mis à jour / updated :




Outil de
                              traduction gratuite de site Internet
by FreeWebsiteTranslation.com
                      
                  
   pour chercher sur la page=>




 
                 DOCUMENTS  
                   Index historique ElBAZE  corpus                                                        
Liste des 134 manuscrits   #Manuscrits                

5,010 URLs have been captured for the domain, http://www.michel-elbaze.fr  (archive.org CAPTURATED LIST FILEDOC  (pepsweb)




Erna El Baze
Mamie !.. Raconte nous ton histoire...
GUERRE 1939 - 1945
Nice - Noël 1997
Vous avez dit exceptionnelle?
Mon histoire me paraît l'être. Écoutez plutôt… C'était en 1940, mon Dieu ! 59 années déjà !...
Dans ce village de la Basse-Autriche, cerné de hautes montagnes, à Hohenberg, j'étais ce jour de Juillet, comme toutes mes amies accourue pour voir défiler dans la Grande Rue, ces êtres que l'on disait dangereux, dont il était interdit de s'approcher, dont un avis placardé à la porte de la mairie interdisait, à nous, citoyens de la "Grande Allemagne", de traiter aussi bien que les chiens de notre maison.
Je vous laisse imaginer combien était exacerbée notre curiosité de découvrir ces hommes venus de France, de ce pays que Dieu, paraît-il, avait choisi pour vivre, tellement la vie y était douce et facile, de cette France qui avait séduit Marie-Antoinette et qui me fascinait déjà.
Dans ce groupe d'une trentaine de prisonniers de guerre mal vêtus qui venaient perturber la vie tranquille de notre village, je remarquai immédiatement celui qui paraissait être le plus jeune, sans doute moins de vingt ans, la peau noire, de grands yeux noirs, à l'allure fière, presque amusante, parce qu'elle ne correspondait pas à son accoutrement et que mes amies tout de suite baptisèrent "der Neger", le nègre.
Les semaines s'écoulent…
Face à notre maison adossée à la montagne, les prisonniers exploitent une carrière de sable et de gravier. Tout là-haut, pioche en main, le "nègre" regarde ma fenêtre. Derrière les vitres, je sens sa curiosité. J'ouvre, je secoue une serviette, et puis non ! Je referme. J'ai 17 ans… Je risque encore un regard curieux et je disparais.
L'hiver arrive…
Dans la cour de l'école, je joue au ballon avec mes amies. Dans la cuisine, le "nègre", de corvée, épluche des pommes de terre avec la cuisinière. Mais voilà que mon ballon s'envole et frappe la porte vitrée. Mon prisonnier paraît.
- Comment t'appelles-tu ?
- Margaret… et je me sauve en riant.
Voici comment, lui, a raconté plus tard cette scène, dans le premier volume de cette collection :
...Et puis, un matin, le miracle inattendu.
Dans la cour de l'école, séance de gymnastique par un groupe de jeunes filles.
Elle est là.
J'entends son rire.
Explosion, éruption. Cascade argentine. Cristaux qui s'entrechoquent et frappent mes oreilles étonnées ! Musique divine qui soudain s'assoupit, se réveille, éclate et s'éteint me laissant anéanti, moi le prisonnier qui ose lever le regard, qui ose tendre l'oreille vers ce qui est si loin, vers l'impossible !
Par la fenêtre ouverte, stupéfié, je la regarde venir vers nous. Elle parle à Frau Biba. Je lui demande :
- Comment t'appelles-tu ?
Elle me répond en riant : "Margaret", et c'est déjà fini…
Les mois passent…
Au hasard des jours, je rencontre le groupe de Français toujours encadré par ses gardiens. A chaque rencontre, "mon nègre" se passe la main dans les cheveux, j'en fais autant et voilà le contact établi qui active mon imagination.
Un jour il me passe un billet : il veut se rendre chez moi. pour écouter Radio-Londres. Je refuse, ma mère accepte et, par une nuit noire, il vient, accompagné d'un camarade. Ma mère, une femme admirable de courage, qui cachait chez nous une jeune femme juive polonaise, dit aux deux prisonniers que nous étions une famille connue pour ses sentiments anti-nazis et surveillée, et que déjà, mon beau-frère et mon oncle, arrêtés par la Gestapo étaient enfermés, depuis l'Anschluss, l'un dans une prison de Vienne, le second dans le camp de concentration de Buchenwald et que leurs visites étaient dangereuses.
Au cours de l'hiver 1942, il vient un soir pour écouter la B.B.C. et pour la première fois il m'embrasse. Surprise, suffoquée, je cours vite désinfecter mon visage (que ne dit-on des prisonniers !) pendant que lui disparaît avec son copain, dans la nuit, entre ces hauts murs de neige qui l'absorbent.
C'était le premier baiser volé et le dernier car, à peu de temps de là, un soir de Février, pendant que Michaël écoutait la B.B.C. avec ma mère, son camarade René vint l'avertir qu'il était recherché. Trop tard, on frappe à la porte de grands coups…
- Police ! Ouvrez !
Résignée, ma mère ouvre cette porte qu'ils s'apprêtaient à défoncer et Michaël et son ami sont emmenés par les gendarmes. Ma mère aussi et moi-même qui nous retrouvons en prison.
Ma mère est rapidement libérée, sans doute parce que, "femme héroïque", elle vient de perdre son fils tombé en Russie et moi, enfermée dans la prison de Sankt - Pölten, je découvre un monde inconnu, l'enfer, en attendant d'être jugée.
J' ai 19 ans.
Déchue de la nationalité "allemande", interdite dans tous les mouvements de jeunesse et dans mon école, je suis, après deux mois de cellule, assignée à travailler dans la même usine où Michaël avait sévi.
Je devais le revoir à Linz, à son procès devant le Conseil de Guerre qui le condamna à 6 mois de prison pour relations interdites avec la population allemande, peine qu'il alla purger en Pologne.
Les mois, les années s'écoulent.
La guerre est finie.
Les Russes occupent l'Autriche.
Je reçois de temps en temps un petit mot de mon Michaël, de celui à qui, je le sais, je suis destinée et que j'attends.
Et puis un jour de 1949, la grande invitation de le rejoindre à Alger. Je m'affole. Je sais que Michaël est un fervent catholique. Je l'ai vu en tête de ses camarades à l'Église interpréter l'Évangile et même servir la messe… et je suis protestante !
Je consulte le curé qui connaît bien Michaël, qui me confirme que je devrais me convertir au catholicisme et c'est ce que je fais, heureuse de me consacrer totalement à celui auquel je rêve depuis 7 années déjà.
Quand enfin je reçois mon visa, dans le même courrier, une lettre de Michaël que je garde encore et qui me dit ceci : "Je dois te dire que nous ne pourrons pas nous marier à l'église. parceque je suis juif. Pendant ma captivité, personne ne le savait, heureusement pour moi et aussi pour toi sans cela il y a longtemps que je serais mort".
Alors !!..
Que croyez-vous qu'il arriva ?..
Un grand, un énorme éclat de rire dans ma famille.
Et depuis 50 années, une vie heureuse entourée de mes cinq enfants, et de vous, mes chers petits enfants.