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POSTFACE de Jean-Louis ARMATI
Le Mont Mouchet est l'un des
hauts-lieux de la Résistance et l'épopée racontée avec
fierté par Georges-André Winninger confirme l'importance
de ce maquis "Arverne". Avec le Vercors, le Mont Mouchet a
sans doute constitué la plus forte concentration de
résistants et comme celui du Vercors, le maquis du Mont
Mouchet fut anéanti par une violente attaque allemande.
Mal équipés, surtout privés d'armes lourdes, mal
entraînés, les jeunes mobilisés à la hâte, sans
instruction militaire, ne pouvaient malgré des cas
individuels d'héroïsme, tenir tête à l'Armée allemande. La
question se pose encore aujourd'hui de savoir ce qui
poussa Coulaudon alias "Gaspard" à décider la mobilisation
d'autant d'hommes à partir de la mi-mai 1944 en Margeride,
alors que le débarquement allié n'avait pas encore eu
lieu, que l'encadrement faisait défaut et que comme l'a
immédiatement perçu "Bidule", l'organisation laissait
beaucoup à désirer. Pas moins de 5 départements furent
ainsi concernés par cette mobilisation quasi générale et
le Mont Mouchet bientôt saturé, il fallut orienter bon
nombre de jeunes gens vers d'autres maquis proches, voire
les renvoyer chez eux. Quoiqu'il en soit le maquis du Mont
Mouchet est devenu, à la suite des combats des 10 et 11
juin 1944, un symbole de la Résistance française à
l'occupation allemande et un lieu de pèlerinage célèbre
dans le monde combattant. Nous sommes reconnaissants à
Georges-André Winninger d'apporter par ce témoignage une
vision personnelle d'un événement majeur des combats pour
la libération de la France.
Mount
Mouchet is one of the high spots of the Resistance and
the epic proudly narrated by Georges-André Winninger
confirms how important this Maquis in Arverne was. Mount
Mouchet probably constituted with Vercors the most
important concentration of Resistance fighters and not
unlike the Maquis in Vercors it was annihilated by a
violent German attack. Ill equipped, but most of all
deprived of heavy weapons, badly trained, the youngsters
hastily mobilised without military training could not
last for long, despite individual cases of heroism, in
front of the German army. The question can still be
asked today about what prompted Coulaudon know as
"Gaspard" to decide the mobilisation of so many men as
early as mid may 1944 in Margeride, while the allied
landing had not taken, place yet, that the guidelines
were missing and that as "Bidule" realised immediately
the organisation left a lot to be desired. No fewer than
five "Departments" were affected by this near general
mobilisation and Mount Mouchet soon became saturated and
a good number of the youngsters had to be directed
towards other nearby Maquis or even sent back to their
homes. Anyway the Maquis of Mount Mouchet has become
following the battles of the 10 and 11 June 1944, a
symbol of the French Resistance to the German occupation
and a famous place of pilgrimage for the world of
fighters. We are grateful to George-André Winninger to
bring to us through this testimony a personal vision of
a major event during the battles for the liberation of
France
Table
HISTORIQUE DE LA 2e COMPAGNIE
1er BATAILLON DU MONT MOUCHET - 13
MAI - 11 JUIN 1944 9
MON DEPART AU MAQUIS 9
LE BAPTEME DU FEU 12
Jeannette LEFRANÇOIS, soeur de
CASTOR 17
SUITE APRES LE MONT MOUCHET 25
30 Juillet 19443
La participation de la 15e
Compagnie
Capitaine Adam - A la bataille de
Chaméane 30
LA LIBERATION D'ISSOIRE LE 24 AOUT
LES COMBATS DU 25 AOUT 1944 38
2e EPISODE - " STOP! ON NE PASSE
PLUS! "
UN EXPLOIT D'UNE GRANDE TEMERITE…
39
LA CONTRE-ATTAQUE ENNEMIE
" LA DERNIERE " 43
LA TOILETTE DU PRISONNIER 46
LA BIOGRAPHIE DE CAMILLE ANSEL
PSEUDONIME "CANARD" 48
WINNINGER GEORGES ANDRE
PSEUDONIME "BIDULE"
Mon autobiographie 49
AU SUJET DES PROBLEMES DE NOTRE
RAVITAILLEMENT 52
La
mémoire
.c.HISTORIQUE
DE LA 2e COMPAGNIE
.c.1er BATAILLON
DU MONT MOUCHET
(CANTAL)
**
2e
COMPAGNIE
CAPITAINES "ELOY" ET
"OZIAS"
3e SECTION "LUC"
2e GROUPE
"PARACHUTISTE"
**
.c.13 MAI - 11 JUIN 1944
.c.MON DEPART AU
MAQUIS Le 12 Mai 1944 je me trouvais alors
à Nonette, un charmant village situé sur une butte,
restants d'un ancien volcan à 10 km au sud d'Issoire où
j'étais réfugié après m'être évadé d'Alsace zone annexée
depuis 1941 et je travaillais comme ouvrier agricole chez
Monsieur Terlon. Ce jour-là, j'ai été contacté ainsi que
mon camarade Ansel Camille futur alias "Canard" par
Monsieur Lebour, responsable de la Résistance du secteur
et fabriquant de chaussettes. Il était accompagné d'un
autre habitant de Nonette. Il nous disait que l'heure de
prendre les armes était arrivée et qu'il fallait rentrer
au maquis afin de combattre les Allemands. Je lui ai
demandé 24 heures de réflexion et le lendemain 13, nous
lui avons donné notre accord et, sur ses instructions nous
nous sommes mis en route, à pieds jusqu'à Saint Germain
Lembron et en car, un vieux gazobois jusqu'à Ardes sur
Couze. Puis, nous avons continué à pieds, direction le sud
et non loin de la sortie de cette localité nous avons
rencontré une Citroen traction avant, conduite par deux
maquisards. L'un avait un pistolet et l'autre une
mitraillette Sten. Ce fut la première Sten que j'ai eu
l'occasion de voir et d'examiner. Nous nous sommes faits
connaître et ils nous ont invité à prendre place à bord et
ils nous ont conduit jusqu'à un hameau du nom de Vin Haut.
Là se trouvaient plusieurs autres maquisards et, comme il
se faisait tard, ils nous ont dirigé vers un petit bois
sur la gauche en montant et non loin de là, un peu en
contrebas, se trouvait une grange où l'on nous a servi à
manger: du pain blanc! s'il vous plaît! et nous avons
passé la nuit, couchés sur des racines de gentiane. Nous
étions là une dizaine de gars. Le lendemain d'autres sont
venus nous rejoindre par groupes de 3 ou 4, presque tous
des réfractaires du S.T.O. de la région de Saint Germain
Lembron plus une dizaine qui sont venus d'Ambert. Parmi
les nouveaux arrivés nous avons rencontré des
connaissances, deux réfugiés de Nonette, François Moreaux
et Paul Genige et également Raphäel et Tadeuze
d'Orsonette. Le 14 après la tombée de la nuit, nous fûmes
dirigés sur Vin Haut et là nous attendait un vieux camion.
Nous avons embarqué là dedans et nous voilà en route
direction le Mont Mouchet. Seulement voilà, au bout d'une
trentaine de kilomètres, le camion s'arrêta et nos
convoyeurs prétextant que la route n'était pas sûre, qu'il
n'était pas prudent de s'aventurer plus loin, nous ont
donc planté là et eux ont fait demi-tour (en fait nous
l'avons appris par la suite, les gars avaient des
rendez-vous galants). Une fois largués dans la nature,
nous voilà partis à pieds, il nous restait environ 40
kilomètres à se taper à pinces et, à cette époque de
pénurie, le moins que l'on puisse dire c'est qu'aucun de
nous avait des chaussures en bon état. Les gars du pays,
il y avait Roger d'Auzat S/Allier qui eux connaissaient
bien la route. Nous avons donc marché tout le restant de
la nuit et au petit jour nous nous sommes reposés dans une
grange, on s'est remis en route à la tombée de la nuit,
toujours à pieds et nous sommes arrivés le 16 vers midi à
la maison forestière du Mont Mouchet. Là se trouvait
l'Etat-Major N° 6 du M.U.R. Les chefs Caspar - Judex-
Prince- Garci - Rouvres. Tout ceci nous a permis de
prendre un avant-goût de la longueur des kilomètres
Auvergnat car il nous est arrivé par la suite de demander
à de braves gens la distance d'un point à un autre et
quand la réponse était: "une dizaine de kilomètres
environ", il fallait bien en rajouter un bon peu, en fait
il y en avait souvent pour la journée. Il faut quand même
préciser que cela se passait en montagne. Nous chantions
alors afin de maintenir l'entrain et, contrairement à ce
que l'on pourrait penser, ce n'était pas le Chant des
Partisans que nous venions de découvrir, mais qui ne
s'accommodait pas du tout à la marche. Notre chant favori
était: "En avant, parcourons le monde adieu, adieu" un
vieux chant scout. Nous fûmes donc incorporés à la 2ème
Compagnie, Capitaine Eloy qui portait un calot de
Saint-Cyrien. Nous avons formé la 3ème Section avec comme
Chef de section le Sous-Lieutenant Luc moi-même voltigeur
au 2ème Groupe avec comme Chef de Groupe "Le
Parachutiste". On nous a alors demandé de prendre un
pseudonyme, un nom de guerre. Moi, je suis devenu "Bidule"
et pourquoi Bidule? (Ce nom ne figurait pas encore dans le
Petit Larousse à cette époque). Eh bien, simplement parce
que j'avais trouvé ce début de la vie de maquisard un peu
bordélique, surtout au souvenir du camion qui devait nous
transporter à pied d'oeuvre et qui nous a largué à 40
kilomètres de notre destination et qu'il a fallu rejoindre
à pinces. C'est comme cela que notre tireur de F Antoine
Bitzberger est devenu "Poteau". C'était le plus costaud de
nous tous, une vraie armoire à glace et le poids de son F
ne le gênait guère. Paul Genige, le Lorrain fut surnommé
d'autorité "Marthoune" et ceci tout simplement parce qu'il
fréquentait une fille, entre autres, qui s'appelait
Marthoune. C'était un beau gosse et un chaud lapin. Danard
"Francis" tout simplement parce que c'était son vrai
prénom et cela lui allait bien. Camille Ansel, lui fut
baptisé "Canard", victime de sa démarche, il marchait
légèrement à 10 heures 10. Tadeuze a choisi "Dédé" un joli
diminutif. François Moreaux fut d'office appelé "Petit
Pois". C'était le spécialiste du casse-croûte quand
personne n'avait plus rien à se mettre sous la dent, lui,
retirait tranquillement une boîte de conserves de sa
musette et en l'occurrence des petits pois! Notre chef de
groupe portait fièrement l'insigne de parachutiste et tout
naturellement ce fut "Le Parachutiste". Raphäel resta
"Raphäel". Le François fut surnommé "Castor" c'était un
grand débrouillard, fort en mécanique. Il avait son permis
et mettait les moteurs de voitures réquisitionnés au
point. Camille Anglaret était le dernier arrivé au groupe,
on l'appela "Le Bleu" et un ancien de la Marine devint
"L'Amiral". Alors, une fois habillés et équipés on nous a
ramassé nos cartes d'identité qui ont été détruites par
l'Etat-Major. Le troisième groupe fut formé par l'équipe
d'Ambert, commandé par "Le Légionnaire", un gars déjà d'un
certain âge, déjà couvert de décorations et il avait la
trempe d'un vrai chef. A part lui, nous autres avions tous
entre 20 et 24 ans. Notre bivouac était installé dans la
forêt de sapins au sud de la maison forestière, des toiles
de bâches aménagées en toiles de tentes collectives, la
litière en branches de sapin et en bruyère. Les couchettes
de nos chefs étaient un peu plus confortables, nous leur
avions tressé des espèces de sommiers avec des cordes de
parachutes, entrecroisés entre des piquets d'une hauteur
de vingt centimètres cela fait qu'ils ne couchaient pas à
même le sol dans la forêt d'Auvers. Nous étions à 1.400
mètre d'altitude et je me souviens bien qu'aux alentour du
20 mai il y eu une période de mauvais temps, aussi, le
matin la toile de tente était raide et des glaçons
garnissaient les branches de sapin. Nous avons été
habillés uniformément: béret, chemisette, blouson de cuir,
short en toile et chaussettes, le tout en provenance des
Chantiers de Jeunesse, et par la suite, fin Mai après le
premier parachutage, des chaussures américaines montantes
rouges (rien de commun avec les Rangers) et dont la forme
arrondie nous a surprise. Et bien sûr, le fameux brassard
F.F.I. avec le tampon Forces Françaises de l'Intérieur qui
devait nous intégrer dans l'armée régulière mais dont
hélas les Allemands n'eurent aucun respect. Pour eux,
maquisards avec ou sans brassard restent des
Partisans-Terroristes. Valides ou blessés ils
s'acharnèrent sur ces partisans comme sur des pestiférés,
mais dont bientôt ils en eurent très peur. Nous avions
finalement fière allure dans cet uniforme et puis il faut
bien ajouter que nous étions déjà naturellement jeunes et
beaux! L'effectif de cette 2ème Compagnie devait se monter
aux environs de 140 hommes 3 sections de combat type
39/40, une Section Mitrailleuse et la Section de
Commandement. Nous étions équipés de matériel français de
récupération en provenance de l'Armée d'Armistice, les
sections de combat, un F 24/29 par groupe et les servants
comme les voltigeurs un M.A.S. 36, une caisse de munitions
par groupe (je crois de l'ordre de 7 500 cartouches) la
section mitrailleuse équipée de 4 mitrailleuses Hotchkiss
et dans nos musettes nous avions quelques bombes Gamoun et
des grenades défensives Américaine. Il est probable que
cette unité ait été une des mieux équipée des maquis de
France avant le débarquement du 6 Juin. J'ai découvert par
la suite que bien des bataillons ne comptaient à leur
effectif qu'un tiers et leur armement n'avait rien de
comparable. Je n'ai qu'un grand regret! dommage vraiment
que nous étions dépourvus de caméra ou même d'appareil
photographique, ce manquement n'a pas servi notre cause
et, faute de documents visuels, les combats du Mont
Mouchet n'ont pas frappé le public. Le comble, cette
compagnie qui s'est battue victorieusement 8 heures durant
contre l'équivalence d'un Bataillon allemand le 2 Juin, a
été finalement et c'est à se demander par quelle magouille
reconnue comme unité combattante seulement à partir du 8
Juin 44, alors que plus de 2700 gars qui se trouvaient
alors dans ce réduit savent pertinemment qu'il ne s'est
rien passé de particulier ce jour-là au Mont Mouchet. Dès
que nous avons été équipés, nous nous entraînions à faire
de l'exercice militaire afin de nous familiariser avec
notre armement. Nous assurions également la garde de la
maison forestière et son Etat-Major N° 6, la surveillance
du personnel et du matériel. Et puis, il y avait les
corvées, il fallait également surveiller le
ravitaillement, le vin, le tabac car pas mal de gars
rôdaient autour de celà. Nous avions aussi un poste de
garde à l'entrée du réduit, dans le tournant à la hauteur
du petit ruisseau sur le chemin d'accès rectiligne
Ouest-Est qui donnait accès à la maison forestière. Il
fallait également que nous gardions des gens suspects
soupçonnés de collaboration et qui attendaient que leur
situation soit clarifiée. Nous avons aussi participé à
deux parachutages de matériel sur le plateau le long du
chemin rectiligne. Cela me fait rappeler qu'un container
de fusils Remington s'était ouvert en l'air et les fusils
tombèrent en vrac autour de nous heureusement personne n'a
été touché. Nous avons récupéré des mitrailleuses de 30
avec leurs munitions, des Bézooka, des fusils Remington,
des mitraillettes Sten et de quoi confectionner des bombes
Gamoun, des chaussures américaines ressemelées et en prime
des tablettes de chocolats qui furent les bienvenues.
Pendant cette période de fin Mai, nous nous sommes initiés
à ces armes nouvelles et nous avons essayé en premier les
Bézooka. C'est Sapin un gars de la Section Mitrailleuse
qui a tiré le premier obus à charge creuse. Il a visé un
sapin. Ce premier objectif n'a pas éclaté car nous avions
oublié d'enlever une des deux sécurités. Le deuxième essai
fut concluant. Il est vrai que parmi nous aucun ne
connaissait bien l'anglais pour pouvoir déchiffrer les
indications du mode d'emploi. Nous avons également préparé
des bombes Gamoun que nous appelions des "Chaussettes" car
on enrobait le plastique pétri en boule que l'on
recouvrait avec un genre de bas. Le ravitaillement était
assuré d'une façon correcte et la boulangerie qui se
trouvait à 2 ou 3 km plus bas dans une ferme nous
fournissait du pain blanc. La viande provenait de veaux et
de porcs réquisitionnés pour les Allemands et qui étaient
ensuite récupérés par le maquis. Nous avons aussi fait un
soir une expédition de ravitaillement dans une épicerie en
gros à Aumont-Aubrac. Enfin disons que nous n'avions pas
le temps de nous ennuyer et chacun avait pris son rôle au
sérieux.
.c.LE BAPTEME DU
FEU
Dans la nuit du 1er au 2 Juin vers 1
heure du matin, réveil et branlebas de combat. On nous
annonce que les Allemands sont partis de Mende, direction
le Mont Mouchet Leur objectif était sans aucun doute la
maison forestière où se trouvait le cantonnement de
l'Etat-Major N° 6; le poste de commandement des troupes du
réduit du Mont Mouchet;. Nous nous rendons donc avec tout
notre armement, paquetages, pelles, pioches et toiles de
tentes, direction Sud-Ouest sur la pente au-dessus de
Paulhac en Margeride, en face du carrefour de la D. 4 et
de la D. 41. C'était une nuit de Juin, la première, sans
lune, mais d'une limpidité étonnante, certainement que les
1400 mètres d'altitude y étaient pour quelque chose. Au
firmament les étoiles scintillaient de tous leurs feux, un
calme absolu sans aucune brise. En arrivant dans la pente
à la limite supérieure des pâturages du hameau de Hontes
Haut, on sentait une agréable odeur de foin coupé et je
fus envahi par une grande sérénité. Cet état n'était
peut-être que le prélude annonciateur d'une journée pas
comme les autres. L'esprit d'ensemble de notre groupe en
cette fin de nuit et dans l'attente d'un ennemi que
personne ne savait encore où et comment il allait se
manifester, était au beau fixe. Pratiquement tous les gars
étaient d'un calme visiblement parfait, aucun signe
d'anxiété, d'énervement ou de précipitation. On percevait
une certaine force tranquille mais cette ambiance
extraordinaire prit fin dès que nous commencions à creuser
la terre afin de préparer nos trous individuels. Il devait
être autour de 3 heures du matin. Vers 4 heures, au lever
du jour nous avons arrêté les fouilles et nous avons
cherché un meilleur emplacement pour nos positions de
défense. Nous avons abandonné nos travaux et nous avons
choisi un chemin de vaches à une soixantaine de mètres en
contrebas de nos premières installations. Là, nous étions
carrément dans les pâturages et là aussi les langues se
délièrent. Etait-ce dû au lever du jour ? et à chacun de
demander à son voisin la façon de donner son opinion sur
l'avancement des travaux et de dire: "Crois-tu qu'il est
bien mon trou? Regarde mon créneau de tir!". Il faut dire
qu'il y en a qui faisaient leur emplacement pour tireur
debout, mes deux voisins et moi-même avons fait un
emplacement pour tireur couché et de continuer: "Le
camouflage est-il correct? Mon créneau est-il bien
orienté? Tu vois d'ici on domine tout!". Les emplacements
de la 2ème Compagnie s'étendaient du chemin rectiligne qui
donne accès à la maison forestière jusqu'au coin où l'on
dominait Paulhac en Margeride. La 1ère et la 2ème Section
avaient pris position sur le plateau (de cet endroit ils
n'ont pu voir l'évolution de l'ennemi sauf vers 14 heures
quand quelques éléments avaient atteint le bois de
fayards). Ensuite, au début de la pente et au-dessus du
bois de hêtres, étaient installées la Section Mitrailleuse
et la 3ème Section dont je faisais partie. Nous nous
sommes installés tout le long du chemin de vaches
au-dessus du hameau de Hontes Haut et jusqu'au-dessus de
Paulhac (nous étions alors dans la Lozère alors
qu'auparavant notre bivouac était sur la Haute-Loire).
Donc, rebelote, à creuser, j'avais choisi mon emplacement
d'où je dominai tout le secteur. J'ai appris plus tard que
l'on appelle cela un emplacement de commandement et cela
m'a été très utile. Et puis bientôt nous avons eu de la
compagnie curieuse et nullement farouche, des vaches et
des génisses vinrent nous rendre visite. Ce manège
inhabituel les intriguait car elles n'avaient pas
l'habitude de trouver des nouveaux locataires dans leurs
pâturages. Heureusement, par la suite, elles se sont
dirigées vers la partie Sud-Est au-dessus de Paulhac, côté
soleil-levant car, au moment des hostilités elles ne se
trouvèrent plus dans la zone à hauts risques; cela a
certainement évité quelques innocentes victimes parmi
elles. Vers 7h30 tout était
fin prêt, l'emplacement du F et pour chacun des
voltigeurs, chacun son trou, bien camouflé avec des mottes
de gazon. Nos chefs Luc et Le Parachutiste ont fait une
inspection et étaient satisfaits de notre travail. Nous
avions même eu le temps de monter notre tente collective
pour le groupe, au pied d'un bouquet de fayards, juste
en-dessous du chemin des vaches qui serpente sur le flanc
de la montagne, très bien camouflé puisque par la suite il
n'y a eu aucun impact de balle dans la toile. Ce fut notre
bivouac jusqu'au 11 Juin au soir car nous n'avons pas
quitté ces positions du 2 au 11 Juin. Devant nous
s'étalait en pente un pâturage et en contrebas 3 ou 4
fermes et au bout les croisements des D. 4 - D. 41 et la
N. 589 c'est par là que les Boches sont arrivés. Sur notre
droite le bois de fayards. Alors, comme souvent nous
avions un creux à l'estomac, pensez! à creuser le trou
individuel en quelques heures. On nous avait bien apporté
une espèce de jus mais cela était plutôt maigrelet alors,
nos spécialistes du ravito Petit Pois et Dédé sont
descendus au hameau à 400 mètres en-dessous pour acheter
des oeufs et peut-être un morceau de fromage (je précise
bien que nous ne touchions aucune solde, nous payons
toujours les denrées de notre poche). Quand cela fut fait,
et en sortant d'une ferme, ils ont entendu des bruits de
moteur et ont vu arriver un side-car sur la route. Alors
ils ont remonté la pente au pas de gymnastique mais la
musette pleine. Nous pensions que c'était la faim qui les
faisait courir ainsi car, nous en haut, nous n'entendions
rien et n'avions rien remarqué de spécial. En arrivant
essoufflés ils nous annoncent "Les Boches sont là". En
effet, des véhicules étaient arrêtés vers le carrefour et
la troupe, l'effectif d'un bataillon se déplaçait juste à
500 mètres en-dessous de nous. Ils prirent position dans
un chemin surmonté d'un mur en pierres sèches dont sont
entourés tous les champs dans les pâturages en montagne.
Bien que l'on s'y attendait, la nouvelle se répandit comme
une traînée de poudre, alors, juste le temps de gober deux
oeufs et nous voilà chacun à son poste. Le F en position
avec une caisse de munitions d'environ 7000 cartouches et
nous les voltigeurs, 250 cartouches chacun plus quelques
bombes et des grenades défensives américaines. Nous avions
également chacun une boîte de pansements américaine. Nous
avions de quoi voir venir et de quoi faire rêver d'autres
maquisards à cette époque, ce n'était pas le petit maquis
démuni d'armes et de munitions. A huit heures pile les
Allemands ouvrirent les hostilités à coups de mortier. Ils
étaient équipés de deux pièces et les avaient mises en
batterie. Le petit panache de fumée noire à chaque départ
était bien visible et caractéristique. Pour nous le
miracle imprévu! Les obus allaient exploser à 60 mètres
derrière nous car les Allemands avaient repéré nos
positions de la nuit, la terre fraîchement remuée et non
camouflée. Ils ont donc copieusement arrosé ces positions
vides. Chez nous ce fut le silence total pendant un bon
moment, 3 ou 4 minutes peut-être en réalité mais qui nous
ont semblé bien longues et cela sans ordre de qui que ce
soit. Cela fait un drôle d'effet ce miaulement des obus
qui passaient par-dessus suivi de la déflagration très
sèche. Et puis, d'un seul coup c'est parti. Les deux F,
les 4 mitrailleuses Hotchkiss, les Mas 36 se sont mis à
cracher de tous leurs feux. Alors ce fut la surprise chez
l'adversaire. Ils ont en vain riposté avec les M.G. 42 et
rectifié le tir des mortiers. Mais c'était trop tard, sous
ce déluge de feux ininterrompu, une vingtaine de minutes
après le déclenchement des combats, leurs mortiers furent
réduits au silence… Déjà il y avait une civière qui
emmenait un homme hors de combat, suivi d'autres qui se
faufilaient vers l'arrière. Nos positions étaient
distantes de 500 mètres. J'avais mis la hausse à 500 et je
me suis vite aperçu que je tirai un peu court car, juste
avant la murette il y avait un champ fraîchement labouré
et je voyais nettement les impacts. Je rectifiais donc et
mis la hausse à 600 et j'en avertis mes compagnons à ma
gauche et à ma droite d'en faire autant. Il est vrai que
quant on tire en plongé, on tire toujours trop court. Donc
c'était bien parti, les premières frayeurs étant passées,
la confiance est revenue et tout le monde bien dans le
bain (les impacts de mortier ça donne plutôt le frisson).
Nous échangions donc le feu avec les Boches et cela dura
jusqu'aux alentours de midi. Parmi nous aucune perte. Nous
étions bien enterrés. En face, à plusieurs reprises les
brancardiers rasèrent les murs emmenant morts ou blessés.
Jusqu'à ce moment l'ennemi n'avait pas changé de tactique.
Nous avons alors reçu la visite de l'Etat-Major accompagné
des 3 Officiers interalliés qui se trouvaient au Mont
Mouchet, un Officier anglais, un Américain et un Français
d'Alger. Ils se sont pointés à environ 100 mètres derrière
nous à flanc de coteau et ils ont été bien sûr accueillis
par un feu nourri par les Allemands. Ils ont donc vite
fait de se replier tout en étant satisfaits de notre ligne
de défense qui n'avait pas bougé depuis 8 heures du matin.
A partir de midi les Boches ont commencé une manoeuvre de
diversion. Ils se sont infiltrés dans le bois de fayards
en-dessous du plateau et se sont sensiblement rapprochés
de nos positions. Vers 14 heures, surprise, un Allemand
est descendu du bois en plein découvert à environ 200
mètres pour remplir son bidon d'eau dans le tout petit
ruisseau qui prenait sa source juste en-dessous de nous.
Malgré un feu nourri de notre part, il s'en est sorti et a
regrimpé la pente très rapidement sans laisser de plumes.
Il devait avoir autant soif que nous-mêmes à moins qu'il
ait pris ce risque pour un camarade blessé. De notre côté
les deux oeufs étaient digérés depuis un certain temps
mais nous aurions volontiers bu quelque chose le soleil
tapait fort. Vers 15 heures ils s'étaient rapprochés à
moins de 100 mètres de notre position du F ainsi que de la
Section Mitrailleuse. A ce moment, pour ma part, j'avais
déjà tiré 240 cartouches avec mon 36 et, mes camarades sur
ma droite et sur ma gauche, en l'occurrence Petit Pois,
Raphäel et Le Bleu étaient rendus au même point. C'est
donc Canard, pourvoyeur du F qui est venu nous ravitailler
en munitions malgré les échanges de coups de feu très
nourris. Notre Chef de Groupe Le Parachutiste ne se
sentant plus à l'aise dans sa position du F parce que
l'ennemi s'était dangereusement rapproché, nous donne
l'ordre de repli. Instinctivement je réponds "Non! il faut
rester sur place "car, de mon emplacement je dominais tout
le théâtre des opérations. En effet, les Allemands avaient
progressé dans le bois profitant du couvert et étaient
parvenus à moins de 100 mètres (80m environ) de la
position de notre F Mais il faut voir la position sur le
terrain. Cette distance d'environ 80 mètres entre le bois
et le plus près de notre défense c'était du pâturage nu,
sans aucun obstacle et avec une pente d'environ 30%. Je
voyais donc mal l'ennemi, déjà fatigué, prendre d'assaut
nos positions, eux, en plein découvert et nous bien
retranchés et dominants. En tous les cas ils y auraient
laissé des plumes et d'ailleurs mon jugement s'est avéré
juste puisqu'ils ne se sont pas aventurés hors du bois.
Dans notre groupe il y eut comme un flottement; moi
Bidule, voltigeur, qui était à mon premier engagement de
ma vie, qui refuse d'obtempérer à son chef sur le champ de
bataille! Ça peut coûter cher. Mais, après avoir pris
l'avis de mes camarades de droite et de gauche, nous avons
maintenu notre refus de nous replier. Tout le monde est
donc resté dans ses positions initiales. Vers 15h30, un F
Bren s'est mis à cracher juste à une vingtaine de mètres
derrière moi. Cela fait un drôle d'effet et je me demandai
ce qui nous arrivait. C'était le Corps-Franc Eloy qui est
venu se mettre en position derrière nous pour nous
renforcer bien que nous n'ayons besoin de personne surtout
qu'ils ne disposaient que d'un F Tout le reste du groupe
était équipé de mitraillettes Sten et les Allemands qui
avaient commencé la manoeuvre de repli se trouvaient au
point de départ car ils commençaient à embarquer dans
leurs véhicules au croisement de la D. 4 et D. 41. Ils se
trouvaient à ce moment entre 500 et 600 mètres de nous et
les mitraillettes sans aucun effet. A partir du début de
l'après-midi, deux compagnies de chez nous avaient
commencé par faire des manoeuvres d'encerclement, une par
le Nord et l'autre par le Sud afin de prendre en tenaille
l'unité allemande et, après 15h, les Allemands se
repliaient rapidement, abandonnant le bois de hêtres et
embarquant le matériel en-dessous de l'épingle à cheveux.
Vers 16h tout était terminé. A ce moment, les gars du
Corps-Franc s'élançaient dans la pente en direction des
positions ennemies, là où se trouvait le poste de
commandement adverse. Mais, à leur arrivée il n'y avait
plus personne, les Boches avaient évacué même que dans
leur précipitation ils avaient abandonné un cadavre en
caleçon! Ils lui avaient retiré tous les autres vêtements.
En fin d'après-midi nous avons récupéré du papier journal
imprimé en "Russe ou en Mongole", ce même papier qui leur
servait pour rouler leurs cigarettes. Notre ami Petit Pois
en possède encore un morceau en souvenir. Pour nous ce fut
une grande joie d'avoir résisté à cette attaque dont
l'issue n'était pas en notre faveur au départ vu leur
équipement en mortiers. Mais nous criions famine et
tirions la langue tellement nous avions soif. Toute cette
journée il avait fait un temps magnifique. J'avais un coup
de soleil sur les mollets et le derrière des cuisses vu ma
position de tireur couché et l'épaule toute noire du recul
de mon fusil. Dédé et Canard sont partis en direction du
P.C. de la maison forestière pour chercher la soupe. Ils
avaient à peine parcouru une centaine de mètres, l'arme à
la bretelle quand, un Boche, caché dans les bruyères se
leva, armé du Mauser et tira presque à bout portant sur
Canard. Heureusement, par un plongeon, il esquiva le coup
mais il a eu chaud! Les copains en place ouvrirent le feu
en direction de cet homme qui n'avait apparemment pas
réussi à rejoindre sa formation qui, à cette heure était
en route de retour vers Mende. Mais il a disparu comme il
est apparu dans les bruyères et les taillis et a réussi à
rejoindre le sous-bois. Un groupe se lança à sa recherche
mais ne réussit pas à lui mettre la main dessus. Nous nous
sommes enfin restaurés tout en commentant la bataille.
Pour ma part j'avais ce jour-là tiré 280 coups de fusil et
mon épaule était toute noire. D'après nos estimations, la
3ème Section plus la Section Mitrailleuse ont tiré pendant
ces 8 heures de combat au moins 15000 cartouches. C'est
comme cela que s'est achevé mon premier baptême du feu.
Encore une surprise ce soir, on vient nous présenter notre
nouveau Commandant de Compagnie, il s'appelle "Ozias". Le
1er Juin Eloy nous avait laissé tomber et avait formé un
Corps-Franc. Pas de chance pour lui, sa belle compagnie
venait de remporter une franche victoire et son
Corps-Franc a tout juste fait plastron (ce qui n'empêche
pas qu'il a été homologué Unité Combattante à compter du 2
Juin et nous, la 2ème Compagnie qui après avoir combattu
pendant 8 heures le 2 Juin s'est vue gratifiée d'Unité
Combattante à compter du 8 Juin). Que de magouilles après
la Libération! Et j'apprends cela 43 années après. Notre
nouveau Capitaine, heureux, pensez donc, une victoire le
premier jour de son commandement c'est vraiment une chance
inouïe, l'unité dont il ne connaissait personne. Le
Capitaine, les Lieutenants et les Chefs de Groupes ont été
décorés de la Croix de Guerre, et nous, nous avons été
gratifiés d'un discours élogieux pour notre comportement
héroïque! (fermez le banc), n'empêche que nous étions
fiers du résultat de cette journée. Le bilan, aucune
victime de notre côté sauf un blessé dans la compagnie qui
a effectué la manoeuvre d'encerclement au Nord et qui a
attaqué l'adversaire sur son flanc gauche au-dessus du
bois. Chez l'ennemi, un mort laissé sur place et
l'Etat-Major confirme 50 morts et sûrement un bon nombre
de blessés car les brancardiers ont fait plusieurs voyages
vers l'arrière. Cela ne nous a pas empêché de les arroser
copieusement. Il y avait une ferme entre les deux
adversaires, à mi-pente, la famille qui y habitait avait
trouvé le temps long ce jour-là. Je crois qu'elle fut
malheureusement incendiée par les Boches après les combats
des 10 et 11 Juin. Dans cette ferme habitait une jeune
fille qui nous avait confectionné un fanion 2ème
Compagnie, 3ème Section, 2ème Groupe, en toile de
parachute blanc et bleu clair. Il m'a suivi pendant toutes
les péripéties de maquisard. Il semblerait que ce fut un
des seuls combats victorieux entre une unité importante
allemande et des unités F.F.I., ceci avant le
débarquement. Ce qui est certain, c'est que ces combats
ont été commentés par Radio-Londres "Les Français parlent
aux Français". A partir du 3 Juin nous avons élu domicile
sur cette ligne de défense, chaque groupe couchait sous sa
toile de tente faite d'une bâche de camion. Nous
continuions à faire de l'exercice militaire sous les
regards curieux et amusés des vaches qui nous côtoyaient
et qui nous avaient adopté dans leur pâturage. Tous les
jours nous assistions à l'arrivée de nouveaux camarades
qui venaient grossir nos rangs. Ils arrivaient à pied,
d'autres en camions et même en voitures de pompiers. Cela
nous réconfortait et après la nouvelle du débarquement de
Normandie nous étions sûrs de la victoire, mais il nous
restait encore du chemin à faire. Pendant toute cette
période nous étions bien organisés. Il y a peu de temps,
mon camarade Petit Pois m'a rappelé que nous avions acheté
un mouton au hameau de Hontes Haut (je précise bien Achète
avec nos deniers) et nous nous sommes faits un "méchoui
maison" on n'appelait pas encore cette façon de griller à
la braise un "méchoui" mais c'était tout comme et en plus
rudement bon. Et ce n'est pas tout, notre camarade Canard
qui avait fait son apprentissage de boulanger-pâtissier
nous a préparé une grosse gamelle de chocolat à la crème
(pensez à l'époque). Le chocolat était américain et la
crème bien française, en fait un mariage parfait et ce fut
un vrai régal. Vers le 9 Juin nous étions plus de 2700
combattants dans ce réduit du Mont Mouchet et cette
montagne était devenue une place forte, bien gênante pour
l'ennemi bien sûr. Aussi, le 10 au matin ils sont revenus,
côté opposé au nôtre. Ils étaient en force, équipés de
blindés et de l'artillerie et de l'aviation. Ce furent
deux jours de combat sanglant et inégal. Notre groupe, le
10 au soir, avait pris place dans un vieux camion gazobois
qui nous a conduit à Malzieu ville. C'était en fait pour
montrer à la population que nous étions bien là et nous
avons défilé, l'arme à l'épaule dans la grande rue du
bourg. Les gens étaient très inquiets, ils entendaient
tonner le canon sans interruption là-haut et beaucoup
avaient des parents ou amis engagés dans la bataille. Nous
essayions de les rassurer, que nous tenions le coup. Il
faisait nuit quand nous sommes remontés occuper nos
positions. Le lendemain 11 au matin, la 2ème Compagnie
changea de position, la 1ère et la 2ème Section prirent
position vers l'épingle à cheveux sur la D 41 et jusqu'au
carrefour de la D. 4, D. 41 et N. 589. Nous, la 3ème
Section nous prîmes position sur la D. 4 à l'Est de
Paulhac. Dans la soirée les combats se rapprochèrent. Les
Allemands, supérieurs en nombre et surtout en matériel,
prirent le dessus, la maison forestière P.C. de
l'Etat-Major réduite en ruines sous le tir de l'artillerie
ennemie. Deux automitrailleuses descendaient la D. 41
jusqu'au carrefour et là, le Groupe Castor eut chaud. Ils
étaient installés sur le côté Ouest de la route et
surplombaient légèrement la route et, au passage des
blindés qui roulaient au pas ils leur ont lancé des bombes
Gamoun dessus ce qui aurait dû les mettre hors-service
mais malheureusement, le gars, un mineur du bassin de la
Combelle qui soi-disant connaissait le maniement des
explosifs avait tout simplement placé les détonateurs à
l'envers et aucune bombe n'a explosé. Les blindés ont
continué à descendre jusqu'au carrefour, sont restés un
moment sur place puis ont fait demi-tour. La nuit était
toute proche et la tragédie du Mont Mouchet était
consommée. On entendait encore par endroit des F et des
M.G. qui se donnaient la réplique mais les canons
s'étaient tus. Nous nous sommes alors avancés sur la R.N.
589 et après un kilomètre nous avons accroché quelques
parachutes sous les sapins et nous avons dormi ici. Le
temps était lourd et orageux et il a même plu dans la
nuit. Il y avait également parmi nous une jeune fille
Chirurgien dentiste Jeannette, une Clermontoise qui était
la soeur de Castor Chef de Groupe. Le lendemain au lever
du jour nous avons pris la route en direction de Chaudes
Aigues et, 10 jours plus tard, ce furent les combats de la
Truyère.
.c.Jeannette
LEFRANÇOIS, soeur de CASTOR
Je voudrai ajouter une anecdote: L'Etat-Major N° 6 commandant le réduit du
Mont Mouchet avait décrété, je suppose pour une question
de sécurité, car je n'ai pas connu de mysogyne parmi nos
chefs, qu'aucune présence féminine ne serait tolérée au
réduit du Mont Mouchet. Cependant quand l'effectif devint
important, au-dessus de 2000 hommes, on s'est aperçu qu'il
manquait quelqu'un au Service de Santé. Certes il y avait
plusieurs médecins, dont certains moururent héroïquement
en essayant de sauver leurs blessés après les combats du
10 et 11 Juin, mais il manquait un dentiste ou un
chirurgien-dentiste. Notre camarade "Castor" se proposa de
trouver cet oiseau rare, il fut porté un message à sa
soeur Jeannette qui avait suivi les études de médecine à
Clermont-Ferrand, et qui venait d'obtenir son diplôme de
dentiste, en lui demandant de recruter un dentiste
volontaire pour monter au maquis du Mont Mouchet parmi ses
camarades de promotion. Cette démarche se solda par un
échec, aucune de ces personnes n'étant disposé à se casser
les dents au maquis. Mais Jeannette Lefrançois la jeune
soeur de Castor se proposa alors d'assumer cette
responsabilité. Notre Etat-Major après délibération fit
une exception à la règle et autorisa cette jeune fille de
venir au secours de nos camarades qui souffraient du mal
aux dents. Elle assuma ses fonctions d'une façon
exemplaire, et lors des combats du 10 et 11 Juin, elle se
distingua par son courage qui força l'admiration de tous
ses camarades masculins. Elle nous rejoigna le 11 au soir
à la 2ème Compagnie où se trouvait son frère Castor. Le 12
elle fit route en notre compagnie jusqu'au réduit de la
Truyère, secteur de Chaude Aigues, où elle continua de
soigner les rages de dents.
.c.SUITE APRES LE MONT MOUCHET
Ce matin du 12 Juin 1944, nous quittons
le Mt Mouchet désormais rentré dans l'histoire. A présent
haut lieu de la Résistance. Cette montagne du pays du
Gévaudan déjà rendue célèbre et rentrée dans la légende
entre 1764 et 1767, là-même sur les pentes du Mt Mouchet,
près de Saugues où fut abattue la dernière "bête du
Gévaudan" par Jean Chastel le 18 Juin 1767. Notre ordre de repli: ce sont les gorges
de la Truyères! nous prenons donc à pieds, avec tout notre
armement et quelques provisions la route en direction du
plateau de Friedfont par la D 989, d'abord en direction de
Malzieu-Ville et puis il y a un camion qui nous a pris en
charge jusqu'au plateau de Fridefont. Il y avait plusieurs
véhicules qui récupéraient les rescapés des combats du 10
et 11 Juin et qui tous avaient consigne de se diriger vers
les gorges de la Truyère pour un nouveau regroupement.
Ensuite, nous nous sommes dirigés sur St-Martial, là-même
où s'installa l'Etat-Major. Nous avons alors recu l'ordre
de nous rendre au Pont de Lanau à l'ouest de
Chaudes-Aigues, afin de contrôler ce point stratégique;
nous voilà donc descendus dans la vallée de la Truyère.
Là, nous avons profité de bonnes baignades et avons mangé
quelques bonnes fritures que nous avons pêchées à coups de
grenades, choses défendues, bien sur. Puis, vers le 16,
nous avons fait mouvement par la N9, à l'époque et
actuellement la D921, en direction de Neuvéglise. Nous
avons pris position tout en haut des gorges de la Truyère,
juste en face de St-Martial, surplombant le ravin, avec
une vue magnifique. Nous étions cantonnés dans un tout
petit hameau de 3 maisons, du nom de l'Her ou l'Aire,
situé sur la droite de la Truyère, un vrai nid d'aigles.
Nous avons reçu un accueil charmant par ses quelques
habitants; il y avait également une famille de réfugiés
parisiens, tout à fait sympathiques. Là, nous nous sommes
reposés pendant 3 ou 4 jours. Nous dormions dans une
grange avec un plancher en bois juste au-dessus de
l'écurie . Les propriétaires étaient en pleine fenaison et
avaient déjà rentré quelques chars de foin qui dégageait
cette odeur agréable de foin nouveau. Ce fut un de nos
rares bons moments et notre séjour fut brusquement
interrompu, car le matin du 20, ce fut l'attaque par la
horde allemande. Nous comptions alors 3000 hommes dans ce
secteur de Chaudes Aigues, eux étaient 15000 de la
tristement célèbre division Das Reich qui commit le plus
horrible des massacres à Oradour sur Glane Une de ces
unités ce jour-même, équipée d'autos mitrailleuses, de
l'artillerie et de blindés, appuyée par 1'aviation dont
les avions se mirent à tourbillonner dans le ciel; des
chasseurs bombardiers mitraillèrent nos gars qui avaient
pris position au sud de St-Martial en face de Chaudes
Aigues. Il furent également pris à parti par des
mitrailleuses lourdes qui s'étaient installées au dessus
de la ville. Les canons bombardaient également le plateau
et en particulier la ferme où se trouvait notre
commandement. Je me souviens d'avoir dénombré plus d'une
centaine de containers en provenance des parachutages.
Nous avons été alertés par l'annonce qu'un convoi allemand
remontait de Chaudes Aigues sur St-Flour. Nous faisons
sauter des rochers en surplomb sur la route avec le savoir
faire des mineurs de la Combelle. Nous coupons des arbres
et bientôt la route est obstruée entre quelques virages.
Nous nous en tirons bien puisque nous nous trouvons sur la
rive droite de la Truyère et l'offensive ennemie est
surtout centrée sur la rive gauche. Le 21, la bataille
fait rage, St-Martial est en flammes et le soir notre
défense est submergée et enfoncée au prix de lourdes
pertes; on parle de plusieurs centaines de morts (environ
500). Les blessés furent achevés sauvagement presque en
totalité. Le 22, au matin, nous quittons nos positions et
nous nous séparons à regret de ces braves gens qui étaient
devenus des amis. Nous prenons la direction du Plomb du
Cantal, un repli difficile. Nous passons entre Oradour et
Neuvéglise, toujours à travers champs et paturages. Les
routes sont sillonnées par des éléments ennemis qui font
la chasse aux maquisards isolés. A quelques kilomètres, à
l'est de Neuvéglise, nous rejoignons l'Etat Major en
déroute, parmi lequel se trouvaient les 3 officiers
interalliés. Le capitaine français parachuté et venant
d'Alger avait une mission à accomplir à Neuvéglise. Il
demanda des volontaires pour l'accompagner. D'emblée, le
groupe de Nonette et d'Orsonnette se présentèrent. Nous
avons donc rebroussé chemin et nous nous sommes infiltrés
dans le bourg par un petit chemin jusque sur la Place. Là,
le capitaine prit contact avec un gars du pays. Les
discussions furent rudes; celui-ci aurait du avoir quelque
chose à remettre à l'officier, mais il prétendait n'avoir
rien reçu. Il s'en est fallu d'un rien pour que cette
discussion ne dégénère, car il s'était emparé d'un fusil
et nous avions tous le doigt sur la gachette.
Heureusement, tout le monde a gardé son sang froid et le
drame fut évité. Nous sommes donc retournés bredouilles,
mais le capitaine nous a félicité de notre comportement.
Ensuite, tout ce groupe d'une bonne centaine de rescapés
et de diverses unités se remit en marche, direction ouest.
Nous sommes passés à quelques kilomètre au Nord de
Pierrefort. Dans cette cité, il y avait une forte
concentration de troupes ennemies. Après avoir dépassé
Vigneroux, nous avons rejoint Brezons et finalement
atterri à Le Bourguet, le dernier village au pied du Puy
de la Grousse. Là, il y avait un regroupement assez
important. Je me souviens que dans ce village, nous avons
fusillé un milicien. Celui-ci venait d'être condamné à
mort par un tribunal militaire en campagne. Ce fut une
exécution en règle, le peloton d'exécution dont je faisais
partie était composé de 12 hommes, 6 un genoux à terre et
6 debouts. Rien d'exceptionnel à tout cela, mais voila, on
nous avait prévenu qu'il fallait exécuter un milicien et
il y avait 2 hommes devant nous. Il y avait un grand
gaillard, peut être Im80 et à ses cotés, un plus petit,
environ lm65. Ils venaient ensemble de creuser leurs
tombes et avaient les mains liées dans le dos. Le chef du
peloton passa alors dans les rangs et nous signala à voix
basse "Ne tirez pas sur le grand". Puis ce fut l'ordre
"chargez", "en joue", "feu". Les deux hommes s'écroulèrent
comme une masse. Stupéfaits, on s'est tous regardés d'un
air interrogatoire et le chef furieux de crier "qui est ce
qui a fait le con?". Pas de réponse. Finalement, tous
avaient visé le milicien, mais le grand, devant la salve
du peloton d'exécution, s'est effondré et est tombé dans
les pommes. On nous a expliqué que ce grand gaillard était
un maquisard qui était accusé de vol et que pour lui
donner une leçon, nos chefs avaient immaginé cette formule
de punition. On peut penser que cette leçon fut efficace.
Nous nous retrouvions une cinquantaine de compagnons de la
2ème Compagnie du Mt Mouchet, sans notre Capitaine Ozias.
Un Iieutenant, un homme déjà d'un certain âge, a donc pris
le commandement de ce groupe. Nous avons alors pris la
direction du viIlage de Malbo, petit pays planté au flanc
du Puy de la Grousse, à l'ouest de Le Bourget. Nous fûmes
très bien accueillis par les gens du village. Il n'y avait
là qu'une épicerie polyvalente qui vendait du pain et qui
avait un comptoir de bistrot. Nous avons cantonné là, dans
une grande grange qui se trouvait à une centaine de mètres
au dessus du pays. De là, on dominait bien les alentours,
au dessus de nous et vers l'est, en paturages, sur tout le
flanc de la montagne et côté ouest, un bois de faillards.
Là, nous avons eu une première alerte. Il y eut des tirs
d'armes automatiques en direction de Paicherols. nous nous
sommes portés vers ce village. Mais quand nous sommes
arrivés, les tirs avaient cessé et le pays était vide.
Impossible de savoir ce qui s'était passé; seule
certitude, les Allemands continuaient la chasse aux
maquisards dans le secteur de Vic sur Cère et Pierrefort.
De retour à Malbo, quelques jours tranquilles, mais
vigilants, mais absence totale de directives. Il semble
que notre détachement soit oublié. Castor avait déniché
une voiture bâchée dans une grange, ce qui lui permis
d'exercer ses connaissances en mécanique. Mais le 6
Juillet au matin, tirs de mitrailleuses en direction de Le
Bourget; branle-bas de combat, une journée maussade, les
nuages, bas colés aux flancs de la montagne; les Allemands
apparurent, une automitrailleuse en tête. Nous étions
prêts à faire face, mais notre chef, vu que nous nous
trouvions juste au dessus du village, prit la sage
décision de ne pas engager le combat de peur de
représailles envers les gens du pays. Les Allemands
ouvrirent le feu, mais nous nous replions dans le bois
sans riposter et grimpons vers les cimes. A ce moment,
plusieurs avions passèrent juste au-dessus de nos têtes et
à basse altitude. C'étaient les Juncker 52. On les
entrevoyait entre deux nuages. Heureusement pour nous que
ce jour là le ciel était chargé de nuages. Nous aurions
certainement eu droit à quelques bombes ou être mitraillés
par le ciel, car nous nous trouvions alors en plein
découvert. Pour sortir de cette zone dangereuse, nous
avons fait un long trajet pédestre, en direction du Plomb
du Cantal. Nous avons donc longé le flanc ouest du Puy de
la Grousse, ensuite traversé la forêt, longé les flancs
ouest du Puy Gros et du Puy Brunet et avions l'intention
de traverser la N°9 au sud du tunnel du Liorans,. Mais là,
il y avait une intense activi1é de troupes allemandes qui
patrouillaient quasiment en permanence sur cette route,
entre Aurillac et Murat et dans les environs. Nous avons
alors grimpé vers le Plomb du Cantal et avons trouvé un
buron aux environs de "Les Gardes". Là, trois ou quatre
jours de réflexion. En arrivant, nous avions épuisé nos
dernières provisions. Il ne restait plus que les munitions
dans notre musette. Le brave berger nous a vu arriver à
contre coeur. L'arrivée de 50 gars affamés (le crapahute
en montagne creuse l'estomac et met en appétit ). Nous
faisons l'inventaire et decouvrons que les seules
ressources se limitaient en pommes de terre et de la
fourme, tout juste égouttée. Donc, le berger, bon gré mal
gré, nous donne accès à son stock de pommes de terre qui,
par ailleurs, n'était pas énorme. Pendant 3 jours, il a
fallu se contenter d'une patat:e en robe des champs, cuite
dans la marmite du berger, agrémentée d'une tranche de
fourme, tout juste égouttée et parfaitement écoeurante,
par repas. Il s'en est suivi une constipation générale.
C'est là aussi que se manifestèrent quelques poux de peau,
que l'on appelait des totos. Nous faisions alors comme les
singes en communauté. Heureusement, il n'y eu que quelques
rares spécimens. Je crois bien que ce furent des poux de
brebis qui nous avaient adoptés car nous couchions dans le
buron.. Il coulait un petit ruisseau à proximité et malgré
une eau très fraiche, nous prenions de bons bains. Tous
les jours, 2 gars allaient surveiller la RN9... Le 3ème
jour, ils revinrent en nous signalant que tout était
redevenu calme. Nous voulions absolument quitter cette
région qui nous était inconnue et où par surcroit, nous ne
connaissions personne. Alors, le groupe Nonette et
Orsonnette, nous avons demandé l'autorisation de regagner
le Puy de Dome. Notre chef nous accorda notre requête et
sans attendre, nous voilà partis. Nous étions une dizaine.
Nous avons descendus les paturages sur les fesses avec
armes et bagages, sur une pente très accentuée, avons
traversé la route nationale aux alentours de
St-Jacques-les-Blats et avons remonté la pente opposée,
direction Mandailles. Le soir, nous tombons dans une ferme
bénie des Dieux. Une brave fermière devinant notre faim,
nous prépara une grosse marmitte de soupe de légumes et
nous fit une omelette d'au moins 3 douzaines d'oeufs. Avec
çà, une énorme miche de pain. Nous avons avalé tout celà
sous le regard médusé de la brave femme qui n'en croyait
pas ses yeux. Il faut dire que nous avons apprécié et
expédié à une vitesse vertigineuse ce repas
pentagruélique. Nous lui avons payé tout celà sans
problème. Là-dessus, nous avons dormi comme des
bienheureux. Les jours se suivent mais ne se ressemblent
pas! Le lendemain, nous prenons la direction du Puy du
Sancy. Je pense qu'il faut souligner que ce qui nous a
rendu le plus de service de tout le matériel qui nous a
été parachuté, ce sont incontestablement les chaussures
américaines rouges, à tige, en forme de haricots, avec
semelle en caoutchouc. Celles-ci nous ont permis de passer
par monts et par vaux. Elles étaient très souples et
résistantes et ne nous ont jamais laissé en rade. Et
pourtant, elles n'étaient pas neuves; elles avaient déjà
été portées, mais ressemelées et réparées avant de nous
être expédiées. Nous avons remonté la rive gauche de la
Jordanne à mi-pente sur les flancs du Puy de l'Usclade et
ensuite du Puy Créou. Le soir, nous avons repéré un buron.
Nous avons sollicité le berger de nous céder quelques
victuailles, mais visiblement de mauvaise foi, celui-ci
prétendit ne rien avoir à manger. Mauvaise volonté
évidente. En dépit de notre politesse, nous avons alors
regardé de plus près, car notre odorat nous avait éguillé
vers la cuisinière où chauffait la soupe; celle-ci fut
avalée en un clin d'oeil, accompagnée d'une tranche de
pain et nous voilà remis d'aplomb. Le berger ne nous
demanda même pas à être rémunéré. Le lendemain, au lever
du jour, nous avons escaladé le col de Cabre (1,528m) et
sommes descendus vers la vallée du Santoire, une descente
raide. Un vrai casse cou. Ensuite, vers Dienne, Sauvages,
Vernols à l'Ouest d'Allange et Pradiers. Pendant ce
trajet, pour donner du coeur au ventre et trouver le temps
moins long, nous chantions quelques airs de scouts. C'est
dans ce secteur, que nous avons trouvé les kilomètres
auvergnats les plus longs. Ce faux plateau, tout en
paturages à l'ouest d'Allange ne semblait plus finir, et
tout à coup, en plein milieu, vint à passer le train
poussif de la ligne Neussargues - Bort les Orgues qui
soufflait comme un boeuf et qui, dans ce paysage dénudé,
ressemblait à une caravane dans le désert. Vers Pradier,
nous avons été très bien accueillis dans une ferme
importante. La charmante fermière nous a préparé une bonne
omelette aux pommes de terre et a refusé notre argent. De
là, nous avons eu la chance de trouver un brave Cantalou
qui nous a véhiculé dans une charrette par la D39 jusqu'à
Anzat le Luguet. Nous sommes alors le 13 Juillet. Nous
descendons toujours à pieds la D39, passons à Vinhaut,
Ardes et St Germain Lembron que nous traversons de nuit en
file indienne; pas un chat dans les rues. Pourtant en
plein été. Nous passons sans encombres devant la
gendarmerie et puis direction le Pont Pakowsky et
Orsonnette où nous tombons en pleine nuit dans la maison
de Stanis, le frère à Dédé. Des retrouvailles émouvantes.
Les gens étaient sans nouvelles depuis deux mois et
étaient au courant des combats du Mt Mouchet et de Chaudes
Aigues, avaient entendu plusieurs versions et étaient
justement très inquiets. Là, nous nous sommes restaurés
pour de bon et avons été obligés de raconter nos
péripéties; ce fut la joie et le soulagement à Orsonnette
comme à Nonette. Mais dès le 15, pour ne pas compromettre
les habitants, le groupe s'est installé dans la ferme de
Beaurecueil, surplombant l'Allier avec une belle vue sur
la plaine de la Limagne entre Nonette et les Pradaux. Un
accueil extrèmement sympathique des propriétaires où nous
avons campé dans une grange. C'est là que le contact s'est
renoué avec les responsables du maquis du secteur, dès le
17 Juillet, par un ancien de la 2ème Compagnie du Mt
Mouchet, "Roger". Son père, officier de réserve, alias
"Adam", de son vrai nom Bros, d'Auzart s/ Allier,
commandait la 15ème Compagnie du 4ème Bataillon
d'Auvergne, cantonnée à Fayet-Ronay, un hameau au sud-est
de St-Germain l'Herme. Nous avons donc repris le bâton de
pélerin et sommes montés à la Chaise-Dieu en passant par
Auzat, Ouzon, Champagniac le Vieux. Quand nous sommes
arrivés à la Chaise-Dieu, nous avons été impressionnés par
cette merveilleuse Abbaye. Aussi, avons nous fait une
rapide incursion dans ces lieux célèbres. A la sortie,
juste au pied des escaliers, se trouvait une épicerie.
Nous y sommes rentrés pour essayer de trouver quelque
chose à acheter pour casser la croûte. Alors, il y a deux
jeunes gens très excités qui sont rentrés et ont annoncé
que des Allemands étaient en train de débarquer à la gare.
Nous avons donc vite fait de reprendre la route direction
ouest et sommes passés devant l'intersection de celle qui
mène à la gare. Nous étions tous sur le qui vive. Nous
nous sommes engagés sur la route en direction de St
Germain l'Herme et quand nous avions eu dépassé d'environ
200m le chemin de la gare, les Allemands se sont pointés,
environ l'effectif d'une section de fantassins et, bien
sur, tout étonnés de voir une dizaine de ces vilains
"partisants terroristes" sortir du pays, par la grande
route. On s'est regardés, prêts à tout, le doigt sur la
gachette. Au bout d'un moment, il y eu quelques éclats de
voix de leur coté et puis, finalement, personne n'a ouvert
le feu. Ils sont rentrés au bourg et nous avons obliqué
vers la ligne de chemin de fer, que nous avons suivi et
qui nous paressait plus sûre que la route. Et c'est comme
cela que nous avons rejoint le "Père Adam" à Fayet-Ronay.
Celui-ci, ravi de ce renfort, nous a fait un excellent
accueil. Nous faisions donc partie de la 15ème Compagnie à
présent. Vers le 20, nous avons fait mouvement en
direction du Vernet la Varenne et avons pris nos quartiers
dans les dépendances du Château de la Reynerie.
.c.30 Juillet 1944
.c.La participation
de la
15ème Compagnie,
.c.
Capitaine
Adam,
.c.A la bataille de
Chaméane
Faisant partie du 4ème Bataillon.
d'Auvergne qui était cantonné au Château de la Reynerie à
1 Km en dessous du Vernet la Varenne, juste en retrait de
la D 999, nous controlions cette route depuis le 20
Juillet. Nous venions du hameau de Fayet Ronay, la
compagnie comptait alors 3 groupes de combats équipés de
FM 24/29 et Bren et comme armement individuel, de Mas 36
de fusils Remington et de mitraillettes Sten. Notre
groupe, composé en partie de garçons de Nonette,
Orsonette, le Breuil, Beaulieu, la Combelle etc... était
des rescapés du Mont Mouchet et du Cantal. Le capitaine
Adam l'avait complété de gars venus également du bassin
minier. Vers le 26, nous avons fait mouvement vers le
village de Chaméane à l'ouest de Vernet la Varenne sur la
D 89. Là, une partie s'est installée dans les dépendances
du vieux château et le groupe Raphaël, chef de groupe et
dont j'étais l'adjoint, prit logement dans la cure, une
maison à deux étages presque attenante au château; il y a
juste la petite église entre les deux batisses. La 15eme
Cie était en possession de deux vieux camions diesels
réquisitionnés et c'est notre camarade Castor qui se
chargeait de leur entretien et bonne marche. Il conduisait
volontiers l'un ou l'autre. Le
29, Francis, un ancien de la 2ème Cie du Mont Mouchet et
du Corps Franc Eloy rejoignait notre unité; un vaillant
compagnon. Le corps franc du Commandant René avait mis à
profit ces quelques jours pour creuser un emplacement de
mitrailleuse de 30 (Browning) à l'intersection de la D 89
et de la D 707 à la sortie Ouest de Chaméane en direction
de St Etienne s/ Usson. En cette fin de semaine très
calme, trop calme peut être, plusieurs de nos compagnons
qui avaient leurs familles, quelques uns leurs fiancées
dans les alentours presque immédiats des centres miniers
de la Combelle et de Brassac les Mines, voir de la
proximité d'Issoire, avaient demandé une permission pour
aller rendre visite à leurs parents et amis. La plupart de
ces gars venaient de participer aux combats du Mont
Mouchet, de Chaude Aigues et du Plomb du Cantal, une
pénible tournée de plus de 400 Km à pieds par monts et par
vaux; tous avaient livré bataille contre l'occupant,
tantôt les harcelant, tantôt pourchassés sans pitié, au
mépris des lois de la guerre, par cette horde de nazis
bien supérieure en nombre, équipée d'un armement lourd,
appuyée par l'artillerie et l'aviation, mais qu'en fin de
compte fut vaincue et a été amenée à capituler devant
notre détermination et nos sacrifices. Notre effectif
avait visiblement fondu en ce dimanche 30 Juillet; nous ne
comptions que deux groupes sur les trois. Le dimanche
matin le temps était au beau fixe, quelques uns de mes
camarades et moi même, après le réveil et le jus, sommes
allés assister à la messe de 8 heures à l'église à côté,
dite par le curé Issard. Au cours de la messe, un gars est
venu avertir notre chef de groupe Raphaël qu'il fallait
envoyer une équipe pour 9 heures à Lamontgie, afin de
récupérer un veau réquisitionné par les autorités de Vichy
et qui devait être livré sur la place du village à 9
heures précises. Raphaël quitta donc l'église et désigna 5
maquisards du Secteur de la Combelle Brassac, dont je
crois bien, "La Pipe", et un autre qui était boucher de
son métier. Ils sont donc descendus avec un de nos deux
camions diesels vers Lamontgie, via Vernet la Varenne.
Arrivés à Sarpoil, ils venaient à peine de tourner en
direction de Lamontgie que les premiers éléments de la
colonne allemande venant d'Issoire arrivaient à Sarpoil,
s'arrêtant là quelques instants. La colonne se scinda en
deux, une montant par la D 999 en direction de Vernet la
Varenne, l'autre partie, la plus importante s'emble-t-il,
s'engagea sur la D 89 en direction de St Etienne S/ Usson.
Cependant l'équipe de la 15 à néanmoins récupéré et
embarqué le veau et s'est dirigée vers Auzat en attendant
le dénouement de ce qui allait se passer là haut. A
Chaméane, à peine la messe terminée, la dame qui était
préposée à la cabine d'un téléphone public est venue nous
avertir que les Allemands montaient par la route du Vernet
et par la route de St Etienne. Il y avait donc environ
1800 allemands scindés en 2, une colonne motorisée montant
au Vernet et une colonne motorisée montant par la D89 vers
St Etienne s/ Usson, ils avaient donc l'intention de nous
prendre en tenaille. L'ennemi devait être rudement bien
renseigné par quelques miliciens ou collabos, car pour se
hasarder à emprunter et monter par cette route escarpée,
il fallait être sûr que son accès n'était défendu par
personne. Ce fut un manque de clairvoyance certain de nos
chefs, car un groupe de combats, installé dans ces gorges,
aurait suffit pour bloquer et interdire à coup sûr l'accès
à St-Etienne et à Chaméane de cette colonne motorisée,
fortement équipée pour cet itinéraire scabreux et ces
éléments n'auraient jamais pu rejoindre Chaméane dans la
journée, ce qui aurait changé la face de cette journée
tragique. Le groupe au corps franc équipé de la
mitrailleuse de 30 Browning prit position à l'intersection
de la D 89 et la D 707 face à l'ouest, dans l'emplacement
préparé. Nous, dans un premier temps, nous avons reçu
l'ordre de charger les armes, munitions et matériel
entreposé au château dans le camion restant. Pour ce
faire, Castor déplaça son camion ; le moteur de celui-ci
tournait bien, mais comme le carburant était rare, il
l'arrêta pendant le chargement. Nous avions deux à trois
tonnes d'armements, de munitions et de matériel en
provenance de divers parachutages à empiler sur ce vieux
tacot. Vers midi, la corvée fut terminée; nous sommes
passés à la cuisine pour manger un bout et puis, tout à
coup, ce fut la pétarade. Les Allemands venaient de se
pointer à l'orée du bois et aussitôt la mitrailleuse de 30
ouvrait le feu en leur infligeant de lourdes pertes.
Castor s'apprêta à mettre en marche son camion pour
dégager et aller mettre ce précieux chargement en lieu
sûr, mais le moteur refusa obstinément de démarrer. Castor
se transforma en mécanicien; il se mit à démonter et à
nettoyer filtre à gasoil, pompe à injections et
injecteurs. Nous-mêmes sommes allés prendre nos positions
de combats, le long du chemin au sud du château. Ce chemin
était bordé de part et d'autre d'une murette en pièrres
sèches qui avaient pour but d'empêcher les vaches de
quitter les paturages. Nous avons pris position derrière
cette murette direction face à l'Ouest; notre objectif
consistait à l'interdiction d'un contournement par le
Sud-Ouest. Devant nous, un grand paturage et au fond le
bois . Nous étions légèrement en contrebas et dès que les
Allemands apparurent à la cime du pré, nous avons engagé
le combat. L'ennemi, stoppé par la mitrailleuse sur la D
89, amorça une manoeuvre de contournement par le Sud et
c'est là qu'il se trouva face à nous. De notre côté, 2 FM,
un 24/29 et un Bren. Les Allemands étaient équipés de deux
M.G. 42; Un combat assez équilibré avec avantage pour nous
puisque nous étions protégés par la murette. Mais le FM
24/29, après quelques rafales et après le changement d'un
chargeur, refusa de fonctionner. Le percuteur du FM venait
de casser. Francis et son pourvoyeur remontèrent vers le
château qui à ce moment, était déjà le point de mire d'un
canon antiaérien et de mortiers qui bombardaient le
château sans interruption. Ils recherchèrent néanmoins un
FM Bren et des munitions qu'ils débalèrent du camion
chargé. Castor, pendant ce temps, nettoyait toujours les
injecteurs à l'abri d'une toile de tente afin de les
préserver des morceaux de pierre et du mortier de ciment
qui tombaient des murs sous les coups de canon. Cela dura
un certain temps. Cependant, avec notre armement, nous
faisions face à l'ennemi qui ne progressait que lentement
par le Sud en amorçant un mouvement d'encerclement. Nous
faisions de beaux cartons, au point que, quand l'un de
nous venait de descendre un Fritz, il le criait tout haut
à ses camarades et il s'engagea une certaine compétition
entre nous, à qui en descendrait le plus. Le second FM se
remit bientôt à cracher et cela allait mieux. Chez nous,
je crois bien que tous étaient confiants malgré les
rafales de mitrailleuses adverses qui crépitaient à une
cadence double que nos FM. Les balles venaient s'aplatir
et ricocher sur les pierres de la murette, sans compter
les balles traçantes qui parfois montaient en l'air, après
avoir touché les pierres. Le canon et les mortiers
harcelaient toujours le château, où le pauvre Castor,
malgré les éclats d'obus, les cailloux et la poussière
remontait le filtre et les injecteurs qu'il avait
nettoyés. Nous entendions toujours les mitrailleuses de 30
Browning qui tiraient sans relache sur l'ennemi face à
l'Ouest. Après environ une heure de combat, des coups de
feux crépitèrent derrière nous, coté Est, mais encore
assez loin. Les gars de Corps Franc avaient eux aussi
engagé le combat à l'Est de Chaméane contre les Allemands
qui étaient montés par le Vernet et qui avaient pris la
direction de Chaméane pour nous prendre en sandwich; il y
avait aussi parmi le Corps Franc quelques gars de la 15ème
Compagnie. Mais bientôt les choses prirent une mauvaise
tournure pour nous. Après quelques toussottements, le
camion de Castor démarra enfin. Celui-ci sortit par la
grande porte du Parc du Château et pris la route direction
le Vernet, car à l'Ouest, les Allemands étaient déjà à
proximité du village et arrosaient copieusement le
véhicule. Dans le village, il rencontra le Commandant
René; il lui demanda la direction à prendre: "Tu vas tout
droit et à la sortie du village, tu prends le premier
chemin à gauche". Quand Castor arriva à la hauteur du
chemin à prendre, il se trouva nez à nez avec deux camions
chargés de soldats allemands. N'écoutant que son courage,
et plein de témérité, il s'engagea dans le chemin sous une
pluie de balles et d'explosions de grenades, dont il garde
encore aujourd'hui, une dizaine d'éclats dans sa chair. Il
sauta de la cabine du camion et se dégagea à l'aide de sa
Sten et surtout, il lança une grenade quadrillée dans
chacun des véhicules, semant la panique chez l'ennemi ce
qu'il mit à profit pour s'éclipser, direction Nord, vers
les bois. Pendant ce temps, les Allemands anéantissaient
le nid de mitrailleuses de 30 à l'intersection de la D89
et la D707, ou les 5 maquisards trouvèrent une mort
héroïque après s'être battus comme des lions jusqu'au
bout. Donc, à partir de cet instant, notre résistance sur
l'axe Ouest et Sud-Ouest, n'était plus possible. En même
temps, derrière nous, côté Est, bien que les combats
continuaient, les coups de feux s'étaient sensiblement
rapprochés; l'ennemi progressait dangereusement; encore
quelques instants et nous nous trouvions coincés et faits
comme des rats. Nous n'avions jusqu'alors, heureusement,
aucune perte à déplorer. Nous avons alors amorcé un
mouvement de repli, direction le Nord. A l'Ouest, au Sud
et à l'Est, les Allemands avaient tout vérouillé; nous
sommes donc remontés par le chemin, toujours protégés par
la murette, passés derrière la cure et avons pris le petit
chemin qui longe le mur du Parc du Château, coté Est. A ce
moment, ça tirait de partout et de tous les cotés. Arrivés
à l'intersection de la route, nous nous sommes regroupés.
L'ennemi était en plein village et à l'entrée du Château
côté Ouest. Sur la gauche, nous étions protégés par le mur
d'enceinte du Parc. En face, se trouvait un pré, plus ou
moins mal entretenu, car il y poussait une certaine
quantité de touffes de genêts, dont certains dépassaient
lm20, voire lm50 et était attenant à un champ
d'oeuillettes en fleurs, un magnifique parterre de fleurs
mauves formé par les pavots (Je crois qu'il est utile de
signaler que pendant les annees d'occupation, presque
chaque agriculteur cultivait quelques ares de ces pavots
que l'on appelait communément "l'oeuillette" et dont ils
récoltaient, non pas de la drogue comme on pourrait le
penser à présent, mais laissaient murir les pavots et
récoltaient les graines, en coupant les pavots en deux.
Ces graines fournissaient, une fois passeés au moulin à
huile, une excellente huile de consommation). C'était par
là notre seul chemin de retraite qu'il fallait exécuter de
vive force. La moitié d'entre nous se sont élancés dans ce
pré en escaladant un petit mur, tandis qu'un FM tirait
quelques raffales à droite en direction des Allemands dans
le village, tous surpris de cette incursion et d'autres
lachèrent quelques coups de fusils et de mitraillettes
vers la gauche direction Ouest. La première équipe arriva
sans perte vers le milieu du pré, se camouflant dans les
genêts, ceux-ci étant uniquement efficaces au camouflage
et à la vue, mais absolument inefficaces contre les
balles! Celles-ci en les traversant, coupaient des
branches comme une main invisible. Ils se mirent à arroser
à leur tour les Allemands à l'Est et à l'Ouest et à notre
tour, nous avons forcé le passage. Raphaël notre chef de
groupe, était le dernier; il était toujours accompagné par
son fidèle compagnon et notre mascotte, un beau loulou de
Poméranie blanc du nom de Siky. Nous avons encore fait un
second repli stratégique jusqu'au fond du champ
d'oeuillettes où il y avait une clôture en fil de fer
barbelé, difficile à franchir, sous une pluie de balles en
tir croisé,. Nous avons glissé à plat ventre sous le fil
de dessous, en s'aidant mutuellement afin de faire passer
les armes et la musette. Petit-Pois qui était
l'avant-dernier, voyant Raphaël se redresser dans les
genêts et épauler son Mas 36 lui cria "vite vite
Raphaël!". Celui-ci lui répondit -"attend, il m'en faut
encore un!" Ce furent ses dernières paroles. Quand nous
nous sommes retrouvés derrière la clôture, on s'est
compté; il manquait Raphaël. Nous avons appelé; pas de
réponse et pas de chien. Pour nous, impossible de revenir
en arrière. Nous étions repérés; les balles sifflaient de
partout et dans toutes les directions. Ce n'est que le
lendemain, ou peut être bien après 3 jours qu'une équipe
du corp franc et de la 15, aidés de quelques habitants du
village qui avaient évacué dès le début des engagements et
qui peut à peu étaient revenus après le départ des
Allemands et dont faisait partie "La Pipe", que furent
récupérés les corps de nos maquisards morts pendant cette
journée tragique et que les Allemands avaient sommairement
enterré (plutot recouvert de quelques centimètres de
terre). Les emplacements étaient facilement repérables,
car les corps mutilés avec la chaleur de ces journées de
début Août commençaient à se décomposer et c'est en partie
à l'odorat que ceux-ci furent localisés. Raphaël fut
retrouvé à l'emplacement ou nous l'avions perdu de vue
pour la dernière fois. Une balle lui avait traversé la
cuisse; il avait essayé de soigner sa blessure en
appliquant le pansement individuel d'origine américaine
reçu au Mt Mouchet. Il avait la tête en bouillie; les
Boches lui avaient écrasé la tëte à coups de crosses ou de
mitraillettes; il était méconnaissable, affreusement
mutilé et ce n'est que grâce à l'emplacement, à quelques
boucles de ses beaux cheveux blonds et surtout à son
ceinturon qu'il a pu être identifié de façon formelle,
mais également grâce à son fidèle chien Siky qui pendant
ces 2 ou 3 iours ne l'avait pas abandonné; il errait
touiours dans le secteur quand nos camarades sont arrivés.
Mais à partir de ce jour, lui qui était habitué à la
bagarre, prenait peur au moindre coup de feu. Les Boches
avaient montré leur vrai visage; les hypocrites avaient
affreusement mutilé l'homme, mais avaient épargné la bête.
Nous avons dégringolé en vitesse la pente du paturage ce
qui nous a permis d'atteindre le bois de sapins en
contrebas. Les Allemands nous arrosaient de l'Est et
surtout de l'Ouest. C'est là, juste avant d'atteindre le
bois que "Fricotin~ (un jeune orphelin marseillais de 17
ans qui nous avait suivi au maquis le 10 Juin au soir,
quand nous avons défilé dans la rue principale du Bourg de
Malzieu, ville dans la Lozère), reçoit une balle en plein
front, il se trouvait à coté de Mousse. Avant de nous
replier, un de nos camarades a abattu, d'un coup de
carabine entre les épaules un officier allemand qui
portait une belle casquette pleine de ficelles. Nous nous
sommes glissés dans le bois à l'abri derrière les troncs
pour souffler un peu. Quelques uns ont encore riposté aux
tirs ennemis qui continuaient sans effet. Ensuite, nous
avons décroché et nous nous sommes dirigés vers notre lieu
de repli qui était Chassignol; nous avions soif, nous
sommes arrivés presque à la nuit tombante, fatigués et
surtout tristes d'avoir perdu deux de nos camarades. Le
lendemain, nous avons pris la direction de Fayet Ronay:
c'était le centre de regroupement de notre Compagnie. Nous
avons beau nous compter, il manque Raphaël et Fricotin. Je
dois alors assumer la responsabilité de Chef de groupe.
Les Allemands avaient mis le feu à ce qui restait du
château et la Cure. Nous faisons, après l'enterrement de
13 de nos compagnons au cimetière de St-Etienne sur Usson,
mouvement vers notre nouveau cantonnement, le Château de
la Reynerie que nous connaissions bien "Mais ce n'était
pas la vie de château!" La 15eme Cie qui comptait 3
groupes de combat, céda le 3ème Groupe au Commandant René
pour compenser ses pertes. Le 24 Août, nous sommes
descendus à Issoire et c'est à ce même groupe que le 25,
pendant la bataille d'Issoire, que j'ai confié les
prisonniers que je venais de faire avec 3 de mes camarades
sur la RN 9, ainsi que les deux vehicules. P.S. : Siky, le
loulou de Poméranie a été adopté par Reine, la fiancée de
notre camarade Dédé et c'est chez eux, après leur mariage,
fin 1944, qu'il a vécu de paisibles jours heureux jusqu'à
sa mort naturelle.
.c.LA LIBERATION D'ISSOIRE
.c.LE 24 AOUT
.c.LES COMBATS DU 25
AOUT 1944
15me
COMPAGNIE
CAPITAINE BROS, alias
"ADAM"
CHEF
DE GROUPE
SERGENT-CHEF "BIDULE
"
Le 24 Août 1944, par une magnifique
journée d'été, nous sommes descendus du Vernet La Varenne
de bon matin et avons pris position sur la rive gauche de
l'Allier, juste en aval du pont suspendu de longs
pourparlers se sont alors engagés entre les Allemands qui
se tenaient dans leur caserne à 2 km de là et les
différents Chefs de maquis. Une estafette en moto équipée
d'un drapeau blanc faisait le va-et-vient et transmettait
les messages. Puis tout à coup, dans le cours de
l'après-midi, sur les hauteurs de Parentignat, sur la rive
droite de l'Allier, une unité munie de mitrailleuses ouvre
le feu en direction de la caserne! Nous, 4ème Bataillon,
composé du Corps-Franc du Commandant René et de la 15ème
Compagnie du Capitaine Adam nous nous sommes avancés en
direction de la ville en colonne par un de chaque côté de
la route et arrivés à environ 400 mètres des casernes,
nous avons obliqué à gauche et là, le Commandant René a
donné l'ordre d'ouvrir le feu nous avons copieusement
arrosé les bâtiments de la caserne mais pas de réaction de
l'adversaire… Nous avons alors entendu une forte explosion
(les Allemands venaient de faire sauter un véhicule qu'ils
avaient abandonné dans une rue non loin de la caserne). Au
bout d'une dizaine de minutes apparut un drapeau tricolore
à une fenêtre d'un bâtiment. Les Allemands venaient donc
d'évacuer la caserne et se repliaient en direction de
Clermont en traversant la ville. Nous nous sommes avancés
jusqu'à la R.N. 9 et nous sommes mis en marche vers le
centre-ville toujours en deux colonnes par un, le
Corps-Franc à droite, la 15ème Compagnie à gauche, le
Commandant René et le Capitaine Adam au milieu de la
chaussée, moi-même en tête de la file de gauche: nous
avancions l'arme à la main, prêts à riposter à une
traîtrise éventuelle des miliciens! Un certain nombre
d'habitants, il n'y avait pas encore foule, nous
applaudissait le long du boulevard et croyez-moi, après 4
mois de maquis, cela vous fait "chaud au coeur "! Il y a
même eu une petite fille qui est accourue vers moi et m'a
offert un bouquet de fleurs malheureusement un peu plus
loin j'ai dû le laisser tomber car il ne me laissait pas
libre de mes mouvements. J'en étais vraiment désolé mais
l'instinct de vigilance que j'avais acquis dans la
clandestinité avait prévalu. Nous nous sommes rendus au
Monument aux Morts car le Commandant René voulait saluer
les victimes de guerres par une salve de sa carabine
américaine mais celle-ci refusa de parler à plusieurs
reprises. Le Capitaine Adam vint à ce moment-là vers moi
et me donna l'ordre de me porter avec mon groupe, sur la
R.N. 9 au sud de la ville, car me dit-il "Bidule, il
paraît qu'il y a encore des Allemands qui remontent de
Saint-Flour Issoire est libéré et doit le rester - je
compte sur vous…". J'ai donc fait mettre l'arme sur
l'épaule à mon groupe et j'en ai fait autant car j'avais
gardé mon fusil modèle 36 qui m'avait été affecté au Mont
Mouchet, le 13 Mai. En colonne par deux, nous voilà,
traversant la ville aux pas cadencés jusqu'à la sortie
sud. Nous étions donc la première troupe de la Libération
à défiler aux pas cadencés et l'arme sur l'épaule dans la
cité et nous avons été très applaudis car à ce moment-là,
il y avait déjà beaucoup de monde très enthousiaste dans
la rue. Nous avons pris position à la sortie de la ville
dans une légère descente au bord de la route, en face d'un
petit château. Nous avons donc passé tout le reste de
l'après-midi à attendre, sans que personne ne se pointe à
l'horizon. Le soir venu, nous avons récupéré des bottes de
paille dans les champs environnants et nous nous sommes
installés pour passer la nuit dans les fossés du bas-côté
de la route. On nous avait complètement oublié!! En ville,
c'était la fête, pour nous, pas même à boire ni à manger…
Ce n'est que tard dans la soirée que quelques habitants du
secteur qui étaient venus nous rendre visite et qui
étonnés que nous n'ayons rien à nous mettre sous la dent,
nous ont apporté quelques victuailles.
.c.2ème EPISODE:
.c." STOP! ON NE
PASSE PLUS! "
.c.UN EXPLOIT D'UNE
GRANDE TEMERITE… Le lendemain matin, 25
Août. Par un temps aussi beau que la veille, à 9 heures -
toujours rien. Pas d'ennemi en vue, pas de café, ni de
casse-croûte. Vers 9 h 30, arrive enfin un Agent de
liaison qui nous donne ordre de nous porter en avant car
"les Boches" arrivaient. Et le casse-croûte et le jus?
Pour toute réponse: "On ne m'a rien donné pour vous". Nous
voici donc repartis, très légers, l'estomac vide jusqu'à
la hauteur de la maison d'une garde-barrière (je pense que
c'était le passage à niveau qui donnait accès au terrain
d'aviation car à cet endroit la route et la voie de chemin
de fer étaient parallèles et juste séparées par un fossé).
Ah! j'oubliais, la maison de la garde-barrière était
habitée par une jeune femme avec 2 enfants en bas âge, et
se trouvaient là, trois hommes en civil probablement des
gars du pays qui étaient en train d'abattre un érable en
travers de la route (à cette époque, de chaque côté de la
R.N. 9 et dans ce secteur, se dressaient de grands
érables). Francis, mon tireur de F (fusil-mitrailleur
Bren) prit position juste devant les bûcherons entre la
ligne S.N.C.F. et la route et avec lui Le Mousse de la
15ème Compagnie (je note ce détail car il y avait alors
plusieurs mousses dans d'autres formations et il est
important de ne pas confondre) qui avait 16 ans et qui
était armé d'une mitraillette Sten (il est aujourd'hui
Porte-Drapeau de l'A.N.A.C.R. Couze-Pavin). Alors comme
régnait un calme absolu, on s'était dit "Et si l'on
essayait de trouver quelque chose à se mettre sous la
dent!! "aussitôt dit, aussitôt fait… Francis et Le Mousse
restèrent sur place, Dédé et Canard se dirigèrent en avant
vers la ferme qui se trouve à environ 200 mètres pour
aller au ravitaillement, Canard et La Pipe se portèrent en
avant sur le flanc de la colline pour trouver un éventuel
emplacement de défense favorable: Petit Pois et moi-même
traversâmes la route et allâmes cueillir quelques pommes
et des noisettes. Dédé et Canard étaient en train de boire
un bol de lait lorsque tout à coup arriva à la ferme, la
future belle-mère de Dédé, qui elle aussi venait au
ravitaillement et la première surprise passée, leur
annonça que les Allemands étaient en train de passer sur
la route. Alors, d'un seul coup tout se précipita:
l'érable venait juste de tomber en travers de la route et
au même instant arrivaient 4 véhicules et bizarrement
presque sans bruit!! Le 1er véhicule, un 4 X 4, le 2ème,
une ambulance suivie de 2 autres 4 X 4 - c'est vrai qu'ils
ne roulaient pas vite!!! Les 3 4 X 4 portaient huit
soldats et étaient équipés d'un M.G. 42 (mitrailleuse
légère type 42). Les bûcherons coururent vers le coteau et
disparurent. Les véhicules s'arrêtèrent: le 1er juste
devant l'arbre abattu et à ce moment-là, Francis ouvrit le
feu à bout portant (10 mètres environ) avec son F Bren et
vida son chargeur complètement d'une seule rafale dans les
2 premiers véhicules. En face, la panique aidant sous ce
feu brutal et meurtrier, les occupants sautèrent des 2
premiers véhicules et s'aplatirent dans le fossé de la
route, face côté coteau, un seul se coucha trois arbres
plus loin derrière un érable côté S.N.C.F. Pendant ce
temps, les deux dernières voitures firent un rapide
demi-tour, tout en tirant dans notre direction et
disparurent derrière le tournant. Petit Pois et moi-même,
en quelques bonds, rejoignâmes Francis et Le Mousse et
nous regardant l'espace d'une seconde, je leur dis: "On y
va?" - ils me répliquèrent: "On y va", sans l'ombre d'une
hésitation. Cette décision prise, il fallait vaincre ou…
mourir! Nous étions donc face à face, distants de la
largeur de la route plus les talus, à environ 12 mètres
(je précise que tout cela se déroulait sans casque) quand
commença alors un échange de coups de feu nourri. Puis
d'un seul coup, on arrêta le tir car derrière nous
sortaient des grands cris d'effroi de la maison de la
garde-barrière qui se tenait à 2 pas de nous: à
l'intérieur une jeune femme avec ses deux enfants, un dans
ses bras, l'autre le tenant par la main, prise de panique
était prête à sortir en hurlant! A ce moment-là, je crois
que tous les 4 nous avons eu froid dans le dos! Assez
curieusement ceux d'en face avaient également cessé le
feu. Je lui ai crié et l'ai supplié de ne pas s'affoler…
qu'elle ne craignait rien… de se coucher sous le lit et de
ne pas bouger et surtout de ne pas sortir de la maison -
car cela aurait pu être catastrophique. Ceci étant, la
pauvre s'est effectivement calmée si bien qu'elle
continuait de sangloter: il est vrai qu'il y avait de
quoi!!! Nous reprîmes donc le combat, nos balles
labouraient le talus de la route en face en soulevant des
traînées de terre et de gazon qui aveuglaient plus ou
moins nos adversaires et derrière eux se trouvaient le
poulailler et les clapiers de la garde-barrière entourés
d'un grillage: ce fut un spectacle inédit car les balles
au contact du grillage faisaient des étincelles et les
lapins affolés tournaient autour du grillage à mi-hauteur
et faisaient ainsi le mur de la mort de même que les
poules volaient de toute part. Le combat tourna assez
rapidement à notre avantage et pour cause ils ignoraient
notre importance numérique ce qui fut notre premier
avantage, le second est que sous la brutalité du lâché
d'un chargeur complet de notre F à bout portant en guise
d'accueil, ils avaient tous sauté des véhicules avec une
telle rapidité qu'ils avaient abandonné leur M.G. qui
était restée en position au-dessus de la cabine du 4 X 4.
Ils ne leur restaient que leurs armes individuelles ce qui
ne faisait pas le poids contre notre F, la mitraillette et
les 2 fusils 36. Le bruit et la sensation d'un F qui vous
tire dessus de face à une dizaine de mètres sont vraiment
démoralisants ce sont de vrais coups de marteaux qui font
de l'effet même sur de vieux guerriers!!! Quoiqu'il en
soit, peu de temps après, il n'y eut plus de réplique de
la part des Boches. Francis avait vidé 12 chargeurs sur 14
- Le Mousse pour sa part aidait à remplir des chargeurs et
moi-même profitant de mes connaissances de la langue
allemande, j'entamais le dialogue avec nos adversaires en
vue d'une reddition. Au début, ce fut plutôt un dialogue
de sourd - pensez donc, se rendre à des partisans à des
terroristes!!! Bien que quelques-uns répondaient quelque
chose de ne pas très audible. J'élevai alors la voix et
leur assurai de se rendre et surtout qu'il ne leur sera
fait aucun mal là, les réactions furent plus nettes et ça
avait l'air de vouloir marcher. Mais il restait un
problème et c'était comme une épine dans le pied! Nous
avions presque oublié le soldat qui était couché à environ
60 mètres derrière un arbre: il se remit à nous tirer
dessus avec son Mauser et de ce fait, remit tout en
question. Je demandais alors à Petit Pois de longer la
voie de chemin de fer côté plaine et d'aller neutraliser
cet emmerdeur ce qu'il exécuta d'une manière magistrale.
Francis et Le Mousse gardèrent en haleine les Allemands en
face et moi, je tirai régulièrement des coups de mon 36
sur le bord du tronc de l'érable derrière lequel le tireur
récalcitrant était allongé. Petit Pois progressait comme
un vieux fantassin à quatre pattes et arrivé à sa hauteur
lorsque les 3/4 de son corps fut visible, il lui envoya un
coup de son 36 à travers le corps, la balle le traversa à
la hauteur des reins - il poussa un cri et plus rien.
Petit Pois, nous rejoigna très rapidement et après une
autre rafale d'intimidation, je repris la conversation en
"Spuns" avec ceux d'en face. Cette fois-ci, ce fut l'ordre
de se rendre immédiatement!!! D'un seul coup, il y eut des
voix qui vinrent à ma requête: c'était le conducteur et
l'aide-conducteur qui blessés par la première vidange du
chargeur du Bren de Francis, n'avaient pu sauter de leur
véhicule et s'étaient laissés glisser au pied du siège, ce
qui les avaient complètement dérobé de notre vue et ils ne
s'étaient bien sûr pas manifestés durant les combats.
C'est alors qu'il se produisit un autre événement:
Profitant de l'accalmie, le Groupe-Franc du Commandant
René s'était rapproché d'environ 80 mètres de nous et ont
ouvert le feu sur les véhicules dès qu'ils les eurent vu.
Ils tirèrent 4 coups de F, en coup par coup (parce qu'il
ne fonctionnait pas par rafales) et également une rafale
de mitraillette. Nous les interpelions à grands cris: "Ne
tirez pas, les Allemands vont se rendre". Alors une
dernière fois je criai "Hände hoch und raus", ce fut le
déclic. Ils sortirent tous sur la route, les mains en
l'air, sauf un (dans ces cas-là, il y en a toujours un qui
ne peut pas faire comme tout le monde!) c'était
l'ordonnance du Colonel qui se trouvait dans l'ambulance.
Il sortit donc du fossé avec son pistolet à la main et se
sauva en courant en direction du sud et ensuite vers les
sous-bois du coteau je lui ajustai (mal) 4 coups avec mon
36 et le manquai… Il faut dire qu'il "connaissait la
musique", il plongeait, se relevait etc… mais La Pipe et
Poteau qui revenaient nous rejoindre l'interpelèrent et il
rejoignit le gros de la troupe avec des coups de pied au
cul. Il était évident que la reddition ne fut pas facile
vous pensez, se rendre "aux partisans, aux terroristes
"!!! il est vrai, qu'eux, dans le cas inverse, ne
laissaient pas de chance de survie aux maquisards! Les
gars du Corps-Franc sont arrivés en courant et tous
excités, se sont jetés sur les prisonniers, les ont
fouillé et récupéré les armes individuelles (je me
rappelle bien, il y avait un dénommé Bouboule, un vrai
excité, qui dansait au milieu des prisonniers et qui avait
récupéré un Parabellum long). Les prisonniers se
demandaient bien à quelle sauce ils allaient être mangés!
Francis avec son F, en compagnie de son chargeur se
portèrent aussitôt en avant jusqu'au tournant et prirent
position au bord de la route afin de prévenir un retour
éventuel de l'ennemi et cela jusqu'à l'évacuation des
prisonniers et des blessés Pour ma part, je me rendis chez
le soldat que Petit Pois avait mortellement blessé
derrière l'arbre: il était allongé sur le dos et en me
voyant approcher, leva les bras au-dessus de la tête et me
cria "Ich bin Osterreich" (Je suis Autrichien) - il avait
un regard terrorisé et suppliant. J'ai compris qu'il était
persuadé que j'allais l'achever à coups de crosse comme
ils avaient, eux, l'habitude d'opérer avec les partisans
blessés. Je lui ai répliqué dans sa langue "N'aie pas
peur, baisse les bras, tu aurais mieux fait de rester
tranquille au lieu de nous tirer dessus!". Il devint de
plus en plus pâle et quelques instants plus tard, il
mourut, vidé de son sang. Je revins donc sur mes pas et
montai dans l'ambulance: il y avait là un "Oberst", un
Colonel blessé, un grand gaillard arrogant assis sur une
civière qui parlait parfaitement le français et son entrée
en matière fut: "Il faut respecter les Conventions de
Genève!". "Comment?". "Il faut respecter les Conventions
de Genève", répéta-t-il d'un air nettement supérieur à la
normale (avec une voix de commandement). Il me dit cela à
moi, moi qui ne lui avais rien demandé!!! là, j'ai
explosé, ce qui est plutôt contraire à mon calme
légendaire et je l'ai prouvé maintes fois, principalement
ce jour-là: "Salaud, espèce d'hypocrite" répliquai je -
dire qu'il y a 26 jours à Chaméane, vos frères d'armes,
ces sales nazis ont lâchement assassiné, achevé à coups de
crosses, notre camarade Raphäel, blessé au combat qui
était tombé entre vos mains…". Lui, têtu, continua à
parler de Conventions de Genève mais mal lui en prit! Sur
ces entrefaits, mes camarades Canard et Dédé nous avaient
rejoint et Canard exaspéré, l'attrapa par le col de sa
chemise, le souleva et cria: "Tu vas la fermer ta
gueule!". Il lui emprunta son poignard hitlérien qu'il
portait à sa ceinture et avant que je puisse faire un
geste, il lui enfonça d'un coup sec le poignard dans le
dos: l'"Oberst" s'aplatit sur sa couchette, les
Conventions de Genève se transformèrent en un dernier râle
et il expira. Pendant ce temps tout mon groupe était
revenu et nous étions au complet, Poteau récupéra la
mitrailleuse M.G. et les munitions. La garde-barrière,
elle aussi avait fait surface, la pauvre, elle était plus
morte que vivante! Je ne l'ai plus jamais revue et c'est
bien dommage car elle aurait bien mérité de la patrie. Sur
place, c'était un peu la foire les gars du Corps-Franc
fouillaient les véhicules et les affaires des prisonniers.
J'ai fait récupérer le mort derrière l'arbre et fait
mettre les blessés dans les véhicules (ils étaient 4) deux
dans la voiture de tête, un dans le second véhicule et un
autre qui s'était traîné dans les buissons à flanc de
coteau. Un des prisonniers m'interpela et m'expliqua en
allemand, bien sûr, qu'il avait un pistolet dans son
paquetage - Je lui ai dit "Fais voir" et il me sortit un
Beretta 9 mm cours qu'il avait dû récupéré en Italie ou
sur un Italien: c'est la seule arme que j'ai conservé. Le
bilan de cet exploit, car même en restant modeste, ce fut
un exploit d'une grande témérité car vu le nombre, quatre
gars seuls devant un convoi, il fallait le faire!! Avec 2
morts dont un Colonel, 4 blessés et 8 prisonniers avec
leurs armements et 2 véhicules et tout cela en moins d'une
demi-heure et sans aucune perte de notre côté voilà un
travail bien fait et vite fait. J'ai alors ramené le calme
et j'ai prévenu tout le monde qu'il fallait se
"grouiller", que les Boches n'allaient pas tarder à
revenir que la chanson ne serait pas la même car ils
arriveraient en force surtout qu'ils avaient un Colonel à
récupérer! Nous avons donc, la 15, le Corps-Franc et les
prisonniers mis la main à la patte pour sortir les
véhicule et cela par le fossé et la voie de chemin de fer
- Il y a des chances que sans l'aide des prisonniers, nous
aurions certainement dû renoncé à les récupérer. Enfin
quand tout ce petit monde fut prêt sur la route, j'ai
alors décidé de rester sur place à la tête de mon groupe
revenu au complet. Notre mission n'était en effet, pas
terminée, je m'étais rappelé les consignes du Capitaine
Adam:" Issoire est libéré et doit le rester, je compte sur
vous, Bidule". Le Corps-Franc n'était pas en mesure
d'engager le combat à venir car il ne pouvait faire face à
seulement un F qui tirait au coup par coup…!!
Imaginez-vous, qu'il se soit trouvé à notre place 3
mitrailleuses M.G. 42 en face d'eux? Il y aurait
certainement eu des noms à rajouter au Monument aux Morts
de la ville… J'ai alors dit aux gars du Corps-Franc de
ramener les prisonniers et le matériel sauf bien
évidemment la M.G. 42, et de revenir nous donner un coup
de main, car nous allions en avoir probablement besoin!
Les voilà donc partis… A compter de cet instant, les héros
changèrent de camp: Bidule, Francis, Petit Pois et Le
Mousse, connaît pas! Quels sont ces obscurs? Les gars du
Corps-Franc avaient en effet accompli cette tâche d'une
façon exemplaire, bien même au-dessus de mes prévisions -
pensez donc, une opération plutôt facile et surtout
agréable et pour eux ce fut "la marche triomphale" car
chemin faisant, petit à petit, le Corps-Franc venait de
prendre "Tout ce qui venait d'arriver a leur compte" et
avec l'entrée triomphale dans la ville, il n'y eut plus de
doute possible: c'était eux seuls les héros de cet
exploit. La confirmation d'ailleurs ne se fit pas attendre
ils furent gratifiés de: "héros, de discours élogieux et
une distribution de Croix de Guerre s'en est suivie "!!
Manifestement, je pense que ce sont les circonstances qui
font les héros et je suis persuadé que 43 ans après il n'y
a rien de changé et que cette légende est toujours restée
dans les moeurs! Pensez donc, avec 4 coups de fusils et
une rafale de mitraillette, stopper 4 véhicules équipés de
3 mitrailleuses, tuer un Colonel plus un soldat, blesser 4
autres soldats et faire 8 prisonniers et de plus récupérer
2 véhicules allemands… C'est vrai, il faut le faire! .c.LA CONTRE-ATTAQUE ENNEMIE .c." LA
DERNIERE " Les dernières émotions passées
et mis en confiance par ce franc succès que nous venions
de remporter, nous nous sentions tous sereins en attendant
le 2ème choc il faut savoir que pour nous c'était la
deuxième victoire sur l'ennemi car nous avions déjà
participé victorieusement à la bataille du 2 Juin au sein
de la 2ème Compagnie au Mont Mouchet. Nous nous sommes
tant soit peu restaurés avec quelques pommes pas très
mûres - Francis avec ses aides ont refait le plein des
chargeurs du Bren. Nous étions donc fin prêts pour le
second choc, mon équipe était au complet: Bidule, Francis,
Petit Pois, Le Mousse, Dédé, Canard, La Pipe, Marthoune,
Surcouf, Stanis, l'Aristote, Castor, Vidoc, je m'excuse si
j'en ai oublié un ou deux mais ce n'était pas hier, je
crois qu'il y avait aussi Fil de Fer. Pendant ce temps,
les Allemands préparaient la contre-offensive. Le
Capitaine Adam nous avait aussi rejoints. Heureusement que
les "Boches" ignoraient l'effectif d'en face car nous
aurions passé un mauvais quart d'heure et je me demande
bien ce que cette journée nous aurait réservé! Nous nous
sommes donc installés à flanc de coteau à la hauteur du
premier engagement: il y avait là un cabanon en dur que
l'on trouvait alors dans les vignes de cette région
d'Auvergne et devant celui-ci se trouvait une belle petite
terrasse entourée d'une murette où il faisait très chaud -
nous étions tant soit peu à l'ombre. Poteau avec son M.G.
42 de récupération et le 2ème Groupe plus un F ont pris
position au sommet de la colline face à la petite plaine
qui se trouve en-dessous du Broc. Les Allemands tout en se
regroupant pour foncer sur Issoire étaient harcelés dans
la plaine de Saint Germain Lembron et l'on entendait tirer
même au canon! Ils sont donc arrivés dans un silence
quasi-total excepté le ronronnement des moteurs des
automitrailleuses les fantassins longeant les deux fossés
de la route en colonne par un, une automitrailleuse en
tête suivie à vingt mètres de sa soeur et de plusieurs
véhicules vides. Les automitrailleuses étaient équipées de
mitrailleuses lourdes de 13 mm/mm, les fantassins de la
M.G. 42 et d'un mortier: ce fut un moment de grand
silence… Il y eut alors quelques ordres brefs et arrivés
devant l'érable en travers de la route, les Allemands se
mirent au boulot, tirant des câbles et les accrochant à
l'automitrailleuse de tête. C'est alors que nous avons
ouvert le feu à une distance d'environ 60 à 70 mètres.
Francis lâcha quelques rafales bien ajustées et nous
autres, quelques coups de fusils et mitraillettes. La
riposte fut rapide et sèche: M.G. mitrailleuse lourde et
coups de mortier. Sans "bobos", nous avons rapidement
changé de position tandis que des obus de mortier
continuaient à pleuvoir autour du cabanon. Ils ont alors
fait sauter le tronc d'arbre à l'explosif. Au lieu de nous
replier sur Issoire, nous nous sommes dirigés vers
l'arrière de l'ennemi et Dédé et moi-même avons tiré à
balles perforantes sur la seconde automitrailleuse qui
nous montrait le flanc gauche à 60 mètres - je ne sais pas
si cela fut efficace mais en tout cas, la réplique de la
13 mm/mm faillit faire mal, les impacts sont venus piocher
la terre juste en-dessous de nous… Nous harcelions donc la
colonne dans sa lente progression et recevions
régulièrement des giclettes d'armes automatiques et de
mortier, heureusement que nous nous déplacions
constamment… Nous avons donc combattu en nous repliant le
long de la crête de la petite colline qui longe la route
et tout en restant parallèles aux troupes les plus
avancées et même parfois légèrement en retrait ce qui les
gênait terriblement surtout qu'ils entendaient tirer bien
plus en arrière l'équipe Poteau… Le mortier qui nous
envoyait régulièrement un obus après chaque rafale de F
nous a toujours loupé car nous nous déplacions
immédiatement mais une fois, un obus a éclaté à quelques
mètres au-dessus de ma tête et la déflagration m'a projeté
à terre sans "bobos" mais un peu sonné tout de même…!!
Pendant ce temps, Poteau et son équipe, le Capitaine Adam,
en tête (je signale que c'est le seul Officier qui a
participé sur le terrain aux combats rapprochés au sud
d'Issoire), avait accroché les fantassins allemands qui
progressaient dans la colline, face à la plaine en-dessous
du Broc. Ils ont fait bien des dégâts dans le rang des
attaquants car une surprise totale a joué chez les
assaillants!! Quand Poteau a ouvert le feu avec la M.G.
42, les Allemands n'ont d'abord pas bronché malgré un tir
très précis et puis, ils ont gueulé croyant à une méprise
de leur côté… Pendant ce temps, Poteau continuait à les
arroser copieusement et ce n'est que lorsque l'un des
leurs s'est trouvé hors de combat, qu'ils ont compris que
nous avions fait main basse sur une de leurs
mitrailleuses. Le Groupe Poteau tenait bon et nous de
même, ainsi les Allemands ne progressaient que très
lentement, ces combats rapprochés ne semblaient pas du
tout leur convenir! Les Allemands, curieusement avaient
installé un canon de 88 au tournant, en face de la ferme
où Dédé et Canard avaient été se ravitailler le matin. Et
de cet endroit, il leur était impossible de nous
atteindre, nous qui évoluions sur le flanc Est de la
colline, ainsi que le Groupe Poteau qui défendait la crête
Sud, ne pouvait non plus être atteint. Par contre, pour se
venger, je pense, ils ne se sont pas privés de pointer en
tir tendu, une formation (ou le Corps-Franc ou bien des
F.T.P.) qui évoluaient vers la grande ferme à une distance
d'un kilomètre environ au milieu de la plaine d'Issoire.
Je vois encore un obus traverser une meule de paille ou de
blé, prendre feu… Pour nous, l'arme la plus redoutable,
furent les mitrailleuses de 13 mm qui nous arrosaient
régulièrement et cela fait une drôle d'impression là
encore, la chance était de notre côté, bien que ces tirs
furent bien ajustés par contre ils tiraient toujours
légèrement trop courts, les balles venant piocher à
quelques mètres devant nous!! Ces tireurs allemands ne
semblaient pas être entraînés au tir en terrain accidenté,
heureusement pour nous!!! Je me souviens qu'à un moment
donné, une rafale de mitrailleuse est venue piocher la
terre à moins de 50 centimètres d'une de nos musette
pleine de grenades, et là nous avons eu chaud. Nous avons
donc combattu toute la fin de l'après-midi et jusqu'à la
tombée de la nuit tout en nous repliant vers Issoire. Il y
avait également d'autres maquisards qui tiraient sur les
Allemands du terrain d'exercices au sud de la caserne mais
en combat rapproché, il n'y a eu que les gars de la 15ème…
Nous sommes arrivés vers le terrain d'exercices au moment
du coucher du soleil, Petit Pois y avait récupéré une
musette pleine de tabac (précieux à l'époque!) que nos
prédécesseurs avaient abandonné. Ensuite, nous nous sommes
repliés en direction de Perrier. Les paquets de tabac
Scaferlati avaient souffert, car une balle avait traversée
la musette. Il faisait déjà bien sombre lorsque nous nous
sommes accrochés une dernière fois avec une patrouille
allemande: c'était dans la traversée d'un champ de blé
fraîchement moissonné - nous nous sommes couchés derrière
les gerbes de blé qui se tenaient debout par paquets de 4
ou 5 cela ne faisait qu'une protection morale et il n'y
avait que l'Aristote qui s'était étalé en plein découvert
dans le champ mais finalement, il n'y eut pas de bobos…
Nous sommes arrivés dans une ferme, il faisait nuit noire
et bien qu'harassés, nous étions contents. Nous avons
rencontré le Groupe Poteau et avons passé la nuit dans la
grange et je vous prie de croire que nous n'avions pas eu
besoin d'être bercés! Mission accomplie à 100 % pour cette
journée très "chaude" à tout point de vue. Aucune victime
de notre côté, pas même une égratignure! Notre objectif
avait été atteint l'accès à la ville d'Issoire leur était
"interdit". La colonne allemande a due contourner la ville
en passant par le pont Pakonski. Le lendemain, en fin de
matinée, nous avons repris le chemin pour Issoire. Nous
n'étions pas rasés mais radieux le fardeau de 4 années
d'oppression s'était envolé. Nous étions plus légers, il y
avait en nous, une espèce de sérénité retrouvée, il nous
semblait même que l'air qu'on respirait, avait changé! Une
page était tournée après plus de 4 années d'angoisse, de
tourments et de souffrances. De se sentir soudain libre
avec un grand L et en plus, avoir la satisfaction d'y
avoir contribué, c'était sublime! Rien n'était plus comme
la veille… Et c'est dans cet esprit que nous avons rejoint
Issoire. Nous étions heureux et nous aurions été comblés
si quelqu'un nous avait simplement dit "Vous avez fait du
bon travail, les petits gars "ou pourquoi pas" Maquisards,
je suis content de vous!". Je n'avais jamais pris de notes
sur cette bataille mais j'ai été très marqué par les
événements. Plus particulièrement par les engagements en
combats rapprochés qui ont été d'une telle intensité que
j'en suis resté marqué pour la vie et qu'il m'est
impossible de les oublier! Je crois sincèrement m'être
exprimé fidèlement dans mes souvenirs plus de 43 ans
après. J'ai certainement oublié quelques noms de camarades
ou plutôt leurs pseudonymes (de la 15ème plus
particulièrement) et je m'en excuse auprès d'eux! Par
contre, je pense qu'ils se rappellent de Bidule…
A ECHIROLLES, LE 1er JUIN 1988
Environ
quinze jours après la Libération, je suis allé à
l'hôpital rendre visite à mon camarade "Busi" atteint de
ce que l'on appelait alors une "maladie honteuse". Il me
dit: "Dis donc, Bidule, il y a les prisonniers allemands
blessés qui ont manifesté le désir de te rencontrer". Je
me suis donc rendu dans la salle où ils étaient soignés
et je les ai trouvés en bonne voie de guérison - ils
avaient tous des blessures aux membres inférieurs… Voilà
qu'après m'avoir gratifié de beaucoup de "Güten Tag
Chef" (Bonjour Chef)… Ils me dirent "Sie sind ein Güter
Chef" (Vous êtes un bon Chef) - Nous tenons à vous
remercier infiniment car vous êtes un homme de parole…
et de continuer! Nous n'avions pas cru que vous
tiendriez parole quand vous nous avez sommé de nous
rendre et que vous avez dit que vous ne nous ferez aucun
mal! Vous comprenez fort bien que, eux qui avaient
appliqué les consignes d'achever tous les blessés
partisans terroristes, avaient bien du mal à réaliser
qu'en se trouvant dans la situation inverse, ils ont eu
la vie sauve! Je suis resté malgré moi, sensible à cet
hommage des "Vaincus aux Vainqueurs". Par contre, les
prisonniers valides, je ne les ai jamais contactés: ils
ont été noyés dans la fournée des 80 autres prisonniers
qui sont arrivés d'Ambert et tout ce monde a été
installé dans un baraquement qui se trouvait dans la
cour de la caserne. A cette époque, un guerrier désarmé
et captif n'était plus qu'une chose encombrante et sans
intérêt pour moi!
.c.LA TOILETTE DU PRISONNIER
Comme Chef de Groupe, j'étais désigné,
à tour de rôle, à la sécurité de cette centaine de
captifs. En fait, plus exactement comme surveillant ou
garde-chiourme! enfin, il fallait bien s'exécuter et ce
n'était pas sans répugnance… Ce baraquement avait à chaque
extrémité, une petite pièce d'un côté se trouvait le
responsable allemand, qui lui, parlait le français et qui
était le porte-parole des autres prisonniers et de l'autre
côté était installé un Lieutenant - c'était, je crois, le
seul Officier captif - il était donc tout seul et à l'aise
vis-à-vis des autres qui faisaient chambre commune,
(décidément, on ne mélange pas les torchons avec les
serviettes!) même chez les prisonniers. Celui-ci, peu à
peu reprit de l'assurance, il devait encore rêver au grand
"Reich" et ne tarda pas à manifester sa supériorité et du
coup, devint même désagréable. Un soir, mon ami Canard
vint me trouver et me tin ce langage "Bidule, il y a le
chiant, tu sais le Lieutenant, ce grand con, il me demande
d'un air arrogant une bassine avec de l'eau pour prendre
un bain de pieds!" (cela devait certainement faire partie
des Conventions de Genève…). Surpris, je me suis trouvé un
peu pris de cours mais il ajouta aussitôt - "J'ai une idée
laisse-moi faire!". Et le voilà parti lui chercher une
cuvette pleine d'eau, avec le sourire aux lèvres. Je me
demandai bien ce qu'il mijotait dans sa tête!!! Le bel
Officier avait du savon, il se mit donc à l'aise, enleva
ses belles bottes et visiblement satisfait d'être si bien
servi, se lava donc les pieds. Mon Canard le surveillait
de très près et quand il eut terminé sa toilette, il
s'adressa à lui sur un ton sans équivoque: "Maintenant que
tu nous a assez emmerdés, tu vas boire l'eau de la
bassine!". Si vous aviez vu ce fier Officier du Reich! Il
voulut bien sûr monter sur ses grands chevaux mais c'était
mal connaître Canard… en fait, il venait de trouver son
maître. Mon Canard le prit par le "colbac" et lui plongea
la tête dans la bassine et ne le lâcha pas avant qu'il ait
bu plusieurs gorgées de cette eau savonneuse du bain de
pieds. Il a bien failli étouffer mais il a tout de même
bu! Nous n'étions bien sûr pas les seuls à assister au
spectacle car les prisonniers qui eux aussi se trouvaient
dans la grande salle avaient été témoins oculaires.
Curieusement, ils manifestèrent plutôt une certaine
satisfaction, je dirai même de l'approbation. Alors Canard
vida le reste de la cuvette et lui dit "Pour la peine, tu
vas me faire cadeau de ta belle paire de bottes et de ton
imperméable d'Officier nazi". A partir de ce moment-là, ce
prisonnier "supérieur" marcha "tout doux"! Ceci s'était
bien sûr éventé et nous fûmes tous deux convoqués par le
Commandant d'Armes ainsi que le responsable allemand. Nous
n'étions, bien sûr, pas au courant de cette histoire!
Interrogé, le responsable allemand, lui aussi resta de
bois, un coup d'oeil avant l'entretien avait suffi pour
lui dicter la ligne de conduite à tenir, et tout
naturellement l'incident fut clos.
.c.LA BIOGRAPHIE DE CAMILLE ANSEL
.c.PSEUDONIME
"CANARD"
Né en 1924 à Biederthal dans le
Haut-Rhin, un petit village accolé a la frontière Suisse
au sud des villes de Saint-Louis et de Bale. Il est le
second d'une famille de 10 enfants; ses parents sont de
paisibles cultivateurs. En 1939, à la déclaration de la
guerre, il avait 15 ans. Dès le début septembre, les
habitants de son village classé Zone 1 furent évacués dans
le département des Landes, emportant en tout et pour tout
50 Kgs de bagages pour les grandes personnes et 25 Kgs
pour chaque enfant, laissant le reste, ainsi que le
cheptel sur place. Après le désastre de 1940, la famille
Ansel reprit le chemin du retour et dès leur arrivée se
rendirent vite compte de la triste réalitée. Les 3
Départements de l'Est, le Haut-Rhin, le Bas-Rhin et la
Moselle étaient déja annexés de fait au "Grand Reich".
Déçue, cette courageuse famille se remit néanmoins au
travail. Il y avait des bouches à nourrir. Camille fut
apprenti boulanger-patissier, pendant les 2 premieres
années; ce ne fut pas trop dur, malgré la liberté
d'expression perdue et puis la liberté tout court, il
fallait faire avec, de gré ou de force et le régime
faciste y veillait, en plus, rien de bien encourageant ne
se dessinait à l'horizon. En
l942 sa soeur aînée Hélène qui venait de fêter ses 19 ans,
fut appelée par les autorités allemandes à accomplir le
R.A.D. (Reich Arbeits Dienst), l'équivalent du travail
obligatoire en Allemagne. Pour se soustraite à cette
obligation, elle s'évada en Suisse et regoignit la zone
encore non occupée à ce moment-là. Elle rejoignit son
cousin Ansel Marcel qui était gardien de prison à la
Centrale de Riom (Puy de Dome) et de là, trouva du travail
à la ferme Terlon, agriculteur à Nonette à 10 Kms au sud
d'Issoire, là ou, moi-mëme, j'étaits employé comme ouvrier
agricole. Quelques mois plus tard, Camille qui approchait
de 19 ans s'évada également en Suisse et par le même
chemin, vint rejoindre sa soeur, et ceci également pour se
soustraire au R.A.D., suivi par l'incorporation dans
l'armée allemande. Les autorites allemandes en représaille
déportèrent en Autriche toute la famille Ansel restant au
village - le père, la mère et les 8 enfants, dont le plus
jeune n'avait que 4 ans - où les parents et les enfants
furent séparés les uns des autres. C'est dans cette
situation et on peut se figurer dans quel état d'esprit,
que Camille "Canard", agé de 19 ans, monta au maquis du
Mont Mouchet, le 13 Mai 1944 en ma compagnie. Les
Allemands qui tombèrent entre ses mains ne pesèrent pas
lourd. Le Colonel du convoi au sud d'Issoire en fit les
frais. Je pense que celà méritait d'être écrit pour mieux
situer notre état d'esprit à cette époque. Camille ou
"Canard" se maria fin 1944 avec une fille d'Issoire et ils
eurent 4 filles.
.c.WINNINGER GEORGES ANDRE
.c.PSEUDONIME
"BIDULE"
.c.Mon
autobiographie
Je suis né le 25 Avril 1922 à
Michelbach, un petit village blotti dans les contreforts
du versant alsacien des Vosges, dans le sud de l'Alsace, à
7 Kms de la charmante petite ville de Thann. Je suis le
4ème de 6 enfants, d'une famille de cultivateurs. Louis,
mon frère ainé est né en 1912 et ma soeur Germaine en
1914. Mon père a participé à la guerre de 1914/1918; il
fut gazé et blessé. Mon frère Paul est né en 1920, Joseph
en 1925 et Berthe la cadette en 1928. Mon père est décédé
en 1932, à la suite de ses blessures de guerre à l'age de
52 ans. J'ai suivi les études
primaires à l'école communale à classe unique et mixte
jusqu'au certificat d'études. Ensuite, j'ai travaillé à la
ferme familiale. Nous faisions de la culture polyvalente
et de l'élevage. En 1939, à la déclaration de la guerre,
mon frère Louis fut mobilisé et j'ai dû assurer le bon
fonctionement des travaux. Dans le village était cantonnée
la troupe; nous nous trouvions à environ 5 Kms à l'Ouest
de Rhin et j'ai assisté pour de vrai à ce que l'on a
appelé la "drôle de guerre". Nous avions souvent des
"alertes", mais sans gravité. Cependant les civils avaient
été dotés de masques à gaz et il fallait trimballer la
fameuse boite cylindrique. Le 10 Mai 1940, les Allemands
ont déclenché la grande offensive, la vie devint plus
difficile, mais néanmoins le travail devait se faire. Il y
eu dans la région de braves paysans qui se sont fait
mitrailler par des avions de chasse ennemis. Début Juin,
le climat se détériora rapidement; beaucoup d'unités de
l'armée comencèrent à effectuer un "repli stratégique". La
situation devint critique et le 11 Juin au soir se
présenta un capitaine d'infanterie avec un ordre de
réquisition; il me réquisitionna avec mon attelage de
boeufs et un chariot à plateau, pour transporter la
roulante, les paquetages et le munitons de ses soldats
fatigués qui se repliaient devant l'avance ennemie. Nous
avons marché de nuit en direction du Territoire de Belfort
et sommes arrivés au lever du jour à Rougement le Château,
soit 18 Kms par une route assez accidentée. J'ai laissé
reposer mes bêtes et puis nous avons repris le chemin du
bercail, en plein jour, alors que les avions de chasse
allemands sillonnaient le ciel. Nous étions les seuls à
remonter vers le front! Le 13 Juin, un ordre du jour
émanant de la Préfecture fut affiché à la Mairie,
demandant à tous les jeunes gens agés de 18 à 20 ans
d'évacuer devant l'avance des armées allemandes. Dans
notre petit village, nous n'étions que 5 garçons
remplissant ces conditions. Nous avons donc tous les 5
enfourché nos bicyclettes en portant sur le porte bagages
la boite avec le masque à gaz et nous avons pris la
direction de Belfort, Besançon, en se faufilant entre un
monde inextricable de véhicules civils et militaires,
allant du camion, voiture automobile, voiture et charrette
tirés par des chevaux ou encore par des boeufs et jusqu'à
la voiture à bras, le tout chargé jusqu'à la gueule
d'objets invraisemblables. C'était l'exode transformée en
débacle. Sur tout cela planait la peur, car de temps à
autre, quelques avions ennemis faisaient leur apparition
et se livraient, avec un malin plaisir, à mitrailler cette
foule terrorisée. Nous sommes cependant arrivés jusqu'à
Lyon; ensuite nous nous sommes dirigés en direction de
Saint Etienne et avons finalement atterri au Puy en Velay.
Le 23 Juin fut signée "l'Armistice de la Honte". Nous
étions démoralisés, nous mangions à la soupe populaire;
alors vers le 10 Juillet, nous avons décidé de retourner
en Alsace où nous attendaient nos parents et notre
travail. Nous avons fait la triste expérience de
l'annexion des 3 départements d'Alsace - Lorraine au
"Grand Reich". La vie devint très difficile avec la perte
de la liberté d'expression et puis la liberté tout court.
En Févirer 1941, la gendarmerie allemande est venue
perquisitionner à la maison, sur dénonciation. Ils
cherchaient des armes mais n'ayant rient trouvé, furieux,
ils emportèrent les clés de la maison afin de pouvoir
revenir inopinément (Nous avions été prévenus juste à
temps de cette intervention) Les temps devinrent de plus
en plus durs. En Août, la classe 42 dont je faisais parti
fut invitée à passer le conseil de révision en vue de
l'incorporation dans la "Reichs Arbeitzdienst",
l'équivalent du travail obligatoire, mais en plus des
exercices de formation militaire et après un an de ce
manège, c'était l'incorporation dans l'armée allemande. Il
fallait alors à tout prix éviter ce piège. Aussi le
Dimanche 11 Septembre 1941, en compagnie de mes camarades
Better Albain et Schruofeneger Théodore, nous nous sommes
dirigés vers la frontière Suisse et nous avons réussi en
plein après midi à traverser la frontière dans un bois
entre Courtavon et Bonfol en déjouant la surveillance
pourtant sévère des douaniers et des gardes frontières
allemands, secondés de bergers allemands. Cet exploit
accompli, les autorités suisses nous ont remis aux
autorités françaises à Annemasse en Haute Savoie alors en
zone libre. Arrivés en zone libre, notre intention
première fut d'essayer de rejoindre l'Afrique du Nord;
Nous voilà donc partis dans la foulée, direction les
Hautes Pyrénées: nous avons atterri au sud de Tarbes dans
le petit hameau de Hêche à proximité de Arreau. Là nous
avons travaillé quelques temps dans la forêt de hêtres où
nous faisions du charbon de bois! c'était déjà l'époque du
gazogène. Malheureusement, le contact avec les gens du
pays ne fut pas bien chaud. Une certaine méfiance envers
des gars qui parlaient avec un fort accent alsacien; cela
fut d'ailleurs réciproque, car eux, en notre présence,
parlaient en patois à consonnance espagnole ou catalan et
nous ne comprenions rien. Alors, comme l'automne avançait
à grands pas, nous abandonnâmes ce projet de passer en
Espagne pour rejoindre l'A.F.N. Mon frère Paul qui se
trouvait à l'Université de Strasbourg, repliée à
Clermont-Ferrand, nous conseilla de rejoindre la région du
Centre où le travail ne manquait pas; nous options donc
pour cette solution. Nous nous sommes retrouvés en
Auvergne dans la plaine de la Limagne, où nous avons
travaillé dans les fermes. Je suis donc devenu
"réfractaire à l'annexion de fait" du 21/09/41 et à partir
de cette date "insoumis à l'armée allemande". En 1942 j'ai
été appelé dans les Chantiers de Jeunesse au camp 21 à
Renaison dans la Loire. Puis sentant venir le danger de
l'invasion de la zone libre, je me suis engagé dans
l'armée d'armistice, au 8ème régiment des Dragons à
Issoire. Juste le temps de me retourner et un matin de
Novembre 1942 l'armée allemande avait investi la caserne.
Les autorités militaires m'ont alors fourni un faux livret
militaire, ceci à tous les Alsaciens - Lorrains, afin de
ne pas être arrêtés. Déçu j'ai repris le travail à la
campagne. Le 27 Juillet 1943, je fus convoqué à la Mairie
d'Ambert afin de passer la visite d'aptitude pour le
service du travail obligatoire. Je refusais bien sur
d'obtempérer et je fus pour la seconde fois réfractaire au
S.T.O. Alors le 13 Mai 1944, J'ai pris le chemin du
maquis, direction le Mont Mouchet là j'ai participé aux
combats de 2, 10 et 11 Juin, également aux combats de la
Truyère les 20 et 21 Juin, le 6 Juillet, au Plomb du
Cantal, le 30 Juillet à Chaméane (Puy de Dôme) et le 25
Août à la libération de la ville d'Issoire. J'étais alors
chef de groupe. J'ai été cité à l'ordre de la brigade.
J'ai ensuite terminé la guerre au 13ème bataillon du
Génie. Fin 1945, j'ai été affecté dans une unité de
Génie-Légion, au sein de laquelle j'ai fait campagne en
Indochine, en Cochinchine et au sud Amam jusqu'en Avril
1948; j'ai été nommé adjudant et étais à nouveau cité à
l'ordre de la brigade. Lors de ma carrière militaire, j'ai
servi à l'Ecole d'Application du Génie à Angers, ensuite
au 34ème Bataillon du Génie en Tunisie. Promu Adjudant
Chef en 1953, j'ai effectué un 2ème séjour en Indochine
dans la 2ème division de marche du Tonkin, où je me
trouvais au moment de Dien Bien Phu et à la fin des
hostilités en Juillet 1954. Ensuite, retour en Tunisie
jusqu'en 1959, puis 5 ans aux Forces Françaises en
Allemagne au 23ème Génie à Rastadt et pour terminer en
Tourraine à l'E.M.G. de Nouâtre-Maillet. J'ai demandé ma
mise à la retraite en 1966 après 24 années de bons et
loyaux services, avec 20 années de campagne simple. Je me
suis reconverti dans la vie civile où j'ai oeuvré pendant
15 années en tant que chef de travaux au Syndicat
Itercommunal des eaux de la Région Grenobloise qui dessert
en eau potable 25 communes, pour une population de 200.000
habitants. J'oubliai! Je suis marié et nous avons deux
filles qui nous ont donné 5 petits enfants.
.c.AU SUJET DES PROBLEMES DE NOTRE
RAVITAILLEMENT
Quand nous étions en unité constituée,
le soucis de l'intendance figurait en bonne place; ce
n'était pas une mince affaire que de faire manger des hors
la loi, démunis de la carte d'alimentation réglementaire.
Cependant, le regime en vigueur, paradoxalement, nous fut,
favorable, au moins pour les besoins en viande fraîche. Le
Gouvernement de Pétain avait instauré depuis longtemps un
plan de réquisition sur tout le territoire français, qui
devait favoriser le ravitaillement de la population
française! La ration réglementaire était de 200 grammes de
viande par semaine, par personne, juste de quoi éviter de
ne pas attraper de la cellulite! En fait, seuls les
parlementaires du gouvernement de Vichy et tous leurs
accolites en profitaient largement, y compris les
miliciens, bien sûr. Et quasiment la totalité servait à
nourrir très grassement nos occupants, qui, il faut le
souligner, apprécièrent, abusèrent largement de nos bons
produits. En fait, le système de réquisition fonctionnait,
à peu près de la façon suivante: en zone rurale, le Maire
était tenu responsable de faire fournir un quota de
boeufs, vaches, veaux, porcs et, moutons, ceci au prorata
de la quantité de bêtes que possédaient les paysans. Une
commission spéciale, désignée par la Préfecture, était
chargée de l'exécution de ce plan de ramassage. Le Maire
prévenait l'éleveur du jour et de l'heure fixés du passage
de cette comission composée de 2 à 4 individus. Celui-ci
était tenu de présenter la bête sur la place du village.
Là, les agents du comité de ravitaillement national
faisaient peser la marchandise, prenaient la bête en
charge et délivraient un ordre de réquisition au
fournisseur. Muni de cet ordre de réquisition, l'éleveur
se présentait à la perception et le percepteur lui réglait
son dû. Connaissant 1e procédé, ce fut facile pour nous de
nous ravitailler en viande. Il y avait toujours des
fuites, et quand nous étions fixés sur la date et l'heure
d'exécution de l'ordre de réquisition, nous allions nous
cacher à proximité du point de livraison. Quand toutes les
opérations administratives furent terminées, surtout dès
que le fournisseur eut empoché son ordre de réquisition,
tamponné et signé, nous nous manifestion, les armes à la
main. Les agents officiel, tous doux, ne s'opposaient
nullement à ce que la bête change à nouveau de
propriétaire. L'éleveur-livreur s'éclipsait avec son bon
avec lequel il récupérait son argent et nous autres,
avions notre ravitaillement assuré pour quelques jours.
Bien sûr, souvent le lendemain, la presse relatait
chaudement que les "Terroristes, ces brigants, ces
bandits" venaient de priver la déjà malheureuse population
du ravitaillement qui lui était destiné! Un éclaircissement: Je relate à plusieurs
reprises que nous payions les denrées que nous allions
chercher dans les fermes. Cette façon de faire fut parfois
nécessaire et quelques fois cela nous procurait quelques
compléments de nourriture; quelques oeufs ou un bon
morceau de fromage en plus de notre soupe qui avait des
hauts et des bas, complétaient nos repas souvent très
frugals. Il est vrai qu'il y a eu de l'argent qui fut
parachuté dans les maquis. Sur, place et à mon échelon, je
n'en ai jamais eu connaissance. Nous ne percevions aucune
solde. Par contre, le groupe dont je faisais partie était
composé au trois quarts de jeunes gens réfugiés du Nord et
de l'Est de la France et qui avaient travaillé comme
ouvriers agricoles dans diverses fermes de la Limagne. Le
salaire en vigueur à cette époque, se montait à 500 F. par
mois logé et nourri. Nous avions tous fait des économies,
puisque l'on ne pouvait rien acheter, surtout qu'il n'y
avait rien à acheter et, quand l'on s'était payé une paire
de sabots par an, le tour était joué. Aussi, quand nous
avons rejoint le maquis, nous avions chacun aux environs
de 2000 F. en poche. Nous ne demandions donc pas mieux que
de payer les quelques denrées que nous avions l'occasion
de trouver. Avec le recul du temps, il m'arrive de penser
que nous étions des maquisards "fortunés". Nous nous
faisions surtout un point d'honneur à régler les denrés
que nous demandions au gens, car la bonne image des
maquisards n'était pas forcément bien perçue par beaucoup
de braves gens intoxiqués, qui croyaient encore au
"Maréchal nous voilà, le sauveur de la France".
Notes et Documents
Cf le CD
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