Armand HUET
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025
Résistance
Syndicale Chrétienne à la S.N.C.F.
GUERRE
1939 - 1945
NICE
- Octobre 1986
Analyse du
témoignage
Résistance-Fer
Écriture
: 1944 - 105 pages
POSTFACE de Michel EL BAZE
Préface
Armand Huet a la pudeur de
ses actions dans la Résistance, c'est pourquoi son
témoignage est essentiellement composé de
photocopies de documents authentiques qui montrent
le combat courageux des Syndicats Chrétiens des
Cheminots de France et "incidemment", si on peut
dire, sa propre activité. Mais nous avons tenu à
découvrir la personnalité du Témoin et c'est ainsi
que cet ouvrage débutera, non comme nous le
faisons généralement dans cette collection par
l'expression de la mémoire, mais par la
transcription que nous nous sommes permis de faire
des éléments contenus dans un rapport que Armand
Huet a du produire le 31 Août 1944, c'est-à-dire
alors que les événements qu'il y relate étaient
contemporains de tous ceux qui devaient en
connaître. Armand Huet a fait son devoir au sein
de la S.N.C.F., rien de plus, c'est-à dire qu'il a
fait simplement ce qu'il devait faire au moment où
il devait le faire, mais encore fallait-il qu'il
le fasse, et il l'a fait. Soyons respectueux d'un
tel comportement.
Let us
have some respect for such an action.
Michel
El Baze
La
Mémoire
La
mémoire : seul bagage incessible
Jacques ATTALI
ACTIVITÉ
SUR LE PLAN SYNDICAL À la suite de l'évolution de la C.G.T.
réunie à Toulouse le 20 juillet I940, et qui
préconisait de réaliser l'unité d'action pour la
conservation des Libertés Syndicales, le Mouvement
Syndical Chrétien accueillant favorablement cette
idée, résolu de constituer à l'échelon national et
fédéral le cartel intersyndical pour la défense de
la liberté syndicale. Le travail de regroupement
de nos organisations s'imposait ; les années
40/4I/42/43 furent consacrées à ce travail de
regroupement et à l'étude des textes de la Charte
du Travail. Ce regroupement était nécessaire, en
vue de faire échec à la politique de Vichy en ce
qui concerne : I° La déportation massive des
travailleurs en Allemagne 2° La création en France
des Syndicats Uniques. Pour contrecarrer la
politique de Vichy, nous avons organisé le
planquage des travailleurs dans les grandes
administrations telle que la S.N.C.F., la
délivrance des fausses cartes d'identité, de faux
certificats d'employeurs, la récupération dans les
campagnes des titres d'alimentation pour ces
ouvriers. Après la constitution définitive du
Comité Parisien de la Libération, le 22 octobre
I943, je fus chargé par le Comité National de
Liaison des Organisations Syndicales Chrétiennes,
d'effectuer une tournée dans les villes de Laval,
Rennes, Brest, Auray, Savenay, Nantes, Cholet, La
Rochelle, Saintes, Saint-Jean-d'Angely, Niort,
Thouars, Saumur et Angers. Pour les Départements
du Calvados, Manche, Orne, Eure, Eure- et - Loire,
en vue de rechercher les militants responsables du
Mouvement Ouvrier Chrétien qui pourraient être
accrédités auprès des Comités Départementaux et
Locaux de Libération en formation. Le Débarquement
ne me permit pas d'effectuer ce travail pour
l'Eure et l'Eure - et - Loire et n'ai pu de ce
fait contacter les militants. ACTIVITÉ
SUR LE PLAN SPIRITUEL En I941 parurent en France les premiers
Cahiers du Témoignage Chrétien. Après une
distribution personnelle, je fus chargé d'en
organiser la distribution début I943 dans les
Départements de la Manche, l'Orne et le Calvados,
sous les ordres de Monsieur Maurice Toutaen,
Délégué Régional. ACTIVITÉ
SUR LE PLAN MILITAIRE En I940 et 194I, employé S.N.C.F. gare de
Vire, je fis le plan complet des liaisons
téléphoniques de Vire et sa Région ; j'avais comme
aide Melle Margueritte Lestrade ; je fournissais
également des renseignements sur les placements de
troupes et les unités transportées. En I942 je fis
de même à Argentan ou je fus nommé en avancement
en grade à la S.N.C.F. Adjoint au Chef de Service
de la Gare, je fis dérailler la machine du train
4400 sur voie 4, en donnant l'ordre à l'aiguilleur
de relever le taquet de cette voie, de préparer
l'itinéraire pour un autre train et en faisant des
signaux qui pouvaient être mal interprétés par le
mécanicien. L'enquête administrative ne releva pas
de ma part une faute professionnelle et comme
sanction j'eus un blâme simple et fin I943, je fus
nommé à Caen au cadre mobile ; dans mes
déplacements continuels, je relevais tout ce qui
pouvait intéresser les Alliés, je recherchais des
camarades susceptibles de nous aider et
établissais un réseau de renseignements. En I943,
je fus mis en contact avec Monsieur Yvon alias
Bruneau de son vrai nom Lelièvre qui me dit être
le chef régional, service renseignements, du
Mouvement Cahors Asturie Libération. Je
travaillais sur le "Courrier de Londres Cohs", mon
réseau portait sur les Départements de l'Orne,
Calvados et la Manche. Je fournis des
renseignements notamment sur les positions
d'État-major, Château de Caniay, de Clanville,
Pont-Hébert, sur les travaux de réfection du poste
de la Vires, situé entre Carentan et la
bifurcation d'Isigny et ses travaux de défense ;
sur les emplacements des dépôts de munitions,
d'essence ; sur les batteries à longue portée
stationnées sur la voie de St-Lô à Cuilberville
(gare de Torigne) ; des travaux effectués dans la
Forêt de St-Sever et la Forêt d'Andaine ; je
fournis les plans des chantiers Todt de
Ouistreham, défense côtière à Colleville et la
Brèche d'Hercanville, défense côtière de Cabourg à
Trouville et tous autres renseignements sur les
Kommandanturs, Gestapo, Feldgendarmeries, sur
l'ordre de bataille des armées, sur les
déplacements d'unités etc..., sur tout ce qui
avait trait à cette note pour les réseaux de
renseignements "Courrier de Londres Cohs". A la
suite de l'arrestation de Monsieur Yvon et de mon
incarcération par la Gestapo, je fus désigné par
sa femme pour reprendre en main la direction des
groupes que nous pouvions contacter et de
reprendre également contact avec Paris ; l'adresse
était : Thérèse Denise Bernard I6, rue Pérignon.
Ce contact ne put être repris. Désireux de
continuer mon activité, je cherchais à rencontrer
mon ancien capitaine dont je connaissais
l'activité (M. Dupuis) et un Monsieur Martin dont
mon ami Paul Granville m'avait dit beaucoup de
bien ; les difficultés des communications
m'empêchèrent de réaliser ces contacts. Entre
temps, je fus présenté par un ami commun à M.
Auche qui recueillit mes renseignements et me
présenta à M. Courtois Chef Départemental du
l'O.C.M. Peu de temps avant le débarquement.
J'assurai des liaisons avec M. Monnier de Lisieux
et nous devions acheminer de la camelote sur cette
gare pour 2 marchands. Le 6 Juin je me mis aux
ordres de M. Auge chef de Résistance-Fer ; nous
étions coupés de tout contact avec M. Courtois ;
je pris de nouveau le contact avec l'Officier de
Paix Grandry et le Brigadier Laurent fut chargé
d'assurer la liaison ; le poste clandestin
installé dans l'infirmerie de la gare sous la
protection de l'infirmière et de sa mère, permit
de suivre la marche des événements et d'entendre
les dernières instructions de Londres ; après le
bombardement de l'après-midi, l'écoute fut
impossible. Le 8, je mis ma famille composée de
quatre enfants dont un de 6 mois en sécurité à
Mouans près de Verson, et vins régulièrement à
Caen tous les jours ; lors de déplacements je
continuais à constituer un dossier de
renseignements, qui portait sur les destructions
faites par l'aviation, ponts et routes,
déplacements des troupes, emplacement des
batteries, concentration des chars ennemis,
emplacement des mines. Je fis des tournées
journalières dans la région de Noyers, Avenay,
Fontaine - Étoupefour, Chaux, Verson, Carpiquet et
relevai les renseignements utiles (cette région
était la tête de Pont sur l'Odon). Le 29, je me
mis à la disposition du Commandant de la Cie des
chars anglais et lui communiquai ce que je savais.
Le 1er juillet, je fus emmené à Putot-en-Bessin
près d'un officier d'État-major pour lui donner
les renseignements que j'avais recueillis sur la
région de Caen. Après mon retour à Mouans, le soir
du même jour, deux motocyclistes vinrent me
chercher ; je leur expliquai que j'étais de la
Résistance et que je pouvais être utile ; l'un
d'eux resta à garder ma famille dans la carrière
et je suivis l'autre à Sequeville ; là, premier
interrogatoire ; le lendemain, je fus emmené à
Saint-Croix-Grande-Tonne, où sur des cartes de la
Manche du Calvados et de l'Orne, je donnai tous
les renseignements que je possédais ; je signalai
entre autres choses, les emplacements des Hôpitaux
du Bon-Sauveur, les carrières de Fleury, le Lycée
où était réfugiée la population de Caen. Le 3e
jour, je fus emmené à Creully pour subir un nouvel
interrogatoire sur la Résistance ; celui-ci se
montra favorable à mon égard et j'appris avec
plaisir que M. Bergeau était capitaine à Bayeux ;
je rejoignis ma famille à Nonant où les Anglais
avaient évacué par ambulance. Le 4e jour,
j'écrivis à M. le sous-préfet de Bayeux, en lui
faisant connaître que j'étais accrédité par les
Organisations Syndicales Chrétiennes pour
représenter le mouvement près du Comité
Départemental de Libération. Le sous-préfet me mit
en contact avec M. Gille, Président du Comité de
Libération du Calvados et, à la demande de
celui-ci, je réintégrai Caen le I5 juillet 1944.
Depuis, je siège au comité et remplis mon mandat
avec tout le dévouement dont je suis capable. ACTIVITÉ
SUR LE PLAN S.N.C.F. De par mes contacts directs avec Paris
sur le plan Syndical, j'avais été mis en liaison
avec M. Cartier, Adjoint au Chef de la Résistance
S.N.C.F. ; il me demanda d'organiser la résistance
sur le terrain chemin de fer et de rechercher les
cheminots susceptibles de suivre et de réaliser le
plan prévu. Ce plan consistait à enlever des
magasins généraux certaines pièces essentielles,
soit des machines, soit des réservoirs d'eau, pour
éviter le réapprovisionnement des réserves des
ateliers ; de saboter les tuyères d'injecteur et
les clapets d'admission des locos et de détruire
les Y des réservoirs d'eau ; de rechercher
également le personnel de l'exploitation pour
contrecarrer la marche normale des trains ou
éviter certaines destructions. Je fus chargé dans
ma tournée en I943, de trouver les cheminots
capables de ce travail délicat. Pour
l'Arrondissement de Caen, je fus chargé de
centraliser les noms des cheminots collaborateurs
et les transmettais à M. Leblond, secrétaire de
Police.
CAEN;, le 3I août
I944
Documents
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écrite
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