent de circuler des convois
allemands. Une bonne du café scie du bois pendant
que, penchés sur la machine, ils essaient de
trouver la panne. Brusquement plusieurs Allemands
armés de mitraillettes font irruption. NAGEL
s'échappe par la porte de derrière, il fait
sombre, les Allemands ne l'ont pas vu. MARANGE
prend la scie des mains de la petite bonne et se
met à scier du bois sans s'occuper de la présence
des Allemands. L'un d'eux met la main sur l'épaule
de MARANGE, et lui parle ; celui-ci répond en
français qu'il ne comprend pas. Voici la suite du
récit fait par MARANGE :Je charge MARANGE
de porter à NAGEL l'ordre de rejoindre
immédiatement, avec les véhicules réquisitionnés à
DIJON et les hommes. Ne laisser sur place qu'un
minimum indispensable aux liaisons.
1er Septembre 1944
Des tirs réels ont lieu par
groupes sous la direction des armuriers.
L'installation s'achève, un drapeau bleu, blanc,
rouge, flotte sur le camp. A la suite des tirs qui
ont lieu, les armuriers procèdent à la remise en
état d'armes défectueuses. J'apprends qu'à la
sortie de SOMBERNON un écriteau a été installé par
les Allemands : il porte en grosses lettres "
Achtung ! Terroristes ! " et une flèche noire
indique la direction de notre camp. Une nouvelle
recrue, infirmier au sanatorium de VELARS, apporte
médicaments et pansements. GEORGES et PERREAU
partent à la vieille ferme de la République et
remontent au camp avec un chariot, deux containers
de Plastic et un brancard. Missions de
ravitaillement et liaisons, par BOUCHARD,
FOLLIGUET, NASSAU, DUCAROUGE, BESSE, LESAGE,
KNECHT, Roger ROYER. Reconnaissances dans la
vallée de l'OUCHE par SINGEY et FICHOT, contact
avec l'écluse 34. Le groupe GEORGES met en place
un barrage et décroche dans la nuit. FOLLIGUET
part à nouveau pour DIJON. Il réquisitionne la
camionnette "5995 DU 4" à la S.I.E.M. Ce véhicule,
qui n'est pas en état de marche, est préparé par
un mécanicien sympathisant ; une magnéto a été
fournie spontanément par "LA PIECE AUTOMOBILE",
avenue du Drapeau. Afin de situer l'activité et le
climat des agents de DIJON, je donne la parole à
FOLLIGUET :
*
**
18 Août 1944
Le garage
de l'H.K.P. (Service de roulage allemand,
commandé par le sous-officier SCHMITZ Emile) est
presque vide, sauf deux superbes camions, qui
franchiront demain les barrages allemands ; ils
sont chargés du matériel pour aller rejoindre le
Maquis. L'ordre que j'attendais depuis longtemps
est enfin arrivé et mon complice, " PEPECHE ",
s'affaire à une dernière mise au point de son
véhicule, tandis que je nettoie un peu celui que
je dois enlever avec " MIMILE ", le
sous-officier allemand. Je connais mon bon
MIMILE, Rhénan d'origine et Français de coeur,
mieux que pas mal de Dijonnais qui ont eu
l'occasion de boire avec lui dans les divers
cafés de la ville, et je suis aussi sûr de lui
que de moi-même. Il y a quelque temps, j'ai eu
l'occasion de le mettre à l'épreuve : au cours
d'une sortie, j'ai réussi à lui subtiliser son
pistolet ; il s'en aperçoit le lendemain et
s'ouvre à moi en ces termes : - Michel, faire
chier moi, mon pétard perdu ; si l'adjudant y
voit, moi je vais en prison ! Je le rassure et
lui promets que je ferai mon possible pour lui
en procurer un autre ; effectivement, le
lendemain, je lui présente un 7/65 Mauser.
MIMILE n'en croit pas ses yeux et je crois qu'il
a envie de m'embrasser tellement il est heureux
! Mais, la joie passée et la tranquillité
d'esprit revenue, il me demande comment j'ai pu
me procurer cette arme, à quoi je réponds que
cela est mon affaire, le principal étant de lui
éviter la prison. Il me regarde dans les yeux et
me dit : - Je me doutais qui tu étais quand tu
es venu ici, car tu n'avais pas des mains de
chauffeur, je sais que bientôt tu vas partir
rejoindre tes amis, mais je te jure sur ma
famille que jamais je ne me servirai de cette
arme contre un Français, pas plus que je ne m'en
suis servi jusqu'à présent ! Je sens qu'il est
sincère, mais malgré tout, je le surveille ;
pendant les quelques jours qui suivent, MIMILE
m'évite toutes les corvées et se rapproche de
plus en plus de moi, au point que nous devenons
de très bons amis. Il s'ouvre à moi et me conte
sa vie ; je me souviens de son récit : - Quoique
je sois sous-officier de la Wehrmacht, je n'ai
jamais fraternisé avec mes concitoyens, dont je
me suis toujours méfié. Tu peux partir, et même
avec un camion, moi je ne sais rien ; tu sais
que tu peux avoir confiance en moi, dès
aujourd'hui je vais en faire préparer un et,
quand tu partiras, tu pourras le prendre sans
rien dire à personne. Je vais te donner un
laissez-passer en blanc, que tu rempliras. Je ne
te demande qu'une chose : c'est de le faire
quand je ne serai pas là, et je n'ai qu'un
regret, c'est de ne pouvoir t'accompagner !
Depuis, beaucoup de choses se sont passées, il a
réussi à faire libérer un camarade qui aurait
été pris dans une rafle allemande et milicienne
du quartier " Préfecture - rue J.-J. Rousseau "
; de plus, il m'a communiqué tous les
renseignements qu'il obtenait et que je
transmettais au P.C., si bien que, d'accord avec
celui-ci, la décision est prise, et je dois
emmener MIMILE…
19 Août 1944
Je roule
depuis six heures du matin, pour éviter les
soupçons possibles. Il est seize heures, nous
devons partir à dix-huit heures et il me tarde
de rentrer au garage pour embarquer MIMILE et le
matériel. Passant rue du Transvaal devant le
garage, j'aperçois les chauffeurs civils devant
la porte, et… des " colliers de chiens " ! Un
des chauffeurs m'aperçoit et me fait signe, je
ralentis, il saute sur le marchepied et me
souffle, afin que l'Allemand qui est à côté de
moi n'entende pas : - MIMILE vient d'être
embarqué par la Gestapo, la Feldgendarmerie nous
garde à vue et perquisitionne ses affaires ! Il
rejoint ses camarades et je reprends ma route,
pas tranquille du tout. Je termine néanmoins mon
travail et, au lieu de retourner au garage, je
vais avec le camion voir JACQUERON et le mets au
courant ; il est dix-neuf heures et PEPECHE, qui
ne sait rien, a dû essayer de franchir les
barrages… Que faire ? JACQUERON part à
bicyclette et me rejoindra au P.C. Arrivé là, je
répète mon histoire et demande ce qu'il faut
faire, car si je pars, MIMILE n'y coupe pas, et
si je rentre au garage, je prends mes risques.
Quoi qu'il en soit, il ne faut plus compter
partir maintenant, l'heure du rendez-vous est
passée depuis longtemps et, du reste, après
cette alerte, il ne faut pas compter traverser
les barrages, qui doivent avoir mon signalement.
Après une délibération assez longue, j'ai ordre
de rentrer au garage avec mon véhicule et
d'essayer d'avoir des précisions sur
l'arrestation et le sort de MIMILE ; je
reviendrai demain prendre de nouvelles
instructions. J'arrive au garage, range le
camion et me prépare à partir quand je m'entends
appeler par l'adjudant ; il commence à me poser
des questions relatives à l'affaire, auxquelles
je réponds avec l'innocence d'un enfant (je
crois que j'ai tout intérêt à faire l'idiot). Il
n'insiste pas et me dit d'être là le lendemain
matin, à cinq heures, et que si je n'y suis pas,
il me fera chercher par la Feldgendarmerie. J'ai
l'impression que l'air est chargé d'électricité…
Je respire un peu une fois dehors et me demande
si c'est bien prudent de revenir le lendemain ;
je repasse au bureau du P.C., où l'on me
conseille d'y aller, d'enlever le camion et l'on
me donne un autre itinéraire que je dois suivre,
ceci, au cas où MIMILE aurait parlé, car nous
connaissons les moyens de persuasion de ces
messieurs. En rentrant chez moi, je repasse les
événements de la journée et je pense que,
décidément, les gars du P.C. ne doutent de rien,
surtout que nous sommes sans nouvelles de
PEPECHE.
20 Août 1944
J'arrive au
garage à huit heures, j'ai oublié de me
réveiller. Les camarades me disent que les
colliers de chien sont au bureau et que l'on m'a
demandé plusieurs fois. Je commence à trouver le
terrain brûlant et pense que ces gens-là
s'intéressent un peu trop à ma modeste personne.
Le rôle de jeune premier dans un film allemand,
avec la Gestapo comme metteur en scène, ne me
tente réellement pas ; sur cette judicieuse
réflexion, je fais demi-tour, et… me trouve face
à face avec mon " ami " l'adjudant, accompagné
de deux Feldgendarmes, qui m'invitent
courtoisement à passer devant. Arrivé dans le
bureau, l'adjudant commence un interrogatoire
beaucoup plus serré que la veille, je me trouve
tout à fait mal à l'aise ; j'ai en effet
l'impression qu'il en sait beaucoup plus
qu'hier. Tout à coup, la porte s'ouvre
brutalement et un officier entre en hurlant. Je
profite immédiatement de l'instant d'inattention
et prends la poudre d'escampette sans regarder
derrière moi ; je me rappelle qu'il y a une
petite porte donnant sur une rue latérale qui
n'est pas gardée, elle va très bien servir pour
cette fois. Après deux-cents mètres d'une course
où j'aurais battu un champion, je ralentis et me
mets à marcher, je trouve que la vie est belle
et me sens léger comme un pinson. J'arrive au
P.C., je rends compte et demande à rejoindre
immédiatement le groupe, car je suis brûlé à
DIJON. Je rejoins MALAIN dans l'après-midi et
prends contact avec BIJOU, qui me conduit au
camp du MALGACHE, à REMILLY-EN-MONTAGNE. Nous y
arrivons à neuf heures du soir, sous une pluie
battante. Nous sommes très bien reçus et, après
un substantiel repas, nous allons nous allonger
sous la tente ; le capitaine MALGACHE étant
absent, je ne le verrai que demain.
21 Août 1944
Sept
heures, tout le monde au jus (qui est très bon).
Je constate que l'ordre, la discipline et la
camaraderie sont ici de rigueur, ce qui me donne
une impression de sécurité pour l'avenir. Le
café avalé, je me présente à la tente du
MALGACHE ; quelques hommes sont là, en
conversation, je ne sais pas trop bien lequel
répond à cet élégant pseudonyme, toutefois, un
homme s'avance vers moi, me demande mon nom et
me dit : - Je suis le MALGACHE ! Je réalise à
l'instant qu'il n'a pas volé son surnom : j'ai
devant moi un type à la chevelure aussi noire
que rebelle, vêtu d'une chemise kaki toute
froissée et d'un short, le tout d'un pittoresque
ahurissant. Je n'ai du reste pas le loisir de le
détailler plus avant car il m'interroge sur ce
qui a été fait à DIJON, ce qui m'est arrivé et
comment j'ai rejoint le camp. Les questions sont
brèves et sèches, je fais un compte-rendu de ce
qui précède ; il ne fait aucun commentaire et je
me prépare à me retirer, quand un nouveau est
présenté. Ce dernier n'a eu, jusqu'à présent,
aucune activité dans la clandestinité. Après
l'avoir interrogé, le capitaine lui fait un
petit speech dont voici à peu près les termes :
- Ne crois pas que tu es arrivé dans un
pensionnat de jeunes filles ; tu es ici pour te
battre, recevoir des ordres sans les discuter et
tu n'attendras pas de remerciements, car on ne
sait pas ce que c'est ; d'autre part, au point
de vue discipline : défense de sortir du camp
sans ordre de mission ; rentrer de mission avant
la nuit ; ne pas aller dans les cafés, ne pas se
saouler, tenir sa langue à l'extérieur. Ici,
nous n'avons pas de prison, la seule punition
connue pour une de ces infractions est une balle
dans la tête… Tu peux disposer ! Le pauvre bleu
se retrouve dehors tout pâle, ne sachant s'il a
eu affaire à un fou ou à un pince-sans-rire.
Mais il est accroché tout de suite par FIFI, qui
s'occupe du service intérieur avec le grade
d'adjudant. Celui-ci le met à l'aise et le
rassure gentiment, le bleu reprend quelques
couleurs. Je m'adapte rapidement à ma nouvelle
vie. J'apprends aussi à connaître mieux le
MALGACHE qui, sous des airs rébarbatifs, cache
un coeur d'or et, s'il nous impose une
discipline de fer, c'est pour notre bien, car il
aime beaucoup ses hommes. Pendant quelques
jours, nous faisons des exercices de tir,
intercalés par de nombreuses gardes, de jour et
de nuit. Je suis désigné pour partir en mission
avec des camarades, nous avons l'ordre d'aller à
la rencontre de l'aviateur, qui doit rapporter
des armes automatiques. Nous le trouvons au
rendez-vous convenu, il est déguisé en paysan.
Il conduit une voiture de paille, sous laquelle
se trouvent cachés les F.M. anglais. Nous lui
faisons escorte jusqu'au camp. Pas d'incident de
route. Le soir-même, le capitaine nous prévient
que l'essence diminue, je demande à partir afin
d'en trouver à DIJON. Je suis de retour le
lendemain soir, avec un bidon de cinq litres
(pas brillant comme résultat !) et une moto, que
j'ai réquisitionnée. La moto subit immédiatement
les transformations nécessaires : numéro
d'armée, enseigne tricolore, Croix de Lorraine,
etc… Le MALGACHE me désigne pour être agent
motocycliste de liaison, je suis enchanté de mes
nouvelles fonctions et surtout de la confiance
qu'il m'accorde. Au cours de la conversation, je
lui demande le nombre de véhicules du groupe et
lui propose de remonter le garage, car nous
avons un grand besoin de matériel roulant ; il
accepte ma proposition et me donne carte
blanche. Après deux missions couronnées de
succès, je rends compte au MALGACHE que j'ai
ramené au groupe : deux camionnettes 1 000 kg,
un camion 4 tonnes, du matériel, de l'outillage
et… MIMILE, qui est sorti des griffes de la
Gestapo (sans avoir parlé), et que j'ai récupéré
au cours de ma dernière mission. Le climat de
DIJON étant de plus en plus mauvais pour moi, je
n'y retournerai pas, c'est l'avis du capitaine,
et c'est plus prudent. Je prends part à diverses
opérations de harcèlement, et nous avons la
chance d'en sortir indemnes. Entre-temps, je
fais continuellement la liaison entre
l'état-major et un de nos groupes. A la ferme de
l'OISEROLLE. Deux faits assez particuliers se
produisent au cours de ces liaisons : De retour
de mission auprès d'Hébert, je suis obligé de
suivre une route empruntée par les Allemands en
retraite ; je roule à vive allure, la
mitraillette prête quand, après un virage, je me
trouve à trente mètres d'une colonne hippo
allemande qui est arrêtée. Je n'ai pas
l'embarras du choix et tire à fond sur les gaz,
en pensant à ma mécanique qui a déjà une balle
dans le cadre et va certainement en prendre
encore d'autres. Toutefois, à la vitesse à
laquelle je passe, les Boches n'ont pas le temps
de réagir et c'est avec un vif soulagement que
je laisse derrière moi cette colonne, sans avoir
essuyé un coup de feu. Une autre fois, je passe
dans un pays où un homme me fait signe d'arrêter
; il s'approche et me dit qu'il y a cinq
Allemands dans une ferme, à peu de distance, la
ferme du TREMBLOY. Je le fais monter derrière
moi pour m'indiquer le chemin (j'ai l'impression
qu'il n'en est pas très heureux et regrette de
m'avoir prévenu) ; nous arrivons à deux-cents
mètres de la ferme, je laisse ma moto contre un
mur et continue à pied. Arrivé devant la grille,
je les vois qui se reposent sur leurs sacs ; je
les compte afin d'éviter une surprise
désagréable, ils sont bien tous là. J'ouvre la
porte, la mitraillette braquée, et hurle : - Wer
da ? Mes cinq Boches se retournent aussitôt, se
lèvent précipitamment, les bras en l'air, ce
qu'ils ont de mieux à faire. Je leur fais signe
de retourner leurs poches, ce qu'ils font avec
la meilleure grâce. Décidément, quand on prend
ces gens-là par les sentiments, on en fait ce
qu'on veut ! Après m'être assuré qu'ils n'ont
pas d'armes, je leur fais remballer leur petit
bazar et les oblige à passer devant moi. Je dis
à la fermière de cacher les fusils, que nous
reviendrons chercher et ramène mes prisonniers
au camp. Et c'est enfin le grand jour : Nous
apprenons que l'armée française est à
PLOMBIERES. Nous avons, en rentrant à DIJON, un
dernier accrochage avec des miliciens retranchés
dans des bâtiments du boulevard Voltaire.
*
**
Je me permets, en terminant, de remercier au nom
de mes camarades et au mien, celui qui, par son
exemple, son courage et son autorité, a su nous
conduire au combat et souvent à la victoire, en
ménageant le plus possible la vie de ses gars,
qu'il aimait tant, ce dont il était largement payé
en retour, car quel est celui du " Groupe
MADAGASCAR " qui n'est pas fier de dire qu'il a
servi sous les ordres du " MALGACHE " ?
*
**
NAGEL a rejoint avec ses
véhicules ; il vient à L'OISEROLLE avec moi. Le
poste de parachutage est installé, le service de
guet assuré de jour comme de nuit. Tous attendent
impatiemment le message. Deux déserteurs russes
sont incorporés : EPHRMOFF Grégory et KOTOF
Grégory, soldats magnifiques et disciplinés.
Réquisition de tabac à VELARS, par PAQUETTE, qui
ramène au camp deux recrues : GRAPPE et MARQUET,
employés à la S.N.C.F. D'autres recrues sont
également incorporées, en provenance de BENE ou de
l'écluse 34. Tous sont interrogés et filtrés. Les
suspects ou les tièdes ne sont pas admis. Par note
de service diffusée dans les groupes, le port des
insignes de grade devient obligatoire. J'effectue
une rapide liaison à PRALON, MALAIN et VELARS,
puis, au retour, à L'OISEROLLE. Plusieurs
véhicules ennemis croisés nous regardent passer
sans faire un geste ; les Croix de Lorraine et
l'étoile blanche ne leur laissent cependant aucun
doute sur notre identité.
2 Septembre 1944
8 heures. SINGEY, FORT,
FICHOT, GREE, partent avec la " MATFORD " pour un
raid à L'OISEROLLE et la BUSSIERE. Deux fusils
mitrailleurs sont installés sur le véhicule ; les
Allemands rencontrés prennent le large. L'équipe
rentre à 12 h 30 sans avoir pu placer une rafale.
A 14 h 30, FORT, DUCAROUGE, GREE, NASSAU-BRIES,
SCHWINTE, Joseph MAIRE et PAQUETTE partent pour
FLAVIGNEROT avec mission de ramener de la farine.
En passant au sanatorium de VELARS ils
réquisitionnent des costumes et des chaussures et
déposent l'infirmier NASSAU-BRIES pour prendre des
médicaments. A CORCELLES, rencontre d'un camion
allemand, qui prend la fuite. Roger MARTIN et
Victor SCHWINTE retardent la mission et restent à
la ferme de FLAVIGNEROT en compagnie de PAQUETTE ;
des armes sont laissées à leur disposition.
PAQUETTE redescendra le lendemain matin avec une
voiture et deux chevaux en ramenant la farine.
NASSAU-BRIES est repris au sanatorium par la
mission de retour de FLAVIGNEROT. NASSAU, qui
était descendu à la CUDE, signale, une fois la
camionnette engagée sur le chemin du retour, que
deux miliciens membres de la Gestapo sont à la
PERGOLA.LELIEVRE, LESAGE,
KNECHT, SANVOISIN, DORET, font des corvées de
ravitaillement. Mr MARTIN et CARLEVATTO
réquisitionnent de l'outillage et un vélomoteur à
SOMBERNON. Raymond BESSE va reconnaître à
PLOMBIERES le dépôt d'essence et le contenu des
wagons stationnés en gare. A midi, je pars avec
ROYER en liaison à l'état-major à SOUSSEY, pour
essayer d'obtenir des fusils mitrailleurs. Je
prends en passant Hébert à SOLES. Avant d'arriver
je suis arrêté par un barrage composé de 8 ou 10
hommes qui, debout au milieu de la route, font
signe d'arrêter. Les Croix de Lorraine brillent
sur les ailes de la traction, une étoile blanche
sur le toit, et les portes sont frappées de
l'écusson de la compagnie. Je m'arrête, descends
de voiture, et j'engueule tous les hommes du
groupe. - L'établissement d'un barrage se fait de
la façon suivante : tous couchés dans le fossé. Si
une voiture apparaît, tirez une salve en l'air dès
que le véhicule se trouve à 100 mètres ; si elle
ne s'arrête pas, tirez au but avec toutes les
armes. J'avais mon fusil mitrailleur en batterie,
il m'était facile, une fois arrivé à une dizaine
de mètres de vous, de vous faucher tous et de
passer. Où est le commandant Guy ? Ici, capitaine
MALGACHE ! - Le commandant se trouve dans le
village, où une réunion doit avoir lieu, c'est
pourquoi toutes les routes sont barrées ! me
répondent les hommes. - Bien, merci, et faites
attention ! Je repars, trouve le commandant. Ce
dernier me dit : - Nous venons d'avoir un terrible
coup dur : Jean BOUHEY a été très grièvement
blessé par méprise, ainsi que plusieurs occupants
de la voiture ! Je laisse le commandant et monte à
la ferme. Je ne puis obtenir de fusils
mitrailleurs. Je rencontre à la ferme le
commandant GUILLET et lui dis : - Est-ce un de tes
groupes qui a voulu m'enlever deux fusils
mitrailleurs ? Si par hasard c'était cela et qu'un
pareil fait vienne à se reproduire, personne ne
pourrait m'empêcher de te tuer ! Le commandant
GUILLET m'assure qu'aucun de ses groupes n'a pris
contact avec ma mission d'OUROUX. - Bien, GUILLET,
tu me connais depuis longtemps, et je n'ai pas
besoin d'insister ! Et j'ajoute, en riant : -
D'ailleurs, vois-tu, si la balle qui t'a effleuré
le cuir chevelu avait frappé deux centimètres plus
bas, tu aurais eu une belle mort de soldat ! Tout
le monde rit. Je fais alors connaître à
l'état-major que j'intensifie les embuscades et
qu'il serait indispensable qu'une liaison
m'avertisse au cas où une mission de l'état-major
aurait à traverser ma zone d'action. J'ai interdit
toute circulation sur la Nationale n° 5 et dans la
vallée de l'OUCHE. Les mines posées ne connaissent
ni amis ni ennemis, et mes groupes ont ordre de
tirer sur tous les véhicules qui se présentent. Je
quitte l'état-major et rejoins mon camp, en
laissant Hébert à SOLES. Je passe à
REMILLY-EN-MONTAGNE. Quelques minutes après la
MATFORD rentre. FORT me rend compte du résultat de
la mission et me signale la présence de deux
miliciens à la PERGOLA. J'en décide la capture et
choisis, parmi les volontaires présents, ROYER,
FORT et DUCAROUGE. ROYER a sa mitraillette et six
chargeurs, j'ai mon revolver et mes grenades. FORT
et DUCAROUGE sont armés chacun d'un fusil
mitrailleur anglais neuf, et prennent vingt
chargeurs. Pour une fois nous sommes armés
magnifiquement, et si l'occasion se présente… Les
petits veulent non seulement les miliciens, mais
du Boche. La traction tourne rond, AGEY,
PONT-DE-PANY sont traversés en trombe ;
ralentissement au passage à niveau de
PONT-DE-PANY, puis à nouveau plein gaz. Arrivés à
hauteur du chemin de FLEUREY-SUR-OUCHE, nous
apercevons quatre voitures allemandes stationnées
en haut de la côte. Une dizaine de soldats
allemands sont debout devant le premier véhicule.
Albert demande : - Chef, on allume ? Je réponds :
- Oui ! Continuant plein gaz, je stoppe
brutalement à 25 mètres des Allemands ; ROYER
bondit dans le fossé et tire immédiatement ;
DUCAROUGE et Albert, chacun d'un côté de la route,
mettent leur F.M. en batterie et ouvrent le feu.
La surprise est totale, les dix Allemands sont
touchés par les rafales, la première voiture
brûle, les Fritz se sont éparpillés dans les
champs. A cet endroit la route est encaissée, il
nous suffirait de placer chaque F.M. sur un talus
pour achever la déroute ennemie. Malheureusement
le F.M. servi par DUCAROUGE a son ressort de
percussion cassé, Albert n'a plus de chargeurs,
et, pendant que je rampe jusqu'à la voiture pour
lui passer des munitions, un temps mort se
produit. L'ennemi se ressaisit, tire sur nous et
tente de nous encercler. Je préviens Albert : - Je
joue quitte ou double, je vais essayer d'enlever
la voiture et je reviens vous chercher ! Je suis
immédiatement debout et j'essuie une rafale ; mon
chapeau, troué de balles, roule dans le fossé. Je
mets la voiture en marche arrière. La route offre
une ligne droite de 200 à 300 mètres, et une
trentaine de balles traversent la carrosserie. Je
ne suis pas touché. Je gare la voiture dans un
chemin creux, prends une musette de chargeurs, et
je reviens à pied, quelques coups de feu éclatent
encore. J'aperçois Albert venant à ma rencontre,
je cours et lui passe un chargeur. Il me dit alors
: - POLY et DUCAROUGE sont tués ! - Retournons les
chercher… - C'est impossible, chef, on ne peut
rien faire ! A ce moment, comme pour lui donner
raison, une volée de balles coupe les feuilles
au-dessus de nos têtes. Nous courons alors pour
rejoindre la voiture : mise en batterie du F.M.,
et en route direction de PONT-DE-PANY. Au premier
tournant nous croisons trois touristes allemandes
; nous sommes en pleine vitesse et ne réalisons
pas assez rapidement pour les allumer en passant.
Morne retour. Le meilleur de mes petits, un
Alsacien sans peur et sans reproche, vient d'être
tué face à l'ennemi. Il ne reverra pas sa vieille
maman. La Libération ne m'apportera pas la joie
sans mélange que j'escomptais, et le souvenir de
mon petit restera présent en moi. Que sa maman
d'ALSACE, venue déjà plusieurs fois sur sa tombe,
soit bien certaine que je partage profondément son
deuil. Qu'elle reste fière de son fils, trop pur
pour vivre, qui a trouvé une fin héroïque face à
l'envahisseur. DUCAROUGE, blessé à l'arcade
sourcilière et à la cuisse (nombreux éclats de
balles explosives), fait le mort. L'ennemi lui
arrache son fusil mitrailleur, ramasse les
chargeurs, lui donne un coup de pied dans le
ventre et le laisse dans le fossé. Après le départ
des Allemands DUCAROUGE se lève, réussit à gagner
FLEUREY et rejoint REMILLY-EN-MONTAGNE à
bicyclette. Je l'évacue immédiatement à l'hôpital
de POUILLY. Au retour, je décide de repartir à la
nuit chercher le corps de POLY. Sa perte est
douloureusement ressentie par tous ; son courage,
sa camaraderie, sa gentillesse sont présents dans
le coeur de chacun. Je veux espérer que, contre
toute vraisemblance, il a lui aussi échappé à la
mort. Nous partons à 20 heures, prenons Roger
BOURDILLAT en passant à l'écluse 37, et continuons
en direction de FLEUREY par le chemin de halage.
Nous traversons PONT-DE-PANY où stationne un fort
contingent allemand arrivé à la nuit. L'enquête à
FLEUREY est sans résultat. Un cycliste part en
reconnaissance à l'endroit où POLY a été tué, le
corps n'est pas retrouvé. Triste retour au camp.
Au cours de cette journée tragique, une opération
audacieuse a eu lieu à DIJON à l'Intendance de
police, et a été cette fois couronnée de succès.
BOBEY et Pierre PAILLARD ont enlevé quelques
paires de souliers et des culottes de cheval, une
trentaine de fusils de chasse et de fusils à canon
court, et un stock de chevrotines suffisant pour
approvisionner ces armes. Les canons courts
peuvent être très précieux dans les combats de
rue. Je rends compte à l'état-major. Un ordre
arrive de l'état-major d'AIGNAY-LE-DUC : " Arrêter
AMIOT de BARBIREY ainsi que sa famille, les
conduire à AIGNAY ". Je procède à l'arrestation et
interroge AMIOT. J'avais eu avec lui plusieurs
contacts et j'estime qu'il ne représente aucun
danger pour la Résistance. D'autre part, je ne
veux pas sacrifier inutilement trois de mes
meilleurs petits et un véhicule pour conduire
AMIOT à AIGNAY, au moment où les routes sont
infestées de convois allemands. En conséquence, je
donne à AMIOT l'ordre de ne quitter son domicile
sous aucun prétexte. Si au cours d'une visite il
n'est pas là, " sa maison sera brûlée et sa
famille exécutée ". Je rends compte. Après la
Libération, une enquête effectuée n'a apporté
aucun fait précis de trahison. Je ne me suis
jamais porté garant du patriotisme d'AMIOT,
j'expose dans ce récit comment les renseignements
qu'il a spontanément fournis ont été exploités par
l'Unité. Je suis persuadé qu'il a volé les
Allemands. Il appartient à ses accusateurs de
faire la preuve qu'il a trahi.
3 Septembre 1944
Le matin, le corps de POLY
est retrouvé sur la route par PAQUETTE, revenant
de mission. Celui-ci me le signale dès son
arrivée, et il est ramené par DUBOIS et BOUCHARD
en voiture hippomobile. Une chapelle ardente est
installée à REMILLY, dans une maison près de
l'église, et notre camarade sera veillé par une
garde d'honneur en armes. Il a la poitrine
entièrement broyée par une rafale, ainsi que le
genou gauche. Un service funèbre est prévu à
l'église de REMILLY-EN-MONTAGNE, il sera célébré
par le curé d'AGEY. J'envoie un compte-rendu à
l'Etat-Major départemental, et un autre à BENE, à
MALAIN. Dans l'après-midi, PAQUETTE part en vélo à
la ferme de FLAVIGNEROT et donne l'ordre à MARTIN
et à SCHWINTE de rejoindre immédiatement l'Unité.
Ces deux derniers rejoindront dans la nuit.
FOLLIGUET, accompagné de SUTY et de FAITOT part de
nouveau à DIJON pour réquisitionner de nouveaux
véhicules automobiles. Il me demande
l'autorisation d'enlever et de ramener au camp
avec les véhicules qu'ils se proposent de
réquisitionner le sous-officier allemand Emile
SCHMITZ. Autorisation accordée. A DIJON, une
première camionnette est prêtée bénévolement, sans
bon de réquisition, par un jardinier (ce véhicule
a été remis à son propriétaire à la Libération de
DIJON). Celui-ci offre une tournée aux hommes et
leur souhaite bonne chance. FAITOT est chargé de
conduire le véhicule. FOLLIGUET et SUTY se rendent
alors chez Mr FERRA, rue du Faubourg-Raines. Ce
dernier met également son camion à leur
disposition sans exiger de bon de réquisition. (Le
véhicule a également été rendu après la
Libération). Les camions devaient se rendre au
marché pour qu'un contact soit pris avec
JACQUERON. Avant de quitter DIJON, FAITOT est
remplacé au volant de la camionnette par SUTY.
FOLLIGUET conduit le camion et ramène le
sous-officier allemand, qui n'est vêtu que d'une
combinaison kaki. JACQUERON recommande de sortir
de DIJON par TALANT ; les deux véhicules
empruntent cet itinéraire et tombent dans un
barrage allemand ; ils doivent faire demi-tour
devant le nez des Chleuhs et arrivent au camp en
empruntant le chemin de halage du canal jusqu'à
PONT-DE-PANY. Les véhicules sont immatriculés et
reçoivent les insignes réglementaires. Emile
SCHMITZ, Rhénan d'origine, Français de coeur, est
incorporé à l'Unité. Il sert actuellement comme
sous-officier à la Légion Etrangère en INDOCHINE.
Je participe dans la soirée à la veillée d'honneur
de Paul ROYER.
4 Septembre 1944
Tous les chemins d'accès
conduisant à REMILLY sont tenus par des barrages,
la garde au camp est renforcée. Tous les
disponibles en armes assistent au service funèbre
de notre camarade, dont l'éloge est prononcé par
Mr le curé d'AGEY. L'église de REMILLY est noire
de monde venu de tous les villages avoisinants. De
retour au camp, je fais appeler les Chefs de
Section. POLY doit être vengé le plus rapidement
possible. Je donne à chacun un secteur pour
préparer les embuscades. Ne pas laisser les hommes
inactifs ni sous l'impression pénible de la
présence de la mort. LENTZEN part en mission à
GEVREY. GODE, TARLET, Didier, Grégory se rendent à
BARBIREY, où un ingénieur allemand du camp de
SAINT-JEAN-DE-BOEUF est réfugié chez AMIOT, qui
m'a fait prévenir. Lorsque la mission arrive,
l'ingénieur disparaît. Retour à 21 heures.
5 Septembre 1944
GODE arrête de bonne heure,
à BARBIREY, l'ingénieur allemand. Celui-ci est
trouvé porteur d'armes et d'une somme de 80 000
francs. Il s'était rendu célèbre dans le JURA par
sa sauvagerie. Il est exécuté. Jean LEVEQUE, à
peine guéri, vient de rejoindre son poste ; la
balle qui lui avait traversé la poitrine le 16
Août n'est plus qu'un mauvais souvenir. Sa
blessure s'est rapidement cicatrisée. Je lui donne
connaissance des diverses consignes, lui signale
l'emplacement des divers postes de garde et de
guet, le présente à tous les chefs de groupe et de
section ; en mon absence il commandera en chef et
aura NAGEL à sa disposition. MARANGE reste affecté
aux missions spéciales. Une embuscade est établie
par le groupe GEORGES entre PONT-DE-PANY et la
CUDE, plusieurs voitures passent sur les mines et
ne sautent pas. Après vérification du dispositif,
l'humidité du cordon détonant est constatée. La
mission décroche. Deuxième mission entre la
BELLE-IDEE et la République. Elle est commandée
par Victor MAILLY. A peine en place, une
motocyclette allemande arrive : le conducteur est
tué, le passager est fait prisonnier. Le groupe
rentre au camp avec notre premier prisonnier,
blessé, qui sera soigné au poste de secours
d'AGEY. La moto est prise. Félicitations. Je fais
bloquer 1OO sacs de ciment en provenance de
l'armée allemande et, ne pouvant sacrifier deux ou
trois de mes hommes pour en assurer la garde, je
les vends à un entrepreneur pour 20 000 francs,
qui viennent grossir la caisse de l'Unité. A la
demande du responsable F.T.P.F. BENE, quatre
membres ont été détachés sur DIJON aux opérations
; ce sont : MOUCHOT, CONTASSOT, IMBERT Robert et
IMBERT Albert. Ceux-ci ne comptent plus à l'Unité
à partir de ce jour. L'installation d'un poste de
secours permanent est décidée au château d'AGEY.
Le propriétaire met spontanément à la disposition
de mes infirmiers Jeannot et Mr PREVOSTO, les
locaux nécessaires. Mon frère rejoint l'Unité avec
une " SIMCA 8 " réquisitionnée à DIJON et
contenant 300 chemises et 150 shorts enlevés à la
milice. Ces effets seront distribués dans les
groupes avec les brassards F.F.I. ; port
obligatoire de l'uniforme pour tous.
6 Septembre 1944
A 4 heures du matin, départ
de quatre groupes. Première mission. - TARLET
prend position Route Nationale n° 5 entre la
BELLE-IDEE et la République, la matinée s'avance
et, ne voyant rien venir, TARLET commande le
décrochage. A ce moment un camion chargé
d'Allemands arrive. Une grenade antichar projetée
sous les roues n'éclate pas. Heureusement deux
grenades quadrillées éclatent en plein dans le
camion, une de celles-ci hache l'arrière de la
cabine. Le camion, qui a marqué l'arrêt, est
arrosé au fusil mitrailleur, il repart et
s'échappe. Un de nos Russes, Gregory EPHRMOFF,
servait le fusil mitrailleur et s'est
particulièrement distingué. La route est rouge de
sang. Les hommes du groupe hurlent leur joie, les
Fritz se sont sauvés en hurlant de douleur. Au
retour, mes petits sont rattrapés par le curé qui
passe à bicyclette. Il vient de rencontrer le
camion allemand arrêté un peu avant SOMBERNON. Dix
cadavres sont rangés au bord de la route et il
déclare : - Quel carnage, mes petits, quel carnage
! Retour au camp à midi, au complet. Une ration de
vin supplémentaire est accordée, avec mes
cordiales félicitations. Deuxième mission. -
LESAGE, DORET, AUFRERE, SUTY, FAITOT, LORGET,
FOLLIGUET. Le dispositif est en place au petit
jour. Terre-plein face au canal après le passage à
niveau de PONT-DE-PANY, en allant sur la CUDE. La
mine est mise en place beaucoup trop près du
groupe. Un civil à bicyclette arrive, il est
arrêté, mis en garde et prié de s'éloigner. A ce
moment un bruit de moteur se fait entendre en
direction de DIJON. Le civil traverse vivement la
route et se jette dans le fossé. Une grosse
voiture de tourisme allemande arrive ; DORET, qui
est au fusil mitrailleur, ouvre le feu, le
pare-brise vole en éclats, en même temps l'avant
de la voiture est projeté à un mètre de hauteur
par l'éclatement de la mine ; la voiture retombe
sur ses roues et exécute une marche arrière à
toute vitesse. Ses occupants ouvrent un feu nourri
sur le groupe. DORET, qui a été commotionné par
l'explosion de la mine, essaie de reprendre son
tir. Son arme enrayée ne fonctionne plus. Un
camion allemand arrive en renfort, tous les hommes
décrochent en courant et se réfugient sous bois.
Par une chance extraordinaire pas un seul n'est
blessé. Les pertes ennemies ne sont pas
dénombrées. Ceci est l'exemple d'une embuscade mal
préparée et mal conduite. La mine aurait dû être
disposée au moins à 30 mètres du fusil mitrailleur
; DORET n'aurait pas été commotionné, et son arme,
très certainement, pas enrayée. Troisième mission.
- Vallée de l'OUCHE, FONT-AUX-BIQUES. SINGEY,
FICHOT et cinq hommes de leur groupe y prennent
part. Un convoi de trois camions se présente à 8
heures. Le premier passe, le deuxième saute, son
avant est détruit, il culbute dans le fossé ; le
troisième ne s'arrête pas, accélère, et, manquant
le virage à SAINTE-MARIE-SUR-OUCHE, il rentre et
percute dans un arbre. Le chauffeur du deuxième
camion est resté à son volant et est mort écrasé,
les trois survivants se rendent. Le corps du
chauffeur ne peut être dégagé. Les occupants du
camion accidenté se sauvent. Les blessés sont
recueillis à la cure. SEGUIN, de PRALON, et AMIOT,
de PONT-DE-PANY, venus en liaison au camp et
passant par SAINTE-MARIE, saisissent la
mitrailleuse allemande du camion accidenté et font
prisonniers les quelques blessés légers réfugiés à
la cure. Les blessés graves y sont laissés. Venant
à la rencontre de nos groupes, je prends contact
avec SEGUIN et AMIOT, qui me remettent la
mitrailleuse et les prisonniers. Le camion
allemand accidenté contient 64 caisses de
munitions. Je mets en place deux barrages pour
couvrir la corvée chargée de procéder à
l'enlèvement des munitions. L'opération est
rapidement menée par les hommes de la deuxième
mission ; les munitions sont stockées à AGEY, chez
Mr et Mme BESANÇON. La mitrailleuse allemande est
immédiatement remise en état par l'intermédiaire
d'un gefreiter allemand prisonnier, qui nous fait
l'instruction. Essayée immédiatement, elle donne
satisfaction. Craignant que des représailles
ennemies ne soient exercées, je décide d'avancer
mon dispositif en direction de SAINTE-MARIE et de
PONT-DE-PANY. Un P.C. opérations est installé à
AGEY même (poste de secours), un bouchon est
établi entre BEAUMOTTE et AGEY, un autre bouchon
avant REMILLY-EN-MONTAGNE. Je remonte au camp en
compagnie de LEVEQUE et NAGEL, afin de donner des
ordres de détail. Une demi-heure après nous sommes
alertés par MARANGE, qui tire plusieurs coups de
feu. Il demande du renfort et rend compte que
SEGUIN et AMIOT viennent de signaler un petit
convoi ennemi muni de deux canons de " 37 "
remorqués. Ce convoi stationne entre PONT-DE-PANY
et SAINTE-MARIE-SUR-OUCHE. Des renforts partent
immédiatement. Deux groupes prennent position dans
un bois qui occupe le centre du triangle
PONT-DE-PANY-la République-carrefour
AGEY-SAINTE-MARIE. Deux autres groupes prennent
position à l'abri de la murée bordant la route
SAINTE-MARIE-AGEY. Tout est prêt pour accueillir
l'ennemi. La nuit tombe, le convoi ennemi
décroche. Pour le lendemain, je décide de porter
tout mon effort sur la vallée de l'OUCHE et
d'interdire systématiquement son passage à tous
les groupes ou convois ennemis. Les barrages de
mines doivent être en place à 7 heures. Je
transmets à l'état-major mes comptes-rendus de la
journée. Une motocyclette allemande est récupérée
à SAINTE-MARIE- SUR-OUCHE par Emile SCHMITZ, elle
est conduite au camp. Quatrième mission. -
CHATELET et son groupe prennent position au
lieu-dit " BOIS DU FOULAY ", presque à l'endroit
occupé quelques heures avant par la deuxième
mission. Le dispositif n'est en place qu'à 10
heures seulement. Trois touristes allemandes
chargées d'officiers passent très vite sur les
mines, seule la dernière saute et est détruite.
Tir au fusil mitrailleur sur les occupants qui
cherchent à se dégager. Quatre officiers sont
tués. La mission rentre au complet à 14 heures.
Refélicitations-félicitations.
7 Septembre 1944
BESSE et JUSTICE partent le
matin à pied pour récupérer du fil téléphonique au
Puits XV, tous deux armés. A PRALON, un cheval et
une voiture leur sont fournis par le maire.
Arrivés au Puits XV, près de la maison où est
stocké le matériel téléphonique utilisé par les
Allemands, ils en reconnaissent les abords, puis
pénètrent dans la maison en passant par le toit.
Ils ouvrent la porte de l'intérieur, effectuent le
chargement, referment la porte et quittent la
maison en repassant par le toit. Ils sont de
retour dans l'après-midi et commencent d'installer
une ligne téléphonique joignant le camp au P.C.
situé à AGEY. Dans la soirée l'installation de la
ligne est suspendue en raison des circonstances.
Aucune nouvelle du parachutage. L'écoute de la
T.S.F. et des messages ne nous apporte pas la
bonne nouvelle, personne n'a entendu : " Le
MALGACHE est un bon type ". Ayant à ma disposition
LEVEQUE et NAGEL, je donne à LEVEQUE la direction
des opérations de la journée et le charge
d'utiliser NAGEL au mieux. Le camp est en état
d'alerte et, pour parer à toute panique, je
resterai au camp tant que ma présence ne sera pas
nécessaire sur le lieu même des opérations. J'ai
d'ailleurs une entière confiance en LEVEQUE et en
NAGEL ainsi qu'en mes chefs de groupe.
L'engagement proprement dit à SAINTE-MARIE
commence à 8 heures du matin ; SINGEY et les
hommes de son groupe, venus en reconnaissance dans
le village même, sont surpris par trois camions
allemands venant de PONT-DE-PANY et qui descendent
la côte moteur arrêté. Un homme est tué : BOUCHARD
; le feu est mis à une grange par des balles
incendiaires allemandes. TERROT, qui s'était
réfugié dans cette grange, réussit à s'échapper.
Et brusquement les Allemands décrochent. TARLET
contacte SINGEY et prend effectivement la
direction des opérations dans ce secteur. Il fait
placer tous ses hommes derrière une murée, chacun
se confectionnant un créneau. Il affecte à SINGEY
le secteur près du cimetière. TARLET aperçoit
alors un Allemand à 50 mètres, se dirige vers lui
pour le faire prisonnier ; un convoi allemand
débouche à ce moment. TARLET s'aplatit et les
balles allemandes l'entourent. Plusieurs des
hommes crient : - Le chef est tué, il faut partir
! Mais TARLET hurle : - Tirez donc, bande de cons
! Les hommes tirent. Le convoi passé, TARLET
s'avance en rampant, quelques coups de feu partent
encore de part et d'autre. Il se retourne alors et
aperçoit un groupe de Boches debout près de la
route. Il fait un magnifique carton et, par petits
bonds, rentre derrière le mur d'où tiraient ses
hommes. Ce deuxième convoi a été agressif. TARLET
a peur d'être tourné ; le groupe SINGEY est à sa
gauche, à droite il y a un trou et plus loin deux
autres groupes. Mais une accalmie se produit.
TARLET quitte à nouveau la position pour essayer
de dénombrer le nombre d'ennemis tués. Il fait un
prisonnier, et traversant la route, tombe dans un
groupe cycliste allemand ; il n'a que le temps de
se coucher derrière une meule de paille. Il est
dégagé par GODE et ses hommes, qui clouent
l'ennemi et lui causent de sérieuses pertes. Il
rejoint non sans difficultés la position.
Heureusement les Boches tirent mal. Les cyclistes
allemands qui se sont réfugiés à l'intérieur du
village se regroupent et partent en direction de
PONT-DE-PANY. Ils sont pris à partie après le
cimetière par le groupe SINGEY, laissent une
dizaine des leurs sur le terrain et se sauvent. La
majorité revient à SAINTE-MARIE, qui est abandonné
de ses habitants. Chaque fois qu'une tête ennemie
se montre sur la route ou au-dessus d'un mur, elle
est saluée par une rafale. Cependant une garce de
femme paraît plusieurs fois sur la route et porte
secours à des blessés allemands. Au cours de
l'accalmie, NAGEL avait envoyé FOLLIGUET
transmettre l'ordre de ne laisser qu'une
couverture et de se regrouper vers le château.
TARLET, qui a toujours peur d'être tourné, envoie
FOLLIGUET rendre compte que les éléments ennemis
sont agressifs et qu'en conséquence deux groupes
de renfort sont nécessaires. Il ne peut être
question de regroupement. FOLLIGUET part aussitôt,
traverse la zone dangereuse. Une balle ennemie
frappe le cadre de sa moto. Il trouve à AGEY deux
groupes qui étaient en réserve et, après accord
avec LEVEQUE, les groupes montent dans une
camionnette. FOLLIGUET prend le volant. La
camionnette tombe en panne à proximité du combat,
les hommes rejoignent à pied. LEVEQUE m'envoie un
compte-rendu me demandant du renfort et des
munitions. Dix minutes plus tard de nouveaux
groupes quittent le camp. L'un d'eux renforce le
bouchon et prend liaison avec les éléments du
PONT- AUX-BIQUES, les deux autres restent en
réserve. TARLET met en place les nouveaux arrivés
et se couvre solidement sur la droite. Le combat
s'est calmé, quelques coups de feu isolés claquent
encore de temps à autre. Il est presque 15 heures
quand, à la surprise générale, un tissu blanc
s'agite derrière un mur du village où une auto
vient d'entrer. Tous croient que les Boches
veulent se rendre. TARLET se lève et fait signe
d'avancer. Il aperçoit alors un civil, puis un
autre qui lève sa casquette. Ceux-ci courent et
crient : - Cachez-vous ! Les Allemands tirent à
nouveau. Les deux civils qui viennent d'échapper
se présentent : - Groupe de commandement venant de
SOUSSEY. Les Allemands nous envoient vers vous
pour vous dire de vous rendre, sans cela ils vont
fusiller nos camarades qui ont été faits
prisonniers avec la voiture de liaison de
l'état-major ! Lorsque TARLET m'a rendu compte, il
m'a dit : - Je ne sais si le chef était parmi les
deux, mais il aurait bien mérité d'être fusillé
pour traverser ainsi une zone de combat ! Mais
aussitôt il envoie l'ordre à SINGEY de contourner
le village et d'essayer de dégager les
prisonniers. Le groupe arrive trop tard, mais fait
un prisonnier qu'il ramène. La voiture arraisonnée
à SAINTE-MARIE par les Allemands furieux contenait
une mission commandée par le lieutenant DUPONT, de
l'état-major du commandant Guy ALLIZON. Cette
mission se rendait à DIJON pour assurer la liaison
et les renseignements et prévoir les possibilités
de l'attaque de la ville. Tous les membres avaient
des papiers en règle, mais des armes se trouvaient
dans le coffre. Dès qu'elles ont été découvertes
(à peine quelques minutes après l'envoi des deux
hommes), les Allemands fusillèrent ceux qui
restaient entre leurs mains. Je dois rappeler
qu'au cours d'une liaison récente à l'état-major
de SOUSSEY j'avais fait connaître qu'ayant
l'intention d'intensifier mon action, aucun
véhicule ne devait circuler dans ma zone sans
m'avertir. La voiture de l'état-major aurait aussi
bien pu sauter sur une de nos mines. TARLET répond
aux deux hommes : - Nous nous ferions plutôt tous
tuer que de nous rendre ! Et, comme plusieurs
Boches ramassaient des armes sur la route, il cria
: - Feu ! Il fit ensuite diriger les rescapés sur
AGEY, de là ils furent montés au camp et passèrent
la nuit sous ma tente. Ils repartirent le
lendemain matin pour accomplir leur mission. Après
cette alerte, TARLET envoie GODE avec cinq hommes
et un F.M. occuper une légère dénivelée un peu en
avant et à droite de son dispositif. Tous les
hommes se couchent pour échapper aux vues. Une
quinzaine d'Allemands, marchant à découvert,
s'approchent. A 4O mètres environ, GODE et ses
hommes ouvrent le feu ; quelques rescapés se
sauvent en hurlant. La ligne principale d'arrêt
matérialisée par l'axe de la route
AGEY-PONT-DE-PANY est maintenant solidement tenue.
L'effectif ayant quitté le camp approche de la
centaine, 76 hommes sont engagés. De nouveaux
convois sont copieusement arrosés ; les Allemands
traversent l'OUCHE et le canal et se sauvent dans
le bois. D'autres légers engagements s'étaient
produits à proximité du PONT-AUX-BIQUES, une
infiltration ennemie en direction du château
d'AGEY avait été stoppée. LEVEQUE avait paré à
toutes surprises en maintenant un contact étroit
avec tous les postes, et avait assuré
l'acheminement rapide des renforts et des
munitions. En fin de journée, il m'était rendu
compte que les munitions pour fusils mitrailleurs
français étaient épuisées. Je ne disposais plus
que de deux fusils mitrailleurs anglais et de la
mitrailleuse légère allemande. En conséquence, une
fois la nuit tombée, je donne l'ordre de
décrocher. TARLET ramène un prisonnier, SINGEY
également, un autre avait été conduit au P.C.
Ajoutés aux trois prisonniers de SEGUIN et AMIOT,
cela fait six. Le nombre des tués ennemis est
élevé : 80 disent les uns, 60 disent les autres ;
nous en compterons 30 pour plus de sûreté et
rendrons compte à l'état-major. J'appelle LEVEQUE
et NAGEL, je les mets au courant de l'état de nos
munitions et, après avoir pris leur avis, je
décide de replier tout le dispositif sur le camp.
J'envoie un S.O.S. à SOUSSEY et fais connaître que
le manque de munitions m'oblige à restreindre mon
action. Il m'est impossible d'engager mes hommes
dans de pareilles conditions. A 23 heures tous les
groupes ont réintégré leurs emplacements au camp.
Une garde d'honneur veille BOUCHARD. Demain aura
lieu à REMILLY la cérémonie funèbre. Pendant cette
journée une mission composée de mon frère et de
BOBEY, et utilisant la " SIMCA 8 ", est partie de
bonne heure pour PERRIGNY, avec ordre de récupérer
dans les wagons allemands des effets et des
chaussures. Ce jour-là opéraient à PERRIGNY
plusieurs groupes de Résistance et les soldats
allemands de garde regardaient avec flegme, sans
intervenir. Au retour la voiture est arrêtée à
PONT-DE-PANY. Les Allemands lui font faire
demi-tour et la conduisent au château de
BRETONNIERES. Mes deux hommes sont enfermés dans
le bâtiment au premier étage. Les troupes qui ont
procédé à l'arrestation partent, et ils restent à
la garde des sédentaires. La nuit se passe. Le
lendemain matin, en regardant par la fenêtre, les
prisonniers voient plusieurs soldats allemands qui
creusent des trous. BOBEY interroge. Mon frère lui
répond : - Ne t'en fais pas, mon vieux, nous
allons être fusillés ; si tu es chrétien, fais ta
prière ! BOBEY riposte : - Moi, je suis jeune, je
ne voudrais pas mourir ! A la fin de la journée
ils sont conduits à la Feldgendarmerie, rue
Berbisey. Là, ils sont interrogés par l'interprète
: - Vous faites partie de la Résistance ? - Non,
nous avons été forcés de conduire la voiture et
d'exécuter la mission sous menace de mort !
L'interprète, montrant alors la chemise que
portait mon frère et qui provenait du lot enlevé à
la milice, lui dit : - Et cette chemise, d'où
vient-elle ? Mon frère, qui n'est pas patient et
qui avait déjà été enfermé par les Allemands, lui
répond : - Et merde, je suis Français ! - Bon,
monsieur, vous êtes Français, moi je suis
Allemand. Nous faisons la guerre, partez, vous
êtes libres ! BOBEY remercie, mais mon frère le
pousse et lui dit : - Tu n'as rien à dire, viens !
Ils regagneront le camp à pied et y arriveront le
9 au matin. Au cours de la journée du 7 Septembre,
une mission a eu lieu à PLOMBIERES : exécution du
traître BRUGIERES par GEORGES et BURGUET. Au
retour, qui s'effectue à bicyclette, GEORGES,
arrêté par deux soldats allemands, tire sur eux :
ils se sauvent. A SAINTE-MARIE-SUR-OUCHE GEORGES
et BURGUET se joignent aux combattants.
8 Septembre 1944
Personne ne se doute encore
que la Libération est si proche. Je désigne
plusieurs groupes et les charge de patrouiller
dans les environs. Défense absolue d'engager le
combat avec des groupes ennemis constitués.
Mission : ramasser les isolés allemands et les
faire prisonniers. Je fais avertir les maires
environnants que j'ai dix prisonniers allemands et
que, si une troupe allemande veut prendre des
otages, les prisonniers seront fusillés. Mon
intention est d'ailleurs de faire le maximum de
prisonniers allemands, afin de pouvoir au besoin
les échanger contre les miens éventuels. Le groupe
de TARLET, en patrouillant dans la région de
GISSEY, aperçoit un convoi allemand et, sans tenir
compte de mes ordres, fait sauter les premières
voitures. DIDIER Paul, dit STANISLAS, attaque de
son côté un convoi hippomobile allemand au fusil
mitrailleur. L'ennemi, qui a au moins une dizaine
de tués, réagit vigoureusement. Mes hommes sont
poursuivis dans les bois et entourés. La fusillade
fait rage et ils ne doivent leur salut qu'à leur
parfaite connaissance du terrain. A leur retour au
camp ils ne sont pas félicités et reçoivent
l'ordre formel de ne plus quitter le camp. J'ai
assisté au service funèbre de BOUCHARD avec une
forte délégation de l'Unité. Je reçois dans le
courant de l'après-midi : A) En provenance de
l'état-major F.F.I., l'ordre de préparer mon Unité
à faire mouvement sur DIJON. B) De l'état-major
F.T.P.F. l'ordre de faire descendre les
Compagnies, Détachements et Groupes en direction
de DIJON, à 5 km environ ; rester en outre en
liaison constante avec l'Etat-Major militaire
régional. Le premier ordre est signé par le
commandant Guy ALLIZON. Le deuxième par le colonel
SEGUIN. Je me demande un instant si c'est moi qui
suis fou ou le commandement. Je ne dispose que
d'un approvisionnement en munitions ridicule. Les
routes sont encombrées par de très forts convois
allemands. D'après des renseignements venant de
m'être transmis de DIJON, de nombreux chars et de
l'artillerie sont stationnés soit à DIJON, soit
dans les environs immédiats. J'envoie un
compte-rendu au P.C. à SOUSSEY, en rappelant
l'état de mes munitions et que, dans de telles
conditions, je refuse d'envoyer mes hommes à la
mort. Dès mon ravitaillement complété je serai
prêt à exécuter des ordres précis.
9 Septembre 1944
Dans la matinée, cinq
prisonniers allemands sont capturés à proximité de
la ferme du TREMBLOY par FOLLIGUET, retour de
mission. Hébert, de SOLES, me signale la présence
de dix chars " TIGRE " à POUILLY. De nombreuses
patrouilles battent tous les bois avoisinants.
Dans l'après-midi on entend une très forte
canonnade qui se poursuivra une partie de la nuit.
Quatre déserteurs de l'armée allemande,
Alsaciens-Lorrains connus de TISLER, sont
recueillis. Dans la journée, de très forts convois
ennemis sont passés sur la Route Nationale.
J'enrage d'être obligé de limiter mon action. La
nuit se passe en état d'alerte. Et le matin, une
liaison annonce l'arrivée des troupes françaises à
PONT-DE-PANY. J'établis sur-le-champ une liaison
et communique au premier officier que je rencontre
tous les renseignements que je possède. Je
perçois, grâce à l'obligeance de l'un d'eux, 2 000
cartouches françaises pour le service de mes F.M.
et, en contrepartie, je lui fais trouver de
l'essence à PLOMBIERES. Les troupes françaises
établissent un bouchon à PONT-DE-PANY. Dans la
soirée, le P.C. du commandant Guy ALLIZON
s'établit à la mairie d'AGEY.
10 Septembre 1944
Je livre mes prisonniers à
l'état-major F.F.I. à PONT-DE-PANY. J'apprends
quelques minutes plus tard que tous doivent être
fusillés en représailles. J'interviens
personnellement pour empêcher l'exécution du
gefreiter allemand qui a été notre instructeur
lors de la prise d'une mitrailleuse ennemie à
SAINTE-MARIE. Ce sera le seul survivant.
11 Septembre 1944
Ordre est donné de préparer
le mouvement sur DIJON. Le poste de parachutage
est rappelé. Je fixe les détails ayant trait à la
marche sur DIJON en compagnie des chefs de
section. La colonne de véhicules se forme à AGEY
et rejoint à PONT-DE-PANY le point de
rassemblement fixé par l'Etat-Major. De
PONT-DE-PANY à DIJON, défilé triomphal et sans
histoire. Entrée à DIJON à midi. A 15 heures, la
colonne stationne encore boulevard Carnot. L'unité
prend part à une action contre quelques isolés et
Allemands boulevard Voltaire. Je reconnais les
divers cantonnements qui me sont proposés. Aucun
n'est possible. En conséquence, je dirige ma
colonne au domicile de ma mère. Je trouve des
logements chez l'habitant pour tous ceux qui ne
sont pas de DIJON et j'installe la popote chez
moi. Tous ceux qui ne savent pas où manger seront
servis, des tables sont dressées sous la véranda,
dans la salle à manger, dans la cuisine.
Rassemblement général pour le lendemain à 8
heures.
12 Septembre 1944
L'Etat-Major départemental
m'informe que les Unités F.F.I. vont être
transformées en Unités régulières. Le commandant
Guy me dit : - Je compte sur vous ! Je réserve ma
réponse. Au rassemblement, de nombreux membres de
l'Unité employés à la S.N.C.F., dans une
administration, ou faisant partie de forces de
police, me demandent l'autorisation de reprendre
leur place ; quelques paysans, soutiens de famille
déjà âgés, me font la même demande. Je ne puis
refuser d'accueillir ces désirs, d'autant plus que
pour certains d'entre eux l'ordre est déjà parvenu
de les rendre à la vie civile. De ce fait la
moitié de mes cadres disparaît et mon Unité perd
son allure. Je rends compte à l'état-major : j'ai
assuré dans des conditions difficiles la mise sur
pied d'une Unité pour une action de guérilla. Je
me trouve maintenant dans l'impossibilité
matérielle de procéder à l'instruction et à la
préparation aux combats modernes des éléments qui
me restent. Les engager dans ces conditions
équivaudrait à un suicide collectif. En
conséquence, je refuse le commandement qui m'est
offert.
13 Septembre 1944
Revue par le général DE
LATTRE DE TASSIGNY, qui décore trois hommes de
l'Unité.
14 Septembre 1944
Prise de contact avec
l'aspirant PADOVANI, de la 1ère D.F.L., qui
s'offre de rengager immédiatement et en bloc tous
mes éléments dynamiques qui resteront groupés avec
leurs cadres et seront équipés et fondus dans le
B.M. 5. Les hommes seront munis de toutes les
couvertures disponibles. Voici les noms des
engagés : FAIVRE René, FORT Albert, LEVEQUE Jean,
SCHWINTE Victor, MAILLY Victor, LELIEVRE Charles,
BEULET Charles, TARLET Victor, FLORENTIN Robert,
SAIGNOUX Gilbert, DORET René, GEORGES Michel,
COURAGEOT Henri, BESSE Raymond, KNECHT Marcel,
PERREAU Bernard, DUPLUS Robert, ALADENISE Bernard,
BURGUET Yvon, TERRET Noël, LENTZEN Pierre, LEFORT
Serge, SANVOISIN Robert, GAUTHIER Marcel, PRAUDEL
Jacques, SAGLIER Michel, MICHEA Maurice, INNOCENT
Guy, BESSE Jean, CORNIAUD Jean, FERRERE Jacques.
Parmi tous ces braves qui ont combattu jusqu'à la
victoire finale, SEIGNOUX a trouvé une mort
glorieuse et FORT Albert est très grièvement
blessé. Les autres sont revenus sains et saufs.
15 Septembre 1944
Le licenciement de la
Compagnie commence, il se poursuivra dans les
jours qui suivent. Mes Russes seront affectés au
maquis, les Polonais recevront une affectation.
Quelques éléments rejoindront le régiment de
BOURGOGNE : MARANGE Emile, MORELOT Jean, DIDIER
Paul. Chaque membre perçoit lors du licenciement
une somme de 500 francs, la caisse de l'Unité est
ainsi liquidée. Vieux soldat de l'artillerie
coloniale, j'accepterai jusqu'au 31 Octobre
d'assurer un service de sécurité F.F.I. ayant son
siège 17 bis, rue Bordet, à DIJON, et je
demanderai à reprendre ma place comme volontaire
au Corps Expéditionnaire d'EXTREME-ORIENT. La
décision ministérielle sanctionnant cette demande
fut la suivante : " Demande non accueillie,
l'intéressé étant atteint par la limite d'âge.
Référence X… Notification N 879/1 de Mr le général
commandant la 8ème Région militaire, état-major,
1er bureau, en date du 22 Décembre 1944 ". Cette
décision se passe de commentaires.
RESULTATS DES ACTIONS
CONTRE
L'ARMEE ALLEMANDE
*
**
Le 10 Juillet 1944, à
ANCEY : 2 sous-officiers allemands tués, 2 soldats
tués, plusieurs blessés. Le 28 Juillet, à LA
REPUBLIQUE : 3 soldats allemands tués, plusieurs
blessés. Le 15 Août, à BLAISY-BAS : 1 officier et
1 soldats russes exécutés. Le 16 Août, à SOMBERNON
: 3 soldats tués, plusieurs blessés. Le 26 Août, à
l'Intendance de police de DIJON : 1 sous-officier
allemand tué. Le 27 Août, route d'accès de
SAINT-JEAN-DE-BOEUF : 1 camion et 1 remorque
détruits, 4 soldats allemands tués, 3 morts des
suites de leurs blessures, plusieurs blessés. Le 2
Septembre, Route Nationale n° 5, hauteur de
FLEUREY : 5 tués, plusieurs blessés. Le 5
Septembre, Route Nationale n° 5, entre SOMBERNON
et LA REPUBLIQUE : 1 tué, 1 motocyclette prise, 1
blessé. Le 6 Septembre, entre PONT-DE-PANY et
FLEUREY, au lieu-dit " BOIS DE FOULAY " : 4
officiers tués, plusieurs blessés. Entre
SAINTE-MARIE-SUR-OUCHE et GISSEY : 2 camions
détruits, 3 prisonniers, 1 tué. Entre LA
BELLE-IDEE et LA REPUBLIQUE, attaque à la grenade
et au fusil mitrailleur d'un camion rempli
d'Allemands : 10 tués, de nombreux blessés. Le 7
Septembre, combat de harcèlement aux environs de
SAINTE-MARIE-SUR-OUCHE et à SAINTE-MARIE même :
les combats, commencés à 8 heures, se sont
terminés à 20 heures, avec trêves passagères. En
fin de journée, 7 groupes étaient engagés. Deux
camions ont été mis hors d'usage, 64 caisses de
cartouches, 1 mitrailleuse allemande ont été
saisies ; 30 Allemands tués, nombreux blessés, 6
prisonniers. Le 8 Septembre, attaque d'un convoi
hippomobile et automobile, entre
SAINTE-MARIE-SUR-OUCHE et GISSEY : 1 camion
détruit, 6 chevaux tués, 10 Allemands tués,
plusieurs blessés. Le 9 Septembre, ferme du
TREMBLOY : 5 prisonniers. Total des pertes
ennemies : 81 Allemands tués ; 15 Allemands
prisonniers.
COMPAGNIE MADAGASCAR
Services
Annexes ayant dépendu de l'Unité
RENSEIGNEMENTS
- LIAISONS - REQUISITIONS
MISSIONS
DIVERSES
A. - DIJON
1) Eléments constitutifs
à mon arrivée à DIJON, le 25 Mai 1944. Rentrant d'ALLEMAGNE, après évasion, j'ai
eu immédiatement contact avec des éléments de
Résistance par l'intermédiaire de mon beau-frère,
Roger NAGEL, entrepreneur de transports, Rue
Jehan-de-Marville, à DIJON. Ce dernier,
sous-lieutenant de réserve d'aviation, fut blessé
par balle à la jambe droite en combat aérien, le 6
Septembre 1939, puis commotionné le 22 Juin 194O
(abattu en mission de protection au Nord de RIOM).
Après sa démobilisation, il a abandonné son
domicile à FAULQUEMONT (MOSELLE) pour rester
Français ; de souche Lorraine, il s'est ainsi
soustrait au recensement allemand. A DIJON,
pendant les années d'Occupation, il a lutté contre
l'ennemi, d'abord en liaison avec tous les
Lorrains réfugiés dans la région, puis ensuite en
liaison étroite avec un groupe de patriotes. Il a
été pour moi un auxiliaire particulièrement
précieux, me fournissant argent, vivres,
renseignements, utilisant le chauffeur Jean BOEUF
en liaison journalière DIJON-LA REPUBLIQUE.
Celui-ci, employé à la Laiterie de BOURGOGNE,
transportait les colis et les déposait chez VALTI,
à LA REPUBLIQUE. D'autre part, le domicile de
NAGEL était le point d'attache de toutes mes
missions à DIJON, avant que je ne lui donne
l'ordre de rejoindre l'Unité. 2) Action
générale du service fonctionnant à DIJON. - Renseignements indispensables à la
bonne exécution des missions à DIJON. -
Etablissement et envoi à l'Unité d'un petit stock
de vivres, en attendant que fonctionne normalement
la réquisition, dans la région où opérait l'Unité.
- Recrutement de membres particulièrement
dynamiques. - Réquisition sur DIJON des véhicules
nécessaires à la formation de la section de
transport. - Constitution d'un léger stock de
pansements et matériel de première urgence, par
achats dans le commerce. - Réquisition de vivres
et de matériel au bénéfice des Compagnies de
Maquis " LIBERTE ", " MADAGASCAR ", " PERDRIX " et
" MORANE ". 3) Liste
des membres ayant collaboré avec le lieutenant
NAGEL JACQUERON (André), n° mle 8552, né le 8
Mai 1912, à DIJON (COTE-D'OR). (JACQUERON avait
déjà de l'action dans la Résistance de l'YONNE, en
1943. Il a pris la direction à DIJON, après que
NAGEL eut rejoint la Compagnie). CONDEMINE
(André), n° mle 15534, né le 15 Mars 1914, à
MARYERIE-HAUCOURT (MARNE). PARMENTIER (Gaston), n°
mle 2O511O, né le 2O Novembre 191O, à BARY (OISE).
SCHMITZ (Emile), sous-officier allemand anti-nazi.
- Actuellement sous-officier à la Légion Etrangère
en EXTREME-ORIENT. Incorporé à l'Unité fin Août
1944. FOLIGUET (Michel), né le 21 Novembre 1913. -
Incorporé à l'Unité le 23 Août 1944. THEURET
(Paul), né le 4 Décembre 1911, à BAULME-LA-ROCHE
(COTE-D'OR). - Dit " Sergent Albert ", du groupe
de MOSELLE. (Capitaine AUBRY).
B. - POSTES DE RENSEIGNEMENTS
FONCTIONNANT
HORS DIJON
LA CUDE. - Mr et Mme
POUFFIER, " AUBERGE DU RELAI ".
VELARS-SUR-OUCHE.
- Mlle JACQUET, mariée au déserteur alsacien de
l'armée allemande, JOST. M. PAQUETTE.
LA REPUBLIQUE. -
M. VALTI.
AGEY. - M. le
Curé d'AGEY ; M. et Mme DENUIT ; M. et Mme
BESANÇON.
GRENANT. - M.
Maxime MERCUSOT et sa famille.
VALLEE-DE-L'OUCHE.
- Famille BOURDILLAT, Ecluses 34 et 37.
LA BUSSIERE. -
Comte et Comtesse de MONTALEMBERG. (En outre,
poste de secours pour nos blessés). - Famille
PARISOT.
FERME DE LA
FORET. - Famille BARBE.
SOLES. - M.
HEBERSCHPECHER, cafetier.
CAMMARIN. -
Docteur SAULGEOT.
FERME DE LA
RENTE-NEUVE. - M. LAURENT.
ESBORDES-LES-VANDENESSE.
M. TAINTURIER. (En outre, poste de secours pour
les blessés).
REMILLY-EN-MONTAGNE.
- Mme et Mlles MAILLY. Mme Lucie JACSON, veuve
CADAUT.
PLOMBIERES-LES-DIJON.
- Mme MORELOT (Andrée).
PRALON. - M.
SEGUIN.
SAINT-VICTOR-SUR-OUCHE.
- HOLLNER, Yves (jusqu'au 31 Août 1944).
LIAISONS. - Mme
MORELOT (Andrée) ; Mme NAGEL (Suzanne) ; Mlle
HEBERTSPECHER ; M. HEBERTSPECHER ; M. Jean BOEUF,
chauffeur à la Laiterie de BOURGOGNE.
DECORATIONS OBTENUES
par
les membres de l'Unité,
pendant
la durée
des
combats, de 1939 à 1945.
*
**
BERTRAND (Léon), pseudonyme
" LE MALGACHE ", n° mle 228 - 135O. Citation à
l'Ordre du Régiment. - Ordre n° 1O55 du 2O Juin
1942 : " Très dévoué, a refusé de suivre ses
camarades dans la retraite forcée que les blindés
ennemis ont imposée à nos Unités, préférant la
mort face à l'ennemi que de se replier ". Médaille
Militaire. (Arrêté Ministériel du 21 Fév. 1944).
Médaille de la Résistance. (Décret du 24 Avril
1946, Art. 38). Croix de Chevalier de la Légion
d'Honneur et Croix de Guerre avec palme. (Décret
du 5 Août 1946. J.O. du 3 Septembre 1946, p.
1523). Sont promus ou nommés dans l'Ordre National
de la Légion d'Honneur, pour services
exceptionnels de guerre, au grade de Chevalier. "
Fait prisonnier durant la campagne de FRANCE, en
194O, réussit une audacieuse évasion après
plusieurs tentatives infructueuses. Dès son retour
en FRANCE, s'est mis au service de la Résistance.
Animé des plus belles qualités de chef, a
constitué de sa propre initiative la Compagnie
MADAGASCAR. Ayant établi dans la région de DIJON
sa zone d'activité, parvient à capturer de grandes
quantités de matériel à l'ennemi, à lui infliger
des pertes sévères au cours d'embuscades
soigneusement préparées. A réussi, par
d'intelligentes manoeuvres, à disperser
d'importantes formations ennemies, faisant quinze
prisonniers et tuant quatre-vingt-un soldats et
officiers allemands. Admirable entraîneur
d'hommes, toujours volontaire pour les missions
dangereuses, en toutes circonstances sut faire
montre des plus belles qualités militaires et du
plus parfait esprit de sacrifice ". LEVEQUE
(Jean),pseudonyme
" LEVASSEUR ", n° mle 228 - 136O. Citation à
l'Ordre du Corps d'Armée : " Officier de maquis
calme, courageux, volontaire, énergique, déjà
cité, deux fois blessé, a rejoint l'Unité à peine
guéri, le 5 Septembre 1944. " Commande, le 7
Septembre 1944, le dispositif avancé. Met en place
les différents groupes chargés d'interdire la
Vallée-de-l'Ouche aux troupes allemandes. Fait
placer deux verrous, neutralisant les
infiltrations allemandes en direction d'AGEY. " En
cette journée, fait montre de très brillantes
qualités militaires, provoquant l'envoi de
renforts sur les points sensibles, assurant la
liaison et le ravitaillement en munitions. Impose
son dynamisme à tous. En fin de journée, 76 hommes
sont engagés. Les éléments ennemis en désordre
sont refoulés de l'autre côté de la
Vallée-de-l'Ouche et se réfugient dans les bois.
Plus de 3O Allemands sont tués. L'Unité n'a qu'un
des siens tués à l'ennemi. Citation à l'Ordre de
la Division. - Gouvernement Militaire de LYON. -
Etat-major n° 137 du 28 Juillet 1945. " Jeune
officier de valeur et d'une grande bravoure,
Résistant de la première heure. " Lors de
l'attaque du camp d'ATTIGNAT-ONCIN, le 19 Mai
1944, s'est dévoué pour permettre le repli de ses
hommes, causant de lourdes pertes aux Allemands ".
Citation à l'Ordre du Régiment. - Ordre général n°
3 du Général KOENIG, ex-commandant F.F.I., en date
du 18 Septembre 1945. " Arrivé à l'Unité en
Juillet 1944, après avoir servi pendant deux ans
et demi dans la Résistance en SAVOIE et
HAUTE-SAVOIE, s'est révélé un chef de détachement
parfait. " Au cours d'un engagement avec l'ennemi,
a été un modèle de bravoure pour ses hommes. A été
grièvement blessé à SOMBERNON (COTE-D'OR), le 16
Août 1944 ". Citation à l'Ordre de la Brigade. -
Ordre général n° 1O2 du 11 Décembre 1944. - 1ère
D.M.I. " Sous-officier qui a fait preuve, au cours
de l'avance particulièrement pénible du 2O au 26
Novembre 1944, des plus belles qualités de
commandement et de courage, obtenant un excellent
rendement de sa section, composée de soldats
jeunes et mal entraînés. S'était déjà distingué
dans le maquis au cours d'opérations en
HAUTE-SAVOIE ". Citation à l'Ordre du Corps
d'Armée. - Ordre général n° 212 du 4 Juin 1945. -
1ère D.M.I. " A rempli les fonctions de chef de
section durant toute la bataille d'ALSACE. Malgré
de violents bombardements et la fatigue générale
de ses hommes, les a menés jusqu'à leur objectif
qu'ils ont conservé durant trois jours dans des
conditions physiques très dures et malgré des
pertes sévères ". Médaille de la Résistance.
(Décret du 24 Avril 1946). ROYER
(Paul), pseudonyme " KAUFMANN ou POLY ", n° mle
228 - 1359. Mort au Champ d'Honneur le 2 Septembre
1944. Citation à l'Ordre du Régiment. - Ordre
général n° 3 du Général KOENIG, ex-commandant
F.F.I., en date du 18 Septembre 1945. " Au cours
d'une agression allemande à SOMBERNON, a poursuivi
l'ennemi, l'a chassé, a été légèrement blessé au
front par éclat de balle explosive ". Citation à
l'Ordre de la Brigade. - Ordre général n° 2O de la
8ème Région Militaire, en date du 15 Août 1945. "
Le 28 Juillet 1944, au cours d'une agression
allemande, a tenu seul pendant vingt minutes
contre un fusil-mitrailleur allemand, a tué
plusieurs ennemis et a fait fuir les autres, alors
que le groupe voisin, situé à sa droite et
commandé par BAYARD venait de décrocher par une
fausse manoeuvre ". (Décret du 29 Novembre 1945).
La Médaille Militaire est conférée à titre
posthume, avec Citation comportant l'attribution
de la Croix de Guerre avec palme. " Le 2 Septembre
1944, au cours d'une mission, a participé à
l'attaque de trois camions allemands stationnés
sur la Route Nationale n° 5, entre PONT-DE-PANY et
la CUDE, ouvrant le feu à trente mètres du premier
véhicule allemand, a tué plusieurs de ses
occupants et a permis la mise en oeuvre de deux
armes automatiques. Un fusil-mitrailleur cessant
le feu à la suite d'un incident de tir et devant
la menace d'encerclement, a continué à combattre,
tenant en respect l'ennemi et permettant à son
chef d'enlever la voiture de liaison sous le feu.
A été tué à son poste, sauvant par son magnifique
courage et son esprit d'abnégation son chef et un
de ses camarades ". FORT
(Albert), pseudonyme " FAVRE ", n° mle 228 - 1358.
Citation à l'Ordre de la 1ère Armée Française. -
Notification n° 1345 E.M.1. du 17 Janvier 1945. "
Vient des maquis de HAUTE-SAVOIE. Volontaire pour
toutes les missions dangereuses, a échappé à
plusieurs reprises miraculeusement à la mort, n'a
jamais faibli, continue à combattre dans les rangs
de l'Armée DE LATTRE DE TASSIGNY ". Ordre du
Régiment n° 72. Le lieutenant-colonel de METZ,
commandant le 2ème R.I.C., Vu l'Article…, etc,
porte à la connaissance du Régiment les extraits
du JOURNAL OFFICIEL des 1O et 21 Mai 1946. Par
Décret en date du 14 Mars 1946, est décoré de la
Médaille Militaire, le militaire dont le nom suit
: FORT (Albert, Jean), caporal au B.M.5. " Gradé
d'un courage exemplaire, volontaire pour toutes
les missions dangereuses. Le 17 Avril 1945, a été
grièvement blessé par éclats de mines alors qu'il
se portait spontanément au secours d'un camarade
blessé près de PORT-SAINT-LOUIS, entre MENTON et
VINTIMILLE. " Paralysie totale des membres
inférieurs ". Cette Citation comporte, en outre,
l'attribution de la Croix de Guerre avec palme. TARLET
(Victor), pseudonyme " BALIVEAU ", n° mle 228.1386.
Citation à l'Ordre de la Brigade. - Ordre général
n° 16 de la 8ème Région Militaire. " A attaqué à
la grenade un camion chargé d'Allemands. Le
lendemain, a participé avec sa section aux combats
de harcèlement de SAINTE-MARIE-SUR-OUCHE ; le jour
suivant, au cours d'une patrouille, s'est heurté à
un fort convoi allemand, a causé de lourdes pertes
à l'ennemi et a réussi à décrocher sans perte.
Continue à combattre dans les rangs de la 1ère
Armée ". Citation à l'Ordre du Corps d'Armée. -
Ordre général n° 152 du 22 Février 1945. " Venu
des F.F.I. où il s'était déjà distingué, s'est
fait remarquer dès son arrivée par son courage
réfléchi et ses qualités militaires. Pris à partie
par de fortes patrouilles allemandes les 29 et 3O
Septembre 1944, dans le bois de SAINT-GEORGES,
s'est immédiatement imposé par son sang-froid et
son initiative, réussissant à arrêter l'ennemi.
S'est à nouveau distingué le 22 Novembre 1944,
procédant de nuit, à la tête de son groupe, à la
reconnaissance de maisons de GIROMAGNY, à travers
les défenses accessoires accumulées par l'ennemi.
" Le 23 Novembre 1944 fait, avec son groupe, une
quarantaine de prisonniers dans le bois aux
environs de LEPUIX-GY ". Citation à l'Ordre de la
Division. - Ordre général n° 373 du 9 Mai 1945. "
Sous-officier d'élite, d'un calme et d'un courage
remarquable, plusieurs fois cité. A été grièvement
blessé le 23 Mars 1945 au cours d'une patrouille,
se créant un passage à travers un champ de mines
". MARTIN
(Roger), pseudonyme " MANU ", n° mle 228 - 1355.
Citation à l'Ordre de la 1ère Armée Française. -
Notification n° 1346 E.M.1. " Alsacien-Lorrain
ayant refusé d'abdiquer, a participé à de
multiples actions contre l'ennemi. Brave jusqu'à
la témérité, a tenu tête notamment au combat de LA
REPUBLIQUE, à un fusil-mitrailleur allemand sans
reculer de dix centimètres. Venait des maquis de
SAVOIE où il avait deux ans d'action ". Citation à
l'Ordre de la Brigade. - Approbation n° 1983 CH en
date du 21 Avril 1945, du Général commandant la
1ère Armée. " Excellent pilote de storm-boat, a
manifesté les plus belles qualités de sang-froid
en assurant, de nuit et sous le feu de l'ennemi,
le passage d'un commando lors d'un coup de main
effectué sur la rive allemande du RHIN le 17 Mars
1945, dans la région de KEMS. Le 31 Mars 1945, a
de nouveau pris part aux opérations de passage du
RHIN par l'infanterie d'assaut dans la région de
LINGENFELD, malgré les réactions de l'artillerie
et des casemates ennemies ". LIOUTIKOFF
(Alexandre), pseudonymes " ALEXANDRE " ou " SACHA ".
Citation à l'Ordre du Régiment. - Ordre général n°
3 du Général KOENIG, en date du 18 Septembre 1945.
" Tireur d'élite au fusil-mitrailleur, toujours
volontaire pour les missions dangereuses. Le 16
Août 1944, lors d'une agression allemande à
SOMBERNON, a été grièvement blessé faisant face à
l'ennemi et continuant à combattre à coups de
poing, après avoir eu son fusil-mitrailleur enrayé
". TAILLEFER
(Robert), pseudonyme " EDY ", n° mle 228 - 1458.
Citation à l'Ordre du Régiment. - Ordre général n°
19 de la 8ème Région. " Au cours des deux premiers
engagements auxquels il participait, exposé aux
rafales ennemies sur le bord de la route, n'a pas
cessé de tirer, a tué et blessé plusieurs ennemis.
A effectué ensuite des reconnaissances dangereuses
et a rendu un compte exact de ses missions, le 22
Août 1944, et à SAINTE-MARIE le 7 Septembre 1944
". FLORENTIN
(Robert), pseudonyme " NICHON ", n° mle 228 - 139O.
Citation à l'Ordre du Régiment. - Ordre général n°
14 de la 8ème Région Militaire. " Jeune maquisard,
s'est révélé au feu. A fait preuve d'un grand
courage et du plus parfait mépris du danger.
Encerclé, le 7 Septembre, à
SAINTE-MARIE-SUR-OUCHE, a fait face et a permis le
décrochage ".MELINAND
(Charles), pseudonyme " CHARLOT ", n° mle 228 -
14O6. Citation à l'Ordre du Régiment. - Ordre
général n° 14 de la 8ème Région Militaire. " Au
premier engagement auquel il participait, malgré
son jeune âge et quoique attaqué par une quinzaine
d'Allemands, alors que le fusil-mitrailleur qu'il
servait était enrayé, a fait preuve d'un grand
courage au cours du repli à découvert. A repris
peu après le combat et s'est vaillamment comporté
". FICHOT
(Julien), pseudonyme " BAYARD ", n° mle 228 - 1354.
Citation à l'Ordre du Régiment. - Ordre général n°
27 de la 8ème Région Militaire. " Le 28 Août 1944,
a pris part à l'attaque d'un convoi allemand près
de SAINT-JEAN-DE-BOEUF, faisant preuve d'un
profond mépris de la mort, a causé des pertes
sévères à l'ennemi et détruit un camion ". BOURDILLAT
(Roger), agent de liaison n° mle 228 - 1487.
Citation à l'Ordre du Régiment. - Ordre général n°
17 de la 8ème Région Militaire. " Membre de la
Résistance depuis Mai 1942, agent du groupe local
de LANTENAY en 1943. " Avec un sang-froid à toute
épreuve, a assuré le transport d'armes et de
munitions, hébergé et ravitaillé de nombreux
patriotes, dans le plus complet désintéressement,
assuré le rassemblement d'un nombre important de
maquisards des groupes MADAGASCAR et LIBERTE. "
S'est comporté d'une façon remarquable le 18
Juillet 1944 en sauvant un agent de liaison blessé
à l'attaque d'ARCEY (COTE-D'OR) et l'a soustrait
aux recherches ennemies après vingt-quatre heures
d'efforts. " S'est distingué lors de la Libération
de SAINTE-MARIE au côté des hommes de la Compagnie
MADAGASCAR. " Patriote ardent, au dévouement
absolu et digne des plus vifs éloges ". Mme
MORELOT, née MARANGE. Citation à l'Ordre du
Régiment. - Ordre général n° 3 du Général KOENIG,
commandant en chef en ALLEMAGNE, ex-commandant
F.F.I., en date du 18 Septembre 1945. " Agent de
liaison, a assuré les liaisons de la Compagnie en
circulant au milieu des convois ennemis et
notamment dans la semaine précédant l'arrivée des
troupes Alliées. " Est tombée gravement malade à
la suite des fatigues encourues ". MARANGE
(Emile), sous-lieutenant. Citation à l'Ordre de la
Division. - Ordre général n° 29 de la 8ème Région
Militaire, en date du 31 Oct. 1945. " A, le 12
Août 1944, pris contact avec le poste de garde du
tunnel de BLAISY-BAS (Russes blancs et Mongols)
par l'intermédiaire d'une Soeur, interprète
bénévole. A négocié la désertion du poste pour le
lendemain 13 Août 1944 à 14 heures. " Averti le 12
Août à 18 heures de la trahison d'un sous-officier
russe, a réussi à capturer l'officier chef de
poste et son ordonnance, les a gardés pendant 7
heures, n'ayant pour toute arme qu'un revolver
inutilisable, et les a remis à son chef, qu'il
avait alerté. " A fait preuve, à cette occasion,
d'un courage remarquable et d'un sang-froid
extraordinaire ". Comtesse
de MONTALEMBERT. " Au cours de la période
insurrectionnelle Juin-Sept. 1944, s'est dépensée
sans compter au bénéfice des blessés de l'Unité,
s'imposant de vivre dans un poste de secours
installé au milieu des bois, risquant la
déportation et la mort ". Citation à l'Ordre de la
Division. - Ordre général n° 24 de la 8ème Région
Militaire en date du 5-1-1947. Référence n° 6O/P. MAILLY
(Victor), pseudonyme " TARZAN ", n° mle 228 - 1365.
" Modèle de chef de groupe, brave et dévoué,
quoique blessé pendant la campagne 39-4O et
réformé 65 %, a participé dès Juin 1944 à la
Résistance active à la Compagnie LIBERTE, puis à
la Compagnie MADAGASCAR. " A participé à de
nombreuses actions contre l'ennemi, lui causant
chaque fois des pertes élevées, notamment le 5
Septembre 1944 Route Nationale n° 5 entre la
BELLE-IDEE et LA REPUBLIQUE, où il attaquait avec
son groupe des éléments motorisés. Les a
dispersés, a tué un ennemi, fait 1 prisonnier et
s'est emparé d'une motocyclette allemande. " A
gardé en toutes circonstances un imperturbable
sang-froid et a su insuffler à son groupe un
dynamisme extraordinaire. Engagé volontaire pour
la durée de la guerre le 16 Septembre 1944 à la
1ère D.F.L. ". GEORGES
(Michel), pseudonyme " DON QUICHOTTE ", n° mle 228
- 1399. Ordre général n° 6 du 28-3-1947 : " Gradé
jeune et dynamique, s'est signalé plusieurs fois
par l'exécution de missions particulièrement
périlleuses. " Le 7 Septembre 1944, après une
embuscade manquée, a rejoint avec ses hommes les
autres groupes de l'Unité à
SAINTE-MARIE-SUR-OUCHE, a pris une part active aux
combats et contribué à la défaite ennemie ". CHATELET
(Julien), pseudonyme " LA GOUPILLE ", n° mle 228 -
1372. Ordre général n° 5, du 28-3-1947 : "
Excellent chef de section. Calme et courageux. A
dirigé, dans la nuit du 26 au 27 Août 1944, une
section de sabotage contre la voie ferrée
DIJON-PARIS, a coupé la voie et ramené ses hommes
au complet. " Le 7 Septembre 1944, à
SAINTE-MARIE-SUR-OUCHE, se distingue à la tête de
son groupe en stoppant et mettant en fuite
plusieurs groupes ennemis ". GODE
(Lucien),pseudonyme " PAULO ", n° mle 228 - 141O.
Ordre général n° 5 du 28-3-1946 : " Modèle de chef
de groupe, ardent et courageux. Au cours des
engagements du 7 Septembre, à
SAINTE-MARIE-SUR-OUCHE, a bloqué, à la tête de ses
hommes, une forte patrouille allemande qui tentait
de couper nos lignes, mettant hors de combat
plusieurs ennemis et faisant fuir les autres ". FOLIGUET
(Michel), né le 21 Novembre 1913, à BESANÇON. " Le
7 Septembre 1944, à SAINTE-MARIE-SUR-OUCHE, assure
la liaison motocycliste avec un mépris absolu du
danger, en traversant une zone battue par le feu
ennemi. " Le 9 Septembre 1944, au cours d'une
liaison, fait seul cinq prisonniers à la ferme du
TREMBLOY ".
COPIE DES
ATTESTATIONS
DE
BLESSURES
*
**
KEGELS (Gabriel), né le 7
Octobre 1918, à PANTIN (SEINE). " A été blessé
d'une balle à la jambe, le 3O Juillet 1944.
Faisant partie d'un groupe de reconnaissance, il a
été blessé par un autre groupe à la suite d'une
méprise, au combat de LEUZEU ". Pseudonyme "
INTREPIDE ", n° mle 228 - 1358. LEVEQUE (Jean), né
le 7 Oct. 1912, à NEVERS (NIEVRE). " A été blessé
une première fois d'une balle dans la jambe, au
combat du LEUZEU, le 3O Juillet 1944. " Blessé une
deuxième fois à SOMBERNON, le 16 Août, a le côté
droit traversé par une balle ". Pseudonyme "
LEVASSEUR ", n° mle 228 - 136O. LIOUTIKOFF
(Alexandre), né le 24 Novembre 1924, à KIEV
(U.R.S.S.). " A été blessé le 16 Août au combat de
SOMBERNON dans les circonstances suivantes : ayant
eu son fusil-mitrailleur enrayé, a attaqué
l'ennemi à coups de poing ; il a reçu deux balles
dans chaque jambe et deux balles dans le côté
gauche ". Pseudonymes : " ALEXANDRE " ou " SACHA
", n° mle 228 - 1368. DUCAROUGE (René, François),
né le 9 Juillet 19O6, à MORNAY (SAONE-ET-LOIRE). "
A été blessé le 2 Septembre 1944, au cours d'un
engagement entre quatre de nos hommes et une
trentaine d'Allemands, sur la Route Nationale n°
5, entre PONT-DE-PANY et la CUDE. Atteint d'une
balle à l'arcade sourcilière et de nombreux éclats
de balle explosive à la cuisse, il fut laissé
comme mort sur le terrain ". Pseudonyme : "
BRISE-FER ", n° mle 228 - 1358.
COMPTE-RENDU
DE GESTION
DE
LA COMPAGNIE
*
**
Les sommes suivantes ont été perçues
ou récupérées par la Compagnie : Versé par
l'organisation
F.T.P.F................................... . 16
OOO " Récupéré à
PANGES.............................................................
4O OOO " Versé par l'Etat-Major F.F.I. (Cdt Guy
ALLIZON)..... 1OO OOO " Saisi sur un ingénieur
allemand de SAINT-JEAN-
DE-BOEUF.................................................................................
8O OOO " Don anonyme à la Compagnie, pour son
action........ 2O OOO " ________ Soit au total,
une somme
de........................................... 256
OOO " ________ Sur cette somme, les membres de l'Unité
ont perçu, à titre d'avance, 124 2OO francs. ; les
plus favorisés ont été les mariés pères de famille
et les nécessiteux. Sur l'actif, soit 131 8OO
francs., une somme de 2O OOO francs. fut
remboursée au capitaine MALGACHE, qui l'avait
avancé personnellement à la Compagnie LIBERTE,
courant Juin 1944. Les frais de mission
représentant une somme relativement considérable,
dépassant 5O OOO francs. La Compagnie a pris à sa
charge les frais d'inhumation de ses deux morts,
elle a versé également un secours immédiat à la
famille de BOUCHARD, soit, au total, 1O OOO
francs. Le disponible, utilisé pour achats de la
main à la main, fut de 51 2OO francs. La saisie à
PONT-DE-PANY, de 12 bêtes, réquisitionnées par les
Allemands, la saisie également de sacs de ciment
allemand, vendus par l'Unité, ont permis
d'améliorer l'ordinaire.
APPENDICE
**
L'ACTION DU PARTI
COMMUNISTE DANS LES F.T.P.F. OU L'ART DE FAIRE
TIRER LES MARRONS DU FEU POUR LES MANGER Tardif acteur dans la Résistance
française où j'ai simplement essayé de continuer à
servir en soldat, j'ai été très fâcheusement
impressionné par les ordres d'exécution que je
recevais de l'organisation F.T.P.F. J'ai fait une
sérieuse étude de ce mouvement et ai le devoir
d'exposer les résultats de mon enquête. Au départ
les F.T.P.F. étaient les soldats du Front
Populaire qui groupait dans son sein tous les
Partis de Gauche contre l'Occupant. Or en
COTE-D'OR au moment de mon arrivée le Parti
Communiste, suivant sa manière habituelle qui est
toujours payante, avait noyauté l'Etat-Major et
accaparé tous les postes de direction. Il en était
résulté une organisation bicéphale : - d'un côté
les milices patriotiques, armées et se terrant -
d'un autre côté les Maquis F.T.P.F. où les
communistes se comptaient sur les doigts et où il
fallait se démerder si on voulait des armes.
(Aucune des recrues qui sont venues dans mon
Maquis ne m'ont dit lorsque je les ai questionnées
à leur arrivée : je suis communiste, comme cela se
serait passé s'ils l'avaient été). Je suis donc
convaincu qu'il a existé au moins un Maquis
F.T.P.F. sans communiste : le mien. Comment
expliquer cet état de fait ? Très simplement.
L'Etat-Major F.T.P.F. appliquait à la lettre les
directives du Parti à savoir : Autant que possible
aucun élément du Parti ne doit être engagé dans
une action dangereuse. La lutte contre l'Occupant
est une simple nécessité présente. Il ne faut pas
perdre de vue que le but à atteindre est la PRISE
DE POUVOIR A LA LIBERATION DU TERRITOIRE. C'est
clair et sans équivoque. Ces malins manquaient
cependant trop de Cadres pour pouvoir opérer cette
prise de pouvoir. Ils ont cependant vigoureusement
orchestré leur propagande. Ils ont naturalisé tous
les F.T.P.F. et tous les fusillés, tous sont
devenus communistes. Ils ont obtenu un succès
électoral non négligeable. Et la Vice-Présidence
du Conseil a été attribuée à leur grand
spécialiste de la clandestinité : le héros
international THOREZ. Il est évident qu'aucun
Juif, aucun Socialiste, aucun Radical, aucun
Républicain, aucun militant de Combat, de
Libération, ni d'autres organisations de
Résistance n'ont été fusillés seuls l'ont été ceux
appartenant au parti des fusillés : au Parti
Communiste. " Et voici pourquoi votre fille est
muette " disait MOLIERE.
Documents
Ct
le CD
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