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WINNINGER Georges-André
"Bidule" au Mont-Mouchet 
GUERRE 1939 - 1945 Témoignage NICE - Juin 1990
Analyse du témoignage
Résistance
Ecriture : 1988 - 40 Pages






POSTFACE de Jean-Louis ARMATI

Le Mont Mouchet est l'un des hauts-lieux de la Résistance et l'épopée racontée avec fierté par Georges-André Winninger confirme l'importance de ce maquis "Arverne". Avec le Vercors, le Mont Mouchet a sans doute constitué la plus forte concentration de résistants et comme celui du Vercors, le maquis du Mont Mouchet fut anéanti par une violente attaque allemande. Mal équipés, surtout privés d'armes lourdes, mal entraînés, les jeunes mobilisés à la hâte, sans instruction militaire, ne pouvaient malgré des cas individuels d'héroïsme, tenir tête à l'Armée allemande. La question se pose encore aujourd'hui de savoir ce qui poussa Coulaudon alias "Gaspard" à décider la mobilisation d'autant d'hommes à partir de la mi-mai 1944 en Margeride, alors que le débarquement allié n'avait pas encore eu lieu, que l'encadrement faisait défaut et que comme l'a immédiatement perçu "Bidule", l'organisation laissait beaucoup à désirer. Pas moins de 5 départements furent ainsi concernés par cette mobilisation quasi générale et le Mont Mouchet bientôt saturé, il fallut orienter bon nombre de jeunes gens vers d'autres maquis proches, voire les renvoyer chez eux. Quoiqu'il en soit le maquis du Mont Mouchet est devenu, à la suite des combats des 10 et 11 juin 1944, un symbole de la Résistance française à l'occupation allemande et un lieu de pèlerinage célèbre dans le monde combattant. Nous sommes reconnaissants à Georges-André Winninger d'apporter par ce témoignage une vision personnelle d'un événement majeur des combats pour la libération de la France.
Mount Mouchet is one of the high spots of the Resistance and the epic proudly narrated by Georges-André Winninger confirms how important this Maquis in Arverne was. Mount Mouchet probably constituted with Vercors the most important concentration of Resistance fighters and not unlike the Maquis in Vercors it was annihilated by a violent German attack. Ill equipped, but most of all deprived of heavy weapons, badly trained, the youngsters hastily mobilised without military training could not last for long, despite individual cases of heroism, in front of the German army. The question can still be asked today about what prompted Coulaudon know as "Gaspard" to decide the mobilisation of so many men as early as mid may 1944 in Margeride, while the allied landing had not taken, place yet, that the guidelines were missing and that as "Bidule" realised immediately the organisation left a lot to be desired. No fewer than five "Departments" were affected by this near general mobilisation and Mount Mouchet soon became saturated and a good number of the youngsters had to be directed towards other nearby Maquis or even sent back to their homes. Anyway the Maquis of Mount Mouchet has become following the battles of the 10 and 11 June 1944, a symbol of the French Resistance to the German occupation and a famous place of pilgrimage for the world of fighters. We are grateful to George-André Winninger to bring to us through this testimony a personal vision of a major event during the battles for the liberation of France

Table

HISTORIQUE DE LA 2e COMPAGNIE

1er BATAILLON DU MONT MOUCHET - 13 MAI - 11 JUIN 1944 9

MON DEPART AU MAQUIS 9

LE BAPTEME DU FEU 12

Jeannette LEFRANÇOIS, soeur de CASTOR 17

SUITE APRES LE MONT MOUCHET 25

30 Juillet 19443

La participation de la 15e Compagnie

Capitaine Adam - A la bataille de Chaméane 30

LA LIBERATION D'ISSOIRE LE 24 AOUT

LES COMBATS DU 25 AOUT 1944 38

2e EPISODE - " STOP! ON NE PASSE PLUS! "

UN EXPLOIT D'UNE GRANDE TEMERITE… 39

LA CONTRE-ATTAQUE ENNEMIE

" LA DERNIERE " 43

LA TOILETTE DU PRISONNIER 46

LA BIOGRAPHIE DE CAMILLE ANSEL

PSEUDONIME "CANARD" 48

WINNINGER GEORGES ANDRE

PSEUDONIME "BIDULE"

Mon autobiographie 49

AU SUJET DES PROBLEMES DE NOTRE RAVITAILLEMENT 52



La mémoire


.c.HISTORIQUE DE LA 2e COMPAGNIE

.c.1er BATAILLON DU MONT MOUCHET

(CANTAL)

**

2e COMPAGNIE

CAPITAINES "ELOY" ET "OZIAS"

3e SECTION "LUC"

2e GROUPE "PARACHUTISTE"

**

.c.13 MAI - 11 JUIN 1944

.c.MON DEPART AU MAQUIS Le 12 Mai 1944 je me trouvais alors à Nonette, un charmant village situé sur une butte, restants d'un ancien volcan à 10 km au sud d'Issoire où j'étais réfugié après m'être évadé d'Alsace zone annexée depuis 1941 et je travaillais comme ouvrier agricole chez Monsieur Terlon. Ce jour-là, j'ai été contacté ainsi que mon camarade Ansel Camille futur alias "Canard" par Monsieur Lebour, responsable de la Résistance du secteur et fabriquant de chaussettes. Il était accompagné d'un autre habitant de Nonette. Il nous disait que l'heure de prendre les armes était arrivée et qu'il fallait rentrer au maquis afin de combattre les Allemands. Je lui ai demandé 24 heures de réflexion et le lendemain 13, nous lui avons donné notre accord et, sur ses instructions nous nous sommes mis en route, à pieds jusqu'à Saint Germain Lembron et en car, un vieux gazobois jusqu'à Ardes sur Couze. Puis, nous avons continué à pieds, direction le sud et non loin de la sortie de cette localité nous avons rencontré une Citroen traction avant, conduite par deux maquisards. L'un avait un pistolet et l'autre une mitraillette Sten. Ce fut la première Sten que j'ai eu l'occasion de voir et d'examiner. Nous nous sommes faits connaître et ils nous ont invité à prendre place à bord et ils nous ont conduit jusqu'à un hameau du nom de Vin Haut. Là se trouvaient plusieurs autres maquisards et, comme il se faisait tard, ils nous ont dirigé vers un petit bois sur la gauche en montant et non loin de là, un peu en contrebas, se trouvait une grange où l'on nous a servi à manger: du pain blanc! s'il vous plaît! et nous avons passé la nuit, couchés sur des racines de gentiane. Nous étions là une dizaine de gars. Le lendemain d'autres sont venus nous rejoindre par groupes de 3 ou 4, presque tous des réfractaires du S.T.O. de la région de Saint Germain Lembron plus une dizaine qui sont venus d'Ambert. Parmi les nouveaux arrivés nous avons rencontré des connaissances, deux réfugiés de Nonette, François Moreaux et Paul Genige et également Raphäel et Tadeuze d'Orsonette. Le 14 après la tombée de la nuit, nous fûmes dirigés sur Vin Haut et là nous attendait un vieux camion. Nous avons embarqué là dedans et nous voilà en route direction le Mont Mouchet. Seulement voilà, au bout d'une trentaine de kilomètres, le camion s'arrêta et nos convoyeurs prétextant que la route n'était pas sûre, qu'il n'était pas prudent de s'aventurer plus loin, nous ont donc planté là et eux ont fait demi-tour (en fait nous l'avons appris par la suite, les gars avaient des rendez-vous galants). Une fois largués dans la nature, nous voilà partis à pieds, il nous restait environ 40 kilomètres à se taper à pinces et, à cette époque de pénurie, le moins que l'on puisse dire c'est qu'aucun de nous avait des chaussures en bon état. Les gars du pays, il y avait Roger d'Auzat S/Allier qui eux connaissaient bien la route. Nous avons donc marché tout le restant de la nuit et au petit jour nous nous sommes reposés dans une grange, on s'est remis en route à la tombée de la nuit, toujours à pieds et nous sommes arrivés le 16 vers midi à la maison forestière du Mont Mouchet. Là se trouvait l'Etat-Major N° 6 du M.U.R. Les chefs Caspar - Judex- Prince- Garci - Rouvres. Tout ceci nous a permis de prendre un avant-goût de la longueur des kilomètres Auvergnat car il nous est arrivé par la suite de demander à de braves gens la distance d'un point à un autre et quand la réponse était: "une dizaine de kilomètres environ", il fallait bien en rajouter un bon peu, en fait il y en avait souvent pour la journée. Il faut quand même préciser que cela se passait en montagne. Nous chantions alors afin de maintenir l'entrain et, contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce n'était pas le Chant des Partisans que nous venions de découvrir, mais qui ne s'accommodait pas du tout à la marche. Notre chant favori était: "En avant, parcourons le monde adieu, adieu" un vieux chant scout. Nous fûmes donc incorporés à la 2ème Compagnie, Capitaine Eloy qui portait un calot de Saint-Cyrien. Nous avons formé la 3ème Section avec comme Chef de section le Sous-Lieutenant Luc moi-même voltigeur au 2ème Groupe avec comme Chef de Groupe "Le Parachutiste". On nous a alors demandé de prendre un pseudonyme, un nom de guerre. Moi, je suis devenu "Bidule" et pourquoi Bidule? (Ce nom ne figurait pas encore dans le Petit Larousse à cette époque). Eh bien, simplement parce que j'avais trouvé ce début de la vie de maquisard un peu bordélique, surtout au souvenir du camion qui devait nous transporter à pied d'oeuvre et qui nous a largué à 40 kilomètres de notre destination et qu'il a fallu rejoindre à pinces. C'est comme cela que notre tireur de F Antoine Bitzberger est devenu "Poteau". C'était le plus costaud de nous tous, une vraie armoire à glace et le poids de son F ne le gênait guère. Paul Genige, le Lorrain fut surnommé d'autorité "Marthoune" et ceci tout simplement parce qu'il fréquentait une fille, entre autres, qui s'appelait Marthoune. C'était un beau gosse et un chaud lapin. Danard "Francis" tout simplement parce que c'était son vrai prénom et cela lui allait bien. Camille Ansel, lui fut baptisé "Canard", victime de sa démarche, il marchait légèrement à 10 heures 10. Tadeuze a choisi "Dédé" un joli diminutif. François Moreaux fut d'office appelé "Petit Pois". C'était le spécialiste du casse-croûte quand personne n'avait plus rien à se mettre sous la dent, lui, retirait tranquillement une boîte de conserves de sa musette et en l'occurrence des petits pois! Notre chef de groupe portait fièrement l'insigne de parachutiste et tout naturellement ce fut "Le Parachutiste". Raphäel resta "Raphäel". Le François fut surnommé "Castor" c'était un grand débrouillard, fort en mécanique. Il avait son permis et mettait les moteurs de voitures réquisitionnés au point. Camille Anglaret était le dernier arrivé au groupe, on l'appela "Le Bleu" et un ancien de la Marine devint "L'Amiral". Alors, une fois habillés et équipés on nous a ramassé nos cartes d'identité qui ont été détruites par l'Etat-Major. Le troisième groupe fut formé par l'équipe d'Ambert, commandé par "Le Légionnaire", un gars déjà d'un certain âge, déjà couvert de décorations et il avait la trempe d'un vrai chef. A part lui, nous autres avions tous entre 20 et 24 ans. Notre bivouac était installé dans la forêt de sapins au sud de la maison forestière, des toiles de bâches aménagées en toiles de tentes collectives, la litière en branches de sapin et en bruyère. Les couchettes de nos chefs étaient un peu plus confortables, nous leur avions tressé des espèces de sommiers avec des cordes de parachutes, entrecroisés entre des piquets d'une hauteur de vingt centimètres cela fait qu'ils ne couchaient pas à même le sol dans la forêt d'Auvers. Nous étions à 1.400 mètre d'altitude et je me souviens bien qu'aux alentour du 20 mai il y eu une période de mauvais temps, aussi, le matin la toile de tente était raide et des glaçons garnissaient les branches de sapin. Nous avons été habillés uniformément: béret, chemisette, blouson de cuir, short en toile et chaussettes, le tout en provenance des Chantiers de Jeunesse, et par la suite, fin Mai après le premier parachutage, des chaussures américaines montantes rouges (rien de commun avec les Rangers) et dont la forme arrondie nous a surprise. Et bien sûr, le fameux brassard F.F.I. avec le tampon Forces Françaises de l'Intérieur qui devait nous intégrer dans l'armée régulière mais dont hélas les Allemands n'eurent aucun respect. Pour eux, maquisards avec ou sans brassard restent des Partisans-Terroristes. Valides ou blessés ils s'acharnèrent sur ces partisans comme sur des pestiférés, mais dont bientôt ils en eurent très peur. Nous avions finalement fière allure dans cet uniforme et puis il faut bien ajouter que nous étions déjà naturellement jeunes et beaux! L'effectif de cette 2ème Compagnie devait se monter aux environs de 140 hommes 3 sections de combat type 39/40, une Section Mitrailleuse et la Section de Commandement. Nous étions équipés de matériel français de récupération en provenance de l'Armée d'Armistice, les sections de combat, un F 24/29 par groupe et les servants comme les voltigeurs un M.A.S. 36, une caisse de munitions par groupe (je crois de l'ordre de 7 500 cartouches) la section mitrailleuse équipée de 4 mitrailleuses Hotchkiss et dans nos musettes nous avions quelques bombes Gamoun et des grenades défensives Américaine. Il est probable que cette unité ait été une des mieux équipée des maquis de France avant le débarquement du 6 Juin. J'ai découvert par la suite que bien des bataillons ne comptaient à leur effectif qu'un tiers et leur armement n'avait rien de comparable. Je n'ai qu'un grand regret! dommage vraiment que nous étions dépourvus de caméra ou même d'appareil photographique, ce manquement n'a pas servi notre cause et, faute de documents visuels, les combats du Mont Mouchet n'ont pas frappé le public. Le comble, cette compagnie qui s'est battue victorieusement 8 heures durant contre l'équivalence d'un Bataillon allemand le 2 Juin, a été finalement et c'est à se demander par quelle magouille reconnue comme unité combattante seulement à partir du 8 Juin 44, alors que plus de 2700 gars qui se trouvaient alors dans ce réduit savent pertinemment qu'il ne s'est rien passé de particulier ce jour-là au Mont Mouchet. Dès que nous avons été équipés, nous nous entraînions à faire de l'exercice militaire afin de nous familiariser avec notre armement. Nous assurions également la garde de la maison forestière et son Etat-Major N° 6, la surveillance du personnel et du matériel. Et puis, il y avait les corvées, il fallait également surveiller le ravitaillement, le vin, le tabac car pas mal de gars rôdaient autour de celà. Nous avions aussi un poste de garde à l'entrée du réduit, dans le tournant à la hauteur du petit ruisseau sur le chemin d'accès rectiligne Ouest-Est qui donnait accès à la maison forestière. Il fallait également que nous gardions des gens suspects soupçonnés de collaboration et qui attendaient que leur situation soit clarifiée. Nous avons aussi participé à deux parachutages de matériel sur le plateau le long du chemin rectiligne. Cela me fait rappeler qu'un container de fusils Remington s'était ouvert en l'air et les fusils tombèrent en vrac autour de nous heureusement personne n'a été touché. Nous avons récupéré des mitrailleuses de 30 avec leurs munitions, des Bézooka, des fusils Remington, des mitraillettes Sten et de quoi confectionner des bombes Gamoun, des chaussures américaines ressemelées et en prime des tablettes de chocolats qui furent les bienvenues. Pendant cette période de fin Mai, nous nous sommes initiés à ces armes nouvelles et nous avons essayé en premier les Bézooka. C'est Sapin un gars de la Section Mitrailleuse qui a tiré le premier obus à charge creuse. Il a visé un sapin. Ce premier objectif n'a pas éclaté car nous avions oublié d'enlever une des deux sécurités. Le deuxième essai fut concluant. Il est vrai que parmi nous aucun ne connaissait bien l'anglais pour pouvoir déchiffrer les indications du mode d'emploi. Nous avons également préparé des bombes Gamoun que nous appelions des "Chaussettes" car on enrobait le plastique pétri en boule que l'on recouvrait avec un genre de bas. Le ravitaillement était assuré d'une façon correcte et la boulangerie qui se trouvait à 2 ou 3 km plus bas dans une ferme nous fournissait du pain blanc. La viande provenait de veaux et de porcs réquisitionnés pour les Allemands et qui étaient ensuite récupérés par le maquis. Nous avons aussi fait un soir une expédition de ravitaillement dans une épicerie en gros à Aumont-Aubrac. Enfin disons que nous n'avions pas le temps de nous ennuyer et chacun avait pris son rôle au sérieux.

.c.LE BAPTEME DU FEU

Dans la nuit du 1er au 2 Juin vers 1 heure du matin, réveil et branlebas de combat. On nous annonce que les Allemands sont partis de Mende, direction le Mont Mouchet Leur objectif était sans aucun doute la maison forestière où se trouvait le cantonnement de l'Etat-Major N° 6; le poste de commandement des troupes du réduit du Mont Mouchet;. Nous nous rendons donc avec tout notre armement, paquetages, pelles, pioches et toiles de tentes, direction Sud-Ouest sur la pente au-dessus de Paulhac en Margeride, en face du carrefour de la D. 4 et de la D. 41. C'était une nuit de Juin, la première, sans lune, mais d'une limpidité étonnante, certainement que les 1400 mètres d'altitude y étaient pour quelque chose. Au firmament les étoiles scintillaient de tous leurs feux, un calme absolu sans aucune brise. En arrivant dans la pente à la limite supérieure des pâturages du hameau de Hontes Haut, on sentait une agréable odeur de foin coupé et je fus envahi par une grande sérénité. Cet état n'était peut-être que le prélude annonciateur d'une journée pas comme les autres. L'esprit d'ensemble de notre groupe en cette fin de nuit et dans l'attente d'un ennemi que personne ne savait encore où et comment il allait se manifester, était au beau fixe. Pratiquement tous les gars étaient d'un calme visiblement parfait, aucun signe d'anxiété, d'énervement ou de précipitation. On percevait une certaine force tranquille mais cette ambiance extraordinaire prit fin dès que nous commencions à creuser la terre afin de préparer nos trous individuels. Il devait être autour de 3 heures du matin. Vers 4 heures, au lever du jour nous avons arrêté les fouilles et nous avons cherché un meilleur emplacement pour nos positions de défense. Nous avons abandonné nos travaux et nous avons choisi un chemin de vaches à une soixantaine de mètres en contrebas de nos premières installations. Là, nous étions carrément dans les pâturages et là aussi les langues se délièrent. Etait-ce dû au lever du jour ? et à chacun de demander à son voisin la façon de donner son opinion sur l'avancement des travaux et de dire: "Crois-tu qu'il est bien mon trou? Regarde mon créneau de tir!". Il faut dire qu'il y en a qui faisaient leur emplacement pour tireur debout, mes deux voisins et moi-même avons fait un emplacement pour tireur couché et de continuer: "Le camouflage est-il correct? Mon créneau est-il bien orienté? Tu vois d'ici on domine tout!". Les emplacements de la 2ème Compagnie s'étendaient du chemin rectiligne qui donne accès à la maison forestière jusqu'au coin où l'on dominait Paulhac en Margeride. La 1ère et la 2ème Section avaient pris position sur le plateau (de cet endroit ils n'ont pu voir l'évolution de l'ennemi sauf vers 14 heures quand quelques éléments avaient atteint le bois de fayards). Ensuite, au début de la pente et au-dessus du bois de hêtres, étaient installées la Section Mitrailleuse et la 3ème Section dont je faisais partie. Nous nous sommes installés tout le long du chemin de vaches au-dessus du hameau de Hontes Haut et jusqu'au-dessus de Paulhac (nous étions alors dans la Lozère alors qu'auparavant notre bivouac était sur la Haute-Loire). Donc, rebelote, à creuser, j'avais choisi mon emplacement d'où je dominai tout le secteur. J'ai appris plus tard que l'on appelle cela un emplacement de commandement et cela m'a été très utile. Et puis bientôt nous avons eu de la compagnie curieuse et nullement farouche, des vaches et des génisses vinrent nous rendre visite. Ce manège inhabituel les intriguait car elles n'avaient pas l'habitude de trouver des nouveaux locataires dans leurs pâturages. Heureusement, par la suite, elles se sont dirigées vers la partie Sud-Est au-dessus de Paulhac, côté soleil-levant car, au moment des hostilités elles ne se trouvèrent plus dans la zone à hauts risques; cela a certainement évité quelques innocentes victimes parmi elles. Vers 7h30 tout était fin prêt, l'emplacement du F et pour chacun des voltigeurs, chacun son trou, bien camouflé avec des mottes de gazon. Nos chefs Luc et Le Parachutiste ont fait une inspection et étaient satisfaits de notre travail. Nous avions même eu le temps de monter notre tente collective pour le groupe, au pied d'un bouquet de fayards, juste en-dessous du chemin des vaches qui serpente sur le flanc de la montagne, très bien camouflé puisque par la suite il n'y a eu aucun impact de balle dans la toile. Ce fut notre bivouac jusqu'au 11 Juin au soir car nous n'avons pas quitté ces positions du 2 au 11 Juin. Devant nous s'étalait en pente un pâturage et en contrebas 3 ou 4 fermes et au bout les croisements des D. 4 - D. 41 et la N. 589 c'est par là que les Boches sont arrivés. Sur notre droite le bois de fayards. Alors, comme souvent nous avions un creux à l'estomac, pensez! à creuser le trou individuel en quelques heures. On nous avait bien apporté une espèce de jus mais cela était plutôt maigrelet alors, nos spécialistes du ravito Petit Pois et Dédé sont descendus au hameau à 400 mètres en-dessous pour acheter des oeufs et peut-être un morceau de fromage (je précise bien que nous ne touchions aucune solde, nous payons toujours les denrées de notre poche). Quand cela fut fait, et en sortant d'une ferme, ils ont entendu des bruits de moteur et ont vu arriver un side-car sur la route. Alors ils ont remonté la pente au pas de gymnastique mais la musette pleine. Nous pensions que c'était la faim qui les faisait courir ainsi car, nous en haut, nous n'entendions rien et n'avions rien remarqué de spécial. En arrivant essoufflés ils nous annoncent "Les Boches sont là". En effet, des véhicules étaient arrêtés vers le carrefour et la troupe, l'effectif d'un bataillon se déplaçait juste à 500 mètres en-dessous de nous. Ils prirent position dans un chemin surmonté d'un mur en pierres sèches dont sont entourés tous les champs dans les pâturages en montagne. Bien que l'on s'y attendait, la nouvelle se répandit comme une traînée de poudre, alors, juste le temps de gober deux oeufs et nous voilà chacun à son poste. Le F en position avec une caisse de munitions d'environ 7000 cartouches et nous les voltigeurs, 250 cartouches chacun plus quelques bombes et des grenades défensives américaines. Nous avions également chacun une boîte de pansements américaine. Nous avions de quoi voir venir et de quoi faire rêver d'autres maquisards à cette époque, ce n'était pas le petit maquis démuni d'armes et de munitions. A huit heures pile les Allemands ouvrirent les hostilités à coups de mortier. Ils étaient équipés de deux pièces et les avaient mises en batterie. Le petit panache de fumée noire à chaque départ était bien visible et caractéristique. Pour nous le miracle imprévu! Les obus allaient exploser à 60 mètres derrière nous car les Allemands avaient repéré nos positions de la nuit, la terre fraîchement remuée et non camouflée. Ils ont donc copieusement arrosé ces positions vides. Chez nous ce fut le silence total pendant un bon moment, 3 ou 4 minutes peut-être en réalité mais qui nous ont semblé bien longues et cela sans ordre de qui que ce soit. Cela fait un drôle d'effet ce miaulement des obus qui passaient par-dessus suivi de la déflagration très sèche. Et puis, d'un seul coup c'est parti. Les deux F, les 4 mitrailleuses Hotchkiss, les Mas 36 se sont mis à cracher de tous leurs feux. Alors ce fut la surprise chez l'adversaire. Ils ont en vain riposté avec les M.G. 42 et rectifié le tir des mortiers. Mais c'était trop tard, sous ce déluge de feux ininterrompu, une vingtaine de minutes après le déclenchement des combats, leurs mortiers furent réduits au silence… Déjà il y avait une civière qui emmenait un homme hors de combat, suivi d'autres qui se faufilaient vers l'arrière. Nos positions étaient distantes de 500 mètres. J'avais mis la hausse à 500 et je me suis vite aperçu que je tirai un peu court car, juste avant la murette il y avait un champ fraîchement labouré et je voyais nettement les impacts. Je rectifiais donc et mis la hausse à 600 et j'en avertis mes compagnons à ma gauche et à ma droite d'en faire autant. Il est vrai que quant on tire en plongé, on tire toujours trop court. Donc c'était bien parti, les premières frayeurs étant passées, la confiance est revenue et tout le monde bien dans le bain (les impacts de mortier ça donne plutôt le frisson). Nous échangions donc le feu avec les Boches et cela dura jusqu'aux alentours de midi. Parmi nous aucune perte. Nous étions bien enterrés. En face, à plusieurs reprises les brancardiers rasèrent les murs emmenant morts ou blessés. Jusqu'à ce moment l'ennemi n'avait pas changé de tactique. Nous avons alors reçu la visite de l'Etat-Major accompagné des 3 Officiers interalliés qui se trouvaient au Mont Mouchet, un Officier anglais, un Américain et un Français d'Alger. Ils se sont pointés à environ 100 mètres derrière nous à flanc de coteau et ils ont été bien sûr accueillis par un feu nourri par les Allemands. Ils ont donc vite fait de se replier tout en étant satisfaits de notre ligne de défense qui n'avait pas bougé depuis 8 heures du matin. A partir de midi les Boches ont commencé une manoeuvre de diversion. Ils se sont infiltrés dans le bois de fayards en-dessous du plateau et se sont sensiblement rapprochés de nos positions. Vers 14 heures, surprise, un Allemand est descendu du bois en plein découvert à environ 200 mètres pour remplir son bidon d'eau dans le tout petit ruisseau qui prenait sa source juste en-dessous de nous. Malgré un feu nourri de notre part, il s'en est sorti et a regrimpé la pente très rapidement sans laisser de plumes. Il devait avoir autant soif que nous-mêmes à moins qu'il ait pris ce risque pour un camarade blessé. De notre côté les deux oeufs étaient digérés depuis un certain temps mais nous aurions volontiers bu quelque chose le soleil tapait fort. Vers 15 heures ils s'étaient rapprochés à moins de 100 mètres de notre position du F ainsi que de la Section Mitrailleuse. A ce moment, pour ma part, j'avais déjà tiré 240 cartouches avec mon 36 et, mes camarades sur ma droite et sur ma gauche, en l'occurrence Petit Pois, Raphäel et Le Bleu étaient rendus au même point. C'est donc Canard, pourvoyeur du F qui est venu nous ravitailler en munitions malgré les échanges de coups de feu très nourris. Notre Chef de Groupe Le Parachutiste ne se sentant plus à l'aise dans sa position du F parce que l'ennemi s'était dangereusement rapproché, nous donne l'ordre de repli. Instinctivement je réponds "Non! il faut rester sur place "car, de mon emplacement je dominais tout le théâtre des opérations. En effet, les Allemands avaient progressé dans le bois profitant du couvert et étaient parvenus à moins de 100 mètres (80m environ) de la position de notre F Mais il faut voir la position sur le terrain. Cette distance d'environ 80 mètres entre le bois et le plus près de notre défense c'était du pâturage nu, sans aucun obstacle et avec une pente d'environ 30%. Je voyais donc mal l'ennemi, déjà fatigué, prendre d'assaut nos positions, eux, en plein découvert et nous bien retranchés et dominants. En tous les cas ils y auraient laissé des plumes et d'ailleurs mon jugement s'est avéré juste puisqu'ils ne se sont pas aventurés hors du bois. Dans notre groupe il y eut comme un flottement; moi Bidule, voltigeur, qui était à mon premier engagement de ma vie, qui refuse d'obtempérer à son chef sur le champ de bataille! Ça peut coûter cher. Mais, après avoir pris l'avis de mes camarades de droite et de gauche, nous avons maintenu notre refus de nous replier. Tout le monde est donc resté dans ses positions initiales. Vers 15h30, un F Bren s'est mis à cracher juste à une vingtaine de mètres derrière moi. Cela fait un drôle d'effet et je me demandai ce qui nous arrivait. C'était le Corps-Franc Eloy qui est venu se mettre en position derrière nous pour nous renforcer bien que nous n'ayons besoin de personne surtout qu'ils ne disposaient que d'un F Tout le reste du groupe était équipé de mitraillettes Sten et les Allemands qui avaient commencé la manoeuvre de repli se trouvaient au point de départ car ils commençaient à embarquer dans leurs véhicules au croisement de la D. 4 et D. 41. Ils se trouvaient à ce moment entre 500 et 600 mètres de nous et les mitraillettes sans aucun effet. A partir du début de l'après-midi, deux compagnies de chez nous avaient commencé par faire des manoeuvres d'encerclement, une par le Nord et l'autre par le Sud afin de prendre en tenaille l'unité allemande et, après 15h, les Allemands se repliaient rapidement, abandonnant le bois de hêtres et embarquant le matériel en-dessous de l'épingle à cheveux. Vers 16h tout était terminé. A ce moment, les gars du Corps-Franc s'élançaient dans la pente en direction des positions ennemies, là où se trouvait le poste de commandement adverse. Mais, à leur arrivée il n'y avait plus personne, les Boches avaient évacué même que dans leur précipitation ils avaient abandonné un cadavre en caleçon! Ils lui avaient retiré tous les autres vêtements. En fin d'après-midi nous avons récupéré du papier journal imprimé en "Russe ou en Mongole", ce même papier qui leur servait pour rouler leurs cigarettes. Notre ami Petit Pois en possède encore un morceau en souvenir. Pour nous ce fut une grande joie d'avoir résisté à cette attaque dont l'issue n'était pas en notre faveur au départ vu leur équipement en mortiers. Mais nous criions famine et tirions la langue tellement nous avions soif. Toute cette journée il avait fait un temps magnifique. J'avais un coup de soleil sur les mollets et le derrière des cuisses vu ma position de tireur couché et l'épaule toute noire du recul de mon fusil. Dédé et Canard sont partis en direction du P.C. de la maison forestière pour chercher la soupe. Ils avaient à peine parcouru une centaine de mètres, l'arme à la bretelle quand, un Boche, caché dans les bruyères se leva, armé du Mauser et tira presque à bout portant sur Canard. Heureusement, par un plongeon, il esquiva le coup mais il a eu chaud! Les copains en place ouvrirent le feu en direction de cet homme qui n'avait apparemment pas réussi à rejoindre sa formation qui, à cette heure était en route de retour vers Mende. Mais il a disparu comme il est apparu dans les bruyères et les taillis et a réussi à rejoindre le sous-bois. Un groupe se lança à sa recherche mais ne réussit pas à lui mettre la main dessus. Nous nous sommes enfin restaurés tout en commentant la bataille. Pour ma part j'avais ce jour-là tiré 280 coups de fusil et mon épaule était toute noire. D'après nos estimations, la 3ème Section plus la Section Mitrailleuse ont tiré pendant ces 8 heures de combat au moins 15000 cartouches. C'est comme cela que s'est achevé mon premier baptême du feu. Encore une surprise ce soir, on vient nous présenter notre nouveau Commandant de Compagnie, il s'appelle "Ozias". Le 1er Juin Eloy nous avait laissé tomber et avait formé un Corps-Franc. Pas de chance pour lui, sa belle compagnie venait de remporter une franche victoire et son Corps-Franc a tout juste fait plastron (ce qui n'empêche pas qu'il a été homologué Unité Combattante à compter du 2 Juin et nous, la 2ème Compagnie qui après avoir combattu pendant 8 heures le 2 Juin s'est vue gratifiée d'Unité Combattante à compter du 8 Juin). Que de magouilles après la Libération! Et j'apprends cela 43 années après. Notre nouveau Capitaine, heureux, pensez donc, une victoire le premier jour de son commandement c'est vraiment une chance inouïe, l'unité dont il ne connaissait personne. Le Capitaine, les Lieutenants et les Chefs de Groupes ont été décorés de la Croix de Guerre, et nous, nous avons été gratifiés d'un discours élogieux pour notre comportement héroïque! (fermez le banc), n'empêche que nous étions fiers du résultat de cette journée. Le bilan, aucune victime de notre côté sauf un blessé dans la compagnie qui a effectué la manoeuvre d'encerclement au Nord et qui a attaqué l'adversaire sur son flanc gauche au-dessus du bois. Chez l'ennemi, un mort laissé sur place et l'Etat-Major confirme 50 morts et sûrement un bon nombre de blessés car les brancardiers ont fait plusieurs voyages vers l'arrière. Cela ne nous a pas empêché de les arroser copieusement. Il y avait une ferme entre les deux adversaires, à mi-pente, la famille qui y habitait avait trouvé le temps long ce jour-là. Je crois qu'elle fut malheureusement incendiée par les Boches après les combats des 10 et 11 Juin. Dans cette ferme habitait une jeune fille qui nous avait confectionné un fanion 2ème Compagnie, 3ème Section, 2ème Groupe, en toile de parachute blanc et bleu clair. Il m'a suivi pendant toutes les péripéties de maquisard. Il semblerait que ce fut un des seuls combats victorieux entre une unité importante allemande et des unités F.F.I., ceci avant le débarquement. Ce qui est certain, c'est que ces combats ont été commentés par Radio-Londres "Les Français parlent aux Français". A partir du 3 Juin nous avons élu domicile sur cette ligne de défense, chaque groupe couchait sous sa toile de tente faite d'une bâche de camion. Nous continuions à faire de l'exercice militaire sous les regards curieux et amusés des vaches qui nous côtoyaient et qui nous avaient adopté dans leur pâturage. Tous les jours nous assistions à l'arrivée de nouveaux camarades qui venaient grossir nos rangs. Ils arrivaient à pied, d'autres en camions et même en voitures de pompiers. Cela nous réconfortait et après la nouvelle du débarquement de Normandie nous étions sûrs de la victoire, mais il nous restait encore du chemin à faire. Pendant toute cette période nous étions bien organisés. Il y a peu de temps, mon camarade Petit Pois m'a rappelé que nous avions acheté un mouton au hameau de Hontes Haut (je précise bien Achète avec nos deniers) et nous nous sommes faits un "méchoui maison" on n'appelait pas encore cette façon de griller à la braise un "méchoui" mais c'était tout comme et en plus rudement bon. Et ce n'est pas tout, notre camarade Canard qui avait fait son apprentissage de boulanger-pâtissier nous a préparé une grosse gamelle de chocolat à la crème (pensez à l'époque). Le chocolat était américain et la crème bien française, en fait un mariage parfait et ce fut un vrai régal. Vers le 9 Juin nous étions plus de 2700 combattants dans ce réduit du Mont Mouchet et cette montagne était devenue une place forte, bien gênante pour l'ennemi bien sûr. Aussi, le 10 au matin ils sont revenus, côté opposé au nôtre. Ils étaient en force, équipés de blindés et de l'artillerie et de l'aviation. Ce furent deux jours de combat sanglant et inégal. Notre groupe, le 10 au soir, avait pris place dans un vieux camion gazobois qui nous a conduit à Malzieu ville. C'était en fait pour montrer à la population que nous étions bien là et nous avons défilé, l'arme à l'épaule dans la grande rue du bourg. Les gens étaient très inquiets, ils entendaient tonner le canon sans interruption là-haut et beaucoup avaient des parents ou amis engagés dans la bataille. Nous essayions de les rassurer, que nous tenions le coup. Il faisait nuit quand nous sommes remontés occuper nos positions. Le lendemain 11 au matin, la 2ème Compagnie changea de position, la 1ère et la 2ème Section prirent position vers l'épingle à cheveux sur la D 41 et jusqu'au carrefour de la D. 4, D. 41 et N. 589. Nous, la 3ème Section nous prîmes position sur la D. 4 à l'Est de Paulhac. Dans la soirée les combats se rapprochèrent. Les Allemands, supérieurs en nombre et surtout en matériel, prirent le dessus, la maison forestière P.C. de l'Etat-Major réduite en ruines sous le tir de l'artillerie ennemie. Deux automitrailleuses descendaient la D. 41 jusqu'au carrefour et là, le Groupe Castor eut chaud. Ils étaient installés sur le côté Ouest de la route et surplombaient légèrement la route et, au passage des blindés qui roulaient au pas ils leur ont lancé des bombes Gamoun dessus ce qui aurait dû les mettre hors-service mais malheureusement, le gars, un mineur du bassin de la Combelle qui soi-disant connaissait le maniement des explosifs avait tout simplement placé les détonateurs à l'envers et aucune bombe n'a explosé. Les blindés ont continué à descendre jusqu'au carrefour, sont restés un moment sur place puis ont fait demi-tour. La nuit était toute proche et la tragédie du Mont Mouchet était consommée. On entendait encore par endroit des F et des M.G. qui se donnaient la réplique mais les canons s'étaient tus. Nous nous sommes alors avancés sur la R.N. 589 et après un kilomètre nous avons accroché quelques parachutes sous les sapins et nous avons dormi ici. Le temps était lourd et orageux et il a même plu dans la nuit. Il y avait également parmi nous une jeune fille Chirurgien dentiste Jeannette, une Clermontoise qui était la soeur de Castor Chef de Groupe. Le lendemain au lever du jour nous avons pris la route en direction de Chaudes Aigues et, 10 jours plus tard, ce furent les combats de la Truyère.

.c.Jeannette LEFRANÇOIS, soeur de CASTOR

Je voudrai ajouter une anecdote: L'Etat-Major N° 6 commandant le réduit du Mont Mouchet avait décrété, je suppose pour une question de sécurité, car je n'ai pas connu de mysogyne parmi nos chefs, qu'aucune présence féminine ne serait tolérée au réduit du Mont Mouchet. Cependant quand l'effectif devint important, au-dessus de 2000 hommes, on s'est aperçu qu'il manquait quelqu'un au Service de Santé. Certes il y avait plusieurs médecins, dont certains moururent héroïquement en essayant de sauver leurs blessés après les combats du 10 et 11 Juin, mais il manquait un dentiste ou un chirurgien-dentiste. Notre camarade "Castor" se proposa de trouver cet oiseau rare, il fut porté un message à sa soeur Jeannette qui avait suivi les études de médecine à Clermont-Ferrand, et qui venait d'obtenir son diplôme de dentiste, en lui demandant de recruter un dentiste volontaire pour monter au maquis du Mont Mouchet parmi ses camarades de promotion. Cette démarche se solda par un échec, aucune de ces personnes n'étant disposé à se casser les dents au maquis. Mais Jeannette Lefrançois la jeune soeur de Castor se proposa alors d'assumer cette responsabilité. Notre Etat-Major après délibération fit une exception à la règle et autorisa cette jeune fille de venir au secours de nos camarades qui souffraient du mal aux dents. Elle assuma ses fonctions d'une façon exemplaire, et lors des combats du 10 et 11 Juin, elle se distingua par son courage qui força l'admiration de tous ses camarades masculins. Elle nous rejoigna le 11 au soir à la 2ème Compagnie où se trouvait son frère Castor. Le 12 elle fit route en notre compagnie jusqu'au réduit de la Truyère, secteur de Chaude Aigues, où elle continua de soigner les rages de dents.

.c.SUITE APRES LE MONT MOUCHET

Ce matin du 12 Juin 1944, nous quittons le Mt Mouchet désormais rentré dans l'histoire. A présent haut lieu de la Résistance. Cette montagne du pays du Gévaudan déjà rendue célèbre et rentrée dans la légende entre 1764 et 1767, là-même sur les pentes du Mt Mouchet, près de Saugues où fut abattue la dernière "bête du Gévaudan" par Jean Chastel le 18 Juin 1767. Notre ordre de repli: ce sont les gorges de la Truyères! nous prenons donc à pieds, avec tout notre armement et quelques provisions la route en direction du plateau de Friedfont par la D 989, d'abord en direction de Malzieu-Ville et puis il y a un camion qui nous a pris en charge jusqu'au plateau de Fridefont. Il y avait plusieurs véhicules qui récupéraient les rescapés des combats du 10 et 11 Juin et qui tous avaient consigne de se diriger vers les gorges de la Truyère pour un nouveau regroupement. Ensuite, nous nous sommes dirigés sur St-Martial, là-même où s'installa l'Etat-Major. Nous avons alors recu l'ordre de nous rendre au Pont de Lanau à l'ouest de Chaudes-Aigues, afin de contrôler ce point stratégique; nous voilà donc descendus dans la vallée de la Truyère. Là, nous avons profité de bonnes baignades et avons mangé quelques bonnes fritures que nous avons pêchées à coups de grenades, choses défendues, bien sur. Puis, vers le 16, nous avons fait mouvement par la N9, à l'époque et actuellement la D921, en direction de Neuvéglise. Nous avons pris position tout en haut des gorges de la Truyère, juste en face de St-Martial, surplombant le ravin, avec une vue magnifique. Nous étions cantonnés dans un tout petit hameau de 3 maisons, du nom de l'Her ou l'Aire, situé sur la droite de la Truyère, un vrai nid d'aigles. Nous avons reçu un accueil charmant par ses quelques habitants; il y avait également une famille de réfugiés parisiens, tout à fait sympathiques. Là, nous nous sommes reposés pendant 3 ou 4 jours. Nous dormions dans une grange avec un plancher en bois juste au-dessus de l'écurie . Les propriétaires étaient en pleine fenaison et avaient déjà rentré quelques chars de foin qui dégageait cette odeur agréable de foin nouveau. Ce fut un de nos rares bons moments et notre séjour fut brusquement interrompu, car le matin du 20, ce fut l'attaque par la horde allemande. Nous comptions alors 3000 hommes dans ce secteur de Chaudes Aigues, eux étaient 15000 de la tristement célèbre division Das Reich qui commit le plus horrible des massacres à Oradour sur Glane Une de ces unités ce jour-même, équipée d'autos mitrailleuses, de l'artillerie et de blindés, appuyée par 1'aviation dont les avions se mirent à tourbillonner dans le ciel; des chasseurs bombardiers mitraillèrent nos gars qui avaient pris position au sud de St-Martial en face de Chaudes Aigues. Il furent également pris à parti par des mitrailleuses lourdes qui s'étaient installées au dessus de la ville. Les canons bombardaient également le plateau et en particulier la ferme où se trouvait notre commandement. Je me souviens d'avoir dénombré plus d'une centaine de containers en provenance des parachutages. Nous avons été alertés par l'annonce qu'un convoi allemand remontait de Chaudes Aigues sur St-Flour. Nous faisons sauter des rochers en surplomb sur la route avec le savoir faire des mineurs de la Combelle. Nous coupons des arbres et bientôt la route est obstruée entre quelques virages. Nous nous en tirons bien puisque nous nous trouvons sur la rive droite de la Truyère et l'offensive ennemie est surtout centrée sur la rive gauche. Le 21, la bataille fait rage, St-Martial est en flammes et le soir notre défense est submergée et enfoncée au prix de lourdes pertes; on parle de plusieurs centaines de morts (environ 500). Les blessés furent achevés sauvagement presque en totalité. Le 22, au matin, nous quittons nos positions et nous nous séparons à regret de ces braves gens qui étaient devenus des amis. Nous prenons la direction du Plomb du Cantal, un repli difficile. Nous passons entre Oradour et Neuvéglise, toujours à travers champs et paturages. Les routes sont sillonnées par des éléments ennemis qui font la chasse aux maquisards isolés. A quelques kilomètres, à l'est de Neuvéglise, nous rejoignons l'Etat Major en déroute, parmi lequel se trouvaient les 3 officiers interalliés. Le capitaine français parachuté et venant d'Alger avait une mission à accomplir à Neuvéglise. Il demanda des volontaires pour l'accompagner. D'emblée, le groupe de Nonette et d'Orsonnette se présentèrent. Nous avons donc rebroussé chemin et nous nous sommes infiltrés dans le bourg par un petit chemin jusque sur la Place. Là, le capitaine prit contact avec un gars du pays. Les discussions furent rudes; celui-ci aurait du avoir quelque chose à remettre à l'officier, mais il prétendait n'avoir rien reçu. Il s'en est fallu d'un rien pour que cette discussion ne dégénère, car il s'était emparé d'un fusil et nous avions tous le doigt sur la gachette. Heureusement, tout le monde a gardé son sang froid et le drame fut évité. Nous sommes donc retournés bredouilles, mais le capitaine nous a félicité de notre comportement. Ensuite, tout ce groupe d'une bonne centaine de rescapés et de diverses unités se remit en marche, direction ouest. Nous sommes passés à quelques kilomètre au Nord de Pierrefort. Dans cette cité, il y avait une forte concentration de troupes ennemies. Après avoir dépassé Vigneroux, nous avons rejoint Brezons et finalement atterri à Le Bourguet, le dernier village au pied du Puy de la Grousse. Là, il y avait un regroupement assez important. Je me souviens que dans ce village, nous avons fusillé un milicien. Celui-ci venait d'être condamné à mort par un tribunal militaire en campagne. Ce fut une exécution en règle, le peloton d'exécution dont je faisais partie était composé de 12 hommes, 6 un genoux à terre et 6 debouts. Rien d'exceptionnel à tout cela, mais voila, on nous avait prévenu qu'il fallait exécuter un milicien et il y avait 2 hommes devant nous. Il y avait un grand gaillard, peut être Im80 et à ses cotés, un plus petit, environ lm65. Ils venaient ensemble de creuser leurs tombes et avaient les mains liées dans le dos. Le chef du peloton passa alors dans les rangs et nous signala à voix basse "Ne tirez pas sur le grand". Puis ce fut l'ordre "chargez", "en joue", "feu". Les deux hommes s'écroulèrent comme une masse. Stupéfaits, on s'est tous regardés d'un air interrogatoire et le chef furieux de crier "qui est ce qui a fait le con?". Pas de réponse. Finalement, tous avaient visé le milicien, mais le grand, devant la salve du peloton d'exécution, s'est effondré et est tombé dans les pommes. On nous a expliqué que ce grand gaillard était un maquisard qui était accusé de vol et que pour lui donner une leçon, nos chefs avaient immaginé cette formule de punition. On peut penser que cette leçon fut efficace. Nous nous retrouvions une cinquantaine de compagnons de la 2ème Compagnie du Mt Mouchet, sans notre Capitaine Ozias. Un Iieutenant, un homme déjà d'un certain âge, a donc pris le commandement de ce groupe. Nous avons alors pris la direction du viIlage de Malbo, petit pays planté au flanc du Puy de la Grousse, à l'ouest de Le Bourget. Nous fûmes très bien accueillis par les gens du village. Il n'y avait là qu'une épicerie polyvalente qui vendait du pain et qui avait un comptoir de bistrot. Nous avons cantonné là, dans une grande grange qui se trouvait à une centaine de mètres au dessus du pays. De là, on dominait bien les alentours, au dessus de nous et vers l'est, en paturages, sur tout le flanc de la montagne et côté ouest, un bois de faillards. Là, nous avons eu une première alerte. Il y eut des tirs d'armes automatiques en direction de Paicherols. nous nous sommes portés vers ce village. Mais quand nous sommes arrivés, les tirs avaient cessé et le pays était vide. Impossible de savoir ce qui s'était passé; seule certitude, les Allemands continuaient la chasse aux maquisards dans le secteur de Vic sur Cère et Pierrefort. De retour à Malbo, quelques jours tranquilles, mais vigilants, mais absence totale de directives. Il semble que notre détachement soit oublié. Castor avait déniché une voiture bâchée dans une grange, ce qui lui permis d'exercer ses connaissances en mécanique. Mais le 6 Juillet au matin, tirs de mitrailleuses en direction de Le Bourget; branle-bas de combat, une journée maussade, les nuages, bas colés aux flancs de la montagne; les Allemands apparurent, une automitrailleuse en tête. Nous étions prêts à faire face, mais notre chef, vu que nous nous trouvions juste au dessus du village, prit la sage décision de ne pas engager le combat de peur de représailles envers les gens du pays. Les Allemands ouvrirent le feu, mais nous nous replions dans le bois sans riposter et grimpons vers les cimes. A ce moment, plusieurs avions passèrent juste au-dessus de nos têtes et à basse altitude. C'étaient les Juncker 52. On les entrevoyait entre deux nuages. Heureusement pour nous que ce jour là le ciel était chargé de nuages. Nous aurions certainement eu droit à quelques bombes ou être mitraillés par le ciel, car nous nous trouvions alors en plein découvert. Pour sortir de cette zone dangereuse, nous avons fait un long trajet pédestre, en direction du Plomb du Cantal. Nous avons donc longé le flanc ouest du Puy de la Grousse, ensuite traversé la forêt, longé les flancs ouest du Puy Gros et du Puy Brunet et avions l'intention de traverser la N°9 au sud du tunnel du Liorans,. Mais là, il y avait une intense activi1é de troupes allemandes qui patrouillaient quasiment en permanence sur cette route, entre Aurillac et Murat et dans les environs. Nous avons alors grimpé vers le Plomb du Cantal et avons trouvé un buron aux environs de "Les Gardes". Là, trois ou quatre jours de réflexion. En arrivant, nous avions épuisé nos dernières provisions. Il ne restait plus que les munitions dans notre musette. Le brave berger nous a vu arriver à contre coeur. L'arrivée de 50 gars affamés (le crapahute en montagne creuse l'estomac et met en appétit ). Nous faisons l'inventaire et decouvrons que les seules ressources se limitaient en pommes de terre et de la fourme, tout juste égouttée. Donc, le berger, bon gré mal gré, nous donne accès à son stock de pommes de terre qui, par ailleurs, n'était pas énorme. Pendant 3 jours, il a fallu se contenter d'une patat:e en robe des champs, cuite dans la marmite du berger, agrémentée d'une tranche de fourme, tout juste égouttée et parfaitement écoeurante, par repas. Il s'en est suivi une constipation générale. C'est là aussi que se manifestèrent quelques poux de peau, que l'on appelait des totos. Nous faisions alors comme les singes en communauté. Heureusement, il n'y eu que quelques rares spécimens. Je crois bien que ce furent des poux de brebis qui nous avaient adoptés car nous couchions dans le buron.. Il coulait un petit ruisseau à proximité et malgré une eau très fraiche, nous prenions de bons bains. Tous les jours, 2 gars allaient surveiller la RN9... Le 3ème jour, ils revinrent en nous signalant que tout était redevenu calme. Nous voulions absolument quitter cette région qui nous était inconnue et où par surcroit, nous ne connaissions personne. Alors, le groupe Nonette et Orsonnette, nous avons demandé l'autorisation de regagner le Puy de Dome. Notre chef nous accorda notre requête et sans attendre, nous voilà partis. Nous étions une dizaine. Nous avons descendus les paturages sur les fesses avec armes et bagages, sur une pente très accentuée, avons traversé la route nationale aux alentours de St-Jacques-les-Blats et avons remonté la pente opposée, direction Mandailles. Le soir, nous tombons dans une ferme bénie des Dieux. Une brave fermière devinant notre faim, nous prépara une grosse marmitte de soupe de légumes et nous fit une omelette d'au moins 3 douzaines d'oeufs. Avec çà, une énorme miche de pain. Nous avons avalé tout celà sous le regard médusé de la brave femme qui n'en croyait pas ses yeux. Il faut dire que nous avons apprécié et expédié à une vitesse vertigineuse ce repas pentagruélique. Nous lui avons payé tout celà sans problème. Là-dessus, nous avons dormi comme des bienheureux. Les jours se suivent mais ne se ressemblent pas! Le lendemain, nous prenons la direction du Puy du Sancy. Je pense qu'il faut souligner que ce qui nous a rendu le plus de service de tout le matériel qui nous a été parachuté, ce sont incontestablement les chaussures américaines rouges, à tige, en forme de haricots, avec semelle en caoutchouc. Celles-ci nous ont permis de passer par monts et par vaux. Elles étaient très souples et résistantes et ne nous ont jamais laissé en rade. Et pourtant, elles n'étaient pas neuves; elles avaient déjà été portées, mais ressemelées et réparées avant de nous être expédiées. Nous avons remonté la rive gauche de la Jordanne à mi-pente sur les flancs du Puy de l'Usclade et ensuite du Puy Créou. Le soir, nous avons repéré un buron. Nous avons sollicité le berger de nous céder quelques victuailles, mais visiblement de mauvaise foi, celui-ci prétendit ne rien avoir à manger. Mauvaise volonté évidente. En dépit de notre politesse, nous avons alors regardé de plus près, car notre odorat nous avait éguillé vers la cuisinière où chauffait la soupe; celle-ci fut avalée en un clin d'oeil, accompagnée d'une tranche de pain et nous voilà remis d'aplomb. Le berger ne nous demanda même pas à être rémunéré. Le lendemain, au lever du jour, nous avons escaladé le col de Cabre (1,528m) et sommes descendus vers la vallée du Santoire, une descente raide. Un vrai casse cou. Ensuite, vers Dienne, Sauvages, Vernols à l'Ouest d'Allange et Pradiers. Pendant ce trajet, pour donner du coeur au ventre et trouver le temps moins long, nous chantions quelques airs de scouts. C'est dans ce secteur, que nous avons trouvé les kilomètres auvergnats les plus longs. Ce faux plateau, tout en paturages à l'ouest d'Allange ne semblait plus finir, et tout à coup, en plein milieu, vint à passer le train poussif de la ligne Neussargues - Bort les Orgues qui soufflait comme un boeuf et qui, dans ce paysage dénudé, ressemblait à une caravane dans le désert. Vers Pradier, nous avons été très bien accueillis dans une ferme importante. La charmante fermière nous a préparé une bonne omelette aux pommes de terre et a refusé notre argent. De là, nous avons eu la chance de trouver un brave Cantalou qui nous a véhiculé dans une charrette par la D39 jusqu'à Anzat le Luguet. Nous sommes alors le 13 Juillet. Nous descendons toujours à pieds la D39, passons à Vinhaut, Ardes et St Germain Lembron que nous traversons de nuit en file indienne; pas un chat dans les rues. Pourtant en plein été. Nous passons sans encombres devant la gendarmerie et puis direction le Pont Pakowsky et Orsonnette où nous tombons en pleine nuit dans la maison de Stanis, le frère à Dédé. Des retrouvailles émouvantes. Les gens étaient sans nouvelles depuis deux mois et étaient au courant des combats du Mt Mouchet et de Chaudes Aigues, avaient entendu plusieurs versions et étaient justement très inquiets. Là, nous nous sommes restaurés pour de bon et avons été obligés de raconter nos péripéties; ce fut la joie et le soulagement à Orsonnette comme à Nonette. Mais dès le 15, pour ne pas compromettre les habitants, le groupe s'est installé dans la ferme de Beaurecueil, surplombant l'Allier avec une belle vue sur la plaine de la Limagne entre Nonette et les Pradaux. Un accueil extrèmement sympathique des propriétaires où nous avons campé dans une grange. C'est là que le contact s'est renoué avec les responsables du maquis du secteur, dès le 17 Juillet, par un ancien de la 2ème Compagnie du Mt Mouchet, "Roger". Son père, officier de réserve, alias "Adam", de son vrai nom Bros, d'Auzart s/ Allier, commandait la 15ème Compagnie du 4ème Bataillon d'Auvergne, cantonnée à Fayet-Ronay, un hameau au sud-est de St-Germain l'Herme. Nous avons donc repris le bâton de pélerin et sommes montés à la Chaise-Dieu en passant par Auzat, Ouzon, Champagniac le Vieux. Quand nous sommes arrivés à la Chaise-Dieu, nous avons été impressionnés par cette merveilleuse Abbaye. Aussi, avons nous fait une rapide incursion dans ces lieux célèbres. A la sortie, juste au pied des escaliers, se trouvait une épicerie. Nous y sommes rentrés pour essayer de trouver quelque chose à acheter pour casser la croûte. Alors, il y a deux jeunes gens très excités qui sont rentrés et ont annoncé que des Allemands étaient en train de débarquer à la gare. Nous avons donc vite fait de reprendre la route direction ouest et sommes passés devant l'intersection de celle qui mène à la gare. Nous étions tous sur le qui vive. Nous nous sommes engagés sur la route en direction de St Germain l'Herme et quand nous avions eu dépassé d'environ 200m le chemin de la gare, les Allemands se sont pointés, environ l'effectif d'une section de fantassins et, bien sur, tout étonnés de voir une dizaine de ces vilains "partisants terroristes" sortir du pays, par la grande route. On s'est regardés, prêts à tout, le doigt sur la gachette. Au bout d'un moment, il y eu quelques éclats de voix de leur coté et puis, finalement, personne n'a ouvert le feu. Ils sont rentrés au bourg et nous avons obliqué vers la ligne de chemin de fer, que nous avons suivi et qui nous paressait plus sûre que la route. Et c'est comme cela que nous avons rejoint le "Père Adam" à Fayet-Ronay. Celui-ci, ravi de ce renfort, nous a fait un excellent accueil. Nous faisions donc partie de la 15ème Compagnie à présent. Vers le 20, nous avons fait mouvement en direction du Vernet la Varenne et avons pris nos quartiers dans les dépendances du Château de la Reynerie.

.c.30 Juillet 1944

.c.La participation de la

15ème Compagnie,

.c.

Capitaine Adam,

.c.A la bataille de Chaméane

Faisant partie du 4ème Bataillon. d'Auvergne qui était cantonné au Château de la Reynerie à 1 Km en dessous du Vernet la Varenne, juste en retrait de la D 999, nous controlions cette route depuis le 20 Juillet. Nous venions du hameau de Fayet Ronay, la compagnie comptait alors 3 groupes de combats équipés de FM 24/29 et Bren et comme armement individuel, de Mas 36 de fusils Remington et de mitraillettes Sten. Notre groupe, composé en partie de garçons de Nonette, Orsonette, le Breuil, Beaulieu, la Combelle etc... était des rescapés du Mont Mouchet et du Cantal. Le capitaine Adam l'avait complété de gars venus également du bassin minier. Vers le 26, nous avons fait mouvement vers le village de Chaméane à l'ouest de Vernet la Varenne sur la D 89. Là, une partie s'est installée dans les dépendances du vieux château et le groupe Raphaël, chef de groupe et dont j'étais l'adjoint, prit logement dans la cure, une maison à deux étages presque attenante au château; il y a juste la petite église entre les deux batisses. La 15eme Cie était en possession de deux vieux camions diesels réquisitionnés et c'est notre camarade Castor qui se chargeait de leur entretien et bonne marche. Il conduisait volontiers l'un ou l'autre. Le 29, Francis, un ancien de la 2ème Cie du Mont Mouchet et du Corps Franc Eloy rejoignait notre unité; un vaillant compagnon. Le corps franc du Commandant René avait mis à profit ces quelques jours pour creuser un emplacement de mitrailleuse de 30 (Browning) à l'intersection de la D 89 et de la D 707 à la sortie Ouest de Chaméane en direction de St Etienne s/ Usson. En cette fin de semaine très calme, trop calme peut être, plusieurs de nos compagnons qui avaient leurs familles, quelques uns leurs fiancées dans les alentours presque immédiats des centres miniers de la Combelle et de Brassac les Mines, voir de la proximité d'Issoire, avaient demandé une permission pour aller rendre visite à leurs parents et amis. La plupart de ces gars venaient de participer aux combats du Mont Mouchet, de Chaude Aigues et du Plomb du Cantal, une pénible tournée de plus de 400 Km à pieds par monts et par vaux; tous avaient livré bataille contre l'occupant, tantôt les harcelant, tantôt pourchassés sans pitié, au mépris des lois de la guerre, par cette horde de nazis bien supérieure en nombre, équipée d'un armement lourd, appuyée par l'artillerie et l'aviation, mais qu'en fin de compte fut vaincue et a été amenée à capituler devant notre détermination et nos sacrifices. Notre effectif avait visiblement fondu en ce dimanche 30 Juillet; nous ne comptions que deux groupes sur les trois. Le dimanche matin le temps était au beau fixe, quelques uns de mes camarades et moi même, après le réveil et le jus, sommes allés assister à la messe de 8 heures à l'église à côté, dite par le curé Issard. Au cours de la messe, un gars est venu avertir notre chef de groupe Raphaël qu'il fallait envoyer une équipe pour 9 heures à Lamontgie, afin de récupérer un veau réquisitionné par les autorités de Vichy et qui devait être livré sur la place du village à 9 heures précises. Raphaël quitta donc l'église et désigna 5 maquisards du Secteur de la Combelle Brassac, dont je crois bien, "La Pipe", et un autre qui était boucher de son métier. Ils sont donc descendus avec un de nos deux camions diesels vers Lamontgie, via Vernet la Varenne. Arrivés à Sarpoil, ils venaient à peine de tourner en direction de Lamontgie que les premiers éléments de la colonne allemande venant d'Issoire arrivaient à Sarpoil, s'arrêtant là quelques instants. La colonne se scinda en deux, une montant par la D 999 en direction de Vernet la Varenne, l'autre partie, la plus importante s'emble-t-il, s'engagea sur la D 89 en direction de St Etienne S/ Usson. Cependant l'équipe de la 15 à néanmoins récupéré et embarqué le veau et s'est dirigée vers Auzat en attendant le dénouement de ce qui allait se passer là haut. A Chaméane, à peine la messe terminée, la dame qui était préposée à la cabine d'un téléphone public est venue nous avertir que les Allemands montaient par la route du Vernet et par la route de St Etienne. Il y avait donc environ 1800 allemands scindés en 2, une colonne motorisée montant au Vernet et une colonne motorisée montant par la D89 vers St Etienne s/ Usson, ils avaient donc l'intention de nous prendre en tenaille. L'ennemi devait être rudement bien renseigné par quelques miliciens ou collabos, car pour se hasarder à emprunter et monter par cette route escarpée, il fallait être sûr que son accès n'était défendu par personne. Ce fut un manque de clairvoyance certain de nos chefs, car un groupe de combats, installé dans ces gorges, aurait suffit pour bloquer et interdire à coup sûr l'accès à St-Etienne et à Chaméane de cette colonne motorisée, fortement équipée pour cet itinéraire scabreux et ces éléments n'auraient jamais pu rejoindre Chaméane dans la journée, ce qui aurait changé la face de cette journée tragique. Le groupe au corps franc équipé de la mitrailleuse de 30 Browning prit position à l'intersection de la D 89 et la D 707 face à l'ouest, dans l'emplacement préparé. Nous, dans un premier temps, nous avons reçu l'ordre de charger les armes, munitions et matériel entreposé au château dans le camion restant. Pour ce faire, Castor déplaça son camion ; le moteur de celui-ci tournait bien, mais comme le carburant était rare, il l'arrêta pendant le chargement. Nous avions deux à trois tonnes d'armements, de munitions et de matériel en provenance de divers parachutages à empiler sur ce vieux tacot. Vers midi, la corvée fut terminée; nous sommes passés à la cuisine pour manger un bout et puis, tout à coup, ce fut la pétarade. Les Allemands venaient de se pointer à l'orée du bois et aussitôt la mitrailleuse de 30 ouvrait le feu en leur infligeant de lourdes pertes. Castor s'apprêta à mettre en marche son camion pour dégager et aller mettre ce précieux chargement en lieu sûr, mais le moteur refusa obstinément de démarrer. Castor se transforma en mécanicien; il se mit à démonter et à nettoyer filtre à gasoil, pompe à injections et injecteurs. Nous-mêmes sommes allés prendre nos positions de combats, le long du chemin au sud du château. Ce chemin était bordé de part et d'autre d'une murette en pièrres sèches qui avaient pour but d'empêcher les vaches de quitter les paturages. Nous avons pris position derrière cette murette direction face à l'Ouest; notre objectif consistait à l'interdiction d'un contournement par le Sud-Ouest. Devant nous, un grand paturage et au fond le bois . Nous étions légèrement en contrebas et dès que les Allemands apparurent à la cime du pré, nous avons engagé le combat. L'ennemi, stoppé par la mitrailleuse sur la D 89, amorça une manoeuvre de contournement par le Sud et c'est là qu'il se trouva face à nous. De notre côté, 2 FM, un 24/29 et un Bren. Les Allemands étaient équipés de deux M.G. 42; Un combat assez équilibré avec avantage pour nous puisque nous étions protégés par la murette. Mais le FM 24/29, après quelques rafales et après le changement d'un chargeur, refusa de fonctionner. Le percuteur du FM venait de casser. Francis et son pourvoyeur remontèrent vers le château qui à ce moment, était déjà le point de mire d'un canon antiaérien et de mortiers qui bombardaient le château sans interruption. Ils recherchèrent néanmoins un FM Bren et des munitions qu'ils débalèrent du camion chargé. Castor, pendant ce temps, nettoyait toujours les injecteurs à l'abri d'une toile de tente afin de les préserver des morceaux de pierre et du mortier de ciment qui tombaient des murs sous les coups de canon. Cela dura un certain temps. Cependant, avec notre armement, nous faisions face à l'ennemi qui ne progressait que lentement par le Sud en amorçant un mouvement d'encerclement. Nous faisions de beaux cartons, au point que, quand l'un de nous venait de descendre un Fritz, il le criait tout haut à ses camarades et il s'engagea une certaine compétition entre nous, à qui en descendrait le plus. Le second FM se remit bientôt à cracher et cela allait mieux. Chez nous, je crois bien que tous étaient confiants malgré les rafales de mitrailleuses adverses qui crépitaient à une cadence double que nos FM. Les balles venaient s'aplatir et ricocher sur les pierres de la murette, sans compter les balles traçantes qui parfois montaient en l'air, après avoir touché les pierres. Le canon et les mortiers harcelaient toujours le château, où le pauvre Castor, malgré les éclats d'obus, les cailloux et la poussière remontait le filtre et les injecteurs qu'il avait nettoyés. Nous entendions toujours les mitrailleuses de 30 Browning qui tiraient sans relache sur l'ennemi face à l'Ouest. Après environ une heure de combat, des coups de feux crépitèrent derrière nous, coté Est, mais encore assez loin. Les gars de Corps Franc avaient eux aussi engagé le combat à l'Est de Chaméane contre les Allemands qui étaient montés par le Vernet et qui avaient pris la direction de Chaméane pour nous prendre en sandwich; il y avait aussi parmi le Corps Franc quelques gars de la 15ème Compagnie. Mais bientôt les choses prirent une mauvaise tournure pour nous. Après quelques toussottements, le camion de Castor démarra enfin. Celui-ci sortit par la grande porte du Parc du Château et pris la route direction le Vernet, car à l'Ouest, les Allemands étaient déjà à proximité du village et arrosaient copieusement le véhicule. Dans le village, il rencontra le Commandant René; il lui demanda la direction à prendre: "Tu vas tout droit et à la sortie du village, tu prends le premier chemin à gauche". Quand Castor arriva à la hauteur du chemin à prendre, il se trouva nez à nez avec deux camions chargés de soldats allemands. N'écoutant que son courage, et plein de témérité, il s'engagea dans le chemin sous une pluie de balles et d'explosions de grenades, dont il garde encore aujourd'hui, une dizaine d'éclats dans sa chair. Il sauta de la cabine du camion et se dégagea à l'aide de sa Sten et surtout, il lança une grenade quadrillée dans chacun des véhicules, semant la panique chez l'ennemi ce qu'il mit à profit pour s'éclipser, direction Nord, vers les bois. Pendant ce temps, les Allemands anéantissaient le nid de mitrailleuses de 30 à l'intersection de la D89 et la D707, ou les 5 maquisards trouvèrent une mort héroïque après s'être battus comme des lions jusqu'au bout. Donc, à partir de cet instant, notre résistance sur l'axe Ouest et Sud-Ouest, n'était plus possible. En même temps, derrière nous, côté Est, bien que les combats continuaient, les coups de feux s'étaient sensiblement rapprochés; l'ennemi progressait dangereusement; encore quelques instants et nous nous trouvions coincés et faits comme des rats. Nous n'avions jusqu'alors, heureusement, aucune perte à déplorer. Nous avons alors amorcé un mouvement de repli, direction le Nord. A l'Ouest, au Sud et à l'Est, les Allemands avaient tout vérouillé; nous sommes donc remontés par le chemin, toujours protégés par la murette, passés derrière la cure et avons pris le petit chemin qui longe le mur du Parc du Château, coté Est. A ce moment, ça tirait de partout et de tous les cotés. Arrivés à l'intersection de la route, nous nous sommes regroupés. L'ennemi était en plein village et à l'entrée du Château côté Ouest. Sur la gauche, nous étions protégés par le mur d'enceinte du Parc. En face, se trouvait un pré, plus ou moins mal entretenu, car il y poussait une certaine quantité de touffes de genêts, dont certains dépassaient lm20, voire lm50 et était attenant à un champ d'oeuillettes en fleurs, un magnifique parterre de fleurs mauves formé par les pavots (Je crois qu'il est utile de signaler que pendant les annees d'occupation, presque chaque agriculteur cultivait quelques ares de ces pavots que l'on appelait communément "l'oeuillette" et dont ils récoltaient, non pas de la drogue comme on pourrait le penser à présent, mais laissaient murir les pavots et récoltaient les graines, en coupant les pavots en deux. Ces graines fournissaient, une fois passeés au moulin à huile, une excellente huile de consommation). C'était par là notre seul chemin de retraite qu'il fallait exécuter de vive force. La moitié d'entre nous se sont élancés dans ce pré en escaladant un petit mur, tandis qu'un FM tirait quelques raffales à droite en direction des Allemands dans le village, tous surpris de cette incursion et d'autres lachèrent quelques coups de fusils et de mitraillettes vers la gauche direction Ouest. La première équipe arriva sans perte vers le milieu du pré, se camouflant dans les genêts, ceux-ci étant uniquement efficaces au camouflage et à la vue, mais absolument inefficaces contre les balles! Celles-ci en les traversant, coupaient des branches comme une main invisible. Ils se mirent à arroser à leur tour les Allemands à l'Est et à l'Ouest et à notre tour, nous avons forcé le passage. Raphaël notre chef de groupe, était le dernier; il était toujours accompagné par son fidèle compagnon et notre mascotte, un beau loulou de Poméranie blanc du nom de Siky. Nous avons encore fait un second repli stratégique jusqu'au fond du champ d'oeuillettes où il y avait une clôture en fil de fer barbelé, difficile à franchir, sous une pluie de balles en tir croisé,. Nous avons glissé à plat ventre sous le fil de dessous, en s'aidant mutuellement afin de faire passer les armes et la musette. Petit-Pois qui était l'avant-dernier, voyant Raphaël se redresser dans les genêts et épauler son Mas 36 lui cria "vite vite Raphaël!". Celui-ci lui répondit -"attend, il m'en faut encore un!" Ce furent ses dernières paroles. Quand nous nous sommes retrouvés derrière la clôture, on s'est compté; il manquait Raphaël. Nous avons appelé; pas de réponse et pas de chien. Pour nous, impossible de revenir en arrière. Nous étions repérés; les balles sifflaient de partout et dans toutes les directions. Ce n'est que le lendemain, ou peut être bien après 3 jours qu'une équipe du corp franc et de la 15, aidés de quelques habitants du village qui avaient évacué dès le début des engagements et qui peut à peu étaient revenus après le départ des Allemands et dont faisait partie "La Pipe", que furent récupérés les corps de nos maquisards morts pendant cette journée tragique et que les Allemands avaient sommairement enterré (plutot recouvert de quelques centimètres de terre). Les emplacements étaient facilement repérables, car les corps mutilés avec la chaleur de ces journées de début Août commençaient à se décomposer et c'est en partie à l'odorat que ceux-ci furent localisés. Raphaël fut retrouvé à l'emplacement ou nous l'avions perdu de vue pour la dernière fois. Une balle lui avait traversé la cuisse; il avait essayé de soigner sa blessure en appliquant le pansement individuel d'origine américaine reçu au Mt Mouchet. Il avait la tête en bouillie; les Boches lui avaient écrasé la tëte à coups de crosses ou de mitraillettes; il était méconnaissable, affreusement mutilé et ce n'est que grâce à l'emplacement, à quelques boucles de ses beaux cheveux blonds et surtout à son ceinturon qu'il a pu être identifié de façon formelle, mais également grâce à son fidèle chien Siky qui pendant ces 2 ou 3 iours ne l'avait pas abandonné; il errait touiours dans le secteur quand nos camarades sont arrivés. Mais à partir de ce jour, lui qui était habitué à la bagarre, prenait peur au moindre coup de feu. Les Boches avaient montré leur vrai visage; les hypocrites avaient affreusement mutilé l'homme, mais avaient épargné la bête. Nous avons dégringolé en vitesse la pente du paturage ce qui nous a permis d'atteindre le bois de sapins en contrebas. Les Allemands nous arrosaient de l'Est et surtout de l'Ouest. C'est là, juste avant d'atteindre le bois que "Fricotin~ (un jeune orphelin marseillais de 17 ans qui nous avait suivi au maquis le 10 Juin au soir, quand nous avons défilé dans la rue principale du Bourg de Malzieu, ville dans la Lozère), reçoit une balle en plein front, il se trouvait à coté de Mousse. Avant de nous replier, un de nos camarades a abattu, d'un coup de carabine entre les épaules un officier allemand qui portait une belle casquette pleine de ficelles. Nous nous sommes glissés dans le bois à l'abri derrière les troncs pour souffler un peu. Quelques uns ont encore riposté aux tirs ennemis qui continuaient sans effet. Ensuite, nous avons décroché et nous nous sommes dirigés vers notre lieu de repli qui était Chassignol; nous avions soif, nous sommes arrivés presque à la nuit tombante, fatigués et surtout tristes d'avoir perdu deux de nos camarades. Le lendemain, nous avons pris la direction de Fayet Ronay: c'était le centre de regroupement de notre Compagnie. Nous avons beau nous compter, il manque Raphaël et Fricotin. Je dois alors assumer la responsabilité de Chef de groupe. Les Allemands avaient mis le feu à ce qui restait du château et la Cure. Nous faisons, après l'enterrement de 13 de nos compagnons au cimetière de St-Etienne sur Usson, mouvement vers notre nouveau cantonnement, le Château de la Reynerie que nous connaissions bien "Mais ce n'était pas la vie de château!" La 15eme Cie qui comptait 3 groupes de combat, céda le 3ème Groupe au Commandant René pour compenser ses pertes. Le 24 Août, nous sommes descendus à Issoire et c'est à ce même groupe que le 25, pendant la bataille d'Issoire, que j'ai confié les prisonniers que je venais de faire avec 3 de mes camarades sur la RN 9, ainsi que les deux vehicules. P.S. : Siky, le loulou de Poméranie a été adopté par Reine, la fiancée de notre camarade Dédé et c'est chez eux, après leur mariage, fin 1944, qu'il a vécu de paisibles jours heureux jusqu'à sa mort naturelle.

.c.LA LIBERATION D'ISSOIRE

.c.LE 24 AOUT

.c.LES COMBATS DU 25 AOUT 1944

15me COMPAGNIE

CAPITAINE BROS, alias "ADAM"

CHEF DE GROUPE

SERGENT-CHEF "BIDULE "

Le 24 Août 1944, par une magnifique journée d'été, nous sommes descendus du Vernet La Varenne de bon matin et avons pris position sur la rive gauche de l'Allier, juste en aval du pont suspendu de longs pourparlers se sont alors engagés entre les Allemands qui se tenaient dans leur caserne à 2 km de là et les différents Chefs de maquis. Une estafette en moto équipée d'un drapeau blanc faisait le va-et-vient et transmettait les messages. Puis tout à coup, dans le cours de l'après-midi, sur les hauteurs de Parentignat, sur la rive droite de l'Allier, une unité munie de mitrailleuses ouvre le feu en direction de la caserne! Nous, 4ème Bataillon, composé du Corps-Franc du Commandant René et de la 15ème Compagnie du Capitaine Adam nous nous sommes avancés en direction de la ville en colonne par un de chaque côté de la route et arrivés à environ 400 mètres des casernes, nous avons obliqué à gauche et là, le Commandant René a donné l'ordre d'ouvrir le feu nous avons copieusement arrosé les bâtiments de la caserne mais pas de réaction de l'adversaire… Nous avons alors entendu une forte explosion (les Allemands venaient de faire sauter un véhicule qu'ils avaient abandonné dans une rue non loin de la caserne). Au bout d'une dizaine de minutes apparut un drapeau tricolore à une fenêtre d'un bâtiment. Les Allemands venaient donc d'évacuer la caserne et se repliaient en direction de Clermont en traversant la ville. Nous nous sommes avancés jusqu'à la R.N. 9 et nous sommes mis en marche vers le centre-ville toujours en deux colonnes par un, le Corps-Franc à droite, la 15ème Compagnie à gauche, le Commandant René et le Capitaine Adam au milieu de la chaussée, moi-même en tête de la file de gauche: nous avancions l'arme à la main, prêts à riposter à une traîtrise éventuelle des miliciens! Un certain nombre d'habitants, il n'y avait pas encore foule, nous applaudissait le long du boulevard et croyez-moi, après 4 mois de maquis, cela vous fait "chaud au coeur "! Il y a même eu une petite fille qui est accourue vers moi et m'a offert un bouquet de fleurs malheureusement un peu plus loin j'ai dû le laisser tomber car il ne me laissait pas libre de mes mouvements. J'en étais vraiment désolé mais l'instinct de vigilance que j'avais acquis dans la clandestinité avait prévalu. Nous nous sommes rendus au Monument aux Morts car le Commandant René voulait saluer les victimes de guerres par une salve de sa carabine américaine mais celle-ci refusa de parler à plusieurs reprises. Le Capitaine Adam vint à ce moment-là vers moi et me donna l'ordre de me porter avec mon groupe, sur la R.N. 9 au sud de la ville, car me dit-il "Bidule, il paraît qu'il y a encore des Allemands qui remontent de Saint-Flour Issoire est libéré et doit le rester - je compte sur vous…". J'ai donc fait mettre l'arme sur l'épaule à mon groupe et j'en ai fait autant car j'avais gardé mon fusil modèle 36 qui m'avait été affecté au Mont Mouchet, le 13 Mai. En colonne par deux, nous voilà, traversant la ville aux pas cadencés jusqu'à la sortie sud. Nous étions donc la première troupe de la Libération à défiler aux pas cadencés et l'arme sur l'épaule dans la cité et nous avons été très applaudis car à ce moment-là, il y avait déjà beaucoup de monde très enthousiaste dans la rue. Nous avons pris position à la sortie de la ville dans une légère descente au bord de la route, en face d'un petit château. Nous avons donc passé tout le reste de l'après-midi à attendre, sans que personne ne se pointe à l'horizon. Le soir venu, nous avons récupéré des bottes de paille dans les champs environnants et nous nous sommes installés pour passer la nuit dans les fossés du bas-côté de la route. On nous avait complètement oublié!! En ville, c'était la fête, pour nous, pas même à boire ni à manger… Ce n'est que tard dans la soirée que quelques habitants du secteur qui étaient venus nous rendre visite et qui étonnés que nous n'ayons rien à nous mettre sous la dent, nous ont apporté quelques victuailles.

.c.2ème EPISODE:

.c." STOP! ON NE PASSE PLUS! "

.c.UN EXPLOIT D'UNE GRANDE TEMERITE… Le lendemain matin, 25 Août. Par un temps aussi beau que la veille, à 9 heures - toujours rien. Pas d'ennemi en vue, pas de café, ni de casse-croûte. Vers 9 h 30, arrive enfin un Agent de liaison qui nous donne ordre de nous porter en avant car "les Boches" arrivaient. Et le casse-croûte et le jus? Pour toute réponse: "On ne m'a rien donné pour vous". Nous voici donc repartis, très légers, l'estomac vide jusqu'à la hauteur de la maison d'une garde-barrière (je pense que c'était le passage à niveau qui donnait accès au terrain d'aviation car à cet endroit la route et la voie de chemin de fer étaient parallèles et juste séparées par un fossé). Ah! j'oubliais, la maison de la garde-barrière était habitée par une jeune femme avec 2 enfants en bas âge, et se trouvaient là, trois hommes en civil probablement des gars du pays qui étaient en train d'abattre un érable en travers de la route (à cette époque, de chaque côté de la R.N. 9 et dans ce secteur, se dressaient de grands érables). Francis, mon tireur de F (fusil-mitrailleur Bren) prit position juste devant les bûcherons entre la ligne S.N.C.F. et la route et avec lui Le Mousse de la 15ème Compagnie (je note ce détail car il y avait alors plusieurs mousses dans d'autres formations et il est important de ne pas confondre) qui avait 16 ans et qui était armé d'une mitraillette Sten (il est aujourd'hui Porte-Drapeau de l'A.N.A.C.R. Couze-Pavin). Alors comme régnait un calme absolu, on s'était dit "Et si l'on essayait de trouver quelque chose à se mettre sous la dent!! "aussitôt dit, aussitôt fait… Francis et Le Mousse restèrent sur place, Dédé et Canard se dirigèrent en avant vers la ferme qui se trouve à environ 200 mètres pour aller au ravitaillement, Canard et La Pipe se portèrent en avant sur le flanc de la colline pour trouver un éventuel emplacement de défense favorable: Petit Pois et moi-même traversâmes la route et allâmes cueillir quelques pommes et des noisettes. Dédé et Canard étaient en train de boire un bol de lait lorsque tout à coup arriva à la ferme, la future belle-mère de Dédé, qui elle aussi venait au ravitaillement et la première surprise passée, leur annonça que les Allemands étaient en train de passer sur la route. Alors, d'un seul coup tout se précipita: l'érable venait juste de tomber en travers de la route et au même instant arrivaient 4 véhicules et bizarrement presque sans bruit!! Le 1er véhicule, un 4 X 4, le 2ème, une ambulance suivie de 2 autres 4 X 4 - c'est vrai qu'ils ne roulaient pas vite!!! Les 3 4 X 4 portaient huit soldats et étaient équipés d'un M.G. 42 (mitrailleuse légère type 42). Les bûcherons coururent vers le coteau et disparurent. Les véhicules s'arrêtèrent: le 1er juste devant l'arbre abattu et à ce moment-là, Francis ouvrit le feu à bout portant (10 mètres environ) avec son F Bren et vida son chargeur complètement d'une seule rafale dans les 2 premiers véhicules. En face, la panique aidant sous ce feu brutal et meurtrier, les occupants sautèrent des 2 premiers véhicules et s'aplatirent dans le fossé de la route, face côté coteau, un seul se coucha trois arbres plus loin derrière un érable côté S.N.C.F. Pendant ce temps, les deux dernières voitures firent un rapide demi-tour, tout en tirant dans notre direction et disparurent derrière le tournant. Petit Pois et moi-même, en quelques bonds, rejoignâmes Francis et Le Mousse et nous regardant l'espace d'une seconde, je leur dis: "On y va?" - ils me répliquèrent: "On y va", sans l'ombre d'une hésitation. Cette décision prise, il fallait vaincre ou… mourir! Nous étions donc face à face, distants de la largeur de la route plus les talus, à environ 12 mètres (je précise que tout cela se déroulait sans casque) quand commença alors un échange de coups de feu nourri. Puis d'un seul coup, on arrêta le tir car derrière nous sortaient des grands cris d'effroi de la maison de la garde-barrière qui se tenait à 2 pas de nous: à l'intérieur une jeune femme avec ses deux enfants, un dans ses bras, l'autre le tenant par la main, prise de panique était prête à sortir en hurlant! A ce moment-là, je crois que tous les 4 nous avons eu froid dans le dos! Assez curieusement ceux d'en face avaient également cessé le feu. Je lui ai crié et l'ai supplié de ne pas s'affoler… qu'elle ne craignait rien… de se coucher sous le lit et de ne pas bouger et surtout de ne pas sortir de la maison - car cela aurait pu être catastrophique. Ceci étant, la pauvre s'est effectivement calmée si bien qu'elle continuait de sangloter: il est vrai qu'il y avait de quoi!!! Nous reprîmes donc le combat, nos balles labouraient le talus de la route en face en soulevant des traînées de terre et de gazon qui aveuglaient plus ou moins nos adversaires et derrière eux se trouvaient le poulailler et les clapiers de la garde-barrière entourés d'un grillage: ce fut un spectacle inédit car les balles au contact du grillage faisaient des étincelles et les lapins affolés tournaient autour du grillage à mi-hauteur et faisaient ainsi le mur de la mort de même que les poules volaient de toute part. Le combat tourna assez rapidement à notre avantage et pour cause ils ignoraient notre importance numérique ce qui fut notre premier avantage, le second est que sous la brutalité du lâché d'un chargeur complet de notre F à bout portant en guise d'accueil, ils avaient tous sauté des véhicules avec une telle rapidité qu'ils avaient abandonné leur M.G. qui était restée en position au-dessus de la cabine du 4 X 4. Ils ne leur restaient que leurs armes individuelles ce qui ne faisait pas le poids contre notre F, la mitraillette et les 2 fusils 36. Le bruit et la sensation d'un F qui vous tire dessus de face à une dizaine de mètres sont vraiment démoralisants ce sont de vrais coups de marteaux qui font de l'effet même sur de vieux guerriers!!! Quoiqu'il en soit, peu de temps après, il n'y eut plus de réplique de la part des Boches. Francis avait vidé 12 chargeurs sur 14 - Le Mousse pour sa part aidait à remplir des chargeurs et moi-même profitant de mes connaissances de la langue allemande, j'entamais le dialogue avec nos adversaires en vue d'une reddition. Au début, ce fut plutôt un dialogue de sourd - pensez donc, se rendre à des partisans à des terroristes!!! Bien que quelques-uns répondaient quelque chose de ne pas très audible. J'élevai alors la voix et leur assurai de se rendre et surtout qu'il ne leur sera fait aucun mal là, les réactions furent plus nettes et ça avait l'air de vouloir marcher. Mais il restait un problème et c'était comme une épine dans le pied! Nous avions presque oublié le soldat qui était couché à environ 60 mètres derrière un arbre: il se remit à nous tirer dessus avec son Mauser et de ce fait, remit tout en question. Je demandais alors à Petit Pois de longer la voie de chemin de fer côté plaine et d'aller neutraliser cet emmerdeur ce qu'il exécuta d'une manière magistrale. Francis et Le Mousse gardèrent en haleine les Allemands en face et moi, je tirai régulièrement des coups de mon 36 sur le bord du tronc de l'érable derrière lequel le tireur récalcitrant était allongé. Petit Pois progressait comme un vieux fantassin à quatre pattes et arrivé à sa hauteur lorsque les 3/4 de son corps fut visible, il lui envoya un coup de son 36 à travers le corps, la balle le traversa à la hauteur des reins - il poussa un cri et plus rien. Petit Pois, nous rejoigna très rapidement et après une autre rafale d'intimidation, je repris la conversation en "Spuns" avec ceux d'en face. Cette fois-ci, ce fut l'ordre de se rendre immédiatement!!! D'un seul coup, il y eut des voix qui vinrent à ma requête: c'était le conducteur et l'aide-conducteur qui blessés par la première vidange du chargeur du Bren de Francis, n'avaient pu sauter de leur véhicule et s'étaient laissés glisser au pied du siège, ce qui les avaient complètement dérobé de notre vue et ils ne s'étaient bien sûr pas manifestés durant les combats. C'est alors qu'il se produisit un autre événement: Profitant de l'accalmie, le Groupe-Franc du Commandant René s'était rapproché d'environ 80 mètres de nous et ont ouvert le feu sur les véhicules dès qu'ils les eurent vu. Ils tirèrent 4 coups de F, en coup par coup (parce qu'il ne fonctionnait pas par rafales) et également une rafale de mitraillette. Nous les interpelions à grands cris: "Ne tirez pas, les Allemands vont se rendre". Alors une dernière fois je criai "Hände hoch und raus", ce fut le déclic. Ils sortirent tous sur la route, les mains en l'air, sauf un (dans ces cas-là, il y en a toujours un qui ne peut pas faire comme tout le monde!) c'était l'ordonnance du Colonel qui se trouvait dans l'ambulance. Il sortit donc du fossé avec son pistolet à la main et se sauva en courant en direction du sud et ensuite vers les sous-bois du coteau je lui ajustai (mal) 4 coups avec mon 36 et le manquai… Il faut dire qu'il "connaissait la musique", il plongeait, se relevait etc… mais La Pipe et Poteau qui revenaient nous rejoindre l'interpelèrent et il rejoignit le gros de la troupe avec des coups de pied au cul. Il était évident que la reddition ne fut pas facile vous pensez, se rendre "aux partisans, aux terroristes "!!! il est vrai, qu'eux, dans le cas inverse, ne laissaient pas de chance de survie aux maquisards! Les gars du Corps-Franc sont arrivés en courant et tous excités, se sont jetés sur les prisonniers, les ont fouillé et récupéré les armes individuelles (je me rappelle bien, il y avait un dénommé Bouboule, un vrai excité, qui dansait au milieu des prisonniers et qui avait récupéré un Parabellum long). Les prisonniers se demandaient bien à quelle sauce ils allaient être mangés! Francis avec son F, en compagnie de son chargeur se portèrent aussitôt en avant jusqu'au tournant et prirent position au bord de la route afin de prévenir un retour éventuel de l'ennemi et cela jusqu'à l'évacuation des prisonniers et des blessés Pour ma part, je me rendis chez le soldat que Petit Pois avait mortellement blessé derrière l'arbre: il était allongé sur le dos et en me voyant approcher, leva les bras au-dessus de la tête et me cria "Ich bin Osterreich" (Je suis Autrichien) - il avait un regard terrorisé et suppliant. J'ai compris qu'il était persuadé que j'allais l'achever à coups de crosse comme ils avaient, eux, l'habitude d'opérer avec les partisans blessés. Je lui ai répliqué dans sa langue "N'aie pas peur, baisse les bras, tu aurais mieux fait de rester tranquille au lieu de nous tirer dessus!". Il devint de plus en plus pâle et quelques instants plus tard, il mourut, vidé de son sang. Je revins donc sur mes pas et montai dans l'ambulance: il y avait là un "Oberst", un Colonel blessé, un grand gaillard arrogant assis sur une civière qui parlait parfaitement le français et son entrée en matière fut: "Il faut respecter les Conventions de Genève!". "Comment?". "Il faut respecter les Conventions de Genève", répéta-t-il d'un air nettement supérieur à la normale (avec une voix de commandement). Il me dit cela à moi, moi qui ne lui avais rien demandé!!! là, j'ai explosé, ce qui est plutôt contraire à mon calme légendaire et je l'ai prouvé maintes fois, principalement ce jour-là: "Salaud, espèce d'hypocrite" répliquai je - dire qu'il y a 26 jours à Chaméane, vos frères d'armes, ces sales nazis ont lâchement assassiné, achevé à coups de crosses, notre camarade Raphäel, blessé au combat qui était tombé entre vos mains…". Lui, têtu, continua à parler de Conventions de Genève mais mal lui en prit! Sur ces entrefaits, mes camarades Canard et Dédé nous avaient rejoint et Canard exaspéré, l'attrapa par le col de sa chemise, le souleva et cria: "Tu vas la fermer ta gueule!". Il lui emprunta son poignard hitlérien qu'il portait à sa ceinture et avant que je puisse faire un geste, il lui enfonça d'un coup sec le poignard dans le dos: l'"Oberst" s'aplatit sur sa couchette, les Conventions de Genève se transformèrent en un dernier râle et il expira. Pendant ce temps tout mon groupe était revenu et nous étions au complet, Poteau récupéra la mitrailleuse M.G. et les munitions. La garde-barrière, elle aussi avait fait surface, la pauvre, elle était plus morte que vivante! Je ne l'ai plus jamais revue et c'est bien dommage car elle aurait bien mérité de la patrie. Sur place, c'était un peu la foire les gars du Corps-Franc fouillaient les véhicules et les affaires des prisonniers. J'ai fait récupérer le mort derrière l'arbre et fait mettre les blessés dans les véhicules (ils étaient 4) deux dans la voiture de tête, un dans le second véhicule et un autre qui s'était traîné dans les buissons à flanc de coteau. Un des prisonniers m'interpela et m'expliqua en allemand, bien sûr, qu'il avait un pistolet dans son paquetage - Je lui ai dit "Fais voir" et il me sortit un Beretta 9 mm cours qu'il avait dû récupéré en Italie ou sur un Italien: c'est la seule arme que j'ai conservé. Le bilan de cet exploit, car même en restant modeste, ce fut un exploit d'une grande témérité car vu le nombre, quatre gars seuls devant un convoi, il fallait le faire!! Avec 2 morts dont un Colonel, 4 blessés et 8 prisonniers avec leurs armements et 2 véhicules et tout cela en moins d'une demi-heure et sans aucune perte de notre côté voilà un travail bien fait et vite fait. J'ai alors ramené le calme et j'ai prévenu tout le monde qu'il fallait se "grouiller", que les Boches n'allaient pas tarder à revenir que la chanson ne serait pas la même car ils arriveraient en force surtout qu'ils avaient un Colonel à récupérer! Nous avons donc, la 15, le Corps-Franc et les prisonniers mis la main à la patte pour sortir les véhicule et cela par le fossé et la voie de chemin de fer - Il y a des chances que sans l'aide des prisonniers, nous aurions certainement dû renoncé à les récupérer. Enfin quand tout ce petit monde fut prêt sur la route, j'ai alors décidé de rester sur place à la tête de mon groupe revenu au complet. Notre mission n'était en effet, pas terminée, je m'étais rappelé les consignes du Capitaine Adam:" Issoire est libéré et doit le rester, je compte sur vous, Bidule". Le Corps-Franc n'était pas en mesure d'engager le combat à venir car il ne pouvait faire face à seulement un F qui tirait au coup par coup…!! Imaginez-vous, qu'il se soit trouvé à notre place 3 mitrailleuses M.G. 42 en face d'eux? Il y aurait certainement eu des noms à rajouter au Monument aux Morts de la ville… J'ai alors dit aux gars du Corps-Franc de ramener les prisonniers et le matériel sauf bien évidemment la M.G. 42, et de revenir nous donner un coup de main, car nous allions en avoir probablement besoin! Les voilà donc partis… A compter de cet instant, les héros changèrent de camp: Bidule, Francis, Petit Pois et Le Mousse, connaît pas! Quels sont ces obscurs? Les gars du Corps-Franc avaient en effet accompli cette tâche d'une façon exemplaire, bien même au-dessus de mes prévisions - pensez donc, une opération plutôt facile et surtout agréable et pour eux ce fut "la marche triomphale" car chemin faisant, petit à petit, le Corps-Franc venait de prendre "Tout ce qui venait d'arriver a leur compte" et avec l'entrée triomphale dans la ville, il n'y eut plus de doute possible: c'était eux seuls les héros de cet exploit. La confirmation d'ailleurs ne se fit pas attendre ils furent gratifiés de: "héros, de discours élogieux et une distribution de Croix de Guerre s'en est suivie "!! Manifestement, je pense que ce sont les circonstances qui font les héros et je suis persuadé que 43 ans après il n'y a rien de changé et que cette légende est toujours restée dans les moeurs! Pensez donc, avec 4 coups de fusils et une rafale de mitraillette, stopper 4 véhicules équipés de 3 mitrailleuses, tuer un Colonel plus un soldat, blesser 4 autres soldats et faire 8 prisonniers et de plus récupérer 2 véhicules allemands… C'est vrai, il faut le faire! .c.LA CONTRE-ATTAQUE ENNEMIE .c." LA DERNIERE " Les dernières émotions passées et mis en confiance par ce franc succès que nous venions de remporter, nous nous sentions tous sereins en attendant le 2ème choc il faut savoir que pour nous c'était la deuxième victoire sur l'ennemi car nous avions déjà participé victorieusement à la bataille du 2 Juin au sein de la 2ème Compagnie au Mont Mouchet. Nous nous sommes tant soit peu restaurés avec quelques pommes pas très mûres - Francis avec ses aides ont refait le plein des chargeurs du Bren. Nous étions donc fin prêts pour le second choc, mon équipe était au complet: Bidule, Francis, Petit Pois, Le Mousse, Dédé, Canard, La Pipe, Marthoune, Surcouf, Stanis, l'Aristote, Castor, Vidoc, je m'excuse si j'en ai oublié un ou deux mais ce n'était pas hier, je crois qu'il y avait aussi Fil de Fer. Pendant ce temps, les Allemands préparaient la contre-offensive. Le Capitaine Adam nous avait aussi rejoints. Heureusement que les "Boches" ignoraient l'effectif d'en face car nous aurions passé un mauvais quart d'heure et je me demande bien ce que cette journée nous aurait réservé! Nous nous sommes donc installés à flanc de coteau à la hauteur du premier engagement: il y avait là un cabanon en dur que l'on trouvait alors dans les vignes de cette région d'Auvergne et devant celui-ci se trouvait une belle petite terrasse entourée d'une murette où il faisait très chaud - nous étions tant soit peu à l'ombre. Poteau avec son M.G. 42 de récupération et le 2ème Groupe plus un F ont pris position au sommet de la colline face à la petite plaine qui se trouve en-dessous du Broc. Les Allemands tout en se regroupant pour foncer sur Issoire étaient harcelés dans la plaine de Saint Germain Lembron et l'on entendait tirer même au canon! Ils sont donc arrivés dans un silence quasi-total excepté le ronronnement des moteurs des automitrailleuses les fantassins longeant les deux fossés de la route en colonne par un, une automitrailleuse en tête suivie à vingt mètres de sa soeur et de plusieurs véhicules vides. Les automitrailleuses étaient équipées de mitrailleuses lourdes de 13 mm/mm, les fantassins de la M.G. 42 et d'un mortier: ce fut un moment de grand silence… Il y eut alors quelques ordres brefs et arrivés devant l'érable en travers de la route, les Allemands se mirent au boulot, tirant des câbles et les accrochant à l'automitrailleuse de tête. C'est alors que nous avons ouvert le feu à une distance d'environ 60 à 70 mètres. Francis lâcha quelques rafales bien ajustées et nous autres, quelques coups de fusils et mitraillettes. La riposte fut rapide et sèche: M.G. mitrailleuse lourde et coups de mortier. Sans "bobos", nous avons rapidement changé de position tandis que des obus de mortier continuaient à pleuvoir autour du cabanon. Ils ont alors fait sauter le tronc d'arbre à l'explosif. Au lieu de nous replier sur Issoire, nous nous sommes dirigés vers l'arrière de l'ennemi et Dédé et moi-même avons tiré à balles perforantes sur la seconde automitrailleuse qui nous montrait le flanc gauche à 60 mètres - je ne sais pas si cela fut efficace mais en tout cas, la réplique de la 13 mm/mm faillit faire mal, les impacts sont venus piocher la terre juste en-dessous de nous… Nous harcelions donc la colonne dans sa lente progression et recevions régulièrement des giclettes d'armes automatiques et de mortier, heureusement que nous nous déplacions constamment… Nous avons donc combattu en nous repliant le long de la crête de la petite colline qui longe la route et tout en restant parallèles aux troupes les plus avancées et même parfois légèrement en retrait ce qui les gênait terriblement surtout qu'ils entendaient tirer bien plus en arrière l'équipe Poteau… Le mortier qui nous envoyait régulièrement un obus après chaque rafale de F nous a toujours loupé car nous nous déplacions immédiatement mais une fois, un obus a éclaté à quelques mètres au-dessus de ma tête et la déflagration m'a projeté à terre sans "bobos" mais un peu sonné tout de même…!! Pendant ce temps, Poteau et son équipe, le Capitaine Adam, en tête (je signale que c'est le seul Officier qui a participé sur le terrain aux combats rapprochés au sud d'Issoire), avait accroché les fantassins allemands qui progressaient dans la colline, face à la plaine en-dessous du Broc. Ils ont fait bien des dégâts dans le rang des attaquants car une surprise totale a joué chez les assaillants!! Quand Poteau a ouvert le feu avec la M.G. 42, les Allemands n'ont d'abord pas bronché malgré un tir très précis et puis, ils ont gueulé croyant à une méprise de leur côté… Pendant ce temps, Poteau continuait à les arroser copieusement et ce n'est que lorsque l'un des leurs s'est trouvé hors de combat, qu'ils ont compris que nous avions fait main basse sur une de leurs mitrailleuses. Le Groupe Poteau tenait bon et nous de même, ainsi les Allemands ne progressaient que très lentement, ces combats rapprochés ne semblaient pas du tout leur convenir! Les Allemands, curieusement avaient installé un canon de 88 au tournant, en face de la ferme où Dédé et Canard avaient été se ravitailler le matin. Et de cet endroit, il leur était impossible de nous atteindre, nous qui évoluions sur le flanc Est de la colline, ainsi que le Groupe Poteau qui défendait la crête Sud, ne pouvait non plus être atteint. Par contre, pour se venger, je pense, ils ne se sont pas privés de pointer en tir tendu, une formation (ou le Corps-Franc ou bien des F.T.P.) qui évoluaient vers la grande ferme à une distance d'un kilomètre environ au milieu de la plaine d'Issoire. Je vois encore un obus traverser une meule de paille ou de blé, prendre feu… Pour nous, l'arme la plus redoutable, furent les mitrailleuses de 13 mm qui nous arrosaient régulièrement et cela fait une drôle d'impression là encore, la chance était de notre côté, bien que ces tirs furent bien ajustés par contre ils tiraient toujours légèrement trop courts, les balles venant piocher à quelques mètres devant nous!! Ces tireurs allemands ne semblaient pas être entraînés au tir en terrain accidenté, heureusement pour nous!!! Je me souviens qu'à un moment donné, une rafale de mitrailleuse est venue piocher la terre à moins de 50 centimètres d'une de nos musette pleine de grenades, et là nous avons eu chaud. Nous avons donc combattu toute la fin de l'après-midi et jusqu'à la tombée de la nuit tout en nous repliant vers Issoire. Il y avait également d'autres maquisards qui tiraient sur les Allemands du terrain d'exercices au sud de la caserne mais en combat rapproché, il n'y a eu que les gars de la 15ème… Nous sommes arrivés vers le terrain d'exercices au moment du coucher du soleil, Petit Pois y avait récupéré une musette pleine de tabac (précieux à l'époque!) que nos prédécesseurs avaient abandonné. Ensuite, nous nous sommes repliés en direction de Perrier. Les paquets de tabac Scaferlati avaient souffert, car une balle avait traversée la musette. Il faisait déjà bien sombre lorsque nous nous sommes accrochés une dernière fois avec une patrouille allemande: c'était dans la traversée d'un champ de blé fraîchement moissonné - nous nous sommes couchés derrière les gerbes de blé qui se tenaient debout par paquets de 4 ou 5 cela ne faisait qu'une protection morale et il n'y avait que l'Aristote qui s'était étalé en plein découvert dans le champ mais finalement, il n'y eut pas de bobos… Nous sommes arrivés dans une ferme, il faisait nuit noire et bien qu'harassés, nous étions contents. Nous avons rencontré le Groupe Poteau et avons passé la nuit dans la grange et je vous prie de croire que nous n'avions pas eu besoin d'être bercés! Mission accomplie à 100 % pour cette journée très "chaude" à tout point de vue. Aucune victime de notre côté, pas même une égratignure! Notre objectif avait été atteint l'accès à la ville d'Issoire leur était "interdit". La colonne allemande a due contourner la ville en passant par le pont Pakonski. Le lendemain, en fin de matinée, nous avons repris le chemin pour Issoire. Nous n'étions pas rasés mais radieux le fardeau de 4 années d'oppression s'était envolé. Nous étions plus légers, il y avait en nous, une espèce de sérénité retrouvée, il nous semblait même que l'air qu'on respirait, avait changé! Une page était tournée après plus de 4 années d'angoisse, de tourments et de souffrances. De se sentir soudain libre avec un grand L et en plus, avoir la satisfaction d'y avoir contribué, c'était sublime! Rien n'était plus comme la veille… Et c'est dans cet esprit que nous avons rejoint Issoire. Nous étions heureux et nous aurions été comblés si quelqu'un nous avait simplement dit "Vous avez fait du bon travail, les petits gars "ou pourquoi pas" Maquisards, je suis content de vous!". Je n'avais jamais pris de notes sur cette bataille mais j'ai été très marqué par les événements. Plus particulièrement par les engagements en combats rapprochés qui ont été d'une telle intensité que j'en suis resté marqué pour la vie et qu'il m'est impossible de les oublier! Je crois sincèrement m'être exprimé fidèlement dans mes souvenirs plus de 43 ans après. J'ai certainement oublié quelques noms de camarades ou plutôt leurs pseudonymes (de la 15ème plus particulièrement) et je m'en excuse auprès d'eux! Par contre, je pense qu'ils se rappellent de Bidule…

A ECHIROLLES, LE 1er JUIN 1988

Environ quinze jours après la Libération, je suis allé à l'hôpital rendre visite à mon camarade "Busi" atteint de ce que l'on appelait alors une "maladie honteuse". Il me dit: "Dis donc, Bidule, il y a les prisonniers allemands blessés qui ont manifesté le désir de te rencontrer". Je me suis donc rendu dans la salle où ils étaient soignés et je les ai trouvés en bonne voie de guérison - ils avaient tous des blessures aux membres inférieurs… Voilà qu'après m'avoir gratifié de beaucoup de "Güten Tag Chef" (Bonjour Chef)… Ils me dirent "Sie sind ein Güter Chef" (Vous êtes un bon Chef) - Nous tenons à vous remercier infiniment car vous êtes un homme de parole… et de continuer! Nous n'avions pas cru que vous tiendriez parole quand vous nous avez sommé de nous rendre et que vous avez dit que vous ne nous ferez aucun mal! Vous comprenez fort bien que, eux qui avaient appliqué les consignes d'achever tous les blessés partisans terroristes, avaient bien du mal à réaliser qu'en se trouvant dans la situation inverse, ils ont eu la vie sauve! Je suis resté malgré moi, sensible à cet hommage des "Vaincus aux Vainqueurs". Par contre, les prisonniers valides, je ne les ai jamais contactés: ils ont été noyés dans la fournée des 80 autres prisonniers qui sont arrivés d'Ambert et tout ce monde a été installé dans un baraquement qui se trouvait dans la cour de la caserne. A cette époque, un guerrier désarmé et captif n'était plus qu'une chose encombrante et sans intérêt pour moi!

.c.LA TOILETTE DU PRISONNIER

Comme Chef de Groupe, j'étais désigné, à tour de rôle, à la sécurité de cette centaine de captifs. En fait, plus exactement comme surveillant ou garde-chiourme! enfin, il fallait bien s'exécuter et ce n'était pas sans répugnance… Ce baraquement avait à chaque extrémité, une petite pièce d'un côté se trouvait le responsable allemand, qui lui, parlait le français et qui était le porte-parole des autres prisonniers et de l'autre côté était installé un Lieutenant - c'était, je crois, le seul Officier captif - il était donc tout seul et à l'aise vis-à-vis des autres qui faisaient chambre commune, (décidément, on ne mélange pas les torchons avec les serviettes!) même chez les prisonniers. Celui-ci, peu à peu reprit de l'assurance, il devait encore rêver au grand "Reich" et ne tarda pas à manifester sa supériorité et du coup, devint même désagréable. Un soir, mon ami Canard vint me trouver et me tin ce langage "Bidule, il y a le chiant, tu sais le Lieutenant, ce grand con, il me demande d'un air arrogant une bassine avec de l'eau pour prendre un bain de pieds!" (cela devait certainement faire partie des Conventions de Genève…). Surpris, je me suis trouvé un peu pris de cours mais il ajouta aussitôt - "J'ai une idée laisse-moi faire!". Et le voilà parti lui chercher une cuvette pleine d'eau, avec le sourire aux lèvres. Je me demandai bien ce qu'il mijotait dans sa tête!!! Le bel Officier avait du savon, il se mit donc à l'aise, enleva ses belles bottes et visiblement satisfait d'être si bien servi, se lava donc les pieds. Mon Canard le surveillait de très près et quand il eut terminé sa toilette, il s'adressa à lui sur un ton sans équivoque: "Maintenant que tu nous a assez emmerdés, tu vas boire l'eau de la bassine!". Si vous aviez vu ce fier Officier du Reich! Il voulut bien sûr monter sur ses grands chevaux mais c'était mal connaître Canard… en fait, il venait de trouver son maître. Mon Canard le prit par le "colbac" et lui plongea la tête dans la bassine et ne le lâcha pas avant qu'il ait bu plusieurs gorgées de cette eau savonneuse du bain de pieds. Il a bien failli étouffer mais il a tout de même bu! Nous n'étions bien sûr pas les seuls à assister au spectacle car les prisonniers qui eux aussi se trouvaient dans la grande salle avaient été témoins oculaires. Curieusement, ils manifestèrent plutôt une certaine satisfaction, je dirai même de l'approbation. Alors Canard vida le reste de la cuvette et lui dit "Pour la peine, tu vas me faire cadeau de ta belle paire de bottes et de ton imperméable d'Officier nazi". A partir de ce moment-là, ce prisonnier "supérieur" marcha "tout doux"! Ceci s'était bien sûr éventé et nous fûmes tous deux convoqués par le Commandant d'Armes ainsi que le responsable allemand. Nous n'étions, bien sûr, pas au courant de cette histoire! Interrogé, le responsable allemand, lui aussi resta de bois, un coup d'oeil avant l'entretien avait suffi pour lui dicter la ligne de conduite à tenir, et tout naturellement l'incident fut clos.

.c.LA BIOGRAPHIE DE CAMILLE ANSEL

.c.PSEUDONIME "CANARD"

Né en 1924 à Biederthal dans le Haut-Rhin, un petit village accolé a la frontière Suisse au sud des villes de Saint-Louis et de Bale. Il est le second d'une famille de 10 enfants; ses parents sont de paisibles cultivateurs. En 1939, à la déclaration de la guerre, il avait 15 ans. Dès le début septembre, les habitants de son village classé Zone 1 furent évacués dans le département des Landes, emportant en tout et pour tout 50 Kgs de bagages pour les grandes personnes et 25 Kgs pour chaque enfant, laissant le reste, ainsi que le cheptel sur place. Après le désastre de 1940, la famille Ansel reprit le chemin du retour et dès leur arrivée se rendirent vite compte de la triste réalitée. Les 3 Départements de l'Est, le Haut-Rhin, le Bas-Rhin et la Moselle étaient déja annexés de fait au "Grand Reich". Déçue, cette courageuse famille se remit néanmoins au travail. Il y avait des bouches à nourrir. Camille fut apprenti boulanger-patissier, pendant les 2 premieres années; ce ne fut pas trop dur, malgré la liberté d'expression perdue et puis la liberté tout court, il fallait faire avec, de gré ou de force et le régime faciste y veillait, en plus, rien de bien encourageant ne se dessinait à l'horizon. En l942 sa soeur aînée Hélène qui venait de fêter ses 19 ans, fut appelée par les autorités allemandes à accomplir le R.A.D. (Reich Arbeits Dienst), l'équivalent du travail obligatoire en Allemagne. Pour se soustraite à cette obligation, elle s'évada en Suisse et regoignit la zone encore non occupée à ce moment-là. Elle rejoignit son cousin Ansel Marcel qui était gardien de prison à la Centrale de Riom (Puy de Dome) et de là, trouva du travail à la ferme Terlon, agriculteur à Nonette à 10 Kms au sud d'Issoire, là ou, moi-mëme, j'étaits employé comme ouvrier agricole. Quelques mois plus tard, Camille qui approchait de 19 ans s'évada également en Suisse et par le même chemin, vint rejoindre sa soeur, et ceci également pour se soustraire au R.A.D., suivi par l'incorporation dans l'armée allemande. Les autorites allemandes en représaille déportèrent en Autriche toute la famille Ansel restant au village - le père, la mère et les 8 enfants, dont le plus jeune n'avait que 4 ans - où les parents et les enfants furent séparés les uns des autres. C'est dans cette situation et on peut se figurer dans quel état d'esprit, que Camille "Canard", agé de 19 ans, monta au maquis du Mont Mouchet, le 13 Mai 1944 en ma compagnie. Les Allemands qui tombèrent entre ses mains ne pesèrent pas lourd. Le Colonel du convoi au sud d'Issoire en fit les frais. Je pense que celà méritait d'être écrit pour mieux situer notre état d'esprit à cette époque. Camille ou "Canard" se maria fin 1944 avec une fille d'Issoire et ils eurent 4 filles.

.c.WINNINGER GEORGES ANDRE

.c.PSEUDONIME "BIDULE"

.c.Mon autobiographie

Je suis né le 25 Avril 1922 à Michelbach, un petit village blotti dans les contreforts du versant alsacien des Vosges, dans le sud de l'Alsace, à 7 Kms de la charmante petite ville de Thann. Je suis le 4ème de 6 enfants, d'une famille de cultivateurs. Louis, mon frère ainé est né en 1912 et ma soeur Germaine en 1914. Mon père a participé à la guerre de 1914/1918; il fut gazé et blessé. Mon frère Paul est né en 1920, Joseph en 1925 et Berthe la cadette en 1928. Mon père est décédé en 1932, à la suite de ses blessures de guerre à l'age de 52 ans. J'ai suivi les études primaires à l'école communale à classe unique et mixte jusqu'au certificat d'études. Ensuite, j'ai travaillé à la ferme familiale. Nous faisions de la culture polyvalente et de l'élevage. En 1939, à la déclaration de la guerre, mon frère Louis fut mobilisé et j'ai dû assurer le bon fonctionement des travaux. Dans le village était cantonnée la troupe; nous nous trouvions à environ 5 Kms à l'Ouest de Rhin et j'ai assisté pour de vrai à ce que l'on a appelé la "drôle de guerre". Nous avions souvent des "alertes", mais sans gravité. Cependant les civils avaient été dotés de masques à gaz et il fallait trimballer la fameuse boite cylindrique. Le 10 Mai 1940, les Allemands ont déclenché la grande offensive, la vie devint plus difficile, mais néanmoins le travail devait se faire. Il y eu dans la région de braves paysans qui se sont fait mitrailler par des avions de chasse ennemis. Début Juin, le climat se détériora rapidement; beaucoup d'unités de l'armée comencèrent à effectuer un "repli stratégique". La situation devint critique et le 11 Juin au soir se présenta un capitaine d'infanterie avec un ordre de réquisition; il me réquisitionna avec mon attelage de boeufs et un chariot à plateau, pour transporter la roulante, les paquetages et le munitons de ses soldats fatigués qui se repliaient devant l'avance ennemie. Nous avons marché de nuit en direction du Territoire de Belfort et sommes arrivés au lever du jour à Rougement le Château, soit 18 Kms par une route assez accidentée. J'ai laissé reposer mes bêtes et puis nous avons repris le chemin du bercail, en plein jour, alors que les avions de chasse allemands sillonnaient le ciel. Nous étions les seuls à remonter vers le front! Le 13 Juin, un ordre du jour émanant de la Préfecture fut affiché à la Mairie, demandant à tous les jeunes gens agés de 18 à 20 ans d'évacuer devant l'avance des armées allemandes. Dans notre petit village, nous n'étions que 5 garçons remplissant ces conditions. Nous avons donc tous les 5 enfourché nos bicyclettes en portant sur le porte bagages la boite avec le masque à gaz et nous avons pris la direction de Belfort, Besançon, en se faufilant entre un monde inextricable de véhicules civils et militaires, allant du camion, voiture automobile, voiture et charrette tirés par des chevaux ou encore par des boeufs et jusqu'à la voiture à bras, le tout chargé jusqu'à la gueule d'objets invraisemblables. C'était l'exode transformée en débacle. Sur tout cela planait la peur, car de temps à autre, quelques avions ennemis faisaient leur apparition et se livraient, avec un malin plaisir, à mitrailler cette foule terrorisée. Nous sommes cependant arrivés jusqu'à Lyon; ensuite nous nous sommes dirigés en direction de Saint Etienne et avons finalement atterri au Puy en Velay. Le 23 Juin fut signée "l'Armistice de la Honte". Nous étions démoralisés, nous mangions à la soupe populaire; alors vers le 10 Juillet, nous avons décidé de retourner en Alsace où nous attendaient nos parents et notre travail. Nous avons fait la triste expérience de l'annexion des 3 départements d'Alsace - Lorraine au "Grand Reich". La vie devint très difficile avec la perte de la liberté d'expression et puis la liberté tout court. En Févirer 1941, la gendarmerie allemande est venue perquisitionner à la maison, sur dénonciation. Ils cherchaient des armes mais n'ayant rient trouvé, furieux, ils emportèrent les clés de la maison afin de pouvoir revenir inopinément (Nous avions été prévenus juste à temps de cette intervention) Les temps devinrent de plus en plus durs. En Août, la classe 42 dont je faisais parti fut invitée à passer le conseil de révision en vue de l'incorporation dans la "Reichs Arbeitzdienst", l'équivalent du travail obligatoire, mais en plus des exercices de formation militaire et après un an de ce manège, c'était l'incorporation dans l'armée allemande. Il fallait alors à tout prix éviter ce piège. Aussi le Dimanche 11 Septembre 1941, en compagnie de mes camarades Better Albain et Schruofeneger Théodore, nous nous sommes dirigés vers la frontière Suisse et nous avons réussi en plein après midi à traverser la frontière dans un bois entre Courtavon et Bonfol en déjouant la surveillance pourtant sévère des douaniers et des gardes frontières allemands, secondés de bergers allemands. Cet exploit accompli, les autorités suisses nous ont remis aux autorités françaises à Annemasse en Haute Savoie alors en zone libre. Arrivés en zone libre, notre intention première fut d'essayer de rejoindre l'Afrique du Nord; Nous voilà donc partis dans la foulée, direction les Hautes Pyrénées: nous avons atterri au sud de Tarbes dans le petit hameau de Hêche à proximité de Arreau. Là nous avons travaillé quelques temps dans la forêt de hêtres où nous faisions du charbon de bois! c'était déjà l'époque du gazogène. Malheureusement, le contact avec les gens du pays ne fut pas bien chaud. Une certaine méfiance envers des gars qui parlaient avec un fort accent alsacien; cela fut d'ailleurs réciproque, car eux, en notre présence, parlaient en patois à consonnance espagnole ou catalan et nous ne comprenions rien. Alors, comme l'automne avançait à grands pas, nous abandonnâmes ce projet de passer en Espagne pour rejoindre l'A.F.N. Mon frère Paul qui se trouvait à l'Université de Strasbourg, repliée à Clermont-Ferrand, nous conseilla de rejoindre la région du Centre où le travail ne manquait pas; nous options donc pour cette solution. Nous nous sommes retrouvés en Auvergne dans la plaine de la Limagne, où nous avons travaillé dans les fermes. Je suis donc devenu "réfractaire à l'annexion de fait" du 21/09/41 et à partir de cette date "insoumis à l'armée allemande". En 1942 j'ai été appelé dans les Chantiers de Jeunesse au camp 21 à Renaison dans la Loire. Puis sentant venir le danger de l'invasion de la zone libre, je me suis engagé dans l'armée d'armistice, au 8ème régiment des Dragons à Issoire. Juste le temps de me retourner et un matin de Novembre 1942 l'armée allemande avait investi la caserne. Les autorités militaires m'ont alors fourni un faux livret militaire, ceci à tous les Alsaciens - Lorrains, afin de ne pas être arrêtés. Déçu j'ai repris le travail à la campagne. Le 27 Juillet 1943, je fus convoqué à la Mairie d'Ambert afin de passer la visite d'aptitude pour le service du travail obligatoire. Je refusais bien sur d'obtempérer et je fus pour la seconde fois réfractaire au S.T.O. Alors le 13 Mai 1944, J'ai pris le chemin du maquis, direction le Mont Mouchet là j'ai participé aux combats de 2, 10 et 11 Juin, également aux combats de la Truyère les 20 et 21 Juin, le 6 Juillet, au Plomb du Cantal, le 30 Juillet à Chaméane (Puy de Dôme) et le 25 Août à la libération de la ville d'Issoire. J'étais alors chef de groupe. J'ai été cité à l'ordre de la brigade. J'ai ensuite terminé la guerre au 13ème bataillon du Génie. Fin 1945, j'ai été affecté dans une unité de Génie-Légion, au sein de laquelle j'ai fait campagne en Indochine, en Cochinchine et au sud Amam jusqu'en Avril 1948; j'ai été nommé adjudant et étais à nouveau cité à l'ordre de la brigade. Lors de ma carrière militaire, j'ai servi à l'Ecole d'Application du Génie à Angers, ensuite au 34ème Bataillon du Génie en Tunisie. Promu Adjudant Chef en 1953, j'ai effectué un 2ème séjour en Indochine dans la 2ème division de marche du Tonkin, où je me trouvais au moment de Dien Bien Phu et à la fin des hostilités en Juillet 1954. Ensuite, retour en Tunisie jusqu'en 1959, puis 5 ans aux Forces Françaises en Allemagne au 23ème Génie à Rastadt et pour terminer en Tourraine à l'E.M.G. de Nouâtre-Maillet. J'ai demandé ma mise à la retraite en 1966 après 24 années de bons et loyaux services, avec 20 années de campagne simple. Je me suis reconverti dans la vie civile où j'ai oeuvré pendant 15 années en tant que chef de travaux au Syndicat Itercommunal des eaux de la Région Grenobloise qui dessert en eau potable 25 communes, pour une population de 200.000 habitants. J'oubliai! Je suis marié et nous avons deux filles qui nous ont donné 5 petits enfants.

.c.AU SUJET DES PROBLEMES DE NOTRE RAVITAILLEMENT

Quand nous étions en unité constituée, le soucis de l'intendance figurait en bonne place; ce n'était pas une mince affaire que de faire manger des hors la loi, démunis de la carte d'alimentation réglementaire. Cependant, le regime en vigueur, paradoxalement, nous fut, favorable, au moins pour les besoins en viande fraîche. Le Gouvernement de Pétain avait instauré depuis longtemps un plan de réquisition sur tout le territoire français, qui devait favoriser le ravitaillement de la population française! La ration réglementaire était de 200 grammes de viande par semaine, par personne, juste de quoi éviter de ne pas attraper de la cellulite! En fait, seuls les parlementaires du gouvernement de Vichy et tous leurs accolites en profitaient largement, y compris les miliciens, bien sûr. Et quasiment la totalité servait à nourrir très grassement nos occupants, qui, il faut le souligner, apprécièrent, abusèrent largement de nos bons produits. En fait, le système de réquisition fonctionnait, à peu près de la façon suivante: en zone rurale, le Maire était tenu responsable de faire fournir un quota de boeufs, vaches, veaux, porcs et, moutons, ceci au prorata de la quantité de bêtes que possédaient les paysans. Une commission spéciale, désignée par la Préfecture, était chargée de l'exécution de ce plan de ramassage. Le Maire prévenait l'éleveur du jour et de l'heure fixés du passage de cette comission composée de 2 à 4 individus. Celui-ci était tenu de présenter la bête sur la place du village. Là, les agents du comité de ravitaillement national faisaient peser la marchandise, prenaient la bête en charge et délivraient un ordre de réquisition au fournisseur. Muni de cet ordre de réquisition, l'éleveur se présentait à la perception et le percepteur lui réglait son dû. Connaissant 1e procédé, ce fut facile pour nous de nous ravitailler en viande. Il y avait toujours des fuites, et quand nous étions fixés sur la date et l'heure d'exécution de l'ordre de réquisition, nous allions nous cacher à proximité du point de livraison. Quand toutes les opérations administratives furent terminées, surtout dès que le fournisseur eut empoché son ordre de réquisition, tamponné et signé, nous nous manifestion, les armes à la main. Les agents officiel, tous doux, ne s'opposaient nullement à ce que la bête change à nouveau de propriétaire. L'éleveur-livreur s'éclipsait avec son bon avec lequel il récupérait son argent et nous autres, avions notre ravitaillement assuré pour quelques jours. Bien sûr, souvent le lendemain, la presse relatait chaudement que les "Terroristes, ces brigants, ces bandits" venaient de priver la déjà malheureuse population du ravitaillement qui lui était destiné! Un éclaircissement: Je relate à plusieurs reprises que nous payions les denrées que nous allions chercher dans les fermes. Cette façon de faire fut parfois nécessaire et quelques fois cela nous procurait quelques compléments de nourriture; quelques oeufs ou un bon morceau de fromage en plus de notre soupe qui avait des hauts et des bas, complétaient nos repas souvent très frugals. Il est vrai qu'il y a eu de l'argent qui fut parachuté dans les maquis. Sur, place et à mon échelon, je n'en ai jamais eu connaissance. Nous ne percevions aucune solde. Par contre, le groupe dont je faisais partie était composé au trois quarts de jeunes gens réfugiés du Nord et de l'Est de la France et qui avaient travaillé comme ouvriers agricoles dans diverses fermes de la Limagne. Le salaire en vigueur à cette époque, se montait à 500 F. par mois logé et nourri. Nous avions tous fait des économies, puisque l'on ne pouvait rien acheter, surtout qu'il n'y avait rien à acheter et, quand l'on s'était payé une paire de sabots par an, le tour était joué. Aussi, quand nous avons rejoint le maquis, nous avions chacun aux environs de 2000 F. en poche. Nous ne demandions donc pas mieux que de payer les quelques denrées que nous avions l'occasion de trouver. Avec le recul du temps, il m'arrive de penser que nous étions des maquisards "fortunés". Nous nous faisions surtout un point d'honneur à régler les denrés que nous demandions au gens, car la bonne image des maquisards n'était pas forcément bien perçue par beaucoup de braves gens intoxiqués, qui croyaient encore au "Maréchal nous voilà, le sauveur de la France".

Notes et Documents

Cf le CD